COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/01375
N° Portalis : DBV3-V-B7F-UPVN
AFFAIRE :
[D] [U] épouse [A]
C/
S.A.S.U. PHOENIX GFI
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : AD
N° RG : 19/00328
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me David METIN
Me Emmanuel BLANC
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 06 avril 2023, prorogé au 25 mai 2023, puis prorogé au 08 juin 2023, puis prorogé au 29 juin 2023, puis prorogé au 06 juillet 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [D] [U] épouse [A]
née le 29 octobre 1979 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159
APPELANTE
****************
S.A.S.U. PHOENIX GFI
N° SIRET : 751 587 742
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Emmanuel BLANC de la SELAS FIDAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 290 substitué à l'audience par Me Romain FALCON, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,
Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [D] [A] a été engagée à compter du 1er avril 2014, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Phoenix Gfi, qui a pour activité la mise à disposition de ses clients d'outils dédiés à la gestion de flotte ainsi que les divers services liés, pour occuper un emploi de gestionnaire de parc, catégorie employé, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros pour 121,34 heures de travail, soit 28 heures de travail par semaine répartis les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9h00 à 17h00, dont une heure de pause déjeuner entre 12h00 et 14h00 du 1er avril 2014 au 31 août 2016, puis à temps complet à compter du 1er septembre 2016, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 500,06 euros pour 151,67 heures de travail, portée à 2 800 euros à partir du mois de juin 2017. Il lui a été versé en février 2018 une prime exceptionnelle de 2 800 euros.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite Syntec.
Le 8 mars 2018, Mme [A] a adressé, par mail, à M. [R] un compte-rendu des points sur lesquels elle l'a interrogé lors de leur entretien du 6 mars 2018, et dont elle a perçu qu'ils suscitaient son agacement : la fonction de responsable gestionnaire confiée en juillet 2017 qui ne serait plus d'actualité, la seconde partie de l'augmentation actée en juin 2017 prévue en janvier 2018 non effective, le treizième mois annoncé en septembre 2017 pour décembre 2017 non versé, la participation annoncée il y a plus d'un an non mise en place, la prise en charge des arrêts maladie en 2017, contestant être responsable de l'insatisfaction de quelques utilisateurs, soulignant l'alourdissement de sa charge de travail suite au départ de l'entreprise de ses deux collègues ainsi que l'irritabilité de M. [R] reprochée par nombre de clients et rappelant enfin son investissement pour le bon fonctionnement de l'entreprise, et notamment qu'un ordinateur lui a été apporté à son domicile en 2017 pour qu'elle assure l'assistance des clients pendant ses arrêts maladie.
Le 12 mars 2018, elle a saisi l'inspection du travail pour dénoncer ses conditions de travail et le comportement de son employeur à son égard.
Le 28 mars 2018, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie, lequel sera prolongé jusqu'à son licenciement.
Le 3 avril 2018, la société Phoenix GFI a fait reprendre au domicile de Mme [A] l'ordinateur portable professionnel de celle-ci.
Le 9 avril 2018, l'inspection du travail et l'Urssaf ont effectué un contrôle dans les locaux de l'entreprise.
Par mail et par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2018, présentée le 16 mai 2018, la société Phoenix Gfi a notifié à Mme [A] une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juin 2018. L'employeur y était représenté par M. [R] et M. [M] et la salariée était assistée par un conseiller du salarié.
Par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Phoenix GFI en date du 24 mai 2018, expédiée le 25 mai 2015, présentée le 26 mai 2018 et distribuée le 28 mai 2018, Mme [A] a dénoncé ses conditions de travail depuis quatre ans, la charge de travail, la violence verbale, les pressions, les remarques désobligeantes et sexistes le cas échéant et les propos dévalorisants subis et estimé que ces agissements répétés ont altéré sa santé physique et psychique.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 27 juin 2018, présentée le 29 juin 2018, la société Phoenix GFI a notifié à Mme [A] son licenciement pour faute grave.
La société Phoenix GFI employait habituellement moins de onze salariés à la date du licenciement.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [A] a saisi, le 24 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 12 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :
- dit que le licenciement de Mme [A] pour faute grave est fondé ;
- débouté Mme [A] de sa demande de nullité de son licenciement ;
- débouté Mme [A] de ses demandes afférentes à un licenciement nul ;
- débouté Mme [A] de l'indemnité au titre du harcèlement moral ;
- condamné la société Phoenix G' au paiement de la somme de 3 024,09 euros pour manquement à son obligation de sécurité ;
- débouté Mme [A] de toutes ses autres demandes ;
- débouté la société Phoenix Gfi de sa demande reconventionnelle ;
- dit que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens.
Mme [A] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 7 mai 2021.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 juin 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [A] demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Phoenix Gfi avait manqué à son obligation de sécurité ;
- infirmer le jugement s'agissant du quantum des sommes allouées au titre du manquement à l'obligation de sécurité,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [A] de ses autres demandes,
Statuant à nouveau,
¿ sur l'exécution du contrat de travail
- à titre principal, de juger que la société Phoenix Gfi a commis des actes de harcèlement moral à son encontre et, en conséquence, de condamner la société Phoenix Gfi à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;
- à titre subsidiaire, juger que la société Phoenix Gfi a exécuté déloyalement le contrat de travail et, en conséquence, de condamner la société Phoenix Gfi à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale de son contrat de travail ;
- en tout état de cause, de :
*condamner la société Phoenix Gfi à lui verser un rappel de salaire de 1 258,50 euros, outre 125,85 euros au titre des congés payés afférents ;
*juger que la société Phoenix Gfi a manqué à son obligation de sécurité et, en conséquence, condamner la société Phoenix Gfi à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 10 000 euros ;
¿ sur la rupture du contrat de travail
- à titre principal, juger que le licenciement de Mme [A] est nul,
- à titre subsidiaire, juger que le licenciement de Mme [A] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la société Phoenix Gfi à verser à lui verser les sommes suivantes :
*4 260,87 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
*426,08 euros au titre des congés payés afférents,
*6 048,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*604,81 euros au titre des congés payés afférents,
*3 150,09 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
*à titre principal, 24 000 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
*à titre subsidiaire, juger que le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable, et, en conséquence, condamner la société Phoenix Gfi à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 24 000 euros nets de CSG CRDS ;
*à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Phoenix Gfi à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse plafonnée de 15 100 euros nets de CSG-CRDS ;
- fixer la moyenne des salaires bruts à la somme de 3 024,09 euros,
- condamner la société Phoenix Gfi à lui verser la somme de 4 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
- condamner la société Phoenix Gfi aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Phoenix Gfi demande à la cour de :
- dire que le licenciement de Mme [A] repose sur une faute grave ;
- débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme [A] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [A] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappel de salaire au titre du maintien du salaire
Mme [A] sollicite sur le fondement de l'article 43 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite Syntec, le paiement de la somme de 1 258,50 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2017 selon le calcul suivant :
[(salaire de base =2 500,06 euros) - (congé sans solde du 6 au 10 février 2017 = 625,02 euros) = 1 875,04 euros] - [salaire total versé = 616,54 euros] = 1 258,50 euros.
Aucun motif de la décision du conseil de prud'homme ne se rapporte à cette demande.
L'article 43 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite Syntec, dans sa rédaction alors en vigueur, applicable au regard de l'activité de l'entreprise, prévoit que l'ETAM ayant plus d'un an d'ancienneté et moins de cinq ans reçoit en cas de maladie un mois à 100% d'appointements bruts et précise que l'employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale, jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toute charge, l'ETAM malade s'il avait travaillé à temps plein, non compris primes et gratifications.
Il est établi que Mme [A] percevait, pour un mois de travail complet, un salaire brut de 2 500,06 euros correspondant à un salaire net de 2 014,42 euros.
Une fois déduit du salaire mensuel brut de base de 2 500,06 euros, le salaire brut correspondant à la période de 5 jours de congé sans solde pris du lundi 6 au vendredi 10 février 2017, soit 625,02 euros, le salaire mensuel brut que Mme [A] aurait perçu pour le reste du mois, si elle n'avait pas été en arrêt maladie du lundi 13 au mardi 28 février 2017, aurait été de 1 875,04 euros brut, soit un salaire net de 1 510,81 euros.
La salariée a perçu, au titre de la période hors congé sans solde, un salaire total de 616,54 euros brut, soit 375 euros brut au titre des trois jours de la période travaillée du 1er au 5 février 2017 et 241,54 euros brut au titre des douze jours de la période d'arrêt maladie du 13 au 28 février 2017, calculée comme suit : 787,52 euros brut au titre du maintien du salaire (quand elle aurait perçu 1500,04 euros brut si elle avait travaillé durant cette période), sous déduction de la somme de 545,98 euros au titre de la reconstitution en brut des indemnités journalières, qui, n'entrant pas dans l'assiette de calcul des cotisations, sont versées en net.
Il est établi que la société Phoenix GFI, subrogée dans les droits à indemnités journalières de la sécurité sociale de la salariée, a payé à celle-ci, pour le mois de février 2017, selon le détail suivant :
*salaire net de 414,91 euros, soit : (salaire brut de 616,54 euros) - [(cotisations déductibles = 182,23 euros) + (CSG-CRDS = 19,30 euros) = 201,63 euros] = 414,91 euros ;
*avances des indemnités journalières de la sécurité sociale = 509,40 euros ;
*des indemnités journalières de la sécurité sociale du 16 au 19 février 2017 = 156,74 euros,
une somme totale de 1 081,15 euros net.
L'employeur n'a donc pas versé à Mme [A] les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale, jusqu'à concurrence de ce qu'elle aurait perçu, net de toute charge, si elle avait travaillé à temps plein. La différence étant de 429,66 euros net (1 510,81 - 1 081,15 euros), il convient de condamner la société Phoenix GFI à payer à Mme [A] la somme de 429, 66 euros net à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2017 ainsi que la somme de 42,97 euros net au titre des congés payés afférents et de débouter la salariée du surplus de sa demande.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui du harcèlement moral qu'elle dénonce, Mme [A] invoque :
- des locaux inappropriés et insalubres, dans un sous-sol dépourvu d'aération et de lumière extérieure, à l'exception de deux petites fenêtres en hauteur dotées de barreaux, avec des odeurs émanant des toilettes et sans véritable chauffage, M. [R] refusant d'allumer le chauffage en hiver afin de réaliser des économies, dans un état constant de saleté (poussière, moisissures) et ne comportant aucun endroit aménagé mis à disposition des salariés pour prendre leur repas ;
- le comportement de M. [R] et de M. [M] à son égard se caractérisant par :
*des pressions se manifestant par des hurlements et des propos injurieux et rabaissants récurrents de M. [R] ;
*l'absence de temps de pause, M. [R] ne cessant de la solliciter même lorsqu'elle déjeunait ;
*l'obligation qui lui était faite de travailler depuis son domicile durant son arrêt de travail de février 2017 ;
*l'absence de maintien de son salaire durant ses arrêts maladie, du 22 janvier au 13 février 2015 et en février 2017 ;
*la charge de travail considérable à laquelle elle était astreinte à compter du mois de décembre 2017, après le départ de deux de ses collègues, sans que son employeur lui apporte la moindre aide, que ce soit en termes de moyens ou de soutien psychologique ;
*la demande de restitution du véhicule de fonction et de ses accessoires au cours de la procédure de licenciement et la pression exercée à cet égard à son encontre ;
Elle fait valoir que ces faits ont eu pour effet d'altérer sa santé et en veut pour preuve les nombreuses consultations médicales, les prescriptions d'anxiolytiques et les nombreux arrêts de travail liés au stress subi au travail. Elle fait valoir qu'ils ont également compromis son avenir professionnel, puisque c'est lorsqu'elle a dénoncé les faits auprès de l'inspectrice du travail qu'elle a été licenciée pour faute grave.
- Sur les locaux
Mme [A] a travaillé à compter de son embauche, le 1er avril 2014, soit durant près de 4 ans, dans un bureau situé au sous-sol de l'habitation de M. [R], avec accès par le garage. Les photographies des lieux qu'elle produit montrent qu'elle effectuait son travail dans un sous-sol dépourvu d'aération et de lumière extérieure, à l'exception de deux soupiraux munis de barreaux.
M. [E], qui s'y est rendu en février 2015, pour 'dépanner' M. [R] durant l'arrêt de travail pour maladie de Mme [A], qui était alors la seule gestionnaire de flotte, atteste qu'il s'agissait d'un local bas de plafond, avec pour seule ouverture vers l'extérieur un soupirail, de sorte que la lumière devait être allumée toute la journée et où régnait une odeur d'humidité et que selon ses souvenirs, il y avait une kitchenette et un WC mais pas de coin repas.
Mme [F], qui a travaillé au sein de ces locaux comme gestionnaire de flotte du 26 septembre 2016 à décembre 2017 atteste qu'il n'y avait pas d'aération, qu'y avait de la moisissure sur les murs et qu'une odeur permanente d'humidité imprégnait leurs vêtements. Elle a d'ailleurs fait part de cette situation aux services de la Dirrecte par mail du 8 novembre 2017.
Les mesures prises par l'employeur sont pour améliorer les locaux de l'entreprise restées très limitées : changement des fenêtres des soupiraux le 22 septembre 2017, achat de deux déshumidificateur commandés le 29 novembre 2019 et livrés le 30 novembre 2017.
En ce qui concerne la présence de trois radiateurs radians, Mme [F] atteste que M. [R] avait constamment chaud, même l'hiver lorsqu'il faisait 16° dans les locaux, et que Mme [A] et elles ont dû mettre des mitaines, des plaids sur les jambes, des écharpes et plusieurs couches de vêtements pour pouvoir travailler. Mme [T] atteste que Mme [A] a déjeuné quelques midis chez elle à l'époque où elle travaillait dans l'entreprise et qu'elle arrivait alors frigorifiée.
Mme [A] produit des photographies des locaux dont deux photographies d'un appareil MeteoClock mentionnant, pour l'une, une température de 16°9 dont elle indique qu'elle a été constatée le 2 janvier 2018 et, pour l'autre, une température de 14°7 dont elle indique qu'elle a été constatée le 15 janvier 2018. Si la société Phoenix GFI fait observer que la température constatée le 2 janvier 2018 faisait suite à la fermeture de l'entreprise du 22 décembre 2017 au 1er janvier 2018 et celle du 15 janvier 2018, à la fermeture de celle-ci le week-end (13-14 janvier 2018), il n'en demeure pas moins que les salariés ont dû supporter ces températures.
Si Mme [Y], qui a été engagée le 8 janvier 2018, pour organiser et mettre en place les process, atteste, le 16 juillet 2019, que durant la saison froide, M. [R] n'a jamais interdit le chauffage des locaux, mais seulement demandé à ce que le chauffage soit éteint le soir, à leur départ de l'entreprise, en rappelant qu'il supporte personnellement la facture d'électricité, il n'en demeure pas moins que ces locaux en sous-sol n'étant pas chauffés durant la nuit, étaient froids à l'arrivée des salariés le matin.
La lettre d'observation adressée le 15 mai 2018 par l'inspection du travail à la société Phoenix GFI à la suite du contrôle effectué dans l'entreprise le 9 avril 2018, énonce :
- que les bureaux de la société, qui sont installés depuis de nombreuses années au sous-sol de la maison d'habitation de M. [R] ne répondent pas à la réglementation en vigueur concernant la luminosité (articles R. 4213-2 et R. 4213-3 du code du travail), que la lumière naturelle y est insuffisante, que la mesure de la luminosité à laquelle elle a procédé avec un luxmètre a révélé pour la zone de travail 42 lux (20 lux près du téléphone) avec l'éclairage naturel, 90 lux lorsque les lumières artificielles sont allumées et pour la zone de fond 4 lux, alors que les normes AFNOR NF EN 12464-1 et NF X 35-103 relatives à l'éclairage des lieux de travail préconisent un niveau de 500 lux en zone de travail et de 100 lux en zone de fond, et que les locaux ne bénéficient pas de baies transparentes situées à hauteur des yeux mais de deux soupiraux positionnés juste en dessous du plafond et donnant sur le gazon du jardin ;
- que la pièce du sous-sol qui sert de lieu de travail aux salariés, n'est pas équipée d'un système d'aération ou de renouvellement de l'air ; que conformément à l'article R. 4222-4 du code du travail, l'aération doit être assurée par une ventilation mécanique ou naturelle permanente et que les deux soupiraux ne sont pas suffisants pour satisfaire à cette obligation, d'autant qu'ils ne sont pas facilement accessibles par les salariés, étant trop en hauteur et situés au-dessus du mobilier ;
- que les deux déshumidificateurs présents génèrent un bruit continu, rappelant que l'employeur a l'obligation de maintenir un taux d'humidité satisfaisant (R. 4542-14 du code du travail) mais aussi de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour réduire l'exposition au bruit des salariés (R. 4432-1) ;
- que les salariés travaillant dans un sous-sol, l'employeur doit également chauffer les locaux pendant la saison froide (R. 4223-12) pour leur assurer de bonnes conditions de travail ;
- qu'elle a constaté, dans le couloir situé à gauche en entrant et menant aux toilettes, la présence d'un réfrigérateur, d'un micro-ondes et d'un évier mais l'absence de chaises et de table pour permettre aux salariés de se restaurer, rappelant que l'article R. 4228-19 du code du travail interdit de laisser les travailleurs prendre leurs repas dans les locaux affectés au travail.
Dans sa lettre du 11 juin 2018, la société Phoenix GFI a apporté les éléments de réponse suivants :
- elle a un projet de déménagement, dans le cadre d'une location dans des locaux dont la construction sera finalisée courant 2019 ;
- elle a décidé pour les locaux actuellement utilisés de rechercher les possibilités d'améliorer l'éclairage des postes de travail, les possibilités techniques et architecturales permettant d'améliorer le système d'aération, de programmer les déshumidificateurs pour les faire fonctionner la nuit, en l'absence des collaborateurs, et de réfléchir à un aménagement des locaux pour créer un espace de repas conformément à l'article R. 4228-23 du code du travail.
- les locaux sont chauffés pendant toute la saison froide afin de garantir de bonnes conditions de travail aux collaborateurs, comme elle a pu le constater le 9 avril, en relevant une température avoisinant les 22 à 23° C.
C'est seulement alors que Mme [A] était en arrêt maladie depuis plusieurs mois, que la société Phoenix GFI a loué de nouveaux locaux sans attendre, comme elle le faisait jusqu'alors, la construction de l'immeuble de bureaux projetée par la SCI Phoenix sur un terrain que celle-ci allait acquérir en décembre 2018 et dont les travaux seront achevés en décembre 2019. M. [I], engagé à compter du 4 juin 2018, atteste en effet que suite à un dégât des eaux, la direction de l'entreprise a trouvé rapidement un nouveau local de travail, qui a été équipé à neuf, sans toutefois préciser à quelle date.
Sur l'absence de maintien de son salaire durant ses arrêts maladie, du 22 janvier au 13 février 2015 et en février 2017
Si Mme [A], qui avait alors moins d'un an d'ancienneté, ne pouvait prétendre au maintien de son salaire durant son arrêt maladie du 22 janvier au 13 février 2015, il a été ci-dessus constaté qu'elle n'a pas été remplie de la totalité de ses droits au maintien du salaire durant son arrêt maladie en février 2017.
- Sur les hurlements et les propos injurieux et rabaissants récurrents de l'employeur
Mme [F] atteste que M. [R] avait des propos grossiers ('vous commencez à me casser les couilles'; 'si c'est pour répondre de la merde au client, il vaut mieux ne rien faire') et misogynes (déclarant entre autres propos dégradants envers les femmes, à propos d'une cliente 'Ah la salope, elle me chauffe avec sa jupe'), hurlait sur les salariés alors même qu'ils étaient au téléphone avec un client, les reprenaient devant le client sur ce qu'ils disaient, que tout était sujet à remarques et que les salariés étaient angoissés à l'idée de subir ses critiques ; qu'elle a vu Mme [A] pleurer à son poste de travail sans que personne ne s'en inquiète ; qu'elle était inquiète pour l'état de santé morale de Mme [A] au vu de la façon dont M. [R] et M. [M] se comportait envers celle-ci.
Si Mme [F] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 22 décembre 2017 avec dispense d'exécution du préavis, pour avoir critiqué sans cesse le management mis en place par la direction en réclamant constamment la mise en place de nouveaux acquis sociaux (prévoyance par exemple), en critiquant ses conditions de travail, arguant du froid et de l'humidité, alors qu'il faisait 21°, que personne d'autre ne se plaignait et que cette situation était indépendante de la volonté de l'employeur, en réclamant de manière pressante un changement de locaux et pour avoir répondu de manière provocatrice à une collègue de travail, Mme [Z], qui lui avait demandé si elle pouvait faire en sorte d'être à l'heure pour sa prise de poste à 10h00, qu'il était 10h00 pile et qu'elle était à son poste, ce qui avait généré une mauvaise ambiance et contribué à la décision de Mme [Z] de quitter l'entreprise, ce seul fait n'est pas de nature à disqualifier son témoignage.
M. [E], qui s'y est rendu en février 2015 dans les locaux de l'entreprise, pour 'dépanner' M. [R] durant l'arrêt de travail pour maladie de Mme [A], qui était alors la seule gestionnaire de flotte, atteste qu'il était alors le plus souvent seul avec l'informaticien et qu'il n'a pas assisté à des écarts de langage de M. [R], mais que le connaissant très bien, connaissant son caractère emporté en cas de désaccord avec son interlocuteur et ayant assisté à des scènes assez 'violentes' au sein de la société ERCG, où il a travaillé avec lui auparavant, il peut très bien imaginer ses écarts de langage.
La société Phoenix GFI produit le témoignage de Mme [Y], qui, engagée le 8 janvier 2018, pour organiser et mettre en place les process, atteste le 16 juillet 2019 que si le relationnel avec M. [R] peut surprendre de prime abord, s'il peut sembler en effet un peu direct, voire maladroit, il n'est en rien une personne malveillante, tout au contraire et que si l'humour de second degré de M. [R] et de M. [M] peut paraître acide et rugueux, pour certains vulgaire, il n'a jamais été dirigé contre un membre de l'équipe, le témoignage de Mme [O], engagée comme gestionnaire de flotte le 26 février 2018, qui atteste le 7 août 2019, qu'elle est heureuse de travailler chez Phoenix, qu'elle dispose d'une qualité de vie incroyable, que M. [R] est un homme extrêmement bienveillant, soucieux à chaque instant de leur bien-être au travail, qui leur offre tout le confort et l'attention dont ils ont besoin, celui de M. [I], engagé comme gestionnaire de flotte le 4 juin 2018, qui atteste le 20 août 2019 que ses dirigeants ont toujours fait en sorte que son cadre de travail soit le meilleur possible et qu'il est ravi d'avoir intégré cette entreprise qui prend soin de ses collaborateurs tant sur le plan humain que professionnel, celui de Mme [G], engagée comme gestionnaire de flotte le 3 septembre 2018, qui atteste le 15 août 2019 qu'elle travaille dans une atmosphère sereine où chacun est respecté et écouté, que M. [R] est très respectueux envers chacun d'entre eux, s'inquiète de leur bien-être professionnel, celui de M. [V], engagé comme gestionnaire de flotte le 4 mars 2019, qui atteste le 5 septembre 2019 que M. [R] est un patron proche de ses collaborateurs, soucieux de leur confort, une personne juste et droite sur laquelle on peut compter, et celui de Mme [J], qui, engagée comme gestionnaire de flotte le 17 juin 2019, atteste le 26 juillet 2019 d'un état d'esprit où l'échange, la communication, la cohésion et le respect de l'autre règnent dans l'entreprise et de l'état d'esprit de bon père de famille que représentent M. [R] et M. [M] pour Phoenix et son équipe. Ces témoignages dithyrambiques ne permettent pas cependant de remettre en cause les éléments concernant la période antérieure à leur embauche.
- Sur l'absence de temps de pause
Si Mme [A] prenait parfois ses repas chez une amie, elle déjeunait habituellement dans son espace de travail, en l'absence de pièce séparée permettant de prendre ses repas, peu important qu'elle s'installe, le cas échéant, sur un autre meuble bureau disponible, le plan produit par la société Phoenix GFI montrant que la configuration de l'espace de travail ne comportait pas de séparation entre les différents meubles bureaux.
Si Mme [Y] atteste le 16 juillet 2019 que les salariés ont été invités par M. [R] à prendre leur déjeuner sur la terrasse de son domicile ou sous la tonnelle de son jardin et que voyant qu'ils s'étaient installés dans une autre partie du jardin pour ne pas déranger, il leur a spontanément mis à disposition du mobilier de jardin, ce témoignage émanant d'une salariée engagée le 8 janvier 2018 se rapporte à une période où la température extérieure était de nature à le permettre, alors que Mme [A] a été quant à elle en arrêt de travail pour maladie à compter du 28 mars 2018.
La prise par Mme [A] de ses repas dans les locaux affectés au travail avait pour effet qu'elle était sollicitée par les appels téléphoniques des clients et par son employeur durant sa pause déjeuner et M. [R] ne justifie pas, ainsi qu'il lui incombe, que Mme [A] bénéficiait des temps de pause minimaux prévus par le code du travail.
- Sur l'obligation faite à la salariée de travailler depuis son domicile durant son arrêt de travail de février 2017
Il est établi que la société Phoenix GFI a demandé à Mme [A] en février 2017 de continuer à travailler malgré son arrêt de travail pour maladie consécutif à une lésion du genou, ce qu'elle a fait, ainsi qu'il ressort de l'attestation de Mme [F] et des nombreux mails produits, n'osant pas s'y opposer par crainte de la réaction de son employeur, ainsi qu'en attestent Mme [F], Mme [B], Mme [T] et M. [H].
- Sur sa charge de travail de la salariée à compter du mois de décembre 2017
Il est établi qu'après les départs successifs des deux autres gestionnaires de flotte, Mme [Z] en novembre 2017 et Mme [F], en décembre 2017, Mme [A] a assuré seule au sein de l'entreprise les fonctions de gestionnaire de flotte, ce qui constituait une charge de travail très importante. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la société Phoenix GFI lui a versé en février 2018 une prime exceptionnelle de 2 800 euros, équivalent à un mois de salaire. L'embauche, le 26 février 2018, de Mme [O], titulaire d'un Deug de sciences humaines mention psychologie selon le registre unique du personnel, qui n'était pas formée pour l'exercice des fonctions pour lesquelles elle était engagée, n'était pas de nature de nature à court terme à alléger ses tâches. Quant à M. [I], engagé comme gestionnaire de flotte le 4 juin 2018, ce n'est que le 4 avril 2018, après le début du congé maladie de Mme [A], le 28 mars 2018, que la société Phoenix GFI l'a contacté pour savoir s'il était intéressé par un poste en son sein.
Sur la pression exercée par l'employeur pour obtenir la restitution du véhicule de fonction et de ses accessoires au cours de la procédure de licenciement
Il est établi que :
- par lettre recommandée avec accusé de réception et Email du 15 mai 2018 présentée le 16 mai 2018, notifiant à Mme [A] sa mise à pied conservatoire et sa convocation à un entretien préalable fixé au 15 mai 2018, la société Phoenix GFI a demandé à la salariée de lui restituer immédiatement la totalité de ses outils professionnels et dès maintenant le véhicule de fonction mis à sa disposition ainsi que ses accessoires : carte grise, carte d'assurance, carte essence et badge de télépéage ;
- par lettre recommandée avec accusé de réception et Email du 17 mai 2018, la société Phoenix GFI a informé Mme [A] que compte-tenu de son arrêt de travail, M. [M] et M. [X] se présenteront à son domicile le 23 mai à 13h30 pour récupérer ses outils professionnels et le véhicule de fonction mis à sa disposition ainsi que ses accessoires : carte grise, carte d'assurance, carte essence et badge de télépéage ;
- la société Phoenix GFI a effectué le 23 mai 2018 à 16h42 une déclaration de main-courante à la gendarmerie selon laquelle, arrivés au domicile de Mme [A] aux alentours de 13h20, M. [M] et M. [X] ont essayé à plusieurs reprises de prendre contact avec elle par téléphone ou en sonnant à sa porte, qu'elle n'a pas répondu, qu'ils ont vu son véhicule personnel stationné devant son domicile et le véhicule professionnel stationné pas très loin et qu'ils ont entendu du bruit dans la maison et l'ont entendu parler;
- par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Phoenix GFI le 24 mai 2018, présentée le 26 mai 2018 et distribuée le 28 mai 2018, a dénoncé des agissements répétés ayant altéré sa santé physique et psychique, indiqué que les deux lettres adressées par son employeur, qui constituent des atteintes supplémentaires à son intégrité physique et psychique, ont aggravé son état, a relaté que le M. [M] et M. [X] se sont présentés la veille à son domicile en tapant à la porte durant plus de 3/4 d'heure, ce qui a provoqué de fortes angoisses pour elle et, plus grave encore, pour ses enfants et indiqué que le véhicule de fonction sera restitué par une tierce personne au siège de l'entreprise dans les délais légaux ;
- par lettre recommandée avec accusé de réception et Email du 25 mai 2018, la société Phoenix GFI a informé Mme [A] qu'elle avait déposé une main-courante à la gendarmerie relatant que bien que celle-ci, présente à son domicile le 23 mai 2018, n'avait pas satisfait au rendez-vous donné, a demandé à la salariée de se présenter dans les locaux de l'entreprise, le 31 mai à 11 heures pour restituer ses outils professionnels et le véhicule de fonction mis à sa disposition ainsi que ses accessoires : carte grise, carte d'assurance, carte essence et badge de télépéage et lui a indiqué qu'à défaut pour celle-ci de la contacter au plus tard le 30 mai 2018 à 9h pour proposer d'autres alternatives ne dépassant pas la date limite de restitution du 4 juin 2018 à 14h, elle se réserve le droit de déposer plainte auprès des autorités compétentes ;
- le 31 mai 2018 la société Phoenix GFI, exposant que Mme [A] ne s'est pas présentée au rendez-vous donné, a déposé plainte à son encontre à la gendarmerie pour abus de confiance pour ne pas avoir restitué le véhicule de fonction, la carte carburant total et le badge de télépéage d'autoroute ;
- Mme [A] a restitué le véhicule de fonction et ses accessoires le 11 juin 2018, après l'entretien préalable.
Les pressions réitérées exercées par la société Phoenix GFI sur Mme [A] pour récupérer le véhicule de fonction mis à sa disposition sont dès lors établies.
- Sur la dégradation de son état de santé
Mme [A] produit la copie de son dossier médical, dont il ressort parmi les motifs de consultation des 22 et 29 janvier 2015, du 10 novembre 2017, du 7 mars 2018, un stress lié à l'emploi et les 28 mars 2018 et 23 avril 2018 un syndrome dépressif et un stress lié à l'emploi donnant lieu à un diagnostic de burn-out ainsi que la prescription d'anxiolytiques et d'antidépresseurs ainsi que d'arrêts de travail.
Les éléments ci-dessus présentés par Mme [A] retenus comme établis, pris en leur ensemble, en prenant en compte les documents médicaux produits, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Il convient dès lors d'apprécier si la société Phoenix GFI prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, ce qu'elle ne fait pas.
La société Phoenix GFI soutient que les locaux dans lesquels Mme [A] travaillait étaient des locaux provisoires que l'intéressée avait eu l'occasion de voir avant de signer son contrat de travail, qu'elle avait ainsi accepté en connaissance de cause et que la situation financière de l'entreprise ne lui permettait pas de louer des locaux. Le fait que la salariée ait vu les locaux avant d'y travailler n'est pas de nature à justifier la situation qui lui a été imposée durant près de quatre ans. Si l'employeur invoque sa situation financière, il ne produit aucun élément sur ce point et ne justifie pas qu'elle ne lui aurait pas permis de procéder à la location de locaux appropriés à l'emploi de salariés, alors qu'il l'a fait quelques mois après. Il n'existe aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral justifiant l'environnement de travail imposé à Mme [A].
La société Phoenix GFI ne justifie pas avoir vainement tenté de recruter des gestionnaires de flotte déjà formés pour remplacer Mme [Z], qui a quitté l'entreprise en novembre 2017,et Mme [F], qui a quitté l'entreprise en décembre 2017, et alléger ainsi la charge de travail de Mme [A], Mme [O], engagée le 28 février 2018 n'étant pas formée et la société Phoenix GFI n'ayant contacté M. [I] pour savoir s'il était intéressé par un poste en son sein que le 4 avril 2018 pour une embauche au 4 juin 2018.
Aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral ne justifie la manière irrespectueuse dont l'employeur s'adressait à Mme [A] et la pression quotidienne subie dans l'exécution de son travail.
Aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral ne justifie non plus que Mme [A], craignant de s'opposer à son employeur, ait travaillé durant son arrêt maladie en février 2017 et qu'elle ne puisse généralement disposer de pauses repas sans être sollicitée par les appels téléphoniques des clients ou les questions de son employeur.
Aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral ne justifie non plus que la société Phoenix GFI n'ait pas fait application à Mme [A] en février 2017 des dispositions de la convention collective Syntec dont l'entreprise relevait du fait de son activité, qui prévoyait le maintien du salaire à 100% durant 90 jours après un an de présence au sein de l'entreprise, s'abstenant d'afficher celle-ci dans l'entreprise ainsi que l'a constaté l'inspecteur du travail le 09 avril 2018 et s'abstenant, jusqu'en octobre 2017, de la mentionner sur le contrat de travail de la salariée.
Aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral ne justifie enfin que la société Phoenix GFI fasse pression sur Mme [A] pour qu'elle restitue le véhicule de fonction, allant jusqu'à déposer plainte à son encontre, alors que, sauf stipulation contraire, le véhicule dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut lui être retiré pendant une période de suspension du contrat de travail.
Le harcèlement moral, qui est constitué indépendamment de la volonté de son auteur, est ici caractérisé.
Ces agissements répétés ont causé à la salariée un préjudice que la cour fixe à la somme de 3 000 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Phoenix GFI à payer ladite somme à Mme [A] à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, Mme [A] fait valoir, d'une part, que la société Phoenix GFI l'a laissée travailler dans des locaux insalubres et dans un environnement de travail inadapté, et, d'autre part, que la société Phoenix GFI n'a pris aucune mesure pour prévenir les agissements de harcèlement moral et que ces manquements sont d'autant plus graves qu'elle n'a pas bénéficié des visites médicales obligatoires du médecin du travail prévues par le code du travail.
La société Phoenix GFI ne justifie ni avoir fourni à la salariée un espace de travail conforme aux exigences réglementaires, ni avoir établi le document unique d'évaluation des risques obligatoire, ni avoir fait bénéficier l'intéressée d'une visite médicale d'embauche, puis d'une visite médicale périodique. Il ressort au surplus de la lettre d'observation adressée le 15 mai 2018 par l'inspection du travail à la société Phoenix GFI à la suite du contrôle effectué dans l'entreprise le 9 avril 2018, qu'elle n'avait pas procédé à l'affichage obligatoire des coordonnées de la médecine du travail et des textes concernant le harcèlement moral.
Méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et 4121-2 du code du travail, notamment par la mise en oeuvre d'actions d'information et de prévention propres à en prévenir la survenance.
La société Phoenix GFI ne justifie en l'espèce d'aucune mesure de prévention. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'elle avait manqué à son obligation de sécurité.
L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail et de l'article L. 4121-2 du même code, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle. Le salarié a droit à réparation, par des sommes distinctes, du préjudice résultant, d'une part, de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et, d'autre part, des conséquences du harcèlement effectivement subi.
Au vu des éléments de la cause, la cour fixe le préjudice subi par Mme [A] du fait du manquement de la société Phoenix GFI à son obligation de sécurité à la somme de 3 000 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Phoenix GFI à payer ladite somme à Mme [A] à titre de dommages-intérêts de ce chef.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement de 6 pages notifiée par la société Phoenix GFI à Mme [A], qui fixe les limites du litige, est rédigée notamment comme suit :
'(...) nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave fondée sur une violation grave de vos obligations contractuelles consistant en la mise en place d'un système de détournement de vos frais professionnels au détriment de votre employeur.
Nous vous en précisons ci-après les motifs :
Depuis le 13 octobre 2016, vous disposez :
- d'un véhicule de fonction Peugeot 208 1,6 E-Hdi 92 Business Pack,
- d'une carte carburant Total destinée à couvrir les frais de carburant et de lavage,
- d'un badge autoroute APRR destiné à couvrir les frais de déplacements professionnels liés à vos missions.
1. Utilisation du badge de télépéage durant vos heures de présence dans les locaux de l'entreprise,
2. Utilisation du badge de télépéage durant vos trajets domicile-travail et retours,
3. Utilisation du badge de télépéage alors que vous étiez en télétravail à votre domicile,
(...) l'analyse des utilisations du badge de télépéage fait ressortir :
- 26 utilisations du badge de télépéage durant vos heures de travail dans nos locaux ou alors que vous étiez en télétravail à votre domicile,
- 9 utilisations durant vos parcours entre votre domicile et votre lieu de travail alors que vous avez confirmé ne pas avoir de tronçon d'autoroute sur votre chemin, encore moins payante,
- 29 utilisations durant vos journées de travail et télétravail en dehors des plages horaires précédemment évoquées.
(...)
- La dépose du badge qui est clipsé au pare-brise du véhicule qui vous est attribué est forcément volontaire, or le badge a été apposé par M. [M] lorsqu'il disposait du véhicule et ne devait pas quitter le véhicule de fonction mis à votre disposition ;
- Le badge est aisément identifiable grâce à l'immatriculation du véhicule inscrite dessus ;
- Le nombre d'utilisations du badge depuis la prise de possession du véhicule, à savoir 225 passages en barrière de péage démontre un usage volontaire à titre privatif et ne relèvent pas de la simple erreur.
(...)
L'utilisation de cet accessoire est de ce fait strictement limité à un usage professionnel, situation qui ne s'est produite qu'une seule fois : le 22 janvier 2018.
(...)
Nous ne pouvons que constater que, de manière délibérée, vous avez retiré, ou laissé retirer du pare-brise de votre véhicule de fonction, le badge de télépéage, pour permettre à une autre personne de s'en servir afin de ne pas devoir payer ses propres frais de péage, tandis que ces coûts non justifiés étaient pris en charge par notre société, sans aucune autorisation et de manière masquée.
4. Achats d'un carburant différent de celui utilisé par votre véhicule de fonction avec la carte carburant professionnelle
(...) vérification faite auprès du loueur de voitures, l'historique des maintenances et opérations de réparation réalisées sur votre véhicule :
- valide la véracité de votre réponse pour l'achat de carburant du 26 janvier 2018 pour un volume de 10,24 litres;
- mais met en évidence une inexactitude s'agissant de l'achat de super 95 sans plomb du 15 février 2018 à 9h33 à [Localité 9] alors que vous vous trouviez dans les locaux de l'entreprise, qui n'a pas pu être fait par vous.
Ce dernier enlèvement démontre l'utilisation de la carte de carburant professionnelle qui vous était confiée par une personne inconnue de l'entreprise. Ceci prouve également que vous avez non seulement transmis cette carte à une tierce personne, mais que vous lui avez communiqué également le code PIN permettant son utilisation comme moyen de paiement, ceci en violation des règles d'utilisation de ladite carte qui vous ont été communiquées lors de sa remise. (...)
5. Achats de carburant supérieurs à la capacité du réservoir
Afin de justifier cette anomalie mise en évidence durant l'entretien préalable, vous nous avez informé qu'il s'agit d'achats de carburant réalisés lors de vos congés pour votre véhicule personnel (...) Vous nous avez précisé que vous m'auriez informé de cette utilisation à titre personnel de la carte carburant tout en confirmant ne disposer d'aucun écrit qui puisse justifier ces utilisations et confirmer vos dires. Je n'ai cependant aucun souvenir d'avoir échangé avec vous sur ce sujet et je suis donc contraint de vous laisser le bénéfice du doute sur ce grief. (...)
6. Consommation anormale du véhicule
(...) La multitude et la fréquence des enlèvements de carburant constatées depuis la prise de possession de votre véhicule de fonction ne permet qu'une seule interprétation aux données constatées, à savoir que vous avez régulièrement fait usage de la carte professionnelle à des fins purement personnelles. Cette conclusion est renforcée par l'augmentation réelle en l'absence d'une augmentation corrélative du kilométrage du véhicule en semaine, qui illustre une tendance lourde de l'utilisation de la carte carburant professionnelle à des fins personnelles au détriment de l'entreprise, et met en évidence votre attitude déloyale à l'égard de l'entreprise.
La somme des utilisations injustifiées des accessoires de votre véhicule représente, à la date du 11 juin 2018, 3 693,63 €, soit 31,21 % des coûts du véhicule depuis le 13 octobre 2016. Nous avons donc la preuve que près d'un tiers des frais que nus payons au titre de votre véhicule relève de coûts que vous avez mis à notre charge par un détournement des outils professionnels qui vous ont été remis en toute confiance.
Nous considérons que ces éléments qui sont tous liés les uns aux autres, mettent en évidence un véritable système délibéré et systématisé, visant à faire payer par votre employeur des frais non justifiés par votre activité professionnelle, en détournant à son détriment la confiance qui vous a été témoignée en vous remettant des outils liés à l'utilisation du véhicule. (...)
Votre attitude de dénégation et d'explications mensongères, maintenue au cours de votre entretien, alors que vous auriez pu décider de reconnaître la situation et de faire amende honorable, démontre de plus que vous cherchez jusqu'au bout à masquer vos agissements et que vous ne manifestez aucun regret, ni volonté d'essayez de vous améliorer. (...).
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qui motive le licenciement.
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Ce texte ne s'oppose pas toutefois à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement fautif du salarié s'est poursuivi dans ce délai ou dans la mesure où le salarié a commis dans le délai de prescription un agissement fautif de même nature.
Mme [F] ayant été embauché à compter du 5 septembre 2016 comme gestionnaire de flotte moyennant un salaire mensuel brut de 2 800 euros, Mme [A], qui était rémunérée comme gestionnaire de flotte moyennant un salaire mensuel brut de 2 500 euros, a obtenu l'attribution, le 13 octobre 2016, d'un véhicule de fonction Peugeot 208, d'une carte carburant Total et d'un badge de télépéage APRR. Le bulletin de paie de la salariée ne mentionnait pas d'évaluation de cet avantage en nature en terme de salaire brut, mais mentionnait une retenue sur le salaire net de l'intéressée de 163,61 euros sous l'intitulé 'participation transport'.
Elle soutient qu'ayant fait observer à M. [R] que l'attribution de ce véhicule de fonction ne la satisfaisait pas, dans la mesure où elle ne pourrait pas l'utiliser en dehors de ses déplacements professionnels ou de ses trajets domicile/travail car il n'était pas adapté à une famille de cinq et à la nécessité d'y installer un siège auto, il l'a autorisée à utiliser la carte carburant et le badge de télépéage lors de ses déplacements non professionnels avec son véhicule personnel, ce qu'elle a toujours fait depuis novembre 2016.
M. [R] n'affirme pas que cela n'a pas été le cas, se bornant à indiquer qu'il ne s'en souvient pas et qu'il laisse le doute lui profiter.
L'attestation de M. [E], qui indique que M. [R], qui lui a proposé par sms, le 21 mars 2015, d'intégrer la société, ce qu'il a refusé, lui a précisé qu'il fallait juste étudier 'un mode de rémunération' peut-être par l'intermédiaire de la mise à disposition d'un véhicule avec une carte carburant et un badge de télépéage, montre que de tels avantages pouvaient effectivement être utilisés par la société Phoenix GFI comme mode de rémunération.
Mme [A] soutient que M. [R] était parfaitement informé depuis octobre 2016 de ses utilisations de la carte carburant et du badge de télépéage, puisque :
- il l'a remplacé dans la gestion de la flotte de l'entreprise durant son arrêt maladie en février 2017, cette tâche ne pouvant être accomplie par elle depuis son domicile ;
- comptable de formation, il suivait attentivement la comptabilité de l'entreprise ;
- il recevait chaque mois des factures détaillées afférentes à l'usage de la carte carburant et au badge de télépéage, les contrôlait et les signait avant de les envoyer au comptable et qu'il avait également accès au détail des prélèvements sur les sites de Total et d'APRR ;
- alors que les utilisations abusives que la société Phoenix GFI lui prête correspondaient à une somme de 3 693,63 euros, représentant 31,21% du coût du véhicule, aucune remarque ne lui a jamais été faite ;
- l'entreprise utilisait pour la gestion de sa flotte le même logiciel que celui qu'elle mettait à la disposition de ses clients, qui, intégrant les données recueillies, comportait une gestion optimisée des alertes et un traitement automatisé de la facturation.
Elle conteste que, comme il le soutient, l'employeur n'ait pas paramétré la génération automatique des alertes s'agissant de la flotte de l'entreprise, faisant valoir qu'il n'y avait aucune raison qu'il se prive de cet outil et soulignant à juste titre que les captures d'écran produites ne sont pas probantes, dès lors que le paramétrage peut être modifié à tout moment, le temps d'une capture d'écran.
La cour retient au vu des éléments sus-énoncés que Mme [A] a effectivement été autorisée à utiliser la carte carburant et le badge de télépéage non seulement pour ses déplacements professionnels et non professionnels à l'aide de son véhicule de fonction mais également pour ses déplacements à l'aide de son véhicule personnel pour des motifs non professionnels.
La société Phoenix GFI produit :
- un compte-rendu de l'entretien préalable non signé dont il apparaît qu'il a été établi par M. [M] qui y a notamment inséré un tableau qu'il présente comme 'l'historique des utilisations du badge sur février 2018", ainsi qu'un tableau qu'il présente comme répertoriant les 226 utilisations au total faites de ce badge depuis sa mise à disposition de Mme [A] le 13 octobre 2016 comme suit : 5 fois en 2 jours en octobre 2016, 2 fois en 2 jours en novembre 2016, 5 fois en 3 jours en décembre 2016, 1 fois en 1 jour en janvier 2017, 17 fois en 7 jours en février 2017, 2 fois en 2 jours en mars 2017, 7 fois en 4 jours en avril 2017, 17 fois en 7 jours en mai 2017, 9 fois en 7 jours en juin 2017, 6 fois en 3 jours en juillet 2017, 10 fois en 4 jours en août 2017, 13 fois en 5 jours en septembre 2017, 14 fois en 7 jours en octobre 2017, 15 fois en 9 jours en novembre 2017, 20 fois en 12 jours en décembre 2017, 10 fois en 6 jours en janvier 2018, 24 fois en 13 jours en février 2018, 9 fois en 6 jours en mars 2018, 17 fois en 7 jours en avril 2018 et 23 fois en 9 jours en mai 2018, en indiquant qu'une seule utilisation correspond à un usage professionnel, celle du 22 janvier 2018 ;
- en pièces 13, sous l'intitulé 'analyse des coûts du véhicule de fonction', et 61, sous l'intitulé 'Extraction analyse des coûts du véhicule de Mme [A]', les documents suivants établis à une date indéterminée et portant sur la période du 13 octobre 2016 au 30 mai 2018 :
*un document mentionnant la date, l'heure et la nature de chaque frais engagé relatif au véhicule de fonction et à ses accessoires (assurance, péages, honoraires de gestion, carburant, abonnements, parking, pneumatiques, maintenance, autres coûts) ainsi que le kilométrage déclaré selon le relevé compteur effectué chaque mois, mis en parallèle avec la situation de la salariée (bureau, télétravail, week-end, congés, arrêts maladie, S.O.), avec selon les cas la mention conforme, anomalie, impossible, interdit ;
*un document récapitulatif intitulé 'répartition des coûts par genre et statut' mentionnant un total général (assurance, péages, honoraires de gestion, carburant, abonnements, carte carburant, parking, pneumatiques, maintenance, autres coûts, loyer financier, taxes) de 11 833,80 euros, dont 8 140,17 euros avec le statut 'conforme', 3 693,63 euros (31,21% des coûts du véhicule) avec le statut non conforme, soit 3 458,92 euros avec le statut 'anomalies', 194,74 euros avec le statut 'impossible' et 39,97 euros avec le statut 'interdit' ;
*un document intitulé 'Rapprochement distance parcourue/carburant nécessaire/carburant réellement consommé' ;
*un document mentionnant, pour la période du 13 octobre 2016 au 30 mai 2018, pour chaque mois le relevé de compteur et, jour par jour, l'état de présence de la salariée lors des événements, les enlèvements de carburant (Nb, litres, coût) et les péages (Nb, coût), avec le total mensuel ;
*un document établi par ses soins à une date indéterminée intitulé 'consommation moyenne des véhicules du parc Phoenix': sur les 3 derniers mois, sur les 6 derniers mois, sur les douze derniers mois.
La société Phoenix GFI fait valoir qu'indépendamment de l'utilisation personnelle qu'elle en a faite, Mme [A] a permis à une personne extérieure à l'entreprise d'utiliser la carte carburant et le badge de télépéage mis à sa disposition
Mme [A] conteste les données communiquées et les analyses produites par la société Phoenix GFI.
Mme [A] ayant été autorisée à utiliser la carte carburant et le badge de télépéage non seulement pour ses déplacements professionnels et non professionnels à l'aide de son véhicule de fonction mais également pour ses déplacements à l'aide de son véhicule personnel pour des motifs non professionnels, l'employeur est mal fondé :
- à reprocher à la salariée des achats de carburant d'un volume supérieur à celui du réservoir du véhicule Peugeot 208 de fonction, alors qu'il n'est pas démontré qu'ils dépassaient la capacité du réservoir de son véhicule personnel;
- à se prévaloir d'une consommation anormale de carburant au vu du seul kilométrage du véhicule Peugeot 208 de fonction (rapport 'distance parcourue/carburant nécessaire/carburant réellement consommé' calculé par rapport au seul kilométrage du véhicule Peugeot 208 de fonction ou consommation moyenne du véhicule Peugeot 208 de fonction supérieure à celle des autres véhicules de fonction du parc Phoenix') ;
- à faire grief à la salariée de ne pas avoir laissé le badge de télépéage dans le véhicule de fonction, étant précisé que la preuve n'est pas rapportée que le badge de télépéage ait été fixé à l'intérieur de ce véhicule, comme il le prétend.
Au vu de l'aspect identique du badge de télépéage correspondant à l'abonnement familial et celui mis à sa disposition par l'entreprise et le numéro d'immatriculation qui, après toute une série de chiffres, les différencie ne se remarquant pas de manière évidente de prime abord, Mme [A] est bien fondée à faire valoir que de rares confusions ont pu être faites par son mari entre ces deux badges.
S'agissant de l'utilisation de la carte carburant, elle fait valoir que c'est elle seule qui l'a utilisée et pour son usage personnel et non au profit d'un tiers.
Si la société Phoenix GFI était fondée à s'interroger sur l'utilisation de la carte carburant pour l'achat d'essence, à savoir du super 95 sans plomb, au lieu de gaz-oil, il est constant que l'essence achetée le 26 janvier 2018 à 17h57 à [Localité 14] a été utilisée pour le véhicule de courtoisie fourni par le garage à Mme [A] en remplacement de son véhicule de fonction immobilisé et il n'est pas établi avec certitude que la salariée était présente au bureau le jeudi 15 février 2018 lorsque la carte carburant a été utilisée pour acheter de l'essence à [Localité 9] à 9h33.
Les données sur l'état de présence de la salariée lors des événements, qui déclenchent les anomalies ne sont pas fiables, dès lors qu'elles ne prennent pas en compte les déplacements professionnels de la salariée au cours de sa journée de travail.
Ainsi, s'agissant de l'utilisation du badge de télépéage, Mme [A] fait valoir que par exemple :
- le 28 octobre 2016 à 10h27 à [Localité 13], à 12h00 à [Localité 5] et à 16h18 à [Localité 6], elle a utilisé ce badge lors d'un déplacement professionnel à [Localité 11] ;
- le 1er février 2018 à 16h40 à Velizy, elle a utilisé ce badge lors d'un déplacement professionnel à [Localité 7] ;
- le 8 février 2018 à 6h17 et à 16h44 à [Localité 8], elle a utilisé ce badge lors d'un déplacement professionnel à [Localité 10], le fait que le mari de Mme [A] n'ait pas utilisé le badge familial ce même jour étant sans incidence, l'intéressé ayant ou ne pas s'être déplacé sur autoroute à péage ce jour-là;
La société Phoenix GFI, sur qui repose la charge de la preuve, ne rapporte la preuve contraire.
S'agissant de l'utilisation de la carte carburant, elle fait valoir à juste titre que des retraits de carburant font l'objet de mentions d'anomalies au motif qu'elle aurait été présente dans l'entreprise, alors que les retraits effectués aux dates considérées ont été effectués par exemple à 18h58, 19h38, 0h47, 8h32, 8h35, 18h29, 19h16, 20h46.
La société Phoenix GFI, à qui il appartient de rapporter la faute grave qu'elle invoque à l'appui du licenciement, ne produit aucun élément établissant que les données qu'elle communique sont réellement fiables quant à la présence de la salariée au bureau, à son domicile pour télétravail ou sur le trajet domicile-travail et ne produit aucun élément établissant que les données extraites de son logiciel sont infalsifiables, alors que Mme [A] soutient que le logiciel en place permet de modifier les données enregistrées.
Elle ne produit à défaut aucune facture venant corroborer la réalité des utilisations abusives du badge de télépéage et de la carte carburant qu'elle impute à Mme [A]. Il s'ensuit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [A] soutient que son licenciement est nul comme ayant été prononcé en violation de la liberté fondamentale d'ester en justice. La société Phoenix GFI soutient qu'elle ignorait que Mme [A] avait saisi l'inspection du travail.
La cour constate, d'une part, que licenciement pour faute grave dont Mme [A] a fait l'objet à l'issue de la procédure de licenciement engagée le 15 mai 2018, est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, d'autre part, qu'il fait suite à un contrôle effectué au sein de l'entreprise le 9 avril 2016 par l'inspection du travail, saisie par la salariée le 12 mars 2018. Il appartient dès lors à l'employeur d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par la salariée, de son droit d'agir en justice.
Si M. [R] et M. [M] attestent qu'ils ignoraient, à la date du licenciement, que Mme [A] avait saisi l'inspection du travail, attribuant le contrôle à une dénonciation de Mme [F], aucun élément probant ne vient corroborer cette affirmation, le fait que Mme [N], salariée de l'entreprise, atteste qu'elle-même n'avait pas fait ce lien et affirme que M. [R] et M. [M] ne l'avait pas fait non plus non plus étant insuffisant.
La preuve n'étant pas rapportée d'éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par la salariée, de son droit d'agir en justice, le licenciement est nul.
Mme [A] est donc bien fondée à prétendre aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité pour licenciement nul.
- sur le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire
En l'absence de faute grave la justifiant, la mise à pied conservatoire dont Mme [A] a fait l'objet était injustifiée. La salariée est dès lors fondée à prétendre au paiement du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait travaillé durant la période considérée. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Phoenix GFI à payer à Mme [A] la somme de 4 200 euros à titre de rappel de salaire pour la période considérée ainsi que la somme de 420 euros au titre des congés payés afférents.
- sur l'indemnité compensatrice de préavis
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus la salariée si elle avait travaillé pendant cette période.
Il résulte des bulletins de paie produits que si Mme [A] avait travaillé pendant les deux mois du préavis, elle aurait perçu un salaire mensuel brut de 2 800 euros.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Phoenix GFI à payer à la salariée la somme de 5 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 560 euros au titre des congés payés afférents.
- sur l'indemnité de licenciement
Selon l'article R1234-1 du code du travail, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
Selon l'article R1234-2, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.
Selon l'article R1234-4, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.
Mme [A] est bien fondé à se prévaloir d'un salaire mensuel brut moyen de 3 024,09 euros au cours de la période de référence, justifié par les bulletins de paie produits et d'une ancienneté de quatre ans et deux mois, qui n'est pas en elle-même contestée.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Phoenix GFI à payer à la salariée la somme de 3 150,09 euros à titre d'indemnité de licenciement.
- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [A] sollicite la somme de 24 000 euros, nette de CSG-CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
En raison de l'âge de la salariée, 38 ans à la date de son licenciement, du montant de la rémunération qui lui était versée et de son aptitude à retrouver un emploi, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'employeur à lui payer, en application de l'article L. 1235-3-1du code du travail, en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de l'illicéité de la perte de son emploi, la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, sans préjudice des contributions fiscales et des cotisations sociales le cas échéant légalement applicables.
Sur les intérêts
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La société Phoenix GFI, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner à payer à Mme [A] la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble des frais irrépétibles que celle-ci a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 7 mai 2021, sauf en ce qu'il a débouté la société Phoenix GFI de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Dit le licenciement de Mme [D] [A] nul ;
Condamne la société Phoenix GFI à payer à Mme [D] [A] les sommes suivantes :
*429, 66 euros net à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2017,
*42,97 euros net au titre des congés payés afférents,
*3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
*3 000 à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
*4 200 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
*420 euros brut au titre des congés payés afférents,
*5 600 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*560 euros brut au titre des congés payés afférents,
*3 150,09 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
*24 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, sans préjudice des contributions fiscales et des cotisations sociales le cas échéant légalement applicables ;
Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation ;
Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déboute la société Phoenix GFI de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Condamne la société Phoenix GFI à payer à Mme [D] [A] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles exposés par celle-ci tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Condamne la société Phoenix GFI aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,