COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/02362 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UU4A
AFFAIRE :
Societé NIMROD INDUSTRIES [Localité 4] anciennement dénommée CGA [Localité 4]
C/
[F] [D]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 17 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : 19/00232
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Nathalie LAURET
M. [E] [B] [K] (Délégué syndical ouvrier)
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Societé NIMROD INDUSTRIES [Localité 4] anciennement dénommée CGA [Localité 4]
N° SIRET : 390 026 458
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par : Me Sophie POULAIN, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 -
Représentée par : Me Nathalie LAURET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1222
APPELANTE
****************
Monsieur [F] [D]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par : M. [E] [B] [K] (Délégué syndical ouvrier)
Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI PRECARITE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : M. [E] [B] [K] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [F] [D] a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2018, avec reprise d'ancienneté au 15 janvier 2018, en qualité d'ouvrier qualifié, par la société GCA [Localité 4], qui est spécialisée dans l'usinage de précision à destination de marchés comme l'aéronautique, le nucléaire, la parapétrolier et l'industrie, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective de la métallurgie OETAM région parisienne.
Convoqué le 14 juin 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 26 juin suivant, M [D] a été licencié par courrier daté du 4 juillet 2019 énonçant une faute grave.
Le 27 décembre 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie aux fins d'entendre juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ordonner sa réintégration au motif qu'il serait fondé sur une discrimination, et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s'est opposée à l'intégralité des demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement de plusieurs sommes.
Par jugement rendu le 17 juin 2021, et notifié le 24 juin 2021, le conseil a statué comme suit :
Reçoit l'union des syndicats anti précarité (USAP) en son intervention.
Fixe le salaire brut mensuel moyen de M. [D] à la somme de 2 798,53 euros.
Dit et juge que le licenciement de M. [D] est dénué de cause réelle et sérieuse.
Propose la réintégration au sein de la société GCA [Localité 4] et ordonne à la société GCA [Localité 4] la réintégration sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification du jugement à intervenir.
En cas de réintégration :
Condamne la société GCA [Localité 4] à payer à M. [D] les sommes de 16 791,18 euros à titre de rappel de salaire de juillet à décembre 2019, 1 679,11 euros à titre des congés payés afférents et un rappel de salaire de janvier 2020 à la date effective de la réintégration,
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de la convocation devant le Bureau de conciliation et d'orientation de la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,
Rappelle que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
En cas de refus de cette réintégration par la société GCA [Localité 4]
Condamne la société GCA [Localité 4] à payer à M. [D] les sommes de 5 597,06 euros à titre de préavis, 559,70 euros à titre de congés payés afférents,
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de la convocation devant le Bureau de conciliation et d'orientation de la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,
Rappelle que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
Condamne la société GCA [Localité 4] à payer à M. [D] la somme de 5 597,06 euros à titre d'indemnité prévue par l'article L.1235-3 du code du travail,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la mise à disposition du présent jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
En tout état de cause :
Condamne la société GCA [Localité 4] à payer à M. [D] les sommes de 1 800 euros à titre de rappel de prime d'équipe et 180 euros à titre de congés payés afférents,
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de la convocation devant le Bureau de conciliation et d'orientation de la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,
Rappelle que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
Condamne la société GCA [Localité 4] à payer à M. [D] la somme de 16 791,18 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice ainsi occasionné,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la mise à disposition du présent jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Condamne la société GCA [Localité 4] à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la société GCA [Localité 4] de rembourser à Pôle Emploi le montant des allocations chômage perçues par M. [D] dans la limite maximum de 6 mois, conformément à l'article L1235-4 du code du travail,
Déboute M. [D] du surplus de ses demandes et la société GCA [Localité 4] en ses demandes reconventionnelles,
Dit que la société GCA [Localité 4] supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.
Le 20 juillet 2021, la société GCA [Localité 4] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 24 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 mai 2023.
' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 15 octobre 2021, la société GCA [Localité 4], aux droits de laquelle intervient au jour de la clôture, la société Nimrod Industries [Localité 4], demande à la cour de :
A titre principal :
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
Fixé le salaire brut mensuel moyen de M. [D] à la somme de 2 798,53 euros,
Dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dénué de cause réelle et sérieuse,
Proposé la réintégration au sein de la société et ordonné à la société la réintégration sous astreinte de 30 euros par jour à compter du 30ème jour de la notification du jugement à intervenir,
En cas de réintégration, condamné la société à payer à M. [D] les sommes de :
- 16 791,18 euros, au titre de rappel de salaire de juillet à décembre 2019, outre
1 679,11 euros, au titre des congés payés afférents,
- Un rappel de salaire de janvier 2020 à la date effective de la réintégration,
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation de la défenderesse conformément à l'article 1231-6 du code civil,
Rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
En cas de refus de cette réintégration par la société, condamné à payer à M. [D] les sommes de 5 597,06 euros au titre du préavis, outre 559,70 euros au titre de congés payés afférents,
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation de la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,
Rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
Condamné la société à payer à M. [D] la somme de 5 597,06 euros à titre d'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail,
Dit que la somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la mise à disposition du présent jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
En tout état de cause :
Condamné la société à payer à M. [D] les sommes de1 800 euros à titre de rappel de prime d'équipe, outre 180 euros à titre de congés payés afférents,
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation de la défenderesse conformément à l'article 1231-6 du code civil,
Rappelé que l'exécution était de droit à titre provisoire sur les créances salariales,
Condamné la société à payer à M. [D] la somme de 16 791,18 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice ainsi occasionné,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la mise à disposition du présent jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,
Condamné la société à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté la société en ses demandes reconventionnelles,
Dit que la société supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.
Statuant à nouveau, débouter M. [D] ainsi que le syndicat Union des syndicats anti précarité de l'ensemble de leurs demandes,
A titre subsidiaire :
Fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 275 euros,
Juger que le licenciement est causé et que son motif est sérieux,
Fixer en conséquence le préavis à la somme de 4 500 euros et 450 euros de congés payés afférents et l'indemnité de licenciement à la somme de 568,75 euros,
A titre très subsidiaire, juger que les dommages et intérêts seront limités à la somme de 2 275 euros,
En tout état de cause, condamner M. [D] à verser à la société la somme de
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 25 janvier 2022, M. [D] demande à la cour de :
Réformer le jugement et juger que le licenciement est en réalité fondé sur une discrimination et une violence commandée par l'employeur,
Prononcer sa réintégration,
Condamner la société GCA [Localité 4] à lui régler :
- Fixer le salaire de référence à 2 798,53 euros,
- Rappel des primes à hauteur de 1 800 euros, outre les congés payés afférents de
180 euros,
- Au titre des dommages et intérêts afférents à hauteur de 2 798,53 euros,
Au titre de la discrimination
- la réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de l'arrêt à intervenir ;
- au rappel de salaire de juillet à décembre 2019 soit la somme de 16 791,18 euros, outre 1 679,12 euros au titre des congés payés afférents,
- au rappel de salaire de janvier 2020 jusqu'à la date effective de la réintégration,
- les dommages et intérêts à hauteur de 16 791,18 euros,
Au titre de la violence commandée :
- La demande de réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification du jugement à intervenir,
- Les dommages et intérêts à hauteur de 16 791,18 euros,
A titre subsidiaire de confirmer le jugement avec obligation de réintégration :
Au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- Déclarer le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société au rappel de la période de préavis soit la somme de
2 798,53 euros x 2 = 5 597,06 euros, outre les congés payés afférents de 559,71 euros,
- Condamner la société à verser les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur 5 597,06 euros,
- Ordonner la réintégration avec le rappel des salaires depuis janvier 2020 jusqu'à la date effective de la réintégration,
- Condamner la société à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Soumettre les sommes avec intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts à un taux de 10%.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Sur le rappel de prime :
M. [D], qui percevait une prime mensuelle 'd'équipe' de 150 euros, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a accordé un rappel de 1 800 euros de ce chef calculé sur la base de la prime mensuelle de 300 euros perçue notamment par l'un de ses collègues, M. [W].
Rappelant que la convention collective applicable prévoit en son article 19 une prime dite d'incommodité, destinée à gratifier 'le travail de nuit', distincte de celle servie par l'employeur, M. [D] expose que dans la mesure où il travaille au sein de la même équipe que M. [W], il devrait percevoir une prime de même montant que ce dernier, ce qui n'est pas le cas. Il considère que cette différence de traitement 'permet de déceler la discrimination' ou, à tout le moins une inégalité de traitement.
La société appelante s'accorde avec le salarié pour considérer que la prime d'équipe est effectivement sans lien avec la prime de nuit. Elle indique avoir de sa propre initiative décidé d'accorder à ses collaborateurs une prime dont le montant varie selon les salariés en fonction de leur expérience et de leur niveau de qualification.
Il est constant qu'au sein de l'entreprise les salariés perçoivent une prime mensuelle dite 'd'équipe' dont le montant n'est pas uniforme : certains collaborateurs perçoivent à ce titre une somme de 300 euros, tel M. [W], tandis que d'autres, tel M. [D], perçoivent une prime de 150 euros.
M. [D] fonde sa réclamation sur une discrimination illicite dont il s'estime victime et, subsidiairement, sur le principe d'égalité de traitement.
Sur la discrimination :
L'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'adaptation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, notamment en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L. 1134-1 prévoit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, le salarié ne précise pas à quel titre et en violation de quel principe fondamental la discrimination qu'il invoque serait fondée. À défaut de le préciser, ce moyen doit être rejeté.
Sur l'égalité de traitement :
En application de l'article 1315 ancien du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Si tel est le cas, il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
En l'espèce, hormis la différence de montant de la prime d'équipe, laquelle repose selon l'employeur sur des critères objectifs d'expérience et de niveau de qualification, et alors que l'employeur verse aux débats les bulletins de salaire de nombre collaborateurs, M. [D] se borne à se comparer à M. [W], sans alléguer ni même fournir aucun élément de nature à établir que ce salarié occuperait au sein de l'entreprise des fonctions similaires ou identiques aux siennes, ce que conteste l'employeur qui souligne que, contrairement à M. [D] simple ouvrier, le salarié auquel il se compare occupe un emploi qualifié de 'tourneur-fraiseur'.
Les bulletins de salaire de l'intimé font état d'un statut d'ouvrier, position II coefficient 190. Ceux de M. [W] mentionnent le statut d'ouvrier Tourneur fraiseur niveau IV coefficient 255 de la grille conventionnelle.
Faute pour l'intimé de produire des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, ce moyen sera rejeté.
La discrimination et l'inégalité de traitement alléguées n'étant pas établies, le salarié n'est pas fondé en sa demande en paiement d'un rappel de prime ni même de dommages-intérêts. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli les réclamations de M. [D] de ces chefs.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée:
« Monsieur,
[']
1) Votre violente altercation avec votre collègue [O] [W] qui s'est déroulée en date du 31 mai 2019.
Lors d'une conversation entre collègues, un désaccord est apparu et le ton est monté. Plusieurs témoins attestent vous avoir entendu proférer des insultes : « bâtard », « connard » et « fils de pute ». A l'issue de la conversation, vous êtes parti en donnant un coup violent dans un chariot près de vous.
Lors de l'entretien, vous avez reconnu les faits.
Votre attitude intolérable ne peut que perturber le travail effectué par vos collègues, mais également générer une ambiance délétère au sein de l'atelier.
Nous vous rappelons que chaque salarié se doit d'adopter un comportement cordial et non agressif envers ses collègues, quels que soient les griefs qu'il pourrait porter à leur encontre.
2) Vos départs anticipés de l'entreprise sans formalisation de demande de congés et sans le respect du délai de prévenance.
Ainsi vous reconnaissez être parti plus tôt n'avoir pas respecté vos emplois du temps, le 27 mai 2019 (21h30), le 28 mai 2019 (21h30), le 29 mai 2019 (21h00) et le 4 juin (9h54), sans avoir remis le moindre document justifiant des départs anticipés.
Pour rappel, voici les horaires attendus et que vous vous devez de respecter sont les suivants :
Semaine matin : de 5h36 à 14h00 du lundi au jeudi puis 5h36 à 13h00 le vendredi
Semaine soir : de 13h45 à 22h30 du lundi au jeudi puis de 12h45 à 18h45 le vendredi
Ces départs anticipés et non justifiés déstabilisent gravement l'organisation et la production de notre entreprise, plus particulièrement auprès du service auprès duquel vous êtes rattaché.
Nous vous rappelons que toute demande d'absence doit être faite de manière écrite, via les formulaires de demande de congés prévus à cet effet. Chaque demande doit également respecter un délai de prévenance de minimum 3 jours, afin de ne pas déstabiliser l'organisation du service auquel vous êtes rattaché et plus largement de notre entreprise,
Nous vous rappelons également que chaque salarié se doit de respecter obligatoirement ses horaires de travail. De même, pour des raisons de sécurité et d'organisation opérationnelle, nous ne pouvons pas accorder des aménagements de temps de travail « de complaisances », a fortiori de dernières minutes.
3) Vous quittez régulièrement votre poste de travail pour aller vous promener dans l'atelier, sans aucun lien avec des raisons professionnelles.
En effet, nous avons constaté sur la période du mois de mai 2019, que vous n'étiez pas présent dans votre secteur, mais en train de discuter avec d'autres collègues dans l'enceinte de l'atelier en dehors des temps de pause, sur des sujets de vie privée.
En agissant ainsi, non seulement vous perturbez le travail de vos collègues, mais n'effectuez pas non plus le vôtre.
Comme mentionné dans le règlement intérieur en vigueur dans l'entreprise « Dans les ateliers OD le travail est effectué en continu, la présence du salarié à son poste de travail reste obligatoire jusqu'à son remplacement effectif ».
Lors de notre entretien, vous avez tenté de justifier votre comportement inadmissible et vos agissements intolérables en dénigrant vos collègues.
[....] »
En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.
D'emblée, aucune discrimination n'étant caractérisée, la demande de M. [D] tendant à voir prononcer sa réintégration au sein des effectifs, assortie de rappel de salaire depuis le licenciement et fondée sur une demande implicite de nullité du licenciement ne saurait être accueillie.
Cela étant, force est de constater qu'aucun élément n'est communiqué par l'employeur relativement au 3ème grief lequel sera considéré non avéré.
En ce qui concerne le non respect des horaires, M. [D] concède la matérialité des faits survenue durant la période du Ramadan. Il invoque le caractère limité du non respect de ses horaires, et affirme sans être contredit sur ce point par la société qu'il a systématiquement obtenu l'accord verbal de son responsable, ce qu'il affirmait dès le stade de l'entretien préalable, ainsi qu'il ressort du compte-rendu versé aux débats. Il ajoute avoir rattrapé en accord avec son supérieur les heures non réalisées les jours-dits. Au bénéfice du doute, qui profite au salarié sur l'autorisation dont le salarié aurait bénéficié de la part de son supérieur hiérarchique de quitter plus tôt le travail compte tenu de la période, la faute reprochée de ce chef sera jugée non établie.
En revanche, pour preuve du premier grief, reproché au salarié, la société Nimrod Industries [Localité 4] verse aux débats l'attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile rédigée par M. [W], ainsi libellée :
« le 31 mai 2019, alors que l'on discutait [N], [F] et moi-même, nous sommes arrivés à parler de la prime d'équipe qui n'était pas pour tout le monde la même et en réponse j'ai dit à [F] que nous [N] et moi faisions les horaires et partions à l'heure et là [F] s'est énervé et a dit que j'avait la 'haine' et s'en est suivi des insultes 'bâtard, connard, fils de pute', puis il a porté un coup de poing sur un chariot. »
M. [D] concède avoir eu une altercation avec M. [W] au sujet de la prime et l'avoir traité de 'connard' au temps et au lieu du travail. L'intimé réfute en revanche avoir proféré les autres insultes que M. [W] indique avoir essuyées, reprises dans la lettre de licenciement. Il conteste également avoir donné un coup de poing sur la desserte.
Le comportement injurieux de M. [D] à l'égard d'un de ses collègues est ainsi avéré.
M. [D] reproche à l'employeur d'avoir exercé une violence sur sa personne par le biais de M. [W], en menaçant ce dernier de lui supprimer sa prime de 300 euros, s'il persistait dans sa réclamation salariale. S'il est établi par les pièces du dossier que le salarié avait porté une réclamation auprès de la direction afin de percevoir une prime d'équipe de 300 euros, réclamation à laquelle l'employeur a répondu par la négative, aucun élément ne vient étayer les allégations de l'intimé sur ce point. Ce dernier ne caractérise aucune manoeuvre, menace ou violence morale exercée par l'employeur sur M. [W] pour que ce dernier lui fasse entendre raison. Aussi, les demandes de dommages-intérêts et de réintégration formées de ce chef seront rejetées.
Les seuls éléments avérés par l'employeur, à savoir des injures proférées par M. [D] à l'égard de son collègue ne caractérisent pas la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, mais un manquement à ses obligations contractuelles constitutif d'une cause réelle et sérieuse.
Par suite le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement injustifié et en ce qu'il a condamné la société à verser à M. [D] une indemnité de 5 597,06 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
La faute grave étant écartée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué dans son principe une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.
Au jour de la rupture, M. [D] âgé de 44 ans bénéficiait d'une ancienneté d'une année, 5 mois et 20 jours, au sein de la société GCA [Localité 4] qui employait plus de dix salariés.
Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la période du délai-congé. En l'espèce, la rémunération mensuelle que le salarié aurait perçu durant le délai congé s'élève à 2 425 euros, prime d'équipe comprise, de sorte que l'indemnité compensatrice de préavis sera fixée à 4 850 euros bruts outre 485 euros au titre des congés payés afférents.
S'agissant de l'indemnité légale de licenciement, la société appelante ne conteste pas, à titre subsidiaire, que le salarié est fondé à en solliciter le paiement qu'elle propose de fixer à la somme de 568,75 euros. Dans la mesure où le salarié sollicite le paiement 'des indemnités de licenciement injustifié' pour un montant de 5 597,06 euros, il convient de considérer que cette réclamation porte tant sur l'indemnité légale de licenciement que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Calculée sur la base d'une ancienneté au terme du préavis auquel il avait droit, d'un an, 7 mois et 20 jours, et du salaire de référence de 2 798,53 euros, calculé sur la moyenne des 3 mois précédant le licenciement, la société appelante sera condamnée à verser à M. [D] la somme de 1 136,90 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant et non de 10%.
La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et en ce qu'il a alloué à M. [D] une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité au titre des congés payés afférents,
L'infirme pour le surplus,
Déboute M. [D] de sa demande de rappel de prime d'équipe,
Le déboute de sa demande de réintégration pour discrimination ou violence morale de l'employeur et des demandes de rappel de salaire subséquentes depuis la date de licenciement,
Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Nimrod Industries [Localité 4], qui vient aux droits de la société GCA [Localité 4] à verser à M. [D] la somme de 4 850 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 485 euros bruts au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 1 136,90 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
Déboute M. [D] de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,
Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière et ce au taux légal,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire
Condamne la société Nimrod Industries [Localité 4], qui vient aux droits de la société GCA [Localité 4], à verser à M. [D] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et aux entiers dépens, étant précisé que les frais d'exécution, dont le sort est réglé par le code des procédures civiles d'exécution, n'entrent pas dans les dépens qui sont définis par l'article 695 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,