COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 AVRIL 2024
N° RG 21/02459
N° Portalis DBV3-V-B7F-UVPY
AFFAIRE :
[V] [W]
C/
Société AKKA I&S
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : E
N° RG : F21/00211
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ernest SFEZ
Me Virginie BADIER-CHARPENTIER
Copie numérique adressée à:
FRANCE TRAVAIL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, dont la mise à disposition a été fixée au 27 mars 2024 puis prorogée au 24 avril 2024 dans l'affaire entre :
Monsieur [V] [W]
né le 22 janvier 1991 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Ernest SFEZ de la SELARL CABINET SFEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2042
APPELANT
****************
Société AKKA I&S
N° SIRET : 318 732 880
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Virginie BADIER-CHARPENTIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 509, Me Loïc TOURANCHET de la SAS ACTANCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 et Me Aymeric DE LAMARZELLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K 0168, substitués à l'audience par Me Olivia TESSEMA, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [W] a été engagé par la société Akka I&S, en qualité de junior business manager, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 30 mai 2016.
Cette société est spécialisée dans le secteur d'activité de l'ingénierie, et des études techniques. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, d'au moins11salariés. Elle applique la convention collective nationale Syntec.
La société Akka I&S était une filiale du groupe Akka, racheté en 2021 par le groupe Adecco.
Au dernier état de la relation, M. [W] exerçait les fonctions de business manager.
Par lettre du 5 mars 2020, M. [W] a présenté sa démission dans les termes suivants: 'Je vous informe de ma décision de quitter le poste de Business manager que j'occupe depuis 30/05/2016 dans votre entreprise. Comme l'indique la convention collective applicable à notre entreprise, je respecterai un préavis de départ d'une durée de 3 mois. La fin de mon contrat sera donc effective le 5/6/2020( ...)'.
Le 17 février 2021, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de requalification de sa démission en prise d'acte et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 1er juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :
- rejeté la demande in limine litis de la société Akka I&S
- jugé que la rupture du contrat de travail à l'initiative de M. [V] [W] s'analyse en une démission pure et simple
- condamné la société Akka I&S à verser à M. [V] [W] les sommes suivantes :
. 9 123 euros bruts pour solde de la prime d'objectifs 2019
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné à la société Akka I&S de remettre à M. [V] [W] une attestation pour Pôle Emploi et un solde de tout compte, sans astreinte
- débouté M. [V] [W] de ses autres demandes
- dit que les intérêts au taux légal seront calculés selon les dispositions de l'article 1231-7 du code civil,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, le salaire à retenir étant 5 283 euros
- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Akka I&S et l'a condamné aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 27 juillet 2021, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.
Le dossier, initialement distribué à la 11ème chambre qui a été supprimée à compter du 1er septembre 2023, a été redistribué le 30 juin 2023 à la 17ème chambre (devenue chambre 4-4).
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [W] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a accordé la somme de :
. 9.123,00 € bruts pour solde de la prime d'objectifs 2019
. 1.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 1er juillet 2021, en ce qu'il a :
. jugé que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Monsieur [V] [W] s'analyse en une démission pure et simple
. débouté Monsieur [W] de toutes ses autres demandes.
Et statuant à nouveau :
- condamner la société Akka I&S à payer la somme de 9.583,33 € au titre des primes d'objectifs pour l'année 2020 ;
- prononcer la requalification de la démission de Monsieur [W] en prise d'acte de rupture de leur contrat de travail ayant l'effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence
- condamner la société Akka I&S à payer les sommes suivantes :
. 8 154,33 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
. 25 980 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
. 25 980 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et à l'inexécution de mauvaise foi de ses obligations contractuelles
- ordonner la remise des documents de fin de contrat : Certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, avec une astreinte de 50 € par jour de retard
- condamner la société Akka I&S à payer la somme 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de la procédure civile
- condamner la société Akka I&S au paiement des entiers dépens,
- condamner la société Akka I&S paiement des intérêts légaux sur l'ensemble de ces sommes avec capitalisation au titre de l'article 1154 du code civil à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Akka I&S demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission claire et non équivoque
- débouté M. [W] de ses demandes afférentes, à savoir :
. 8.154,33 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
. 25.980 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
. 19.485 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
. 1.948.50 euros au titre de l'indemnité au titre des congés payés
- débouté M. [W] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et à l'inexécution de mauvaise foi de ses obligations contractuelles
- Infirmer, à titre d'appel incident, le jugement en ce qu'il a :
- Omis de statuer sur la demande d'enjoindre à M. [W] la communication des pièces suivantes et faire droit à cette demande avant dire droit en cause d'appel :
. Les échanges de courriels entre la société Groupe SII et M. [W] concernant les entretiens de recrutement
. La promesse d'embauche de M. [W] au sein de Groupe SII
. Le contrat de travail actuel de M. [W] - Rejeté :
. la demande de nullité de la requête introductive d'instance de M. [W] introduite à l'encontre de la Société Akka FRANCE ;
. la demande de prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [W]
. la demande de prononcer la mise hors de cause de la Société Akka France
- condamné la société Akka I&S à verser à M. [W] les sommes suivantes :
. 9.123 € bruts pour solde de prime d'objectif 2019
. 1.000 € d'article 700 du CPC.
- Ordonné la remise d'une attestation pôle emploi rectificative et un SDTC ;
Statuant à nouveau :
- Annuler la requête prud'homale de M. [W] introduite à l'encontre de la Société Akka FRANCE
En conséquence,
- Juger irrecevable les demandes de M. [W]
- Prononcer la mise hors de cause de la concluante
- Enjoindre à M. [W] de verser aux débats :
. Les échanges de courriels entre la société Groupe SII et M. [W] concernant les entretiens de recrutement
. La promesse d'embauche de M. [W] au sein de Groupe SII
. Le contrat de travail actuel de M. [W]
- Juger que la démission de M. [W] est claire et non équivoque ;
En conséquence : débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes.
A titre reconventionnel :
- Débouter M. [W] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- Condamner M. [W] à 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur 'l'annulation' de la requête introductive
La société Akka I&S soutient que la requête introductive du salarié devant le conseil de prud'hommes n'a pas été dirigée à l'encontre de l'employeur dès lors que le salarié a formé ses demandes à l'encontre de la société 'Akka France SAS' alors que son employeur était la société Akka I&S, de sorte que la dénomination de la société attraite devant le conseil de prud'hommes est erronée et que la requête du salarié est entachée de nullité en vertu des dispositions de l'article R.1452-2 du code du travail et des articles 54 et 57 du code de procédure civile.
Le salarié, en appel, n'a pas répondu dans le dispositif de ses conclusions à la demande de nullité de la requête introductive d'instance de la société Akka I&S et n'a pas davantage développé de moyen à ce titre dans la partie ' Discussion' de ses conclusions.
Il s'ensuit que le salarié est réputé s'être approprié les motifs du jugement qui 'a rejeté la demande in limine litis de la société Akka I&S' par application de l'article 954 in fine du code de procédure civile.
Selon les dispositions de l'article R.1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile.
En premier lieu, la cour constate que la procédure produite au dossier concerne exclusivement la société Akka I&S et que l'employeur ne verse au dossier aucune saisine du conseil de prud'hommes par le salarié à l'encontre de la société Akka France, une telle saisine ne figurant pas davantage dans le dossier de la cour.
Par ailleurs, la cour relève que les demandes de la société Akka I&S ne sont pas clairement exprimées dans le dispositif de ses conclusions.
En effet, la société Akka I&S demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
'- Rejeté :
. la demande de nullité de la requête introductive d'instance de M. [W] introduite à l'encontre de la Société Akka FRANCE ;
. la demande de prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [W]
. la demande de prononcer la mise hors de cause de la Société Akka France'.
Mais la société Akka I&S sollicite ensuite :
' Statuant à nouveau :
- Annuler la requête prud'homale de M. [W] introduite à l'encontre de la Société Akka FRANCE
En conséquence,
- Juger irrecevable les demandes de M. [W]
- Prononcer la mise hors de cause de la concluante .'
Il se déduit des conclusions de la société Akka I&S qu'elle reproche notamment aux premiers juges de n'avoir pas mis hors de cause la société Akka France et qu'elle sollicite, en outre, en appel sa propre mise hors de cause.
Toutefois, dans la partie ' Discussion' de ses conclusions, la société Akka I&S indique qu'elle demande la mise hors de cause de la seule société Akka France.
Enfin, la cour relève que les premiers juges ont indiqué notamment que :
- en page 2 du jugement : ' Vu la date de saisine du conseil :17 février 2021'
- en page 3 du jugement : ' In limine litis, la Société AKKA I&S demande au conseil de prud'hommes de céans de prononcer la nullité de la requête de M. [V] [W], au motif que sa saisine du 10 juillet 2020 était formulée à l'encontre de la Société AKKA France SAS au lieu de la Société AKKA I&S, appuyant cette demande avant dire droit sur les dispositions de l'article 54 du Code de procédure civile.
En réplique, M. [V] [W] expose que s'étant rendu compte de cette erreur matérielle involontaire, il en avait prévenu le Greffe du Conseil de Prud'hommes de céans puis avait ensuite procédé à une nouvelle saisine à l'encontre cette fois de la Société AKKA I&S, tout en confirmant ses demandes telles que décrites ci-avant.
Après avoir entendu les arguments des deux parties, le Conseil de Prud'hommes de céans a annoncé sa décision de joindre cette demande au fond.'
- en page 4 du jugement : ' DECISION AVANT DIRE DROIT .
Attendu que les parties ont reconnu à la barre que l'erreur matérielle commise par M. [V] [W] le 10 juillet 2020 avait été réparée par le ré-enrôlement de l'affaire par le Greffe
du Conseil de Prud'hommes de céans, et attendu que c'est bien la Société AKKA I&S qui est
l'ancien employeur de M. [V] [W], il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la requête de M. [V] [W] ;
En conséquence, le Conseil de Prud'hommes de céans rejettera la demande avant dire droit de
la Société AKKA I&S.'.
Dès lors, il ressort de tout ce qui précède que la saisine du conseil de prud'hommes du 10 juillet 2020 de M. [W] à l'encontre de la société Akka France n'est pas produite, saisine que la société Akka I&S n'a pas pas communiquée et qui ne figure pas dans le dossier de la cour, et que, d'autre part, le jugement rendu fait suite à la seule saisine du conseil de prud'hommes du 17 février 2021 à l'encontre de la société Akka I&S.
Dans ces conditions, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande in limine litis de la société Akka I&S.
Ajoutant au jugement, il convient de mettre hors de cause la société Akka France, non partie au présent litige, et de rejeter, en tant que de besoin la demande de mise hors de cause de la société Akka I&S, aucune irrégularité n'ayant été constatée par la cour.
Sur la rémunération variable pour 2019 et 2020
Le salarié fait valoir qu'il n'a pas perçu la totalité de sa prime d'objectifs pour l'année 2019, l'employeur devant lui verser un solde de 9 123 euros puis ayant décidé, sans explication, de ne pas payer ce reliquat. Il ajoute que l'employeur n'a également pas fixé ses objectifs individuels avec précisions chiffrées pour l'année 2020 de sorte que la prime lui est due au prorata de son temps de présence dans l'entreprise, ayant poursuivi son travail jusqu'au 3 juin 2020.
L'employeur objecte que la demande du salarié n'est justifiée ni en droit ni en fait et qu'il ne prend pas la peine de justifier de son décompte pour permettre à la société de répliquer, au titre de sa demande pour l'année 2019. S'agissant de l'année 2020, l'employeur soutient que le salarié ne justifie également pas de sa demande et que de surcroît, il produit une présentation des objectifs pour 2020, ce qui contredit son argument selon lequel aucune donnée chiffrée ne lui a été transmise.
**
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Lorsque le calcul de la rémunération variable dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
Lorsque le salarié a droit au paiement d'une rémunération variable reposant sur l'atteinte d'objectifs, il appartient à l'employeur de fixer les objectifs servant au calcul de la rémunération variable. Par ailleurs, lorsque les modalités de calcul sont déterminées par l'employeur, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues, et il appartient à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour les années de référence ont été atteints. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères convenus entre les parties et des éléments de la cause.
Lorsque la prime allouée au salarié dépend d'objectifs définis par l'employeur, ceux-ci doivent être communiqués au salarié en début d'exercice, à défaut de quoi, la prime est due dans son intégralité.
.Sur le solde de rémunération variable au titre de l'année 2019
Par lettre de mission du 3 mai 2019, l'employeur a présenté au salarié les conditions d'obtention d'une rémunération variable pour l'année en cours qui est fixée à la somme maximale de 22 000 euros bruts comprenant des objectifs quantitatifs qui s'élèvent à 17 600 euros bruts et qualitatifs à 4 400 euros bruts, le versement relatif à la performance quantitative se déclenchant à partir de 85 % d'atteinte des objectifs du salarié et calculé d'après un barème annexé produit aux débats par ce dernier.
Par courriel du 23 mars 2020, le salarié a interrogé M. [E], son manager, directeur business unit aéronautique spatial défense, sur le calcul de sa rémunération variable que le salarié a présenté comme suivant : ' Peux-tu svp m'envoyer le détail pour mon calcul de Q4 ( cf prime du 4ème trimestre) + Quali afin d'arriver à 9123€' Et donc 19 415 € sur l'année' Merci à toi'.
Par courriel du 23 mars 2020, M. [E] a informé le salarié qu'il avait atteint 122,2 % de son objectif de chiffre d'affaires et 94,4 % de son objectif de taux de marge, outre '50% de quali et 0% sur le booking, la marge agence ressortant à 101,5% de l'objectif', ajoutant que ' avec ces éléments et ta lettre d'objectif tu dois pouvoir aboutir à ce chiffre'.
Par courriel du 24 mars 2020 adressé à M. [R], membre de la direction Akka Ile de France, le salarié a indiqué qu'en se basant sur les calculs officiels du groupe Akka, sa part variable 2019 s'est élevée à la somme de 19 415 euros bruts et qu'il n'a perçu que la somme de 10 292 euros, de sorte que la société Akka I&S lui restait encore redevable de la somme de 9 123 euros bruts.
L'employeur ne conteste pas que le salarié a déjà perçu la somme de 10 292 euros bruts de rémunération variable au titre de l'année 2019 moyennant trois versements intervenus dans l'année.
S'agissant du solde réclamé, l'employeur se borne à indiquer que le salarié ne justifie d'aucun décompte alors qu'au contraire il présente le détail des objectifs qu'il a atteints par courriel du 24 mars 2020, le courriel de son manager confirmant l'atteinte des objectifs, le calcul total de la prime due sur toute l'année et la somme restant due au titre du dernier trimestre 2019, de sorte que l'employeur dispose des éléments suffisants pour répliquer au salarié, ce qu'il ne fait pas.
En conséquence, par voie de confirmation du jugement, il convient de condamner l'employeur à verser au salarié le reliquat de la rémunération variable due au titre de l'année 2019 et qui s'élève à la somme de 9 123 euros bruts.
. Sur la rémunération variable au prorata de l'année 2020
Le contrat de travail prévoit que le salarié perçoit ' le cas échéant, au prorata de son temps de présence, une rémunération variable en fonction des objectifs fixés unilatéralement par la direction et communiqués aux salariés en début d'exercice.'.
Par lettre d'objectifs du 1er semestre 2020 adressée le 24 janvier 2020 au salarié, l'employeur a indiqué les modalités de décomposition de 50% de sa rémunération variable pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020, et présente le détail des objectifs quantitatifs et qualitatifs semestriels, avec les mentions suivantes :
- 'un point sera effectué à la fin de chaque trimestre sur l'état d'avancement des objectifs qualitatifs pour déterminer le montant de versement de l'avance trimestriel.',
-' sous réserve de votre présence dans l'effectif à la fin de la période de référence concernée par la lettre, la performance qualitative sera évaluée par votre manager (...).'.
Il se déduit de ces mentions que la rémunération variable n'est due qu'à l'issue d'un trimestre pour les objectifs quantitatifs, et d'un semestre pour les objectifs qualitatifs.
Les premiers juges ont donc très justement retenu que les documents contractuels ont prévu que les acomptes ne sont versés au salarié que pour des trimestres entiers, et que le salarié a démissionné avant la fin du premier trimestre de l'année 2020, la cour ajoutant néanmoins que, préavis compris, le salarié a travaillé jusqu'au 3 juin 2020.
Toutefois, si la lettre d'objectifs précise de manière très détaillée les conditions d'obtention de 50% de la prime variable pour l'année 2020, elle indique également que le montant nominal total de cette rémunération ainsi que les objectifs chiffrés individuels seront transmis dans une annexe délivrée fin février 2020.
L'employeur ne justifie pas au 3 juin 2020, date du départ du salarié, de l'envoi de cette lettre de sorte que le salarié n'a pas eu connaissance de ses objectifs individuels pour l'année 2020.
Il sera donc fait droit à la demande du salarié de condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 9 583,33 euros bruts, calculée par le salarié sur la base de la prime annuelle 2020, soit 23 000 euros et au prorata de son temps de présence ( 23 000 x 5/12), l'employeur n'ayant pas utilement contesté ce calcul. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement à ce titre.
Sur la requalification de la démission en prise d'acte
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque la démission du salarié ne mentionne aucun grief, elle est équivoque si le salarié parvient à démontrer qu'elle trouve sa cause dans les manquements antérieurs ou concomitants de l'employeur. Une telle démission peut être requalifiée en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements sont avérés et rendent impossible la poursuite du contrat de travail ou d'une démission dans le cas contraire.
La prise d'acte est un acte par lequel le salarié prend l'initiative de rompre son contrat de travail en imputant la responsabilité de cette rupture à son employeur, en raison de manquements de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il appartient au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail de démontrer les manquements reprochés à l'employeur.
Si l'employeur n'a payé au salarié qu'une partie des bonus annuels alors que ces bonus dus en vertu d'un usage d'entreprise constituaient une partie importante de la rémunération de l'intéressé, les juges peuvent en déduire que ces manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de l'intéressé. (Soc., 30 mai 2018, nº15-15.046).
A l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans la lettre de rupture et dans la mesure où les motifs énoncés dans la lettre de prise d'acte ne fixent pas les limites du litige, il y a lieu d'examiner tous les griefs invoqués par le salarié dans ses conclusions, même s'ils ne sont pas mentionnés dans la lettre.
En l'espèce, le salarié a présenté sa démission le 5 mars 2020. Cette lettre de démission ne mentionne aucun grief.
Dans ses conclusions, le salarié reproche à l'employeur à l'appui de sa prise d'acte, les manquements avérés de l'employeur sur le paiement de la rémunération variable.
Il a été précédemment établi que le salarié n'a pas perçu le complément de la prime due au titre de l'année 2019.
Par courriel du 24 mars 2020, le salarié a indiqué à M. [R] avoir eu l'information suivante: ' Hier, lundi 23/03/20, le groupe AKKA m'a communiqué que je toucherai 0€ sur ce montant restant, salaire variable censément versé sur la paie de mars 2020.', le salarié ajoutant ne pas comprendre la décision du groupe alors que ' cette part de salaire est un dû contractuel d'Akka envers ses salariés', que cette décision lui pose des problèmes personnels et le met ' dans une situation intenable'.
L'employeur n'a apporté aucune réponse à ce message.
Certes, le salarié justifie d'échanges avec l'employeur le 23 mars 2020 après sa démission mais la société Akka I&S ne conteste pas que le salarié avait eu connaissance de l'absence du versement du solde de rémunération variable une semaine avant le 5 mars 2020.
En tout état de cause, le salarié produit l'attestation de M. [E] qui témoigne que la direction du groupe Akka lui a annoncé que les primes ne devaient plus être versées en janvier 2020 mais en février 2020 pour les managers et qu'il a ensuite informé le salarié à la mi-février 2020 qu'il ne percevrait finalement pas la somme qui lui était due, ayant alors constaté de la frustration de sa part et que cette décision impactait fortement sa vie personnelle. Le témoin ajoute qu'aucune justification n'a été donnée par l'employeur quant au motif empêchant le versement de cette part variable.
M. Bissey, vice-président Défense pour la société Akka France jusqu'en juillet 2020, confirme le témoignage de M.[E] en ce qu'il a appris que les managers du secteur Défense en Île de France ne toucheraient pas l'intégralité de la prime d'objectifs 2019, que le salarié en a été très déstabilisé et affecté de cette décision en raison de son professionnalisme et son dévouement, ajoutant que la société Akka I&S a manqué à ses engagements envers les salariés et dans sa communication.
En outre, il est également justifié que l'employeur n'avait pas remis comme convenu les objectifs individuels du salarié en février 2020 et que le salarié n'avait donc aucune visibilité pour l'avenir alors qu'une partie de sa prime passée ne lui était plus versée.
La cour dispose enfin d'éléments suffisants pour déterminer les conditions de la rupture et ajoutant au jugement, il ne sera pas fait droit à la demande de la société Akka I&S d'enjoindre à M. [W] de verser aux débats :
. Les échanges de courriels entre la société Groupe SII et M. [W] concernant les entretiens de recrutement
. La promesse d'embauche de M. [W] au sein de Groupe SII
. Le contrat de travail actuel de M. [W].
Il résulte des éléments qui précèdent qu'avant la démission et concomittamment à celle-ci, le salarié reprochait à son employeur des manquements relatifs au paiement d'une partie de sa prime de 2019 et à la fixation de ses objectifs de 2020 ce qui rend sa démission équivoque.
Il convient donc de requalifier cette démission en prise d'acte, laquelle produira les effets soit d'une démission, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse selon que les manquements reprochés à l'employeur étaient ou non suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Or, le non paiement du solde de la prime au salarié pour un montant non négligeable alors qu'il percevait une rémunération fixe brute annuelle de 46 000 euros et l'absence de remise des objectifs individuels, sans aucune explication de l'employeur, constituent des manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Dans ces conditions, par voie d'infirmation du jugement, la démission du 5 mars 2020 doit être requalifiée en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la prise d'acte de la rupture
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [W] ayant acquis une ancienneté de plus de trois années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins de onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est comprise entre trois et quatre mois maximum de salaire.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié ( 6 495 euros bruts, rémunération variable totalement incluse), de son âge (29 ans), de son ancienneté, de ce qu'il justifie avoir retrouvé un emploi en qualité de responsable de département de l'Agence SII Ile de France le 8 juin 2020, de ce qu'il ne communique pas le montant de ses ressources, il y a lieu de condamner la société Akka I&S à lui payer la somme de 19 485 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.
Le salarié peut également prétendre au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, non utilement contestée en son calcul, qui s'élève à la somme de 8 154,33 euros bruts.
Enfin, il convient en application de l=article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions d'ordre public sont dans le débat, d=ordonner d=office le remboursement par l=employeur, à l=organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l=arrêt dans la limite de six mois d=indemnités.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l=employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu=ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.
Sur la demande de dommages-intérêts en réparation des manquements de l'employeur et de l'inexécution de bonne foi des obligations contractuelles
Le salarié soutient que les manquements de l'employeur l'ont contraint de prendre acte de la rupture du contrat de travail, de ce qu'il a vécu une situation anormale le faisant souffrir, ce que conteste l'employeur.
Toutefois, le salarié, dont la demande est dépourvue d'offre de preuve, ne démontre pas l'existence d'un préjudice qui serait distinct de celui déjà réparé par le rappel d'indemnité variable et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui ont été accordés assorties des intérêts.
En conséquence, le jugement sera confirmé enc e qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la remise des documents
Il convient d'enjoindre à la société Akka I&S de remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement et de condamner l'employeur qui succombe aux dépens de première d'appel.
Il convient également de condamner l'employeur à payer au salarié en appel la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il rejette la demande in limine litis de la société Akka I&S aux fins d'annulation de la requête introductive d'instance de M. [W], CONDAMNE la société Akka I&S à verser à M. [W] la somme de 9 123 euros bruts pour solde de la prime d'objectifs 2019, déboute M. [W] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux manquements de l'employeur, condamne la société Akka I&S à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et en ce qu'il déboute la société Akka I&S de ses demandes à ce titre,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
MET hors de cause la société Akka France,
DÉBOUTE la société Akka I&S de sa demande de mise hors de cause,
DÉBOUTE la société Akka I&S de sa demande d'enjoindre à M. [W] la remise des échanges de courriels entre la société Groupe SII et M. [W] concernant les entretiens de recrutement, de la promesse d'embauche de M. [W] au sein de Groupe SII et du contrat de travail actuel de M. [W].
REQUALIFIE la démission de M. [W] en prise d'acte de la rupture et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Akka I&S à verser à M. [W] les sommes suivantes :
- 9 583,33 euros bruts au titre de la rémunération variable de 2020,
- 8 154,33 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 19 485 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l=employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
ORDONNE d'office le remboursement par la société Akka I&S à l'organisme concerné du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à M. [W] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,
ORDONNE la remise par la société Akka I&S à M. [W] du certificat de travail, du solde de tout compte, de l'attestation France Travail conformes à la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Akka I&S à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'employeur de sa demande fondée sur ce texte,
CONDAMNE la société Akka I&S aux dépens d'appel.
. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. Signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président