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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02135

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 21/02135


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/02135 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTSJ



AFFAIRE :



[F] [A]





C/



Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 4]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 16 Avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 19/01783





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :







Me Christian VALENTIE





Me Emmanuel MOREAU de

la SCP MOREAU E. & ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02135 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTSJ

AFFAIRE :

[F] [A]

C/

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 4]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 16 Avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 19/01783

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christian VALENTIE

Me Emmanuel MOREAU de

la SCP MOREAU E. & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [A]

né le 21 Août 1955 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par : Me Christian VALENTIE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2441 substitué par Me AH-FAH Philippe avocat au barreau de NANTES.

APPELANT

****************

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 substitué par Me BARRADO Juan avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [A] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 juin 1980, en qualité d'agent technique qualifié, par la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) des [Localité 4], qui emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective du personnel des organismes de la Sécurité sociale.

En dernier lieu, M. [A] occupait les fonctions de technicien administratif au sein du pôle de pré-traitement de l'information (PPTI).

Par courrier du 17 janvier 2018, l'employeur a notifié au salarié une lettre d'observations pour avoir tenu des propos indécents à une de ses collègues et adopté un comportement insistant voir menaçant.

Le 6 mars 2019, M. [A] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 21 mars suivant.

Saisie le 25 mars 2019 par l'employeur, la commission régionale de discipline, qui s'est réunie le 15 avril 2019, a considéré que le comportement de M. [A] était bien fautif et justifiait une sanction mais s'est opposé au projet de la direction de le licencier pour faute grave.

Par lettre datée du 29 avril 2019, M. [A] a été licencié pour faute grave.

Le 18 juillet 2019, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'entendre prononcer l'annulation de la mise à pied conservatoire, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 16 avril 2021, notifié le 1er juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que le licenciement pour faute grave de M. [A] est bien fondé.

Déboute M. [A] :

. de sa demande d'annulation de la mise à pied conservatoire

. de sa demande d'indemnité au titre de préjudice moral

. de sa demande d'indemnité légale de licenciement

. de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la CPAM des [Localité 4] de sa demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [A] aux éventuels dépens.

Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le 1er juillet 2021, M. [A] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 10 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 16 mai 2023.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 9 mai 2023, M. [A] demande à la cour de :

Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut le requalifier,

Condamner la Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] au paiement des sommes suivantes :

- 4 383,91 euros pour annulation de la mise à pied conservatoire,

- 51 074,99 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 7 358,01 euros d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

- 44 594 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Se prévalant de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation en vertu de laquelle l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle emporte le caractère injustifié de la sanction en cas de non respect d'une garantie de fond, et arguant de plusieurs manquements de l'employeur à la procédure conventionnelle, M. [A] soutient le caractère nul voire sans cause réelle et sérieuse du licenciement.

Il fait valoir notamment que faute pour l'employeur d'avoir respecté la procédure conventionnelle de mise à pied conservatoire, en ce que, d'une part, les délégués du personnel présents lors de l'entretien du 6 mars 2019 n'avaient pas été choisis par lui mais par l'employeur et, d'autre part, qu'il n'avait pas été informé de la faculté de se faire assister par une personne de son choix durant l'entretien de mise à pied conservatoire, ces irrégularités qui ont porté atteinte aux droits de sa défense emportent la nullité de la mesure prise laquelle s'analyse par suite non pas en une mesure conservatoire mais en une sanction de surcroît illicite en ce qu'elle n'a pas été précédée de la mise en oeuvre de la consultation de la commission de discipline.

Se prévalant de la règle non bis in idem, l'appelant soutient que cette sanction pécuniaire prohibée et le licenciement pour faute grave ne peuvent sanctionner les mêmes faits fautifs de telle sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir encore la composition irrégulière de la délégation du personnel lors de l'entretien préalable disciplinaire dans la mesure où un délégué du personnel n'appartenait pas à la même catégorie professionnelle que lui, la communication d'un dossier disciplinaire incomplet avant la réunion de la commission régionale de discipline, l'absence de prise en compte de l'avis du conseil régional de discipline lors du licenciement, et enfin le non-respect du délai, selon lui impératif, fixé par l'article 48 de la convention collective, dans lequel le licenciement doit être prononcé à compter de la date de l'entretien préalable.

Enfin, il plaide le caractère injustifié de son licenciement pour manquement de la Caisse à son obligation de protection de la santé et de la sécurité du personnel.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 8 mai 2023, la CPAM des [Localité 4] demande à la cour de déclarer l'appel de M. [A] infondé, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 16 avril 2021 du conseil de prud'hommes, de débouter en conséquence M. [A] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La caisse conteste tout manquement à la procédure conventionnelle et objecte qu'en toute hypothèse conformément aux dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, une éventuelle irrégularité ne pourrait emporter le caractère injustifié du licenciement mais tout au plus sa condamnation au paiement d'une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Elle réfute l'argumentation du salarié quant à un prétendu manquement à son obligation de sécurité et soutient rapporter la preuve de la faute grave reprochée.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée:

« Monsieur,

En dépit des observations qui vous avaient été faites en 2018 par la Direction des Ressources Humaines à l'occasion de la procédure disciplinaire engagée à votre encontre, vous avez réitéré votre comportement agressif envers l'un de vos collègues.

Le 05 mars 2019, alors que M. [I] [M], salarié au pôle de pré-traitement de l'information - PPTI - de la CPAM des [Localité 4] dont le poste de travail est situé face au vôtre, venait de commencer son activité, vous vous êtes brusquement retourné et approché de lui.

Vous l'avez alors menacé de mort à plusieurs reprises tout en tapant vigoureusement sur un bureau.

M. [M], comme vos autres collègues présents au moment des faits, a eu très peur et s'est réfugié dans le bureau du responsable puis s'est montré dans l'incapacité de reprendre son activité par la suite.

Compte tenu de la violence des événements, une déclaration d'accident du travail a été établie précisant que M. [M] avait éprouvé un choc psychologique, ce dernier ayant, par ailleurs, déposé une plainte à votre encontre le 7 mars 2019.

A la suite de cet incident grave sur le plateau du PPTI, vous avez été reçu par un représentant de la Direction des Ressources Humaines, entretien durant lequel vous avez reconnu avoir crié sur M. [M] et avoir tapé violemment du poing sur le bureau.

Ce faisant, vous avez enfreint les dispositions des articles 29 et 33 du règlement intérieur qui stipulent que :

- « Tout salarié doit se conformer aux instructions et recommandations de ses supérieurs hiérarchiques dans le respect des textes légaux et réglementaires. Tout acte de nature à porter atteinte à la sécurité, à troubler le bon ordre et la discipline est interdit. »

- « Tout le personnel est tenu d'adopter, dans l'exercice de ses fonctions, une tenue, des attitudes, un comportement qui respectent la liberté et la dignité de chacun. »

Compte tenu de la panique suscitée par votre comportement sur le plateau du PPTI et du caractère inacceptable de telles violences sur le lieu de travail, vous avez été convoqué, par courrier du 6 mars 2019, à un entretien disciplinaire qui s'est tenu le 21 mars 2019, en votre présence et celle de deux délégués du personnel.

Concomitamment, vous avez été mis à pied à titre conservatoire, sans traitement, à compter du 6 mars 2019, après avoir été entendu le jour même par un représentant de la Direction des Ressources Humaines et le Directeur Général Adjoint en présence de deux délégués du personnel, en application des dispositions de l'article 48 de la Convention collective des organismes de sécurité sociale.

Conformément aux dispositions précitées, la Directrice des Ressources Humaines a saisi le Conseil de Discipline Régional qui s'est réuni le 15 avril 2019, en votre présence et celle de Maître [K] [A] qui vous assistait, et qui a rendu l'avis suivant :

« Considérant les éléments du dossier soumis au Conseil de Discipline Régional,

Considérant les griefs retenus par la Direction de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 4] (CPAM 92) à l'encontre de Monsieur [F] [A] :

- Manquements fautifs et délibérés aux dispositions du règlement intérieur,

- Comportement violent, dangereux et réitéré à l'égard de ses collègues,

- Situation préjudiciable au bon fonctionnement du service,

Considérant que Monsieur [F] [A] a reconnu une partie des faits et s'en explique,

Considérant que le comportement de Monsieur [F] [A] est fautif et justifie une sanction,

Mais considérant l'ancienneté de Monsieur [F] [A],

Considérant que le dossier ne comporte pas des éléments suffisamment probants et qu'une autre sanction pourrait être prononcée,

Le Conseil de Discipline Régional, après délibération, se prononce à l'unanimité contre la sanction suivante

- Licenciement sans indemnités pour faute grave, proposée par la direction de la Direction de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des [Localité 4] à l'encontre de M. [F] [A]. »

Votre comportement inapproprié m'a déjà conduit à engager une procédure disciplinaire, aux termes de laquelle je vous avais vivement encouragé à modifier votre comportement, par courrier du 17 janvier 2018.

Pourtant, au mois de novembre 2018, une des managers de proximité du pôle PPTI signalait votre attitude particulièrement agressive et violente à son encontre alors qu'elle vous avait donné une instruction.

Les faits qui vous sont à nouveau reprochés s'inscrivent dans la répétition de cette violence.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, notamment du caractère dangereux et réitéré de votre comportement, préjudiciables au bon fonctionnement du service, j'ai décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave, privatif du préavis et de l'indemnité de licenciement. [...] »

Sur la méconnaissance des garanties conventionnelles de fond du licenciement disciplinaire :

En vertu de l'article 48 de la convention collective nationale applicable au personnel des organismes de sécurité sociale, dans sa rédaction au jour de l'engagement de la procédure disciplinaire, et sans préjudice des dispositions spécifiques du code du travail en matière de licenciement, les sanctions de suspension sans traitement avec maximum de 7 jours ouvrables, de rétrogradation et de licenciement, avec ou sans indemnité, sont soumises à la procédure suivante :

- lorsque le directeur envisage de prendre l'une de ces trois sanctions, il doit convoquer le salarié en lui indiquant l'objet de la convocation. Au cours de l'entretien, l'agent est entendu en présence des délégués du personnel. Il peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ; l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié ;

- le directeur a 5 jours ouvrés maximum à compter du jour de l'entretien pour demander la convocation du Conseil de discipline ;

- le Conseil de discipline est convoqué par son secrétariat dans un délai de 8 jours suivant la réception de la demande de convocation du directeur de l'organisme concerné et doit se réunir dans les 15 jours suivant la réception de cette demande ;

- le Conseil de discipline ne peut valablement délibérer que si le quorum est atteint dans chaque collège et si la parité est assurée. A défaut, le Conseil de discipline se réunit à nouveau dans un délai maximum de 8 jours francs et se prononce à la majorité des membres présents ;

- les conclusions du Conseil de discipline sont notifiées par écrit dans les 48 heures au directeur et à l'agent en cause ;

- en tout état de cause, la sanction ne peut intervenir avant que le Conseil de discipline ne se soit prononcé sur la proposition faite par le directeur, le délai total de la procédure ne pouvant excéder un mois à compter de la date de l'entretien.

- le directeur prend sa décision, compte tenu des conclusions du Conseil de discipline qu'il devra rappeler en tout état de cause dans la notification qui sera faite à l'agent intéressé. La sanction doit être motivée et notifiée à l'intéressé.

En cas de faute professionnelle susceptible d'entraîner le licenciement, le directeur peut prendre une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat avec traitement pendant un mois maximum, en attendant que le Conseil de discipline se soit prononcé, après avoir entendu l'intéressé en présence des délégués du personnel.

Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

En cas de faute grave au sens de la jurisprudence, le directeur peut prendre une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat et sans traitement, en attendant que le Conseil de discipline se soit prononcé, après avoir entendu l'intéressé en présence des délégués du personnel. Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Le Conseil de discipline appréciera s'il y a faute grave.

Le Conseil de discipline se prononcera au sujet de la sanction proposée par le directeur.

S'il était de droit que l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, n'était assimilée à la violation d'une garantie de fond et ne rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse que lorsqu'elle privait le salarié des droits de sa défense ou lorsqu'elle était susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur, force est de relever que dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, l'article L. 1235-2 alinéa 5 du code du travail énonce que 'lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.'

En l'espèce, la Caisse primaire d'assurance maladie justifie que suite aux faits reprochés, et dans la perspective de la mise en oeuvre de la mise à pied conservatoire, elle a :

- convoqué l'ensemble des délégués du personnel, au nombre de 21, par message circulaire adressé le 6 mars à 12H34 pour assister dans l'après-midi à l'entretien de mise à pied conservatoire organisé à 15H30 (pièce n° 4 de la société intimée) ;

- tenté de remettre au salarié une convocation pour le dit entretien qui rappelait la faculté de se faire assister lors de l'entretien par une personne de son choix salariée de la caisse, ainsi qu'en témoigne M. [I], adjoint de la directrice des ressources humaines, mais que devant son refus de contresigner cette convocation, ce dernier lui a lu les termes de la convocation et rappelé la possibilité de s'y faire assister par le collègue de son choix, peu important que les circonstances de la remise de cette convocation ne soient pas reprises dans le réquisitoire du 19 mars ni la lettre de licenciement (pièces n°2 et 32 de la caisse).

Il est constant qu'à l'heure de l'entretien, deux déléguées du personnel, Mmes [L] et [J], se sont présentées pour y assister ; aucun élément ne vient étayer les allégations du salarié selon lesquelles ces déléguées, qui ont répondu à la convocation circulaire adressée, auraient été 'choisies' par la direction et qu'elles auraient manqué aux obligations de leurs mandats ; aucune irrégularité n'est établie à ce titre (pièce n°6).

L'erreur matérielle figurant sur la feuille de présence qui mentionne les noms des deux déléguées du personnel sous la rubrique 'CFTC', alors qu'elles sont affiliées à la CFDT, ainsi que l'adjoint de la DRH, l'indique dans un message du 6 mars au soir, est sans emport.

Par ailleurs, soulignant que le représentant de la Caisse s'est fait assister lors de cet entretien préalable à la mise à pied conservatoire, par l'adjoint de la directrice des ressources humaines et 2 collaborateurs du service PPTI, au sein duquel il travaillait, M. [A] fait valoir que cette 'sur représentation' de l'équipe dirigeante a porté atteinte aux droits de sa défense. Toutefois, dès lors que le salarié avait été informé de la faculté d'être assisté par une personne salariée de son choix, faculté qu'il n'a pas exercée, que 21 délégués du personnel avaient été convoqués au dit entretien, 2 déléguées du personnel ayant effectivement assisté à cet entretien, nulle 'sur représentation' de l'employeur n'est caractérisée ainsi qu'il l'affirme.

En outre et surtout, le salarié qui ne prétend pas avoir été empêché de présenter ses observations et se contente d'affirmer que les déléguées du personnel seraient restées 'en retrait', ne caractérise pas en quoi ses droits de la défense n'auraient pas été respectés ni l'influence que cette situation aurait exercée sur la décision de l'employeur de lui notifier sa mise à pied conservatoire sans traitement.

Il s'ensuit que les critiques formulées par M. [A] relativement aux conditions dans lesquelles la mise à pied conservatoire lui a été notifiée ne sont pas fondées.

L'appelant sera débouté de sa demande d'annulation de cette mesure, laquelle ne saurait constituer comme il le plaide en une sanction disciplinaire, constitutive d'une sanction pécuniaire prohibée, prononcée au mépris des stipulations conventionnelles et sans avis préalable de la commission régionale de discipline, qui aurait épuisé de surcroît le pouvoir disciplinaire de l'employeur sur les griefs visés dans la lettre de licenciement. Le moyen tiré d'une prétendue violation du principe non bis in idem n'est pas fondé.

Relativement à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, M. [A] critique vainement le fait que l'un des délégués du personnel qui l'a assisté lors de cet entretien n'appartenait pas au même collège que lui à savoir celui des 'ouvriers - employés'.

M. [A] invoque également un non respect du contradictoire en ce que le dossier qui a été communiqué à la commission régionale de discipline et à lui était incomplet dans la mesur où il était composé de 18 pièces, soit un nombre inférieur au nombre des pièces produites par la Caisse devant les juridictions prud'homales, à savoir 41 pièces. Le salarié qui ne prétend pas que l'employeur ne lui aurait pas communiqué l'ensemble des pièces portées à la connaissance de la commission de discipline, n'est pas fondé à reprocher à l'employeur d'avoir complété son dossier dans le cadre de l'instance judiciaire, peu important que certaines attestations ont été rédigées postérieurement à la procédure disciplinaire ou au prononcé du licenciement, pièces dont la cour appréciera la force probante.

Tout en concédant que l'employeur n'est pas lié par l'avis de la commission de discipline, M [A] lui fait encore grief de ne pas en avoir tenu compte ainsi que l'y invite l'article 48 de la convention collective.

La lettre de licenciement rappelle les termes de l'avis rendu par la commission de discipline, lesquels font essentiellement référence à 'l'ancienneté du salarié, au fait que le dossier ne comporte pas des éléments suffisamment probants et qu'une autre sanction pourrait être prononcée'. Puis, la Caisse souligne la réitération de faits d'agressivité manifestée à l'égard de collègues et l'absence de prise en compte par le salarié des mises en garde dont il avait fait l'objet, avant de conclure que 'compte tenu de l'ensemble de ces éléments', elle décide de prononcer le licenciement du salarié pour faute grave. Il en ressort que contrairement à ce que soutient M. [A], l'employeur a bien satisfait à l'obligation conventionnelle qui lui est faite de prendre en compte l'avis de la commission de discipline.

L'engagement de la procédure conventionnelle a interrompu le délai d'un mois dans lequel la sanction doit en principe être prononcée à compter de l'entretien préalable ainsi qu'en dispose l'article L. 1332-2 du code du travail. Contrairement à ce que soutient le salarié les conditions posées par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ont été en l'espèce parfaitement respectées : premièrement, la procédure conventionnelle a été engagée le 25 mars, dans les 5 jours de l'entretien préalable comme le prévoit l'article 48 de la convention collective, procédure qui a interrompu le délai légal ; deuxièmement, le salarié a bien été informé dans ce délai de la saisine de la commission régionale de discipline (pièce n°17 de la société intimée), laquelle, faute de quorum, a dû reporter la réunion initialement prévue au 9 avril au 15 avril suivant ; enfin, la sanction a bien été notifiée le 29 avril 2019, dans le mois qui a suivi l'avis rendu le 15 avril par la commission.

Il s'ensuit que la caisse n'a pas méconnu les garanties conventionnelles de fond du licenciement disciplinaire.

Sur la cause du licenciement :

M. [A] concède s'être emporté ce jour là vis-à-vis de M. [M] et d'avoir tapé sur la table de son bureau, mais réfute catégoriquement avoir menacé son collègue de mort. Il reproche à l'employeur d'être à l'origine des faits qui lui sont reprochés en invoquant un manquement de ce dernier à son obligation de sécurité tant vis-à-vis de l'équipe de travail que de lui-même. Il critique en outre la force probante des témoignages versés aux débats par l'employeur.

La Caisse primaire d'assurance maladie réfute tout manquement à son obligation de sécurité vis-à-vis du salarié, et soutient rapporter la preuve des agissements qu'elle lui reproche.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Pour preuve de la faute grave reprochée au salarié, la CPAM verse aux débats les attestations concordantes et circonstanciées établies par M. [M] et Mme [N] desquelles il ressort qu'au temps et au lieu du travail M. [A] s'est soudainement et sans raison emporté contre son collègue, M. [M] en l'interpellant de manière virulente en tapant avec la main sur la table en lui disant 'ça suffit la délation', 'ça va pas se passer comme ça', 'je suis fort, je suis fort' avant de le menacer à trois reprises de mort : 'je vais te tuer, je vais te tuer, je vais te tuer'. Ces attestations sont confortées par le témoignage de Mme [E] qui, par message adressé à Mme [B] confirme que M. [M] travaillait à son poste quand subitement [F] ([A]) s'est retourné à plusieurs reprises et s'est levé de la chaise en lui disant 'tu arrêtes' (en serrant) les poings et en disant aussi 'je vais te tuer'. Cela a duré quelques minutes'.

Il est en outre démontré la répercussion que ces faits ont eu sur le salarié visé par ces menaces et le service, Mme [N] décrivant suite à cette altercation M. [M] comme 'pétrifié', précisant elle-même que 'ses jambes tremblaient', tandis que Mme [B], chef de service auprès de qui les faits ont été aussitôt signalés, témoigne de ce que M. [M] lui paraissait 'en état de choc si j'en crois sa pâleur et son état de sidération'. M. [M] sera autorisé à rentrer à son domicile ensuite de l'agression dont il a été victime. Une déclaration d' accident du travail sera établie par l'employeur le lendemain, M. [M] étant placé par son médecin traitant en arrêt maladie jusqu'au 29 mars 2019 (pièce n°22 de la CPAM).

Ces éléments ne sont pas sérieusement discutés par le salarié qui se borne à remettre en question la force probante de ces témoignages et à tenter de minimiser les faits reprochés. La Caisse primaire d'assurance maladie rapporte ainsi la preuve que M. [A] a adopté à l'égard de M. [M] un comportement agressif avant de proférer à son encontre des menaces de mort.

Tout en rappelant avoir fait l'objet d'une procédure disciplinaire sanctionnée par une lettre d'observations en 2018, pour avoir notamment adopté des gestes obscènes envers Mme [G], une de ses collègues, et relevant que la Caisse fait état de deux nouveaux incidents survenus en 2018 au cours desquels, indique'il, il se serait comporté de manière agressive à l'égard de Mme [H] en lui disant 'toi, tu vas avoir des problèmes avec ton mari et M. [D]', et aurait traité Mme [C] de 'sourde' et de 'taularde' en lui hurlant près du visage, M. [A] reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir engagé plus tôt la procédure disciplinaire au vu des précédents évoqués et de ne pas 'avoir agi de façon énergique et préventive' pour éviter un incident supplémentaire, concluant son argumentation en affirmant que 'c'est l'abstention fautive de la Caisse qui (lui) aura permis de répéter son agression du 5 mars 2019".

Il ne résulte en aucune façon de la thèse ainsi développée par le salarié un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité le concernant, observation faite que les faits reprochés sont sans rapport aucun avec une restriction de port de charges supérieures à 5 kilos figurant dans un avis du médecin du travail du 20 décembre 2015. L'appelant n'est pas fondé à invoquer à son profit l'éventuel manquement de l'employeur à son obligation d'assurer la sécurité de ses collègues et de les préserver de ses propres excès.

Par ailleurs, M. [A] reproche la carence de l'employeur en ce qu'il n'a pas recherché la relation entre la faute grave reprochée et son état de santé, ce qui justifierait la disqualification du licenciement prononcé. En premier lieu, il convient de constater que le salarié ne fournit aucun élément relativement à son état de santé susceptible d'avoir interféré sur l'agression qu'il a exercée à l'encontre de M. [M] et les menaces de mort qu'il a proférées le 5 mars 2019. Alors qu'il avait en outre la faculté de solliciter une visite au médecin du travail, ce qu'il ne fit pas, il ne saurait sérieusement faire grief à l'employeur de ne pas avoir requis l'avis de ce dernier préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement. Ce moyen inopérant sera rejeté.

Alors que le salarié avait été solennellement rappelé à l'ordre par une lettre d'observations notifiée le 17 janvier 2018, que son attention avait été attirée sur l'importance attachée au respect de ses collègues, les nouveaux manquements ainsi établis en date du 5 mars 2019 caractérisent une faute d'une gravité telle qu'elle rendait impossible la poursuite de la relation de travail.

C'est donc par de justes motifs que les premiers juges ont dit que le licenciement reposait sur une faute grave et ont débouté M. [A] de l'ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne M. [A] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] la somme de 750 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

-Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02135
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02135 ?
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