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25/04/2024 | FRANCE | N°21/03605

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 25 avril 2024, 21/03605


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 21/03605 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U4F7



AFFAIRE :



S.E.L.A.R.L. C.[O] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « MAJENCIA »

...



C/

[F] [T]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départa

ge de CHARTRES

N° Section : I

N° RG : F19/00161



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Aldjia BENKECHIDA



Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de

la AARPI BEZARD GALY COUZINET





Me Claude-Marc BENOIT
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 21/03605 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U4F7

AFFAIRE :

S.E.L.A.R.L. C.[O] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « MAJENCIA »

...

C/

[F] [T]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CHARTRES

N° Section : I

N° RG : F19/00161

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aldjia BENKECHIDA

Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de

la AARPI BEZARD GALY COUZINET

Me Claude-Marc BENOIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.E.L.A.R.L. C.[O] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « MAJENCIA »

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0556 substitué par Me Céline COOPER avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.S. ALLIANCE Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « MAJENCIA »

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0556 substitué par Me Céline COOPER avocat au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

Monsieur [F] [T]

né le 18 Mai 1975 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002 -

Association AGS CGEA [Localité 9] UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 9]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Janvier 2024, Madame Nathalie COURTOIS, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE

FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 novembre 1997, M.[F] [T] a été engagé(e) par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de monteur, par la société Noritube. Son contrat de travail a été transféré, par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société anonyme Majencia, qui était spécialisée dans la production et la distribution d'ameublement professionnel de bureau et le conseil en matière d'aménagement d'espace, employait plus de dix salariés et relevait de la convention collective de la métallurgie [Localité 12].

En dernier lieu, à compter de 2016, M.[F] [T] exerçait les fonctions de magasinier au sein du site de [Localité 11].

Le 3 mai 2018, la société a conclu avec les organisations syndicales un accord de performance collective, s'inscrivant dans le projet de restructuration 'JANUS', prévoyant la mise en oeuvre d'une mobilité géographique et/ou professionnelle concernant 95 salariés dont 23 travaillant sur le site de [Localité 11] (20 en mobilité géographique et 3 en mobilité géographique + professionnelle) et 20 sur le site de [Localité 5] (11 en mobilité géographique et 9 en mobilité géographique + professionnelle).

Il y était précisé les éléments suivants:

- Par mobilité professionnelle, sont visées les situations dans lesquelles le salarié est amené à changer d'emploi.

- Par mobilité géographique, sont visées les situations de mobilité impliquant pour le salarié un changement du lieu d'exercice de son activité en dehors de sa zone géographique d'emploi.

- Une telle mobilité peut nécessiter un changement de résidence du salarié.

- Dans le cadre de la mise en oeuvre du présent accord, il ne pourra être proposé aux salariés une mobilité géographique que vers les zones suivantes: [Localité 10], [Localité 14] et [Localité 6].

Par courrier du 17 septembre 2018, la société a proposé à M.[F] [T] une mobilité géographique dans le cadre de l'accord précité, consistant en un déplacement de son lieu de travail de [Localité 11] (département de [Localité 12]) vers [Localité 14] (département de [Localité 13]).

La proposition de mobilité géographique était libellée comme suit: ' Nous faisons suite à notre entretien du 9 mai 2018 au cours duquel nous vous avons exposé les modalités relatives à la mise en oeuvre d'un accord de performance collective au sein de la société.

Cet accord a été signé par les organisations syndicales représentatives de l'entreprise le 3 mai 2018 après la mise en oeuvre d'une procédure d'information-consultation et le recueil de l'avis des représentants du personnel sur ce projet.

Comme expliqué, la mise en oeuvre de cet accord a pour objectif de développer l'employabilité et de préserver les emplois des salariés de Majencia au regard des évolutions économiques et stratégiques de l'entreprise et s'inscrit dans le cadre du projet global Janus visant notamment à améliorer l'organisation de l'entreprise.

En effet, l'organisation actuelle en multi-sites de production est inadaptée à un plan de compétitivité pérenne. II est donc devenu indispensable de simplifier cette organisation pour rationaliser le processus de production, d'en optimiser le fonctionnement et s'adapter aux besoins des clients en améliorant les objectifs d'engagement par la réduction des délais d'écoulement.

Ainsi dans le cadre de ce projet, il a été notamment décidé de regrouper les salariés du site de [Localité 5] sur le site de [Localité 6], les salariés du site de [Localité 11] sur le site de [Localité 14].

En ce qui vous concerne par la présente, nous vous proposons donc en application de l'accord de performance collective une mobilité interne géographique dans les conditions suivantes:

Votre lieu de travail est actuellement situé à [Localité 11]. Votre nouveau lieu de travail dans le cadre de la mobilité interne proposée sera fixé à [Localité 14],

La date d'effet de la modification dans le cadre de la mobilité interne proposée est envisagée au 1er novembre 2018 afin de tenir compte des contraintes personnelles et familiales dont vous nous avez fait part lors de notre entretien.

Nous vous rappelons que dans le cadre de la mobilité interne proposée vous pouvez bénéficier des mesurers d'accompagnements prévues à l'article 7 de l'accord de performance collective ci-joint.

Nous vous rappelons également que vous avez la possibilité d'accepter ou de refuser l'application de l'accord de performance collective.

Conformément aux dispositions légales et à l'article 8 de l'accord de performance collective, vous disposez d'un délai d'un mois (30 jours calendaires) à compter de la réception de la présente lettre pour nous faire connaître par écrit votre refus d'appliquer l'accord de performance collective à votre contrat de travail.

En cas de refus exprès de votre part notifié à la société par écrit dans le délai d'un mois imparti, nous serons contraints d'envisager à votre égard une procédure de licenciement conformément à la législation en vigueur et dans les conditions prévues à l'article 8 de l'accord de performance collective ci-joint.

En cas d'acceptation ou à défaut de réponse de votre part dans le délai imparti, les stipulations de l'accord de performance collective se substitueront de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de votre contrat de travail sur la base de la mobilité proposée aux présentes, ce à compter de la date d'effet ci-dessus mentionnée.

Un avenant au contrat de travail sera néanmoins, le cas échéant, signé par les parties (..)'.

Par courrier du 21 septembre 2018, M.[F] [T] a refusé la proposition de mobilité interne géographique comme tous les autres salariés concernés.

Convoqué(e) le 12 novembre 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 29 novembre 2018 suivant, M.[F] [T] a été licencié(e) par courrier du 5 décembre 2018, énonçant l'application de l'article L2254-2 du code du travail et des dispositions de l'accord de performance collective du 3 mai 2018.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est déroulé le 29 novembre 2018, auquel vous vous êtes présenté en présence de [U] [J], responsable des ressources humaines. Vous n'avez pas souhaité être assisté.

Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour le motif spécifique suivant, conformément à l'article L.2254-2 du code du travail et aux dispositions de l'accord de Performance collective du 3 mai 2018.

Comme nous vous l'avons exposé, un accord de Performance collective a été signé le 3 mai 2018 par les organisations syndicales représentatives de l'entreprise après la mise en 'uvre d'une procédure d'information-consultation des représentants du personnel et du recueil de leurs avis sur ce projet.

Dans le cadre de la mise en 'uvre de cet accord, nous vous avons reçu le 9 mai 2018 pour un entretien en vue de vous proposer une mobilité géographique.

Cet entretien était destiné à nous permettre de faire le point sur votre situation personnelle afin d'identifier d'éventuelles contraintes liées, entre autres, à la vie personnelle et la vie familiale et, le cas échéant, d'adapter la proposition de mobilité interne.

Outre la problématique liée au fait que vous ne souhaitez pas déménager pour convenance personnelle, aucune contrainte n'a été identifiée aux termes de nos échanges.

Par courrier reçu en mains propres le 17 septembre 2018, nous vous avons alors notifié une proposition de mobilité interne géographique, à savoir : « Votre lieu de travail est actuellement situé à [Localité 11]. Votre nouveau lieu de travail dans le cadre de la mobilité interne proposée sera fixé à [Localité 14] ».

Par courrier que nous avons réceptionné le 21 septembre 2018, vous nous avez fait part de votre refus de la proposition de mobilité interne effectuée dans le cadre de la mise en 'uvre de l'accord de performance collective du 3 mai 2018.

En conséquence, par la présente, nous vous informons que votre contrat de travail prendra fin à l'issue de votre préavis d'une durée de 2 mois qui court à compter de la date de première présentation de la présente lettre à votre domicile. ['] »

Par jugement du 29 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Majencia, laquelle a été convertie, par jugement du 17 avril 2019, en liquidation judiciaire.

La SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ont été désignés ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia.

Le 22 mai 2019, M.[F] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins de contester son licenciement et de solliciter le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement de départage rendu le 9 novembre 2021, notifié le 15 novembre 2021, le conseil a:

rejeté l'exception d'incompétence matérielle

déclaré nul le licenciement de M.[F] [T]

en conséquence, fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Majencia, la créance de M.[F] [T] aux sommes suivantes :

- 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul

- 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

ordonné à la SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ès qualités de co-mandataires liquidateurs, de diligenter les procédures tendant au paiement de ces sommes

ordonné l'exécution provisoire du jugement dans la limite de 6 mois de salaires (moyenne de salaire retenue 1 820,79 euros)

dit que le présent jugement est opposable à l'AGS représentée par le CGEA [Localité 9] dans la limite de sa garantie légale

débouté les parties de toutes leurs autres demandes

dit que les dépens feront partie des frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société Majencia.

Le 10 décembre 2021, la SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia ont relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon leurs dernières conclusions n°2 transmises par RPVA le 13 octobre 2023, la SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia demandent à la cour de:

juger les concluants ès qualités recevables et bien fondés en leurs observations

en conséquence, réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

statuant à nouveau, à titre principal

juger l'accord de performance collective définitif en l'absence de toute contestation dans le délai de 2 mois tel que prévu à l'article L.2262-14 du code du travail ou par voie d'exception

juger le licenciement pour motif spécifique irréfragablement causé

débouter M.[F] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions

condamner M.[F] [T] à verser à Maître [O] et à Maître [K], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

à titre subsidiaire, débouté M.[F] [T] de sa demande indemnitaire au titre d'un licenciement nul

juger que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder 3 mois de salaire, en l'absence de tout préjudice en tenant compte de l'indemnité supra-légale qui lui a été versée soit la somme de 10 000 euros

condamner M.[F] [T] à rembourser l'indemnité supra légale perçue au titre de l'application de l'accord de performance collective dont il critique les termes soit la somme de 10 000 euros

ordonner la compensation entre les sommes allouées aux parties

juger que les sommes seront inscrites au passif de la société Majencia

juger que le prononcé de la liquidation judiciaire a arrêté le cours des intérêts en application de l'article L622-28 du code de commerce

juger que les sommes seront opposables au CGEA ' AGS au titre de sa garantie

employer les dépens en frais privilégiés.

Selon ses dernières conclusions n°3 transmises par RPVA le 17 octobre 2023, M.[F] [T] demande à la cour de :

déclarer mal fondées la SELARL [O] et la SELAS Alliance, ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Majencia, en leur appel

les en débouter

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré nul le licenciement de M.[F] [T]

déclarer recevable et bien fondé M.[F] [T] en son appel incident

Y faisant droit, fixer la créance de M.[F] [T] aux sommes suivantes:

- A titre principal: 65 550 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul

- A titre subsidiaire: 65 550 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA [Localité 9]

condamner la SELARL [O] et la SELAS Alliance, ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Majencia, aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions n°2 transmises par RPVA le 11 octobre 2023, l'AGS CGEA [Localité 9] demande à la cour de :

à titre principal, infirmer le jugement entrepris

constater l'atteinte du plafond de garantie pour M.[Y] [H]

débouter les demandeurs de leurs demandes indemnitaires,

Vu l'article L.1235-3 du code du travail,

réduire à 3 mois le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

fixer au passif de la liquidation les créances retenues

dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L.3253-19 du code du travail,

Vu l'article L.3253-8 du code du travail,

exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS

exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail, dire le jugement opposable dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues, sous déduction des sommes déjà versées,

dire n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Vu l'article L.621-48 du code de commerce,

rejeter la demande d'intérêts légaux

dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

Par ordonnance rendue le 6 décembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la

clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 16 janvier 2024.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de relever que les mandataires liquidateurs appelants n'ont pas interjeté appel du chef de jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence matérielle, demandant de dire que l'accord de performance collective (ci-après 'APC') est définitif sans soulever ni incompétence ni forclusion.

Sur le licenciement

Présentation de l'APC litigieux

Le licenciement litigieux s'inscrit dans le dispositif APC dont le refus par le salarié constitue à lui seul le motif du licenciement.

Selon l'article L2254-2, I du code du travail, ' Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi, un accord de performance collective peut :

- aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition ;

- aménager la rémunération au sens de l'article L.3221-3 dans le respect des salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° du I de l'article L. 2253-1 ;

- déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise [...]'.

Un accord de performance collective permet à l'employeur, faute pour le salarié d'accepter les termes de l'accord, d'engager contre lui une procédure de licenciement fondée sur un motif spécifique (le refus) qui constitue une cause réelle et sérieuse, selon les modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L.1232-14 du code du travail.

Le projet tel que décrit par l'appelant et présenté aux instances représentatives du personnel le 10 janvier 2018, dit projet JANUS portait notamment un projet de reconfiguration du groupe :

- Le transfert de l'activité ébénisterie du site de [Localité 5] sur le site de [Localité 6], entraînant l'arrêt de l'activité du site de [Localité 5],

- Le transfert de l'activité Assises (sièges et Softseating) du site de [Localité 11] sur le site de [Localité 14] entraînant l'arrêt de l'activité du site de [Localité 11],

- Le transfert de l'activité Piètement du site de [Localité 8] vers le site de [Localité 14], entraînant la spécialisation du site de [Localité 8] sur l'activité armoire métallique,

- La réintégration sur le site de [Localité 6] de l'activité Dujardin de [Localité 5]

- La réintégration à [Localité 14] de l'activité Piètement de [Localité 8] et Assises de [Localité 11].

Cette reconfiguration avait pour objectif de concentrer les étapes de transformation qui avaient lieu jusqu'alors sur plusieurs sites allongeant le temps de fabrication et d'écoulement, pénalisant le respect des engagements de délais, et des difficultés d'équilibrage entre les sites spécialisés avec des ressources techniques spécifiques.

Cette réorganisation des sites devait permettre une meilleure organisation de l'activité et entraînait:

- Une proposition de mobilité de tous les collaborateurs de [Localité 11] vers [Localité 14]

- Une proposition de mobilité de tous les collaborateurs de [Localité 5] vers [Localité 6]

Cette proposition s'effectuait à effectif constant, sans licenciement, tous les salariés étant transférés d'un site à l'autre.

Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement

La SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia soutiennent que l'accord de performance collective a été régulièrement et collectivement négocié puis adopté, et qu'il est par la suite devenu définitif s'imposant ainsi à tous les salariés rentrant dans son champ d'application, les mandataires liquidateurs soutiennent que c'est à bon droit que la société a procédé au licenciement des salariés qui en ont refusé l'application.

Les appelants invoquent :

- le régime dérogatoire de ce dispositif.

- l'article L2262-14 du code du travail relatif au délai de deux mois pour engager une action en nullité de l'accord devant le tribunal judiciaire et en tirent la conclusion que l'APC est définitif et exécutoire dès lors que le salarié n'a engagé aucune action dans le délai précité devant la juridiction compétente.

- l'article L2254-2 III du code du travail selon lesquelles les dispositions de l'APC se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Il ne s'agit donc pas selon l'appelante d'une possibilité comme soutenu par l'intimé(e), de sorte que la clause de mobilité s'imposait.

- la validation, dans son principe, du dispositif par le conseil constitutionnel (décision n°2018-761 DC du 21 mars 2018) qui a confirmé la nature majoritaire de l'accord et a assorti le licenciement prononcé à l'encontre des salariés s'opposant à l'accord d'une présomption irréfragable de cause réelle et sérieuse, ce qui signifie que c'est le refus du salarié d'appliquer l'accord qui constitue le motif du licenciement.

- la fermeture de deux établissements pour faire face aux difficultés économiques est sans incidence sur la régularité de l'APC et n'imposait pas le recours à un PSE.

- la validation de cet accord par les instances représentatives du personnel (IRP) et l'inspection du travail estimant que les termes de l'accord signé par les IRP étaient précis et suffisants, dès lors que le comité central d'entreprise (CCE) s'était prononcé sur la fermeture des sites de [Localité 11] et de [Localité 5] et le transfert des équipes sur d'autres sites, de sorte que l'accord n'avait pas à mentionner à nouveau ces éléments.

- l'absence de texte au soutien de la nullité soulevée par le salarié.

- la dégradation soudaine de la situation économique de l'entreprise plusieurs mois après l'APC.

M.[F] [T] dénonce le caractère frauduleux du recours par la société Majencia à un accord de performance collective, celui-ci ayant abouti à la fermeture de deux sites (dont celui de [Localité 11]) et au licenciement des salariés travaillant sur ces sites, sans mise en oeuvre préalable d'un plan de sauvegarde de l'emploi, de sorte que la société a tenté de s'affranchir des dispositions relatives au licenciement pour motif économique.

L'intimé(e) relève que dès le 13 décembre 2018, le CCE a été consulté dans le cadre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique.

L'intimé(e) soutient que le véritable motif de son licenciement réside dans les difficultés économiques rencontrées par la société et que la fermeture du site ne rentre pas dans l'objet d'un APC.

L'intimé(e) conteste toute présomption irréfragable de cause réelle et sérieuse et soutient que la société a détourné ce dispositif de son objet afin de se soustraire aux règles du licenciement pour motif économique.

L'intimé(e) invoque :

- la nullité de l'APC

- la position de l'OIT du 25 mars 2022, tenue à l'occasion du recours de deux syndicats concernant le refus d'une modification du contrat de travail résultant d'un APC, selon laquelle d'une part, le motif spécifique de licenciement résultant de l'APC n'entre pas dans les catégories juridiques des motifs de licenciement prévus par l'article 4 de la convention n°158 de l'OIT qui dispose que 'Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service' et d'autre part, ce motif de licenciement revient à neutraliser tout contrôle du juge sur la justification du licenciement en violation des articles 8 et 9 de ladite convention.

- la réponse ministérielle du 21 juillet 2020 selon laquelle ' L'Accord de Performance Collective ne peut être utilisé pour la fermeture définitive d'un site ou d'un établissement, lorsque cette fermeture entraîne un déménagement de l'intégralité des postes et fonctions du site ou de l'établissement et que les conditions de reclassement dans le cadre de l'Accord de Performance Collective présentent des caractéristiques telles qu'un refus de la très grande majorité des salariés concernés peut être anticipé avec un degré de certitude élevé (ex. déménagement d'un site à plusieurs centaines de kilomètres, entraînant une nécessaire mobilité géographique des salariés) En effet, l 'Accord de Performance Collective ne saurait se substituer aux dispositions applicables en matière de licenciement collectif pour motif économique qui s'imposent à tout employeur dont la situation correspond aux prévisions légales. L'utilisation de l'Accord de Performance Collective dans une telle situation pourrait être constitutive d'un abus de droit destiné à contourner les dispositions prévues aux articles L1233-2 et suivants du code du travail, cette infraction étant susceptible d'être relevée par voie de procès-verbal transmis au procureur de la République par l'inspection du travail, conformément aux dispositions de l'article L8113-7 du même code».

- l'article L1233-61 du code du travail aux termes duquel dans les entreprises d'au moins cinquante salariés lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés sur une même période de trente jours, l'employeur est tenu d'établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en éviter le nombre. Le plan doit alors intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.

- l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 24 novembre 2022 concernant le même litige et le même employeur et qui selon le salarié remet en cause la présomption irréfragable de cause réelle et sérieuse de licenciement d'un salarié s'opposant à un APC et la décision du conseil constitutionnel qui rappelle le droit de contester son licenciement même dans le cadre d'un APC.

Les AGS s'en rapportent aux écritures des organes de la procédure.

Sur la demande de voir juger définitif l'ACP

Cette demande est sans objet dès lors que, comme le relève le salarié, le caractère définitif de l'accord n'est pas contesté et que les organes de la procédure n'ont pas réitéré l'exception d'incompétence soulevée devant les premiers juges.

Par ailleurs, si dans sa motivation, les organes de procédure contestent indirectement la recevabilité de l'action du salarié, ils ne le formulent pas tel quel dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n'en est pas saisie conformément à l'article 954 du code de procédure civile.

Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement

La Cour de cassation a jugé (Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1137 du 2 décembre 2020, Pourvoi nº 19-11.986, publié au bulletin) que : 'selon l'article 4 de la Convention internationale du travail nº 158 sur le licenciement, qui est d'application directe en droit interne, un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service.

Selon l'article 9.1 du même texte, le tribunal auquel est soumis un recours devra être habilité à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié.

Aux termes de son article 9.3, en cas de licenciement motivé par les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, le tribunal devra être habilité à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, et l'étendue de ses pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, ou par voie de législation nationale'.

Selon l'article L2254-2 du code du travail, 'I. ' Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi, un accord de performance collective peut :

' aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition ;

' aménager la rémunération au sens de l'article L. 3221-3 dans le respect des salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1° du I de l'article L. 2253-1 ;

' déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.

II. ' L'accord définit dans son préambule ses objectifs et peut préciser :

1° Les modalités d'information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l'examen de la situation des salariés au terme de l'accord ;

2° Les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée :

' les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ;

' les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance ;

3° Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;

4° Les modalités d'accompagnement des salariés ainsi que l'abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal défini au décret mentionné au VI du présent article.

Les dispositions des articles L. 3121-41, L. 3121-42, L. 3121-44 et L. 3121-47 s'appliquent si l'accord met en place ou modifie un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine.

Les articles L. 3121-53 à L. 3121-66 s'appliquent si l'accord met en place ou modifie un dispositif de forfait annuel, à l'exception de l'article L. 3121-55 et du 5° du I de l'article L. 3121-64 en cas de simple modification.

Lorsque l'accord modifie un dispositif de forfait annuel, l'acceptation de l'application de l'accord par le salarié conformément aux III et IV du présent article entraîne de plein droit l'application des stipulations de l'accord relatives au dispositif de forfait annuel.

III. ' Les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.

Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord.

IV. ' Le salarié dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus par écrit à l'employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l'existence et du contenu de l'accord, ainsi que du droit de chacun d'eux d'accepter ou de refuser l'application à son contrat de travail de cet accord.

V. ' L'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 ainsi qu'aux articles L. 1234-1 à L. 1234-11, L. 1234-14, L. 1234-18, L. 1234-19 et L. 1234-20.

VI. ' Le salarié peut s'inscrire et être accompagné comme demandeur d'emploi à l'issue du licenciement et être indemnisé dans les conditions prévues par les accords mentionnés à l'article L. 5422-20. En l'absence des stipulations mentionnées au 4° du II du présent article, l'employeur abonde le compte personnel de formation du salarié dans des conditions et limites définies par décret. Cet abondement n'entre pas en compte dans les modes de calcul des droits crédités chaque année sur le compte et du plafond mentionné à l'article L. 6323-11'.

Néanmoins, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 relative à la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, le conseil constitutionnel a rappelé que 'le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues aux paragraphes III à V de l'article L. 2254-2 du code du travail sont réunies'.

Selon l'article 8 de la Convention internationale du travail nº 158, ' 1. Un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement injustifiée aura le droit de recourir contre cette mesure devant un organisme impartial tel qu'un tribunal, un tribunal du travail, une commission d'arbitrage ou un arbitre.

2. Dans les cas où le licenciement aura été autorisé par une autorité compétente, l'application du paragraphe 1 du présent article pourra être adaptée en conséquence conformément à la législation et à la pratique nationales.

3. Un travailleur pourra être considéré comme ayant renoncé à exercer son droit de recourir contre le licenciement s'il ne l'a pas fait dans un délai raisonnable'.

Selon l'article 9 de ladite convention, ' 1. Les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention devront être habilités à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié.

2. Afin que le salarié n'ait pas à supporter seul la charge de prouver que le licenciement n'était pas justifié, les méthodes d'application mentionnées à l'article 1 de la présente convention devront prévoir l'une ou l'autre ou les deux possibilités suivantes:

(a) la charge de prouver l'existence d'un motif valable de licenciement tel que défini à l'article 4 de la présente convention devra incomber à l'employeur;

(b) les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention devront être habilités à former leur conviction quant aux motifs du licenciement au vu des éléments de preuve fournis par les parties et selon des procédures conformes à la législation et à la pratique nationales.

3. En cas de licenciement motivé par les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention devront être habilités à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, étant entendu que l'étendue de leurs pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par les méthodes d'application mentionnées à l'article 1 de la présente convention'.

Enfin, aux questions-réponses sur l'accord de performance collective, le ministère du travail a précisé les contours de ce dispositif en juillet 2020 d'où il résulte à:

- la question nº 7 que: ' si l'article L. 2254-2 du code du travail précise qu'en cas de refus d'application de l'accord de performance collective, le licenciement du salarié « repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse », le salarié conserve le droit de saisir le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement'.

- la question nº 2: 'Un accord de performance collective 'ne saurait se substituer aux dispositions applicables en matière de licenciement collectif pour motif économique' et 'ne peut être utilisé pour la fermeture définitive d'un site ou d'un établissement lorsque cette fermeture entraîne un déménagement de l'intégralité des postes et fonctions du site ou de l'établissement et que les conditions de reclassement proposées aux salariés par l'employeur présentent des caractéristiques telles qu'un refus de la très grande majorité des salariés concernés peut être anticipé avec un degré de certitude élevé (ex: déménagement d'un site à plusieurs centaines de kilomètres entraînant une nécessaire mobilité géographique des salariés)'.

Ainsi donc, il appartient à la cour de déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour le motif lié aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise tel qu'il résulte de la lettre de licenciement motivé par le refus du salarié de voir modifier son contrat de travail en application de l'accord de performance collective ou bien pour un autre motif et notamment pour un motif purement économique conduisant à la suppression de son poste tel que soutenu par l'intimé(e).

Il résulte du préambule de l'ACP que 'Le présent accord a pour objectif de développer l'employabilité et préserver les emplois des salariés de Majencia au regard des évolutions économiques et stratégiques de l'entreprise. Le présent accord s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L2254-2 du code du travail et vise à déterminer les conditions de la mobilité professionnelle et géographique interne à la société'. Cet accord concernait 95 salariés.

Si par courrier remis en mains propres le 23 mai 2018, la société a proposé à M.[F] [T] une mobilité interne géographique, à savoir : « Votre lieu de travail est actuellement situé à [Localité 11]. Votre nouveau lieu de travail dans le cadre de la mobilité interne proposée sera fixé à [Localité 14] » et affichait un objectif de préservation des emplois, pour autant, elle ne pouvait ignorer les difficultés économiques qu'elle rencontrait depuis fin 2017 et leur gravité qui la conduiront à la fermeture définitive des sites de [Localité 11] et de [Localité 5], fermeture annoncée dès la présentation du plan JANUS en janvier 2018.

En effet, il résulte de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 30 septembre 2022 (pièce 18) que 'La société Majencia est venue préciser, tant dans le cadre de procédures prud'homales que dans le cadre de la procédure devant le tribunal administratif de Cergy Pontoise, ne pas être parvenue à consolider son chiffre d'affaires depuis 2012 et encore moins à assurer une croissance, ne pas parvenir à afficher des résultats positifs et avoir fait le constat que la structure des coûts fixes et des charges représentait 102% du chiffre d'affaires, ce qui générerait une situation structurellement déficitaire. Elle a ainsi exposé avoir dans ce contexte présenté au CCE le projet JANUS le 10 janvier 2018 prévoyant notamment l'arrêt de l'activité totale des sites de [Localité 5] et de [Localité 11]. Ce projet expliquait la nécessité de restructuration de la société, conduisant à la fermeture des deux sites, en raisons de difficultés économiques. Ainsi le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de conciliation le 19 décembre 2017, un accord de conciliation ayant été conclu le 17 mai 2018 et homologué par le tribunal de commerce de Nanterre aux termes duquel diverses mesures étaient prévues afin de faire face aux difficultés économiques. Malgré cela, la société Majencia allait effectuer le 23 novembre 2018 une déclaration de cessation de paiements au tribunal de commerce de Nanterre lequel allait ouvrir une procédure de redressement judiciaire par jugement en date du 29 novembre 2018, une liquidation judiciaire étant enfin prononcée par jugement en date du 17 avril 2019".

Il convient de relever que l'entretien de licenciement se déroulera le 29 novembre 2018 soit le même jour que le jugement de redressement judiciaire et 6 jours après la décision de cessation de paiement.

S'ensuivit l'engagement d'un projet de licenciement collectif pour motif économique dès le 13 décembre 2018 soit 8 jours à peine après le licenciement de M.[F] [T] et enfin au prononcé de la liquidation judiciaire de la société par jugement du 17 avril 2019.

Il convient de constater que les difficultés économiques ne se limitaient pas à ces deux seuls établissements et que la société est taisante sur le sort des emplois laissés ainsi vacants par le licenciement des 43 salariés de [Localité 11] et de [Localité 5] pour refus de l'ACP, aucun recrutement n'étant invoqué par elle, ce qui tend à confirmer la suppression définitive des postes.

Au vu de la chronologie précitée, tant la SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia que les AGS ne peuvent soutenir que la dégradation de la situation économique de la société a eu lieu soudainement au cours des mois de septembre et octobre 2018.

Par ailleurs, le ministère du travail a expressément rappelé que l'ACP 'ne peut être utilisé pour la fermeture définitive d'un site ou d'un établissement lorsque cette fermeture entraîne un déménagement de l'intégralité des postes et fonctions du site ou de l'établissement et que les conditions de reclassement proposées aux salariés par l'employeur présentent des caractéristiques telles qu'un refus de la très grande majorité des salariés concernés peut être anticipé avec un degré de certitude élevé (ex: déménagement d'un site à plusieurs centaines de kilomètres entraînant une nécessaire mobilité géographique des salariés).

Les appelants ne peuvent soutenir que le refus des salariés est un événement postérieur à l'ACP que la société ne pouvait pas prévoir et qu'ensuite, celle-ci n'a fait qu'appliquer la loi en prononçant les licenciements. Or, la société n'était pas tenue de poursuivre l'exécution de cet accord, les 43 salariés ayant tous refusé d'exécuter cet accord, et elle pouvait s'orienter vers des licenciements économiques.

Il apparaît donc que la rupture du contrat de travail de M.[F] [T] est intervenue en méconnaissance des règles applicables en matière de licenciement pour motif économique, de sorte que la société anonyme Majencia ne pouvait se prévaloir de son refus de l'ACP pour justifier le licenciement fondé sur ce motif.

M.[F] [T] pouvait donc légitimement s'opposer à la mise en oeuvre de cet ACP dont le seul objectif était de contourner les règles applicables en cas de licenciement pour motif économique sans que ce refus puisse justifier son licenciement dans le cadre de l'article L2254-2 du code du travail.

En conséquence, dès lors que M.[F] [T] figurait parmi les 43 salariés concernés par une mobilité géographique et/ou professionnelle prévue par l'ACP et que son licenciement s'inscrivait en réalité dans le cadre des difficultés économiques rencontrées par la société, lesquelles ont justifié la fermeture du site où il était affecté, conduit à la suppression de son poste de travail et justifié la mise en oeuvre d'un PSE, il y a lieu de dire nul le licenciement contesté, intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un tel plan en application de l'article L1235-10 du code du travail par confirmation du jugement.

Sur les conséquences financières

L'article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa, notamment en cas de nullité afférente au licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées à l'article L. 1226-13. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les mandataires liquidateurs appelants s'opposent aux demandes de M.[F] [T], en soulevant que M.[F] [T] a perçu une indemnité de licenciement et une indemnité supralégale de licenciement, en application des dispositions de l'accord de performance collective, d'un montant de 10 000 euros.

Compte tenu des circonstances de la rupture, de son ancienneté (21 ans 3 mois et 2 jours), de son salaire mensuel brut moyen de 1 820,79 euros, non contesté, et de son âge au moment de la rupture ( 43 ans), le salarié sera justement indemnisé par le versement d'une somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul par confirmation du jugement.

L'indemnité supra-légale est une indemnité en lien direct et certain avec la rupture du contrat de travail et doit être prise en compte pour la détermination des conséquences de la rupture et donc des dommages-intérêts contrairement à ce que soutient M.[F] [T]. Elle peut donc être prise en compte dans l'évaluation de son préjudice.

Enfin, la SELAS Alliance, prise en la personne de Maître [K], et la SELARL [O], prise en la personne de Maître [O], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Majencia seront déboutées de leur demande tendant au remboursement de l'indemnité supra-légale dont a bénéficié M.[F] [T] au moment de la rupture du contrat de travail (ainsi qu'il ne le conteste pas), laquelle a donc été prise en compte pour la détermination des conséquences de la rupture.

Sur la demande des AGS

Les AGS demande de voir constater l'atteinte du plafond de garantie pour un dénommé M.[Y] [H]. Il convient de relever que tous les jeux de conclusions des AGS concernant les salariés de la société Majencia sont affectées de la même erreur alors qu'il n'y a en outre aucun [Y] [H] parmi ces salariés. Il y a donc lieu de s'interroger sur l'intention réelle des AGS.

Néanmoins, il convient de rappeler que selon l'article L3253-2, 'Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail sont, déduction faite des acomptes déjà perçus, payées, nonobstant l'existence de toute autre créance privilégiée, jusqu'à concurrence d'un plafond mensuel identique pour toutes les catégories de bénéficiaires.

Ce plafond est fixé par voie réglementaire sans pouvoir être inférieur à deux fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale'.

La garantie est limitée par la loi qui prévoit un plafond général de garantie, toutes créances confondues (rémunérations de toute nature, indemnités de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, intéressement et participation, dommages et intérêts, etc.), déterminé en fonction de l'ancienneté du salarié, au jour et à l'année du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective (redressement judiciaire, liquidation judiciaire, sauvegarde).r.

Les créances garanties sont limitées à un plafond, révisé chaque année (articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail). C'est ainsi que:

' Le plafond 4 est applicable si le contrat de travail a été conclu moins de six mois avant la date du jugement d'ouverture.

' Le plafond 5 est applicable si le contrat de travail a été conclu six mois au moins mais moins de deux ans avant la date du jugement d'ouverture.

' Le plafond 6 est applicable si le contrat de travail a été conclu deux ans au moins avant la date du jugement d'ouverture.

En conséquence, il convient de dire que la rupture du contrat de travail étant intervenue avant le prononcé de la liquidation judiciaire, la garantie de l'AGS CGEA [Localité 10] Ouest est due pour l'ensemble de sa créance telle qu'elle résulte de la présente décision dans les limites légales et réglementaires précitées.

Par ailleurs, le jugement d'ouverture de la procédure collective en date du 29 novembre 2018 opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels en application de l'article L622-28 du code de commerce.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient d'allouer et de fixer au passif de la société Majencia la somme de 500 euros.

Les dépens seront compris en frais de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Chartres du 9 novembre 2021 en toutes ses dispositions;

Y ajoutant;

Fixe la créance de M.[F] [T] au passif de la société Majencia pour les sommes suivantes:

- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que la garantie de l'AGS CGEA [Localité 10] Ouest ne porte pas sur l'indemnité fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la garantie de l'AGS CGEA [Localité 10] Ouest est due pour l'ensemble de sa créance telle qu'elle résulte de la présente décision dans les limites légales et réglementaires

Dit le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA [Localité 10] Ouest ;

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure en date du 29 novembre 2018 opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L622-28 du code du commerce

Dit que les dépens d'appel seront compris en frais de procédure collective.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 21/03605
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.03605 ?
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