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21/06/2023 | FRANCE | N°21/01911

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 21 juin 2023, 21/01911


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2023



N° RG 21/01911

N° Portalis: DBV3-V-B7F-USPB



AFFAIRE :



[X] [J]



C/



Société GRAPHILYS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : C

N° RG : 20/00009



Copies

exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jean-louis MARY



Me Magali PERESSE





Copies numériques adressées à :

Pôle emploi





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2023

N° RG 21/01911

N° Portalis: DBV3-V-B7F-USPB

AFFAIRE :

[X] [J]

C/

Société GRAPHILYS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : C

N° RG : 20/00009

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-louis MARY

Me Magali PERESSE

Copies numériques adressées à :

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [J]

né le 09 Juillet 1964 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-louis MARY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1539

APPELANT

****************

Société GRAPHILYS

N° SIRET : 487 569 022

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : Me Magali PERESSE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [J] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 23 septembre 1981, par la société IMC, rachetée par la société Graphilys en janvier 2017.

Le salarié a signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec la société Graphilys, en qualité de responsable logistique, à compter du 3 janvier 2017, avec la reprise de son ancienneté, au 23 septembre 1981.

Cette société est spécialisée dans les étiquettes et l'imprimerie. Elle applique la convention collective nationale du commerce de gros.

Le salarié a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie entre le 4 octobre 2016 et le 31 août 2018.

Conformément aux préconisations du médecin du travail, il a repris son activité à temps partiel sur un poste de magasinier chauffeur livreur du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019, puis à temps complet.

Par lettre du 12 avril 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 24 avril 2019.

Il a été licencié par lettre du 29 mai 2019 pour motif économique dans les termes suivants :

« Comme nous vous l'avons indiqué lors de notre entretien du 24 avril 2019, et en l'absence d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui vous a alors été proposé et auquel vous aviez la possibilité d'adhérer jusqu'au 15 mai 2019 à minuit, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique.

Celui-ci est justifié par une baisse extrêmement importante du chiffre d'affaires réalisé par le site de [Localité 5] depuis le rachat de la société IMC dont vous étiez d'ores et déjà salarié.

En effet, sur l'année 2015, sur laquelle s'est basé le rachat de IMC, le site de [Localité 5] réalisait un chiffre d'affaires de 3 294 946 euros. En 2016, le chiffre s'est à peu près maintenu à 3 167 866 euros.

Depuis le rachat, le 3 janvier 2017, le chiffre d'affaires s'est effondré puisqu'il a été réalisé les chiffres d'affaires suivants :

2017 : 1.978 636 euros

2018 : 1.214 551 euros

Soit pour 2018 une baisse de presque 62 % du chiffre d'affaires. La situation continue de se dégrader puisqu'au 23 mars 2019, le chiffre d'affaires par rapport à la même période de 2018 a encore baissé passant de 319.517 euros à 247.732 euros soit ' 22.47 %.

Depuis 2016 nous avons maintenu l'ensemble de l'activité de [Localité 5] en particulier l'activité logistique qui vous occupe.

Aujourd'hui le traitement d'un chiffre d'affaires qui devrait avoisiner 1.000.000 euros sur [Localité 5] ne justifie pas le maintien d'une activité logistique qui grève lourdement les prix de revient et la rentabilité de la société.

Cette situation nous oblige à devoir réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ; ce qui nous conduit à fermer la logistique sur le site de [Localité 5].

Lors de notre entretien, nous avons envisagé des solutions de reclassement au sein du groupe GRAPHILYS et nous vous avons fait part d'une possibilité de reclassement auprès de la société LITHOPRESS située à [Localité 4] (58) pour un poste de Conducteur de Rotatives correspondant à vos qualifications avec maintien de votre rémunération ce que vous avez refusé.

Nous n'avons pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement.

La durée de votre préavis est de deux mois. Il débutera le 1er juin 2019 et s'achèvera le 31 juillet 2019 suivant nos accords. »

Le 8 janvier 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 10 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Montmorency (section commerce) a débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 17 juin 2021, M. [J] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [J] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Graphylis à lui payer :

. 54 700 euros indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

subsidiairement,

. 2 280 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail,

. article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'en tous les dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Graphilys demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en son ensemble,

en conséquence,

- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes,

très subsidiairement,

si par extraordinaire, le licenciement était considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse,

- fixer que le salaire moyen des trois derniers mois de M. [J] à la somme de 1 714,18 euros,

en conséquence,

- dire et juger que toutes indemnités seront calculées sur cette base,

- réduire à plus juste proportion l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée à M. [J],

en toutes hypothèses,

- condamner M. [J] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [J] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Magali Peresse, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales.

MOTIFS

Sur le licenciement économique

Le salarié conteste l'existence de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il conteste aussi l'élément matériel du licenciement économique, dès lors que la société a conservé un pôle logistique et que la lettre de licenciement ne mentionne pas l'incidence du motif économique invoqué sur son emploi.

En réplique, l'employeur affirme que l'élément matériel est établi dès lors que la suppression du service logistique s'imposait en raison de la baisse d'activité de l'établissement de [Localité 5], dont le chiffre d'affaires a connu une baisse constante entre 2016 et 2019. Il ajoute qu'il en est résulté une forte dégradation de la rentabilité de la société du fait de la sous-activité de [Localité 5] ; que compte tenu des besoins de financement de la société, il était impératif que le résultat s'améliore pour lui permettre de rembourser ses emprunts. L'employeur reprend les dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail en attirant l'attention de la cour sur les dispositions relatives au secteur d'activité, exposant que le site de [Localité 5] (anciennement la société IMC) est spécialisé dans l'imprimerie alors que les autres sites de Graphilys sont spécialisés dans le secteur de l'étiquette.

***

Dans sa rédaction applicable au présent litige, s'agissant d'un licenciement économique prononcé le 29 mai 2019, l'article L. 1233-3 du code du travail dispose :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

(')

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

(')

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. »

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que le motif invoqué est celui de la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise en raison de la baisse constante du chiffre d'affaires de l'établissement de [Localité 5].

La réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité n'implique pas l'existence de difficultés économiques actuelles qui suffiraient à elles seules à justifier les licenciements. Elle implique l'existence d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois l'élément causal du licenciement, c'est-à-dire l'énoncé des difficultés économiques ou des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, dans le but de sauvegarder sa compétitivité, et l'élément matériel du licenciement, c'est-à-dire l'énoncé de l'incidence de ces éléments sur l'emploi ou sur le contrat de travail du salarié, se traduisant par la suppression de l'emploi, la transformation de cet emploi, la modification du contrat de travail. A défaut, le licenciement est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au cas présent, la lettre de licenciement ne mentionne pas la suppression du poste du salarié, la seule référence au fait que l'employeur doit « fermer la logistique du site de [Localité 5] » étant insuffisante pour caractériser l'élément matériel du licenciement du salarié dont la lettre de licenciement ne précise pas quel emploi il occupait ni dans quel service.

Le jugement sera donc infirmé et, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens présentés par le salarié, il convient de dire son licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le salarié qui justifie d'une ancienneté de 37 années complètes, peut donc prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 20 mois de salaire brut.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait un salaire brut de 1 596,80 euros mensuels pour son temps partiel.

Compte tenu de l'âge du salarié lors du licenciement (55 ans), de son ancienneté, de son niveau de rémunération, de ce qu'il n'a pas retrouvé d'emploi fixe mais exerce une activité temporaire sous le statut d'intermittent du spectacle depuis octobre 2021, le préjudice qui résulte pour lui, de la perte injustifiée de son emploi sera intégralement réparé par une indemnité de 31 936 euros.

Statuant à nouveau, il conviendra de condamner l'employeur à payer au salarié la somme ainsi arrêtée.

Le licenciement ayant été jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il conviendra, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office le remboursement par la société Graphilys aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il conviendra de condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [J],

CONDAMNE la société Graphilys à payer à M. [J] la somme de 31 936 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la société Graphilys aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [J], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Graphilys à payer à M. [J] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Graphilys aux dépens de de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine MOURET, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01911
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;21.01911 ?
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