COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/05477 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UW74
AFFAIRE :
Société EG MANAGEMENT LIMITED
C/
S.A.S. THALASSO N° 1
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mai 2021 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° Chambre : 5
N° RG : 2019F01772
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Martine DUPUIS
Me Mélina PEDROLETTI
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société EG MANAGEMENT LIMITED
[Adresse 6]
[Localité 5]
ILE MAURICE
Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Frédéric FLATRES de la SELAS BERSAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0485
APPELANTE
****************
S.A.S. THALASSO N° 1
RCS Nanterre n° 445 339 138
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Antoine DEROT de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A. BANQUE PALATINE
RCS Paris n° 542 104 245
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Nora AMROUN et Me Nicolas BAUCH-LABESSE de l'AARPI TGLD Avocats, Plaidants, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société de droit mauricien EG Management Ltd exploite l'hôtel Seaview [Localité 5] Lifestyle Resort, renommé Sea Lie ressort, situé à [Localité 5] sur l'île Maurice.
La société Thalasso n°1 est un tour-opérateur qui conçoit et commercialise des séjours en France et à l'étranger.
Par un contrat d'allotement du 24 juillet 2017 d'une durée de cinq ans, la 1ère nuit étant fixée au 30 octobre 2017, la société EG Management a confié à la société Thalasso n°1 la promotion et la commercialisation d'un lot de 55 chambres au sein de l'hôtel moyennant la garantie d'un chiffre d'affaires annuel minimum de 1.358.490 €, ou 12.845 nuitées.
La société Thalasso n°1 s'est engagée à verser un dépôt de garantie de 100.000 € et à fournir une garantie bancaire supplémentaire de 300.000 €.
Trois avenants au contrat du 24 juillet 2017 sont produits aux débats :
- un premier daté du 20 octobre 2017, signé par les parties,
-un deuxième portant date du 24 juillet 2017, signé par la société EG Management, dont la société Thalasso n°1 indique qu'il aurait été conclu au mois de janvier 2018,
- un troisième portant date du 30 avril 2018, non signé, dont la société EG Management indique qu'il serait entré en vigueur entre les parties.
Entre 2018 et 2019, la société Thalasso n°1 a adressé plusieurs courriels à la société EG Management en lui reprochant de ne pas avoir exécuté ses obligations en termes de compte mensuel, d'exclusivité sur le marché français et de maintien de la qualité de l'hôtel ; la société EG Management a contesté ces inexécutions, et reproché à la société Thalasso n°1 des retards de paiement.
Par lettre du 15 mai 2019, la société EG Management a mis en demeure la société Thalasso n°1 d'avoir à payer la somme de 205.327,44 € dans un délai de 5 jours sous peine "de procéder avec effet immédiat à la résiliation de nos accords contractuels aux torts exclusifs de la société Thalasso n°1".
Par courrier du 17 mai 2019, la société Thalasso n°1 a contesté tout incident de paiement.
Par courrier du 28 mai 2019 adressé à la société Thalasso n°1, la société EG Management a résilié le contrat, avec effet immédiat.
La société SDE EG Management a actionné, par courriers des 29 mai et 17 juin 2019, la Banque Palatine en sa qualité de caution solidaire, afin d'obtenir paiement de la somme litigieuse de 205.327,44 €.
Elle a aussi, par messages swift des 6, 18 et 28 juin 2019, demandé par le biais de la Mauritius commercial Bank la mise en oeuvre du cautionnement du 24 octobre 2017 pour la somme de 205.327,44 € auprès de la banque Palatine.
Par courrier du 14 juin 2019, la Banque Palatine a écrit à la société Thalasso n°1 afin de l'informer de la mise en 'uvre du cautionnement par la société EG Management, lui demandant de l'éclairer sur sa position ; par courrier du 20 juin 2019, la société Thalasso n°1 a indiqué à la Banque Palatine s'opposer au paiement.
Le 3 juillet 2019, la société Banque Palatine a alors informé la société EG Management qu'elle n'effectuerait aucun paiement à son profit conformément aux instructions reçues de sa cliente.
Par actes d'huissier des 9 et 12 août 2019, la société Thalasso n°1 a fait assigner les sociétés EG Management et Banque Palatine devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné la société EG Management à payer à la société Thalasso n°1 la somme de 320.000 € au titre de l'indemnité contractuelle ;
- débouté la société EG Management de sa demande reconventionnelle ;
- débouté la société EG Management de sa demande de mise en jeu de la caution bancaire fournie par la Banque Palatine ;
- condamné la société EG Management à payer à chacune des sociétés Thalasso n°1 et Banque Palatine la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné la société EG Management aux dépens.
Par déclaration du 30 août 2021, la société EG Management a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2023, la société EG Management demande à la cour de :
- recevoir la société SDE EG Management Limited en son appel ;
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 25 mai 2021 en ce qu'il a :
/ condamné la société EG Management à payer à la société Thalasso n°1 la somme de 320.000 € au titre de l'indemnité contractuelle ;
/ débouté la société EG Management de sa demande reconventionnelle :
/ débouté la société EG Management de sa demande de mise en jeu de la caution bancaire fournie par la Banque Palatine ;
/ condamné la société EG Management à payer à chacune des sociétés Thalasso n°1 et Banque Palatine la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
/ condamné la société EG Management Limited aux dépens ;
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- débouter la société Thalasso n°1 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement :
- limiter le montant des dommages-intérêts en raison du caractère manifestement excessif de la clause pénale ;
Reconventionnellement :
- condamner la société Thalasso n°1 à payer à la société EG Management la somme de 288.631,44 € au titre du solde des factures émises de janvier 2018 à juin 2019 ;
- condamner solidairement la société Banque Palatine en sa qualité de caution solidaire de la société Thalasso n°1 à payer à la société EG Management la somme de 288.631,44 € ;
En tout état de cause,
- condamner la société Thalasso n°1 à payer à la société EG Management la somme de 20.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Thalasso n°1 aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser Me Dontot, SELARL JRF Avocats à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 28 février 2023, la société Thalasso n°1 demande à la cour de :
A titre principal:
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 25 mai 2021 en ce qu'il a :
/ débouté la société EG Management de sa demande reconventionnelle ;
/ débouté la société EG Management de sa demande de mise en jeu de la caution bancaire fournie par la société Banque Palatine ;
/ condamné la société EG Management à payer à la société Thalasso n°1 et à la société Banque Palatine, chacune, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- recevoir la société Thalasso n°1 en son appel incident et l'y dire bien fondée ;
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 25 mai 2021 en ce qu'il a limité la condamnation de la société EG Management à l'égard de la société Thalasso n°1 à la somme de 320.000 € au titre de l'indemnité contractuelle ;
Et, statuant à nouveau :
- condamner la société SDE EG Management Limited à payer à la société Thalasso n°1 la somme d'un 1.000.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices ;
Subsidiairement :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 mai 2021 en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause et y ajoutant :
- condamner la société EG Management à payer à la société Thalasso n°1 la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société EG Management aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles.
Par dernières conclusions notifiées le 22 avril 2022, la société Banque Platine demande à la cour de :
Principalement
- déclarer la société EG Management mal fondée en son appel, l'en débouter,
- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre rendu le 25 mai 2021 sous le numéro 2019F01772,
Subsidiairement
- juger irrégulières et mal-fondées les mises en jeu du cautionnement de la société Banque Platine du 24 octobre 2017,
- débouter la société SDE EG Management Limited de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Banque Platine,
Plus subsidiairement
- donner acte à la société Banque Platine de son rapport à justice sur le bien-fondé des demandes formulées par la demanderesse à l'encontre de la société EG Management,
Dans l'hypothèse où l'absence de l'impayé au moment de la résiliation du contrat d'allotement du 24 juillet 2017 garanti serait tenue dans le cadre des présentes, et compte tenu de sa dénonciation du 5 juillet à effet du 31 octobre 2021,
- Juger la société Banque Platine libérée de toutes ses obligations au titre du cautionnement du 24 octobre 2017,
En tout état de cause
- condamner la société EG Management à payer à la société Banque Platine la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance, dont le montant sera recouvré par Me Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la résiliation du contrat
La société EG Management soutient qu'aucune résiliation fautive ne peut lui être reprochée, et que si elle n'a pas mis en oeuvre la clause résolutoire, elle a fait usage de son droit de résolution au vu des impayés persistants et importants de la société Thalasso n°1. Elle indique que le délai de 14 jours laissé à son contractant entre la mise en demeure infructueuse et la résiliation constitue un délai raisonnable, et relève que la société Thalasso n°1 lui a réglé en juillet 2019 soit après la résiliation une somme de 81.054 €.
Elle affirme que la société Thalasso n°1 n'était pas à jour des paiements lors de la résiliation, reste redevable de la somme de 288.631,44 €, et que les intimées entretiennent la confusion entre la réconciliation factures émises / chiffre d'affaires garanti et les comptes entre les parties. Elle ajoute que la société Thalasso n°1 a toujours été en retard de paiement, ce qui a conduit le propriétaire de l'hôtel à refuser de financer certains travaux, les montants dus par la société Thalasso n°1 représentant plus du quart du chiffre d'affaires garanti.
Elle en déduit que la résiliation anticipée du contrat était justifiée.
La société Thalasso n°1 rappelle les dispositions légales et conventionnelles sur la résiliation unilatérale de contrat, et souligne que les clauses du contrat applicables n'ont pas été respectées.
Elle ajoute que la société EG Management ne démontre pas l'existence d'un manquement grave justifiant une résiliation anticipée, à défaut de preuve au soutien de cette affirmation. Elle souligne avoir consenti une avance de 100.000 € pour réaliser des travaux dans l'hôtel, et avoir veillé à satisfaire ses obligations contractuelles à l'égard de la société EG Management en réglant les échéances exigibles et les soldes dus sur la base des rapprochements semestriels. Elle en déduit qu'il n'existait aucune difficulté lorsque la société EG Management a pris l'initiative de résilier le contrat le 28 mai 2019, étant alors à jour de paiement, et que la société EG Management ne rapporte pas la preuve d'une inexécution suffisamment grave pour justifier la résiliation anticipée du contrat.
Elle avance que la société EG Management a rompu le contrat pour la remplacer par un autre tour opérateur, Jet Tour, et prétend faussement qu'aucune réservation ne pouvait intervenir avec celui-ci. Elle ajoute que la société EG Management reconnaît désormais n'avoir jamais eu la capacité financière pour réaliser les travaux, l'ayant trompée sur ce point. Elle en conclut que la résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société EG Management.
La banque Palatine relève que selon le jugement, les réconciliations intervenues entre les parties n'ont pas été contestées, s'agissant des années 2017 et 2018 dont les comptes ont été arrêtés. Elle conteste toute confusion, alléguée par la société EG Management, entre la réconciliation des factures / chiffres d'affaires, et les comptes entre les parties.
*****
Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Comme précédemment indiqué, le contrat prévoyait une durée de cinq années, et la première nuit d'application du contrat était le 30 octobre 2017 et la dernière nuit le 29 octobre 2022.
L'avenant portant date du 24 juillet 2017 et signé par la société EG Management indique, en son article 27 consacré à la résiliation anticipée, que 'dans le cas où l'une des parties n'exécute pas l'une des obligations qui lui incombe au titre du Contrat, la partie non défaillante doit envoyer à la partie défaillante une mise en demeure (lettre, fax, etc.) exigeant que la partie défaillante remédie au manquement dans un délai de 30 jours' [note de la cour : traduction de la société Thalasso n°1 non contestée par l'appelante]. Il est aussi prévu par cette clause que si la partie défaillante ne remédie pas au défaut, le présent contrat prend fin.
En l'espèce, la société EG Management a adressé à la société Thalasso n°1 le 15 mai 2019 une lettre de mise en demeure d'avoir à régler la somme de 205.077,44 €, et le 28 mai 2019 une nouvelle lettre notifiant la résiliation immédiate du contrat, de sorte que les dispositions contractuelles précitées n'ont pas été respectées, puisque cette résiliation est intervenue moins de 15 jours après la mise en demeure. Du reste, la société EG Management indique dans ses écritures qu'elle n'a pas entendu mettre en oeuvre la clause résolutoire.
L'article 1226 du code civil prévoit que
Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.
La gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non.
Il revient à la société EG Management d'établir la gravité de la faute de la société Thalasso n°1, justifiant la résiliation à ses torts.
En l'espèce, la société EG Management a indiqué dans son courrier du 15 mai 2019 à la société Thalasso n°1 que celle-ci restait redevable d'une somme de 205.327,44 €. Etait jointe à ce courrier une facture récapitulative dressée par la société EG Management elle-même, divisée en trois domaines : facture (pour 43.750 €), solde impayé sur les factures précédentes (total de 66.050 €), solde impayé sur les extras (total de 95,527,44 €).
L'article 8 de l'amendement portant date du 24 juillet 2017 et signé par la société EG Management indique que 'après la fin de chaque saison ou année contractuelle selon le cas, les parties soldent leurs comptes afin de confirmer que tout le montant dû au titre de la saison/année contractuelle écoulée a été payé. Le Fournisseur renonce irrévocablement à toutes demandes ou réclamations et renonce à tous ses droits y afférents qui pourraient s'élever 30 jours après la clôture de la saison contractuelle' [note de la cour : traduction figurant dans le jugement et dans les écritures de la société Thalasso n°1, non contestée par les parties].
Le contrat prévoyait aussi que la reddition des comptes s'effectuait les 1er juin et 30 novembre.
La société EG Management ne peut donc utilement faire état d'une distinction entre la réconciliation des factures émises/chiffre d'affaires d'une part, comptes entre les parties d'autre part.
La société Thalasso n°1 justifie de virements à la société EG Management effectués tous les mois, de novembre 2017 à juillet 2019.
Ainsi, la société EG Management ne justifie pas avoir contesté les comptes des années 2017 et 2018, alors que la facture récapitulative annexée à son courrier du 15 mai 2019 vise pour une partie très importante des échéances de l'année 2018 (et même un extra de 1.736 € de décembre 2017).
Comme l'a relevé le jugement, à la suite d'un courriel du 13 avril 2018 de la société Thalasso n°1 faisant état de ses vérifications des comptes entre les sociétés (pour le mois de décembre 2017), la société EG Management lui a répondu le 14 avril 2018 'après la vérification votre calcul est absolument correct selon le contrat'.
De même, la société Thalasso n°1 indiquant le 23 avril 2018 avoir procédé à la vérification des mois de décembre 2017 et janvier 2018, et la société EG Management répondait le lendemain en indiquant que toutes les factures étaient 'ok' de décembre 2017 à mars 2018, demandant qu'un paiement intervienne.
Aussi la société EG Management ne justifie pas qu'elle était légitime à faire état de certaines sommes correspondant aux années 2017 et 2018 dans la facture jointe à son courriel du 15 mai 2019.
Dans son courrier du 17 mai 2019, la société Thalasso n°1 conteste vigoureusement les griefs de la société EG Management contenus dans son courrier du 15 mai 2019, indiquant que les règlements contractuels effectués tous les mois correspondent aux échéanciers contractuels prévus ainsi qu'aux factures dressées par la société EG Management.
Versant à l'appui de ses dires un décompte, la société Thalasso n°1 fait état d'un solde total à régler de 61.501,75 €, éloigné des sommes invoquées par la société EG Management, et couvert par la valeur du dépôt contractuel de 100.000 € encaissé par la société EG Management en septembre 2017.
Si la société Thalasso n°1 reconnaît dans son courrier du 17 juin 2019 que 'quelques jours de retard... ont parfois pu émailler ses règlements', il revient à la société EG Management de justifier que ceux-ci présentaient une importance et une gravité justifiant sa décision de résilier le contrat unilatéralement, sur le fondement de l'article 1226 précité.
En l'espèce, la société EG Management a demandé dans son courrier du 15 mai 2019 à la société Thalasso n°1 de s'acquitter du paiement dans les 5 jours après réception, et a procédé à la résiliation par courrier du 28 mai 2019, soit dans un délai de 13 jours.
Cependant, la production de la facture versée à l'appui de son courrier du 15 mai 2019 ne peut constituer une preuve établissant la gravité des manquements de la société Thalasso n°1 aux paiements dus en application du contrat, sans validation ou contrôle par un tiers, alors que le décompte qui y figure est contesté, et qu'il revenait à la société EG Management de se rapprocher de la société Thalasso n°1 afin, comme celle-ci le proposait, de confronter les chiffres respectifs avancés par chaque société.
La société EG Management n'a pas contredit les observations de la société Thalasso n°1 contenues dans son courrier du 17 mai 2019 contestant le décompte des sommes qu'elle devrait selon la société EG Management ; le fait que la société Thalasso n°1 ait réglé en juillet 2019 une somme de 81.054 € peut s'expliquer tant par le règlement des soldes dus à cette date au vu des rapprochements trimestriels, qu'au vu du courriel de la société EG Management du 19 juin 2019 indiquant que les réservations de certains clients pourraient ne pas être honorées à défaut de paiement à intervenir sous huit jours. La cour observe de plus que ce montant est éloigné de celui figurant dans la facture jointe au courrier du 15 mai 2019, et inférieur à celui du dépôt contractuel.
Au vu de ce qui précède, la société EG Management échoue à démontrer de manière sure que la société Thalasso n°1 n'était pas, le 28 mai 2019, à jour de ces factures pour un montant dont l'importance constituait une inexécution suffisamment grave pour justifier la résiliation anticipée du contrat. Le jugement sera donc confirmé s'agissant du caractère fautif de la résiliation dont la société EG Management a pris l'initiative.
Sur la réparation du préjudice subi par la société Thalasso n°1
La société Thalasso n°1 soutient que la société EG Management a rompu le contrat car elle voulait la remplacer par une autre tour opérateur, Jet tour, qui commercialise l'hôtel depuis le 26 avril 2019, soit avant même la rupture du contrat. Elle indique que le jugement a réduit exagérément la clause d'indemnisation prévue contractuellement, la faute de la société EG Management lui ayant causé un préjudice dont elle doit être intégralement indemnisée. Elle indique que le montant d'un million d'euros prévu au contrat n'est pas excessif, au vu de la comparaison entre le montant convenu contractuellement et le préjudice subi. Elle conteste le taux de marge moyen pris en compte par le tribunal, non débattu, et rappelle que l'indemnité contractuelle a été librement fixée par les parties, apparaît cohérente avec l'économie du contrat, et correspond à la juste indemnisation de son préjudice. Elle fait état de son manque à gagner sur la durée restante du contrat, revendique un taux de marge moyen de 21 % attesté par son expert-comptable. Elle ajoute les frais de promotion engagés en pure perte, un préjudice d'image et de réputation auprès de sa clientèle, rappelant que son exclusivité n'a pas été respectée.
La société EG Management soutient que la clause pénale ne peut être mise en jeu, la cause de la rupture devant être étrangère à la société Thalasso n°1, alors que celle-ci était en retard de ses paiements. Elle sollicite l'infirmation du jugement sur ce point. À titre subsidiaire, elle
relève que la société Thalasso n°1 ne justifie pas de son préjudice, et souligne qu'aucun document comptable n'est produit à l'appui de l'attestation de son expert-comptable. Elle indique qu'elle ne peut donc faire valoir ses arguments sur cette attestation, qui ne peut dans ces conditions fonder la décision judiciaire et devra être écartée. Elle souligne que le tribunal n'a pas pris en compte l'épidémie de Covid-19 lors de laquelle les frontières de l'Ile Maurice ont été fermées de mars 2020 à juillet 2021, de sorte que les résultats de l'activité de tourisme ont été fortement impactés. Elle conclut à la non-applicabilité de la clause pénale, à tout le moins à la réduction du quantum alloué par le premier juge.
La banque Palatine s'en remet quant à l'application de la clause d'indemnité de résiliation.
*****
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
L'article 27 de l'avenant du contrat du mois de janvier 2018 prévoit notamment que si le fournisseur [la société EG Management] rompt le contrat pour toute raison qui n'est pas du ressort ou de la faute de la société Thalasso n°1, le fournisseur devra payer un million d'euros à la société Thalasso n°1.
La société Thalasso n°1 a reconnu dans ses écritures avoir pu connaître certains retards dans ses règlements.
Néanmoins, il a été retenu précédemment que la société EG Management n'a pas établi que la société Thalasso n°1 n'était pas, le 28 mai 2019, à jour du paiement des factures pour un montant dont l'importance constituait une inexécution suffisamment grave justifiant la résiliation anticipée du contrat.
Aussi, la société EG Management ne peut en soutenir que les conditions d'application de la clause ne sont pas réunies.
Toutefois la pénalité prévue par cet article 27 apparaît manifestement excessive, étant rappelé que le contrat portait sur la garantie d'un chiffre d'affaires annuel minimum de 1.358.490 € et qu'il s'était, au moment de sa résiliation, déjà appliqué sur près de deux années sur les cinq prévues.
La société Thalasso n°1 produit, pour justifier de son préjudice, une projection réalisée par elle-même sur le temps du contrat restant à courir, calculée au regard de la marge qu'elle avait réalisée, retenant un taux de marge de 21% (sa pièce 41). Elle verse une attestation de son expert-comptable retenant un calcul de marge de 17,7%, tout en notant qu'il s'est amélioré, et l'expert-comptable a noté que son analyse se fondait sur la projection du chiffrage par la société Thalasso n°1 du montant de sa marge prévisionnelle attendue, de juin 2019 à octobre 2022, soit 1.041.396,98 € (pièce 41).
Pour autant, la société EG Management indique, en fournissant des articles de presse, que l'Ile Maurice a été presque totalement fermée aux voyageurs internationaux de mars 2020 à juillet 2021, mois à partir duquel les vacanciers devaient être vaccinés, porteurs d'un test PCR négatif, et étaient soumis à une quarantaine de 14 jours.
Elle justifie aussi qu'alors que les frontières avaient été rouvertes au 1er octobre 2021, l'Ile Maurice est passée, en décembre 2021, en 'rouge écarlate' dans les niveaux d'alerte au Coronavirus, et que les voyages touristiques n'y étaient à nouveau plus autorisés.
Aussi l'activité hôtelière de l'Ile Maurice a été profondément impactée par cette impossibilité pour les touristes de s'y rendre, et ces interdictions d'accès ont nécessairement eu des conséquences immédiates sur l'activité des agences de voyages proposant des séjours hôteliers à l'Ile Maurice, ce que le jugement n'a pas pris en compte.
Par ailleurs, la société Thalasso n°1 fait état d'un impact sur son image, mais ne produit aucune pièce établissant un quelconque effet de la résiliation sur sa réputation, ni une plainte de clients qui auraient eu à souffrir de cette rupture.
Si la société EG Management a choisi de traiter, après la résiliation du contrat la liant à la société Thalasso n°1, avec un autre tour opérateur, la société Thalasso n°1 ne verse pas de pièce montrant la détérioration de son image auprès de ses clients qui en aurait résulté.
Au vu de ce qui précède, il sera fait -par réformation du jugement- une juste appréciation de l'indemnité contractuelle due par la société EG Management en la condamnant au paiement à la société Thalasso n°1 de la somme de 160.000 €.
Sur la demande de condamnation de la société Thalasso n°1 au paiement du solde des factures
Comme indiqué précédemment, les pièces produites par la société EG Management ne démontrent pas de manière sure que la société Thalasso n°1 n'était pas, le 28 mai 2019, à jour de ces factures pour le montant qu'elle revendique.
Le courriel du 28 novembre 2018, dans lequel la société EG Management dénonce l'irrégularité des paiements de la société Thalasso n°1, ne peut suffire à constituer une preuve de la réalité et de l'importance des sommes qui lui seraient dues par la société Thalasso n°1. Il en est de même du registre des clients de la société Thalasso n°1 ayant séjourné dans l'hôtel, cette compilation n'établissant pas que la société EG Management n'a pas été payé des prestations correspondantes, comme du tableau récapitulatif des sommes qui seraient dues par la société Thalasso n°1 (pièce 14 de l'appelante).
Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société EG Management ne justifiait pas de l'existence d'une créance à l'encontre de la société Thalasso n°1, et l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société EG Management de sa demande à l'encontre de la banque Palatine, l'a condamnée au paiement des dépens de 1ère instance ainsi qu'au titre des frais irrépétibles.
La société EG Management sera également condamnée au paiement des dépens d'appel.
Il ne sera pas fait droit aux demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement, sauf s'agissant du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société EG Management,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société EG Management au paiement de la somme de 160.000 € à la société Thalasso n°1 au titre de l'indemnité contractuelle,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société EG Management au paiement des dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles et de Me Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,