COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JUIN 2023
N° RG 21/02162
N° Portalis: DBV3-V-B7F-UTY5
AFFAIRE :
[T] [H]
C/
Société SAS [Localité 4]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : AD
N° RG : F20/00486
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Mikaël KLEIN
Me Natacha LE QUINTREC
Copies numériques adressées à :
Pôle emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [T] [H]
née le 05 Mars 1967 à [Localité 5] (CONGO)
de nationalité Congolaise
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Mikaël KLEIN de la SELARL LBBA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0469, substitué à l'audience par Me CANDAT Justine, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0469
APPELANTE
****************
Société SAS [Localité 4]
N° SIRET : 453 340 176
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Natacha LE QUINTREC de la SELEURL CABINET BONNEAU LE QUINTREC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0768
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [H] a été engagée en qualité d'aide-soignante diplômée, par contrats à durée déterminée successifs, entre le 24 décembre 2015 et le 31 mai 2016, puis par contrat à durée indéterminée, à compter du 2 juin 2016 en qualité d'ASD à temps complet, par la société [Localité 4].
Cette société, qui dépend du groupe Domus Vi et exploite un EPHAD, la [6] à [Localité 4], est spécialisée dans l'accueil et l'accompagnement quotidien de résidents fragiles, valides ou dépendants atteints de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 et l'annexe du 10 décembre 2002 spécifique aux établissements privés accueillant des personnes âgées.
Le 11 avril 2020, la directrice de la résidence [N] [Z] a signalé une situation de maltraitance à l'encontre d'une résidente, survenue le 8 avril 2020 au sein de l'établissement par deux aides-soignantes.
Par lettre du 11 avril 2020, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 24 avril 2020, avec mise à pied à titre conservatoire.
Elle a été licenciée par lettre du 6 mai 2020 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:
« Madame,
Par courrier remis en main propre contre décharge en date du 11 avril 2020 (doublé d'un courrier recommandé en date du 14 avril 2020), vous avez été convoquée à un entretien préalable fixé au 24 avril 2020 à 15 heures au cours duquel vous vous êtes présentée, assistée de Madame [O] et de Madame [X].
Au terme de ce courrier, une mise à pied à titre conservatoire vous a été notifiée pour toute la durée de la procédure.
Lors de cet entretien, les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Aussi, nous vous informons avoir pris la décision de vous licencier pour cause réelle et sérieuse pour les motifs qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité.
Pour rappel, vous occupez le poste d'Aide-soignante diplômée en contrat à durée indéterminée depuis le 1er juin 2016 après avoir réalisé plusieurs contrats à durée déterminée.
A ce titre, vous avez pour mission d'accompagner la personne âgée dans l'accomplissement des gestes de la vie quotidienne, quel que soit son niveau d'autonomie.
Vous dispensez des soins visant à répondre aux besoins d'entretien et de continuité de la vie de l'être humain et à compenser partiellement un manque ou une diminution d'autonomie de la personne.
Vous devez donc, en toutes circonstances, respecter la personne âgée lors de la prise en soins.
Or, nous avons récemment à déplorer de graves manquements de votre part, pour le moins incompatibles avec vos fonctions.
Ainsi, le 8 avril dernier, une salariée nous a rapporté que Madame [S], une résidente de l'unité protégée, avait été frappée, à plusieurs reprises, par votre collègue et vous-même postées à l'unité.
A ce témoignage s'ajoutent des déclarations de la résidente, prétendument victime de ces actes. En effet, cette dernière a raconté à deux soignants qu'elle avait été « boxée ».
Nous ne pouvons pas tolérer une atteinte à l'intégrité physique des résidents.
Lors de l'entretien, vous n'avez ni admis ni nié les faits qui vous sont reprochés.
Vous nous avez décrit l'événement tel que vous vous le rappeliez et n'avez jamais évoqué avoir frappé la résidente. Vous avez indiqué que Madame [S] n'avait pas dormi dans sa chambre (son lit n'était pas défait) et que vous l'aviez trouvé dans la chambre d'une autre résidente, sans pantalon et avec des selles apparentes. Votre collègue vous a aidé à lever la résidente du lit et vous avez procédé à sa toilette dans la salle de bain de la chambre.
Lorsque l'ASH de l'étage est entrée dans la chambre, vous lui avez indiqué que le petit déjeuner était pris au salon commun du 1er étage et qu'elle devait sortir de la chambre.
Votre comportement rapporté par votre collègue et la résidente ne correspond pas aux attendus et aux exigences de votre fonction ni même aux valeurs d'éthique et de respect qui doivent prévaloir dans l'accompagnement des personnes âgées. Votre maintien dans l'entreprise s'avère donc impossible.
En conséquence, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, cette mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de votre ancienneté, vous disposez d'un préavis de deux mois, celui-ci débutera à la date de la première présentation de la présente lettre. Nous vous informons que nous vous dispensons de l'exécution du préavis.
Nous vous informons également que les jours de mise à pied à titre conservatoire vous seront rémunérés.Nous vous précisons que nous tenons à votre disposition votre solde de tout compte .».
Le 2 juin 2020, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement, et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 25 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) a :
- dit que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [H] de ses demandes,
- débouté la société [Localité 4] ([6]) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis à la charge de Mme [H] les éventuels dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 6 juillet 2021, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a mis les dépens à sa charge,
statuant à nouveau,
- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
en conséquence,
- condamner la société [Localité 4] à lui verser la somme de 14 966,18 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
- condamner la société [Localité 4] à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral du fait du caractère brutal et vexatoire de la rupture de son contrat de travail, - condamner la société [Localité 4] à lui verser la somme de 4 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société [Localité 4] de toutes ses demandes,
- condamner la société [Localité 4] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société [Localité 4] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'i1 a jugé 1e licenciement de Mme [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'i1 a débouté Mme [H] de l'intégralité de ses demandes,
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'i1 l'a déboutée de toutes ses demandes,
statuant à nouveau,
- juger le licenciement de Mme [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- juger que Mme [H] n'a pas fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire,
- débouter intégralement Mme [H] de ses demandes,
- condamner Mme [H] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [H] aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur l'ancienneté de la salariée
Aux termes de l'article L. 1243-11 du contrat de travail, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée. Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée. La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.
Aux termes de l'article 44 de la convention collective applicable, ' les différentes périodes passées dans l'établissement se cumuleront pour déterminer l'ancienneté lorsque le contrat de travail aura été rompu dans les circonstances suivantes(...) : contrat de travail durée déterminée, successifs ou non'.
La salariée, qui demande à voir fixer son ancienneté au 8 février 2014, date du premier contrat de travail à durée déterminée dans un établissement du groupe DomusVi, peut prétendre à une reprise d'ancienneté mais uniquement au sein de l'établissement de la société [Localité 4] et non d'autres établissements du groupe DomusVi, en l'espèce à compter de la date du premier contrat à durée déterminée conclu avec cette société, le 24 décembre 2015, et non à compter du contrat à durée indéterminée du 2 juin 2016.
En conséquence, la salariée bénéficie d'une ancienneté de 69 jours travaillés entre le 24 décembre 2015 et le 31 mai 2016 au titre des contrats à durée déterminée dont il convient de déduire 48 jours de suspension ( absences maladie, enfant malade ...).
La salariée justifie donc d'une ancienneté de 4 années et 21 jours de sorte que le jugementsera confirmé de ce chef.
Sur la rupture
La salariée explique que l'employeur n'apporte aucun élément tangible tendant à démontrer la matérialité des griefs qui lui sont reprochés et pour lesquels elle a été injustement sanctionnée alors qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une quelconque remontrance en six années. Elle précise que la résidente concernée est malheureusement connue pour être agressive verbalement et physiquement à l'égard des soignants et désorientée en raison de sa maladie. Elle indique que l'employeur a préféré se fier au prétendu témoignage d'une salariée qui n'a pas vu la scène et l'a ensuite remplacée. La salariée ajoute, à titre subsidiaire, que la sanction est manifestement disproportionnée.
L'employeur réplique que la salariée se contente de nier avoir commis des actes de maltraitance à l'égard de Mme [G] et se réfugie derrière la difficulté de cette résidente à faire sa toilette et son agressivité alors qu'il était de son devoir, ayant suivi plusieurs formations pour la sensibiliser aux spécificités de la maladie d'Alzheimer, 'de tenter d'apaiser et rassurer la résidente plutôt que de la maltraiter, quand bien même elle a été retrouvée dans le lit de son voisin où elle s'est oubliée' . Il indique que l'attestation du témoin direct est catégorique même s'il s'agissait de son premier jour de travail dans la résidence de sorte que ce témoin n'a pas osé intervenir auprès de sa hiérarchie. Il ajoute que la résidente a également spontanément indiqué à l'infirmier qu'elle avait été ' boxée' le matin .
***
L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse spécialement sur aucune des parties, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile en application de l'article L. 1235-1 du code du travail.
Il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
Au cas présent, il est reproché à la salariée d'avoir frappé une résidente le 8 avril 2020 en début de matinée.
A l'appui, l'employeur produit l'attestation de Mme [F] [M], agent de service Hôtelier d'étage qui a pris son service dans l'établissement pour la première fois le jour-même, et qui relate le 9 avril 2020 que le 'mercredi 8 avril matin (il a) vu adrienne [H] et [U] [W] frappé Madame [G] chambre 103 parce qu'elle avait dormi dans une autre chambre elles l'ont frappé au visage et partous sur le reste du corps. Elles (l') ont vu et (lui) ont demandé de partir continuer de faire (son) travail.'(sic).
Cette attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile est agrafée à la copie de deux feuilles de cahier comprenant un texte manuscrit, non daté et non signé et dont la calligraphie ne ressemble pas à celle de l'attestation de Mme [F] [M], de sorte que le contenu de ces deux feuillets attachés à l'attestation (pièce N° 4) est dépourvu de caractère probant.
Toutefois, le témoignage de Mme [F] [M] est contredit pas celui d'une autre salariée.
En effet, la salariée communique l'attestation de Mme [W], aide -soignante vacataire, qui relate avoir aidé la salariée ' qui tenait Mme L qui est plein de selles et m'a demandé de lui apporter des serviettes pour que Mme L puisse marche au dessus pour ne pas glisser (...) puis je l'ai aide à conduire Mme [S] la salle de bain, au moment que ma collègue procede à la douche, Mme L se débattait et hurlait et moi je lui ai rassuré en lui disant de ne pas s'inquiéter c'est pour votre bien (...) Elle continué à hurler et c'est à ce moment que la nouvelle collègue ( ASH) passait devant la porte de la chambre avec le plateau du petit déjeuner et ma collègue lui a dit de déposer le plateau au salon car on est en plein soins(...) Nous avons continué pour terminer nos soins après habiller Mme [S] Ma collègue l'installé au salon pour prendre son petite déjeuner.'(sic).
M. [I], infirmier, atteste pour sa part que ' ce matin [8 avril 2020], Mme [G] [A], résidente en unité de vie protégée, a signalé spontanément lorsqu'elle m'a vu qu'elle a été boxée. Il était environ 13 H. Vers 14h30, l'ASH [F] [L] m'a interpellé pour me signifier que Mme [G] françoise avait été violentée lors de la toilette ce matin.'.
Toutefois, il n'a pas fait mention de ces événements dans le registre de transmissions dans lequel il a seulement écrit le 8 avril 2020 que Mme [G] ' va bien dans son ensemble, se retrouve parfois, malgré l'intervention des soignants avec d'autres résidents qui sont fatigués (...) A eu un épisode de diarrhée'.
Les membres du comité social et économique se sont réunis le 8 mai 2020 et ont utilisé leur droit d'alerte au bénéfice de salariés de la résidence dont Mme [H] dont ils ont demandé la réintégration immédiate à son poste d'aide-soignante et ont mentionné que Mme [G] ' est très agressive et elle est incohérente dans ses propros'.
Il ressort également des extraits des registres de transmissions entre le 21 février et le 21 avril 2020 que Mme [G], entrée le 3 mars 2020 dans la résidence après le décès de son époux et 'ayant des troubles cognitifs ( maladie Alzheimer), désorienté dans le temps et l'espace' est décrite à de nombreuses reprises sur toute la période comme étant très désorientée, qu'elle refuse des soins, qu'elle veut mettre ses affaires dans la chambre de sa voisine, qu'elle est 'très agressive ce soir, prête à lever sa canne contre le personnel' , les infirmiers mentionnant que Mme [G] est agressive les 14, 15 mars puis les 4 et 14 avril 2020. Il est aussi consigné que Mme [G] ' embrigade sa voisine de chambre dans ses délires de persécution' et le 14 avril 2020 qu'elle ' insulte frappe et (que) sa prise en charge (est) difficile surtout en ce moment de crise'.
Si Mme [F] [M] relate avoir vu les deux aides-soignantes porter des coups au visage et sur le corps de Mme [G], aucun constat médical n'a été effectué en ce sens et d'ailleurs le signalement de la directrice précise qu'aucune blessure n'a étérelevée sur le corps de la résidente, laquelle a été examinée par l'infirmier cadre le jour-même puis par le médecin le lendemain.
Enfin, c'est à juste titre que la salariée relève que Mme [F] [M], qui décrit des faits de maltraitance survenus à 8 heures le matin, n'est pas intervenue directement pour les faire cesser et n'a effectué le signalement que l'après-midi.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'un incident est intervenu le 8 avril 2020 au cours duquel la salariée a pris en charge, avec une collègue, une résidente présentant des troubles d'agressivité, et de violence à l'encontre des professionnels de santé depuis son arrivée à la maison de retraite. Le témoignage de Mme [F] [M], très bref et peu circonstancié n'est pas corroboré par des éléments matériels et il est contredit par le témoignage d'une aide-soignante vacataire dont le contrat n'a, par la suite, pas été renouvelé, la circonstance que la résidente indique avoir été ' boxée' le midi étant à examiner au regard du comportement général de cette dernière.
Les faits de maltraitance allégués par l'employeur ne sont pas suffisamment établis.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il considère le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
La salariée est bien fondée à solliciter le bénéfice d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 qui, contrairement à ses prétentions, sont compatibles avec les dispositions de l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT, celles de l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 n'étant pas d'effet direct en droit interne.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 précité, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et compte tenu de l'ancienneté de la salariée, de quatre années au moment de la rupture, dans une société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 5 mois de salaire.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (2 138,03 euros bruts), de son âge (53 ans), de son ancienneté et de ce qu'elle justifie avoir été recrutée suivant plusieurs contrats à durée déterminée en qualité d'aide-soignante dans une autre maison de retraite dès la rupture , il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser la somme de 10 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application de l=article L.1235-4 du code du travail, il convient d=ordonner d=office le remboursement par l=employeur, à l=organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de l=arrêt dans la limite de 6 mois d=indemnités.
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal vexatoire
La salariée ne justifie pas de circonstances, autres que celles indemnisées au titre de la rupture du contrat de travail, résultant des conditions de la rupture par son annonce soudaine et la tenue d'un entretien préalable, la salariée n'établissant pas en outre la détresse alléguée.
En conséquence, par voie d'infirmation, il convient de débouter la salariée à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et ne saurait bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est inéquitable de laisser à la charge de la salariée les frais par elle exposés en première instance et en cause d'appel non compris dans les dépens, à hauteur de la somme de 4 000 euros au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [H] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et en ce qu'il déboute la société [Localité 4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
DIT que l'ancienneté de Mme [H] est de quatre années,
DIT le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE en conséquence la société [Localité 4] à verser à Mme [H] la somme de 10 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE d'office le remboursement par la société [Localité 4], à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à Mme [H] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société [Localité 4] à verser à Mme [H] une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société [Localité 4] aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine MOURET, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente