COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/02319 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UURR
AFFAIRE :
[X] [D]
C/
S.A.S.U. MERSEN FRANCE [Localité 4]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE
N° Section : E
N° RG : 21/00175
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [X] [D]
né le 12 Juillet 1957 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K0148 - Représentant : Me Ariane SOSTRAS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1818
APPELANT
****************
S.A.S.U. MERSEN FRANCE [Localité 4]
N° SIRET : 433 806 460
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Jean-Sébastien CAPISANO de la AARPI Alscio Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G575 substitué à l'audience par Me Sandra POUILLEY, avocat au barreau de PARIS - Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
Par contrat de travail à durée indéterminée du 15 septembre 2014, M. [D] a été engagé par la société Mersen France [Localité 4] en qualité de responsable informatique.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques. La société compte plus de 10 salariés.
M. [D] a été placé en arrêt de travail du 13 novembre 2015 au 24 avril 2016. Le 24 avril 2016, le médecin du travail lui a prescrit la reprise de ses fonctions en télétravail et par mi-temps thérapeutique. L'arrêt de travail du salarié a été prolongé du 11 au 22 mai 2016.
M. [D] a repris ses fonctions en télétravail et dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 23 mai au 1er juillet 2016.
M. [D] a de nouveau été placé en arrêt de travail du 4 au 10 juillet 2016, avant de reprendre ses fonctions par mi-temps thérapeutique et télétravail du 11 juillet 2016, jusqu'à la fin de la relation de travail.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 24 février 2017, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement s'étant déroulé le 8 mars 2017 en présence du salarié.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 15 mars 2017, la société Mersen France [Localité 4] a notifié à M. [D] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par requête reçue au greffe le 19 mars 2021, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, (sur délégation du premier président de la cour d'appel de Versailles transférant ainsi le dossier du conseil de prud'hommes de Nanterre), aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en licenciement nul en raison de discrimination lié à son état de santé, outre le versement de diverses sommes.
Par jugement du 1er juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :
- Débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté la SAS Mersen de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de M. [D].
Par déclaration au greffe du 16 juillet 2021, M. [D] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 7 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [D] demande à la cour de :
Il est demandé à la cour de dire Monsieur [D] recevable et bien fondé en son appel ;
En conséquence d'y faire droit et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Écarté la reconnaissance de la discrimination ;
- Écarté la nullité du licenciement ;
- Rejeté les demandes relatives :
*Aux dommages et intérêts pour licenciement nul ;
*Aux dommages et intérêts pour discrimination ;
*Aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*Au rappel de salaire et aux congés payés y afférents ;
*A l'article 700 du Code de procédure civile ;
*Aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation ;
*A' la' condamnation' de' la' société' Mersen' France' [Localité 4]' aux entiers dépens ;
*A' la' remise' des' documents' de' fin' de' contrat' et' des' bulletins' de paie conformes à la décision à intervenir ;
Et, statuant de nouveau :
- Fixer le salaire mensuel brut moyen à la somme de 4.100 euros,
- Dire et juger que Monsieur [X] [D] a fait l'objet d'une discrimination du fait de son état de santé,
- Dire' et' juger' que' le' licenciement' notifié' pour' insuffisance' professionnelle' en résultant est nul,
A' titre' subsidiaire,' dire' et' juger' que' le' licenciement' pour' insuffisance professionnelle notifié à Monsieur [D] en date du 15 mars 2017 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,'
En conséquence :
- Condamner' la' société' Mersen' France' [Localité 4]' à' payer' à' Monsieur [X] [D] les sommes suivantes :'
*24.600 Euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,
*98400 Euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire, 98400 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*6.305,99 Euros bruts à titre de rappel de salaires pour non-paiement de l'intégralité du mi-temps thérapeutique,
*630,59 Euros brut au titre des congés payés y afférents,
à titre subsidiaire, 4.100 Euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
*3.000 Euros au titre de l'article 700 du CPC
- Dire' que' les' condamnations' porteront' intérêts' au 'taux' légal' et' ordonner' la capitalisation des intérêts ;
- Condamner' la' société' Mersen' France' [Localité 4]' aux' entiers' dépens, dont' distraction' dans' les' conditions' de' l'article' 699' du' code de procédure civile' et' à' la' remise' des documents' sociaux' conformes' au' jugement' à' intervenir :' attestation' pôle' emploi, bulletin de paie, reçu pour solde de tout compte,
- Débouter' la' société' Mersen' France' [Localité 4]' de' l'intégralité' de' ses demandes, fins et conclusions.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 5 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SAS Mersen France [Localité 4] demande à la cour de :
- Confirmer' le' jugement' du' conseil' de' prud'hommes' de' Cergy-Pontoise' en' son intégralité' sauf' en' ce' qu'il' a' débouté' la' Société' Mersen' France' [Localité 4]' de' sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et, en conséquence, de :
À titre principal :
- Juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [D] est bien fondé ;
En conséquence,
- Débouter Monsieur [D] de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
- Juger que Monsieur [D] n'a subi aucune discrimination en raison de son état de santé,
En conséquence,
- Débouter Monsieur [D] de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
À titre subsidiaire :
- Dans' l'hypothèse' où' la' cour' considèrerait' le' licenciement' de' Monsieur' [D] comme' nul' ou' dénué' de cause' réelle' et' sérieuse,' ramener' à' de' plus' justes proportions le montant des dommages et intérêts alloués à ce dernier ;
En tout état de cause :
- Dans' l'hypothèse' où' la' cour' considèrerait' que' les' demandes' de' dommages' et intérêts' pour' licenciement' nul' ou' sans' cause' réelle' et' sérieuse' formulées' par Monsieur' [D] sont' fondées,' juger' que' les' dommages' et' intérêts alloués' à' ce titre s'entendent comme des sommes brutes avant précompte de la CSG et CRDS et des éventuelles cotisations sociales ;
- Juger que' la' Société' Mersen' France' [Localité 4]' n'a' perçu' aucune' indemnité journalière de la Sécurité sociale qui n'ait pas été reversée à Monsieur [D],'
En conséquence,
- Débouter Monsieur [D] de sa demande de rappel de salaire à ce titre et de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts ;
- Débouter' Monsieur [D] de' sa' demande' au' titre' de' l'article' 700' du' code' de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [D] à payer à la Société Mersen France [Localité 4] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [D] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 mai 2023.
SUR CE,
Sur le rappel de salaire et les dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.
M. [D] sollicite la somme de 6.305,99 euros bruts à titre de rappel de salaires pour non-paiement de l'intégralité du mi-temps thérapeutique, outre 630,59 euros brut au titre des congés payés y afférents, et à titre subsidiaire, 4.100 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier. Il fait valoir que la société Mersen a perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale au titre du mi-temps thérapeutique car elle était subrogée mais qu'elle ne les lui a pas reversées et dénonce les carences de l'employeur, tous éléments que conteste ce dernier, soulignant à titre liminaire que le salarié n'avait jamais formulé de demande de rappel de salaire auprès de lui.
La société Mersen France [Localité 4] rappelle qu'elle n'était pas subrogée dans les droits du salarié lors de la période de temps partiel à titre thérapeutique, comme elle l'avait d'ailleurs expressément indiqué à M. [D] dans son courriel du 28 octobre 2016 («Mersen pratique la subrogation pour les indemnités journalières de maladie uniquement (et non pour le mi-temps thérapeutique)» ; elle lui rappelait aussi que «pendant le mi-temps thérapeutique, vous touchez le remboursement directement de la CPAM.».
Comme l'ont relevé les premiers juges, les relevés de versement des indemnités journalières confirment que M. [D] a perçu dans ce cadre les indemnités journalière en direct.
Par ailleurs, les échanges produits aux débats font apparaître que la société Mersen France [Localité 4] s'est efforcée de répondre aux interrogations de M. [D] avec diligence et pris attache avec la CPAM en tant que de besoin et a régularisé aussi les erreurs seulement ponctuelles et isolées.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées de ces chefs.
Sur la discrimination et le licenciement
La société Mersen France [Localité 4] invoque au soutien du licenciement le grief d'insuffisance professionnelle. Elle développe à ce titre un certain nombre de retards et dysfonctionnements qu'elle impute à M. [D] dans la tenue de son poste de responsable informatique site. Elle précise que les insuffisances reprochées sont apparues rapidement après sa prise de fonction et que la situation s'est dégradée malgré son alerte et l'adaptation et la limitation des missions confiées tenant compte de la dégradation de sa situation de santé mais que le salarié n'a pas su prendre la mesure de ses carences et y remédier.
M. [D] conteste les reproches formulées par l'employeur, estimant au contraire avoir parfaitement bien exécuté ses missions ; il sollicite à titre principal la nullité de son licenciement qu'il estime avoir été prononcé en réalité et de manière discriminatoire du fait de son état de santé ; il formule aussi une demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination qu'il invoque ; à titre subsidiaire il considère que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
En application de l'article L.1132-2 du code du travail, « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine (') ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ».
Il résulte de l'article L.1235-3-1 du même code que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la non-discrimination est nul et que le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
En application de l'article L1134-1 de ce code, « lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le sala indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
En l'espèce, M. [D] fait valoir que son employeur a commencé à lui reprocher de prétendues insuffisances professionnelles, qu'il conteste, à partir du moment où il est tombé gravement malade, qu'il a tout fait de son côté pour préserver son poste de travail, en mi-temps thérapeutique avec télétravail y compris pendant ses arrêts maladie ou ses congés de mi-temps thérapeutique sous la pression de la société Mersen et que celle-ci, de son côté, a tout fait pour le décourager, d'abord en refusant le mi-temps thérapeutique, le forçant à se remettre en arrêt maladie à plusieurs reprises, et en commettant des erreurs dans ses déclarations auprès de la sécurité sociale afin que ce dernier ne touche pas le salaire auquel il avait droit puis en ne lui versant pas la totalité. Il ajoute que son employeur a demandé au médecin du travail d'organiser une visite médicale de reprise pour vérifier son mi-temps thérapeutique alors qu'il venait d'être reconnu travailleur handicapé, a déclenché la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle peu de temps après la reconnaissance de la maladie professionnelle et refusant qu'un stagiaire supplémentaire lui soit adjoint pour alléger sa charge de travail, décidant plutôt de lui donner des nouvelles tâches dans un délai donné pensant qu'il ne pourrait les accomplir ce qui n'a pas été le cas afin de pouvoir le licencier pour une prétendue insuffisance professionnelle.
Comme le souligne justement l'intimée, M. [D] procède toutefois essentiellement par voie d'affirmations.
Il ressort de la chronologie des faits que M. [D] a été initialement placé en arrêt maladie à compter du 13 novembre 2015, tandis que c'est dès septembre 2015, soit antérieurement, que son employeur a relevé par écrit une série de manquements le concernant.
M. [D] a par la suite bénéficié d'un poste de travail à temps partiel comprenant une journée de travail sur site et deux journées de travail à domicile dès le 23 mai 2016 conformément aux préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de reprise, ainsi que le stipulaient expressément les avenants à son contrat de travail.
Les échanges de l'employeur avec la médecine du travail se sont inscrits dans le cadre des préconisations médicales le concernant.
En particulier, alors que suite à une visite médicale en date du 7 décembre 2016 au cours de laquelle le médecin du travail avait considéré que M. [D] était désormais « apte » à son poste, sans restriction ou commentaire autre que le recours en partie au télétravail, au poste de Responsable Informatique, puis que le salarié avait transmis à son employeur un nouvel avis d'arrêt de travail de son médecin traitant daté du 12 décembre 2016 préconisant de son côté un nouveau temps partiel pour raison médicale à compter du 13 décembre 2016, c'est logiquement que l'entreprise avait alors interrogé le médecin du travail en ces termes : « [X] [D] est revenu ce jour avec une prolongation d'arrêt avec reprise en mi-temps thérapeutique jusqu'en mars 2017 : est-ce que vous pouvez le recevoir à nouveau ' ».
Il n'est pas non plus établi que la société Mersen France [Localité 4] ait été informée de la reconnaissance d'une quelconque décision de reconnaissance de maladie professionnelle concernant M. [D], ni même que ce dernier avait formulé une demande en reconnaissance auprès de la CPAM et la décision de reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé est intervenue le 16 mars 2017, soit postérieurement à la notification du licenciement.
Il ressort aussi des motifs précédents que les réclamations pécuniaires de M. [D] en lien avec le versement des indemnités journalières ont été rejetées.
La lettre de licenciement énonce le grief d'insuffisance professionnelle, se réfère et développe à des exemples précis dans le cadre de l'exécution des fonctions de M. [D] ; elle invoque « à partir de septembre 2015 jusqu'au mois de novembre 2015 », « une première série de divers dysfonctionnements » et, par la suite de nouveaux dysfonctionnements et retards, qu'elle développe également.
Elle n'évoque l'arrêt maladie et la reprise du travail en temps partiel thérapeutique de M. [D] que pour souligner qu'elle a alors adapté ses missions, tenant compte des prescriptions du médecin du travail.
En outre, il ressort des motifs ci-après que le grief d'insuffisance professionnelle invoqué par l'employeur est effectivement caractérisé.
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée.
Les demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement seront par conséquent rejetées.
En sa qualité de responsable informatique, M. [D] avait notamment pour fonctions d'une part d'exploiter le système d'information, en supervisant et coordonnant la réalisation des projets pour le site, assurant la sécurité des données et le respect des bonnes pratiques, le paramétrage, les restitutions de l'ERP1 et l'utilisation de l'outil reporting, apportant des améliorations continues dans les outils d'analyse de la production, assurant un soutien technique aux utilisateurs et d'autre part d'assurer le développement et le soutien d'applications, en particulier en concevant un projet d'application informatique selon un cahier des charges, développant les programmes, procédant aux tests techniques et fonctionnels, et élaborant les documents techniques.
Un informaticien, M. [J] était placé sous sa hiérarchie, comme le fait apparaître l'organigramme produit aux débats.
Lui-même était rattaché au directeur de site de [Localité 4], M. [R], remplacé par la suite par M. [H].
Après 5 mois de présence de M. [D] dans l'entreprise, M. [R] soulignait en février 2015 que la « priorité n°1 en ce début d'année [était d'] acquérir les bases sur Report One pour ainsi délivrer à l'usine l'ensemble des nouveaux rapports nécessaires dans le cadre du projet Phoenix. (')Nous attendons aussi beaucoup sur les autres tâches du périmètre du poste et en particulier la maintenance des rapports à travers Report One .Ne pas s'y mettre serait préjudiciable ».
S'il était évalué comme répondant aux attentes en matières de compétences managériales, son supérieur indiquait aussi dans ses commentaires finaux : « il faut challenger les collègues ('), animer les réunions ('). Attention à ne pas être trop en retrait. »
Il est établi que M. [D] a bénéficié en avril 2015 de deux formations d'une durée totale de 4 jours dispensées par l'éditeur de l'outil « Report One ».
Il n'est pas justifié de reporting effectué dans ce cadre par M. [D].
Comme le relève justement l'intimée, la seule image écran qu'il verse aux débats, si elle fait apparaître son nom en haut de la page, établissant qu'il a ouvert le document, n'établit pas qu'il l'ait créé, étant observé que cette pièce fait apparaître que le fichier a été créé par l' «administrateur», sans mentionner son auteur, tandis que la société Mersen France [Localité 4] produit au contraire un courriel interne mentionnant en septembre 2015 que « les reportings demandés par YTS n'ont jamais été faits. Une formation a été réalisée le 2 et le 3, le 28 et le 29 avril 2015. C'est YTS qui a finit par les faire. Les seules 'modifications' apportées sont celles faites par l'expert JDE de Pagny ».
Ce même courriel de septembre 2015 révélait, s'agissant du projet Phoenix impliquant des outils métiers liés à la mise en place d'une MES (« Manufectorig Execution System »), au regard de la « réunion de lancement de projet mi-juin» et du «Responsable de projet =: PBT2 : gérer le projet et coordonner les différentes phases » qu' « au 14/09/2015 rien n'a été fait (rédaction du cahier des charges et préparation fonctionnelle') Il n'a jamais communiqué à son groupe projet la moindre information (JLS, PEN, LRU, PLE) ni à son collaborateur (HMG) pour les tâches lui incombant (câblage') ni à la maintenance (installation technique). », les seuls éléments de suivi produits par l'appelant datant de la période bien postérieure de juin 2016.
Dans un courriel en date du 20 octobre 2015, M. [L], responsable logistique et ancien responsable informatique du site, était contraint de constater que : « [X] [[D]] n'a pas tenu les engagement pris en réunion projet et n'a pas alerté sur les dérives, sa réponse lors des relances : je m'en occupe ».
Le courriel de M. [L] du 19 octobre 2016 ne contredit pas que M. [D] était à l'origine chargé de réaliser des actions s'inscrivant dans le cadre du projet Phoenix.
La société Mersen France [Localité 4] produit aussi un courriel de M. [E], responsable Méthodes, Industrialisation et Amélioration Continue, critiquant les extractions réalisées par M. [D] en ces termes : « L'extraction faite par [X] ne correspondait pas à la demande car elle ne comportait pas les bons champs. Certains étaient manquants, d'autres étaient en trop (cela veut dire que nous avons dû vérifier le travail fait) J'ai signalé à [X] le problème. Il a réalisé une seconde extraction qu'il m'a demandé de valider' Cette seconde extraction s'est elle aussi avérée incomplète (pour faire ce constat j'ai du tout vérifier une seconde fois) car [X] n'avait pas compris la demande sur un champ. ».
L'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2015 corrobore ces éléments en faisant ressortir que M. [D] n'avait réalisé que 50 % de ses objectifs, selon les proportions suivantes :
- Créer de nouveaux rapports d'activité ou reportings sur l'outil « Report One » et assurer la maintenance du système : 20% (sur 40%),
- Réaliser un plan de reprise d'activité lié à la sécurité informatique : 0% (sur 20%),
- Assurer un support actif au déploiement des outils métiers mis en place dans le cadre du projet Phoenix : 30% (sur 40%).
Il mentionnait en particulier :
« Développement des rapports longs et fastidieux. Le projet [Phoenix] a pris beaucoup de retard. [X] a participé au choix du logiciel. Développement des interfaces non faits. Pas de leadership sur le projet ».
La limitation des fonctions de M. [D] est ensuite intervenue à compter du 23 mai 2016 pour tenir compte de des restrictions médicales retenues par le médecin du travail'; il était ainsi stipulé par avenant du 25 mai 2016 que :
« M. [X] [D] exercera, conformément aux prescriptions du Médecin du travail, les missions de Responsable Informatique dans les limites que permet le télétravail. En effet, parmi les missions du poste sont envisageables à distance, les thèmes ci-dessous : - Assurer la sécurité des données et le respect des bonnes pratiques - Assurer la veille réglementaire et tester les nouvelles technologies - Concevoir un projet d'application informatique selon un cahier des charges, - Elaborer les documents techniques. »
Lui même définissait ses priorités en ces termes :
« Mes priorités, en termes de projet, sont à ce jour : La gestion des emplacements L'inventaire des stocks Et les demandes GEDIX (qui sont au stade de GO / NO GO) Fonctionnement Report One (maintenance) ».
Son supérieur lui répondait que :
« Globalement je suis en phase avec les priorités que vous énoncez sur les sujets de 'projet'. En tant que Responsable Informatique, vous avez une partie de votre temps à consacrer au support des utilisateurs et aux tâches de maintenance, à vous de gérer cela et d'apporter le bon niveau de service. »
Il ressort des pièces versées aux débats que :
- fin janvier 2017, les rapports commerciaux n'étaient pas prêts, sans que M. [D] n'indique de date précise de rendu,
- l'outil « Report One » était peu maîtrisé, ce qui avait des conséquences sur l'activité de l'usine du site de [Localité 4], comme le 13 décembre 2016, où les extractions journalières qui servent à faire fonctionner l'usine étaient soudainement « suspendues », ou le 13 décembre 2016 lorsque M. [H] était conduit à proposer à M. [D] l'aide de la DSI groupe afin de rétablir la situation ; des incidents similaires avaient déjà eu lieu en juin et juillet 2016,
- la remontée de données techniques JDE vers GEDIX connaissait des difficultés, ainsi qu'il ressort du courriel du 21 juillet 2016 de M. [H] au salarié (« la remontée de données techniques JDE vers GEDIX n'était pas correcte car le format d'extraction incorrect/différent par rapport à la dernière version. » ) ; dans un courriel du 30 novembre 2016 adressé en particulier à M. [D], M. [E] indiquait : « Il se trouve que LMBA a intégré tout ce qui leur a été envoyé, donc en écrasant les commentaires qui étaient déjà dans GEDIX avec les nouvelles données. (') C'est consternant d'en arriver la après 1 an et demi de projet, dont plusieurs mois de retards liés à l'incapacité de sortir les données qui sont dans JDE »,
- des difficultés étaient aussi relevées dans des opérations de maintenance quotidienne.
M. [D] invoque la responsabilité de la DSI ; il fait ainsi valoir que la DSI s'occupait seule des extractions ou qu'il n'avait pas de cahier des charges à finaliser, que les paramétrages des emplacements de stock relèvent aussi de la compétence de la DSI, tout en admettant tenir un rôle d'intermédiaire, et ajoute que son collaborateur M. [J] a mis en place le serveur FTP et gérait en cas de plantage la crise avec la DSI. Il se réfère principalement en ce sens aux analyses mentionnées dans un rapport émanant d'un expert, M. [C], qu'il produit aux débats. Ce dernier estime ainsi que M. [D] agissait en tant qu'interface avec la DSI dont il souligne le rôle et que l'intitulé du poste de « responsable informatique » ne correspondait pas à la réalité de ses fonctions au regard de sa rémunération et de sa possibilité d'agir.
Toutefois, la société intimée fait justement valoir en réplique que l'avis d'expert a été établi à la demande de M. [D] et ce le 3 juillet 2022, soit plus de 5 ans après son licenciement et ne permet pas de remettre en cause les insuffisances professionnelles susvisées alors qu'il a été établi « sur la base d'entretiens avec M. [D], la consultation du dossier ainsi que la consultation de référentiels » soit dans le cadre d'une analyse non contradictoire et sans que l' ait pu constater personnellement le fonctionnement interne de la société et donc ne puisse déterminer la réalité de l'organisation du service informatique.
Au demeurant les données contradictoires des parties sur les salaires moyens pratiqués ne permettent pas de démontrer que M. [D] avait une rémunération largement inférieure à celui d'un responsable informatique, cet élément ne permettant pas en tout état de cause d'établir que le salarié n'aurait pas occupé les fonctions de responsable informatique définies contractuellement, étant souligné en outre que M. [D] avait une expérience de responsable informatique de plus de 20 ans et que M. [D] mentionne lui-même dans son profil LinkedIn qu'il avait précédemment occupé un tel poste aussi bien chez Mersen que chez son employeur précédent (Sernam) et qu'il réalisait en particulier chez Mersen le « reporting par l'outils Report One », le «soutien technique aux utilisateurs », «le développement/soutien d'applications », y compris « concevoir un projet d'application informatique selon un cahier des charges », ou encore le « paramétrage et de l'ERP JDEdwards ».
Par ailleurs, M. [D] ne peut minimiser sa responsabilité au regard de l'action de M. [J] sur lequel il avait autorité hiérarchique.
En conséquence, le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a retenu que le grief d'insuffisance professionnelle est établi et par suite en ce qu'il a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes en lien avec le licenciement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [D].
Il convient, au regard des circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne M. [X] [D] aux dépens d'appel,
Laisse à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,