COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/02344 -
N° Portalis DBV3-V-B7F-UUY2
AFFAIRE :
[U] [H]
C/
S.A. DALKIA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES
N° Section : E
N° RG : 21/00067
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Aurélien WULVERYCK de l'AARPI OMNES AVOCATS
Me Antoine MARGER de la SCP SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCAT MARGER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [U] [H]
née le 24 Juin 1956 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Aurélien WULVERYCK de l'AARPI OMNES AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J091
APPELANTE
****************
S.A. DALKIA
N° SIRET : 456 500 537
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Antoine MARGER de la SCP SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCAT MARGER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0463
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
,
Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 1998, Mme [H] a été engagée par la SAS Dalkia en qualité de secrétaire 2ème échelon. Elle a occupé en dernier lieu les fonctions de correspondante qualité, hygiène, sécurité et environnement.
Mme [H] a été arrêtée le 12 avril 2014 en raison d'un syndrome anxiogène. La salariée a été reconnue comme travailleur handicapé le 23 février 2015.
Par une visite de reprise du 2 mars 2016, Mme [H] a été déclarée apte à reprendre son poste, avec une contre-indication limitant le temps passé par la salariée dans les transports.
Le 8 avril 2016, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Mme [H].
Du 27 avril 2017 au 31 mai 2017, Mme [H] a été placée en arrêt maladie avec une demande de reprise de travail léger à compter du 16 juin 2017 jusqu'au 31 bout 2017.
Le 18 mai 2017, l'assurance maladie a accepté la reprise de travail léger de Mme [H] à compter du 1er juin 2017.
Le 2 juin 2017, une visite de reprise a été organisée pour Mme [H] au cours de laquelle la reprise a été jugée impossible.
Le 2 octobre 2017, une seconde visite a eu lieu et le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme [H].
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 8 février 2018, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement s'étant déroulé le 16 février 2018 en présence de la salariée.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 février 2018, la société Dalkia a notifié à Mme [H] son licenciement pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.
Par requête reçue au greffe le 17 avril 2018, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en licenciement nul, outre le versement de diverses sommes, notamment pour des faits de harcèlement moral.
Par jugement du 16 juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Chartres a :
En la forme :
- Reçu Madame [U] [H] en ses demandes.
- Reçu la société Dalkia France en sa demande reconventionnelle.
Au fond :
- Dit qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral à l'encontre de Madame [U] [H],
- Confirmé le licenciement pour inaptitude de Madame [U] [H],
- Condamné la société Dalkia à verser à Madame [U] [H] les sommes suivantes :
*11.054,91 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*9 115.16 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
*1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné à la société Dalkia de remettre à Madame [H] un bulletin de paie et l'attestation Pôle emploi, rectifiés et conformes, l'ensemble de ces documents sous astreinte de 50 euros par jour, à compter d'un mois suivant la notification de la présente décision,
- Dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- Débouté Madame [U] [H] du surplus de ses demandes,
- Débouté la société Dalkia de sa demande reconventionnelle,
- Condamné la société Dalkia aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels.
Par déclaration au greffe du 19 juillet 2021, Mme [H] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 16 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [H] demande à la cour de :
- Juger que Madame [H] a été victime de harcèlement moral,
- Juger que le licenciement de Madame [H] est sans cause réelle ni sérieuse,
En conséquence,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à payer à Madame [H] une 'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents mais l'infirmer sur le montant :
*Indemnité compensatrice de préavis : 26.379,90 euros bruts
*Congés payés : 2.637,99 euros bruts
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Madame [H] n'avait pas été victime de harcèlement moral et que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ainsi que sur le montant de l'indemnité de licenciement,
- Condamner la société à payer à Madame [H] les sommes suivantes :
*Indemnité spéciale de licenciement : 12.046,24 euros
*Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 100.000 euros
*Indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse : 150.000 euros
*Article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros
- Ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et de l'attestation Pole Emploi conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
- Laisser les dépens à la charge de la société.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 11 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Dalkia France demande à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu le 16 juillet 201 par le conseil de prud'hommes de' Chartres en ce qu'il a débouté Madame [U] [H] :
*des demandes qu'elle formalisait au titre du harcèlement moral ;
*des demandes qu'elle formalisait au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*des demandes qu'elle formalisait au titre des congés payés sur préavis :
- D'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Condamné la Société Dalkia à verser à Madame [U] [H] les sommes suivantes :
*11.054,91 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
*9.115,16 euros bruts au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
*1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté la Société Dalkia de sa demande reconventionnelle à hauteur de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il est, en outre, demandé à la Cour de :
- Condamner Madame [U] [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Dalkia la somme de :
*2 000 euros au titre de la procédure de première instance ;
*2 000 euros au titre de la procédure d'appel ;
- Condamner Madame [U] [H] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 mai 2023.
SUR CE,
Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Vu les articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail,
Il résulte de ces textes que lorsque la salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [H] fait valoir, au soutien du harcèlement moral qu'elle invoque, qu'elle a subi une carrière chaotique et n'a jamais été reconnue dans ses fonctions, comme son employeur aurait dû le faire, qu'elle a aussi subi des pressions de sa hiérarchie qui ont été dénoncées sans que l''employeur n'ait pris aucune mesure afin de la protéger et ajoute que cette situation a entraîné une dépression qui a été reconnue comme maladie professionnelle, précisant en outre qu'elle s'est vue reconnaître le statut de travailleur handicapé et a été déclarée inapte.
Pour étayer ses affirmations, elle se réfère aux différents postes qu'elle a occupés au sein de l'entreprise, produit des courriels et entretiens d'évaluation sur la qualité de son travail et un avertissement reçu le 10 avril 2014 qu'elle estime injustifié. Elle produit également des pièces relatives à son état de santé, notamment un certificat médical du docteur [R], psychiatre, du 25 janvier 2016, mentionnant son suivi médical et une contre-indication de temps de transport excédant trois quart d'heure, des arrêts maladie, mentionnant un « syndrome anxio-dépressif », le courrier du 8 avril 2016 de la CPAM admettant la prise en charge de sa maladie « syndrome anxio-dépressif » au titre de la législation relative aux risques professionnels.
L'évolution professionnelle de Mme [H] au sein de l'entreprise contredit cependant l'affirmation de la salariée selon laquelle elle aurait connu une carrière chaotique, mais révèle au contraire une progression constante, ayant débuté son travail en tant que secrétaire 2ème échelon, puis le 15 mars 1999 devenant assistante de direction financière, ayant vu en juillet 2002 ses fonctions élargies pour devenir animatrice sécurité auprès du directeur de Centre de la Région Nord puis en juin 2004 étendues sur la région et les autres centres d' Ile de France, avant en décembre 2005 d'occuper le poste d'expert sécurité au travail pour le marché tertiaire et d'être promue le 1er janvier 2012 au statut de cadre.
Son salaire a également évolué de manière cohérente avec ce parcours.
Le courrier du 10 avril 2014 adressé par l'employeur à Mme [H] indiquait notamment que « vous critiquez régulièrement ouvertement et systématiquement les outils que nous utilisons (Analyses de Risques) et la manière que nous avons de les déployer (Plans de prévention), sans proposer en échange la moindre piste d'amélioration »
(') Vous faites également part fréquemment aux collègues que vous rencontrez (autres QSE, CUE/CEX), de ne pas avoir de missions claires, de n'avoir parfois rien à faire, alors que vous n'avez jamais ni appelé votre responsable hiérarchique pour en discuter, ni évoqué ce point lors de vos rares présences au bureau. » et lui fixait plusieurs objectifs tenant à la sensibilisation des gestes et postures, au traitement des documents techniques amiante et à la réalisation d'audits légionelles.
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, cet avertissement n'avait pas fait et ne fait pas l'objet d'une demande d'annulation et ne contient en tout état de cause pas de termes insultants ou vexatoires et n'a pas été réitéré, la société Dalkia ayant seulement exercé l'autorité que lui confère sa qualité d'employeur envers la salariée, en des termes qui ne portaient pas atteinte à la dignité de Mme [H].
Par ailleurs, la circonstance que sa supérieure hiérarchique ait indiqué ponctuellement le 7 novembre 2013 qu'il ne lui semblait pas utile que Mme [H] assiste à une réunion est insuffisant à caractériser une mise à l'écart.
Il est observé que les pièces médicales produites en ce compris le certificat du docteur [R] n'évoquent pas de faits ou situation de situation de harcèlement qui seraient à l'origine du syndrome anxiodépressif dont souffrait Mme [H] et que la décision du CRRMP n'a pas davantage attribué à la société Dalkia la responsabilité de l'émergence de cette pathologie professionnelle. Mme [H] a été très régulièrement examinée au cours de la relation de travail par le médecin du travail et ses avis, y compris l'avis final d'inaptitude, ne font pas non plus ressortir de lien avec des agissements imputables à l'employeur.
Il ressort en particulier des pièces médicales produites que Mme [H] a été placée en arrêt maladie du 27 avril 2017 au 31 mai 2017, que le 18 mai 2017, l'assurance maladie a accepté la reprise de travail léger de Mme [H] à compter du 1er juin 2017, que le lendemain soit le 2 juin 2017, une visite de reprise a été organisée pour Mme [H] au cours de laquelle la reprise a été jugée impossible, que le 2 octobre 2017 une seconde visite a eu lieu et le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme [H], sans que cette chronologie ne révèle davantage de manquement de l'employeur au regard de l'état de santé de la salariée.
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement et à la nullité du licenciement seront par conséquent rejetées.
Le jugement est confirmé de ces chefs.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Mme [H] a été licenciée le 26 février 2018 au motif de son inaptitude physique avec impossibilité de reclassement, dans les termes suivants :
« L'avis du 2 octobre 2017 était libellé « inapte (R.4624-42) un seul examen. A la suite de l'étude de poste et des conditions de travail ainsi que l'échange avec l'employeur réalisés le 2 octobre 2017, Madame [H] est inapte au poste de Correspondant Sécurité Région (article R4624-42 du code du travail). La salariée pourrait occuper une activité sans déplacement professionnel. La salariée peut bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restantes susmentionnées.
Les contraintes d'absence de déplacements professionnels et de temps de trajet rendent impossible votre reclassement.
En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail sans reclassement possible. »
Elle soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir, d'une part, une absence de consultation régulière des délégués du personnel par l'employeur et, d'autre part, un non-respect de son obligation de reclassement.
En application de l'article L1235-3 du code du travail, « lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle (...) ».
En application de l'article L1226-12 du même code, « lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. ».
C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.
Il ressort des éléments versés aux débats que les délégués du personnel ont été consultés sur les possibilités de reclassement de Mme [H] dans le cadre de la déclaration d'inaptitude intervenue le 30 novembre 2017. La situation de la salariée (avis du médecin du travail, parcours professionnel de la salariée, démarches de reclassement) ont été portées avec précision à la connaissance des délégués du personnel, en ce compris s'agissant du poste de conseiller commercial relation client au sein d'EDF dont la société Dalkia France ne connaissait pas encore toutes les données précises et qui n'a pas intéressé la salariée, comme le confirme l'échange de courriel des 15 et 16 novembre 2017 faisant ressortir que l'employeur avait identifié ce poste situé au sein d'une autre société du groupe et avait d'abord interrogé ladite société en amont ainsi que Mme [H] sur le point de savoir si cela était le cas échéant « envisageable », de sorte que ce courriel, s'il est antérieur à la consultation des délégués, ne s'analysait pas en une proposition de reclassement en tant que telle à ce stade, mais avait seulement pour objet de connaître la position de la salariée sur cette éventualité, Mme [H] répondant finalement qu'elle n'« envisage[ait] pas de poste de [ce] type. » ; il ressort aussi de ces pièces qu'une piste de télétravail a été suggérée par un élu et n'a pas abouti.
Ainsi, les délégués du personnel ont été régulièrement consultés.
En revanche, le caractère exhaustif et sérieux des recherches de reclassement est insuffisamment caractérisé.
Il est d'abord constaté qu'alors que l'avis de la médecine du travail avait déclaré Mme [H] inapte au poste de Correspondant Sécurité Région tout en ajoutant que la salariée « pourrait occuper une activité sans déplacement professionnel » et « bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restantes susmentionnées », la lettre de licenciement, bien que rappelant cet avis, ajoute immédiatement et sans autre précision que « les contraintes d'absence de déplacements professionnels et de temps de trajet rendent impossible votre reclassement » et que « en conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail sans reclassement possible. »
Surtout, si la société Dalkia France produit, après avoir justifié de ses recherches demeurées vaines de reclassement interne, un courriel faisant ressortir qu'elle a par ailleurs aussi interrogé de nombreux correspondants au sein du groupe EDF auquel elle appartient dans un même courriel, ce courriel ne fait apparaître que le nom des destinataires personnes physiques et leur adresse professionnelle sans que ces éléments ne permettent de connaître précisément les entités auxquelles ils appartenaient.
La société Dalkia France ne précise d'ailleurs pas dans ses écritures quelles étaient ces différentes entités du groupe, ni n'en justifie.
Seules 3 réponses, négatives, sont produites s'agissant des recherches externes, dont une seule fait apparaître clairement son auteur soit un conseiller parcours professionnel au sein d'ERDF devenu Enedis indiquant seulement « ne pas pouvoir vous aider dans le reclassement de Mme [H] ».
Compte tenu de ces éléments, le licenciement a été prononcé en violation des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail.
En conséquence, le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières
A la date de son licenciement Mme [H] avait une ancienneté de 19 ans et 5 mois au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle au moins 11 salariés.
Au regard des pièces versées aux débats, le salaire moyen de référence est fixé à la somme de 3 810 euros.
En application de l'article L.1226-14 du code du travail, «la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle. »
L'indemnité compensatrice qui est versée en application de l'article L.1226-14 du code du travail est d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 et ne donne pas lieu à congés payés.
Le salarié ne peut donc bénéficier de l'indemnité compensatrice de préavis prévue par la convention collective, même d'un montant supérieur.
L''indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 est en l'espèce égale à deux mois de salaire.
Il est alloué en conséquence à Mme [H] la somme de 7 620 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice.
La salariée peut prétendre à la somme de 42 968 euros (2 x 21 484 euros) à titre d'indemnité spéciale de licenciement. (3 810/4x10) + (3810/3x9) + (3810/3/12x5).
Ayant déjà perçu la somme de 39 248 euros à ce titre, il lui est alloué un solde de 3 720 euros.
Le jugement est réformé sur ces points.
La méconnaissance qui résulte de dispositions relatives au reclassement du salarié inapte, est, en l'absence de demande de réintégration, sanctionnée aux termes de l'article L.1226-15 du même code par l'allocation au salarié d'une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1.
Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l'âge, de l'ancienneté de la salariée et des circonstances de son éviction, étant observé que Mme [H] n'a pas occupé de nouvel emploi et a pris sa retraite à compter de mars 2020, il convient de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité totale de 45 000 euros à ce titre.
Sur la remise de documents rectifiés
Il y a lieu d'enjoindre à la société Dalkia France de remettre à Mme [H] dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l'attestation pôle emploi, un bulletin de salaire et le certificat de travail rectifiés.
Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas nécessaire. Le jugement est infirmé sur ce dernier point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Dalkia France.
La demande formée par Mme [H] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros. La société Dalkia France sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à la rupture du contrat de travail et à l'astreinte,
Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit le licenciement de Mme [U] [H] prononcé en violation des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail
Condamne la SAS Dalkia France à payer à Mme [U] [H] les sommes suivantes :
- 7 620 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice,
- 3 720 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
- 45 000 euros à titre d'indemnité pour violation des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail,
- 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d'appel,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS Dalkia France aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,