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30/05/2024 | FRANCE | N°21/04986

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 30 mai 2024, 21/04986


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63A



Chambre civile 1-3



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2024



N° RG 21/04986



N° Portalis DBV3-V-B7F-UVXW



AFFAIRE :



[E] [Z]



C/



[F] [A]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 17/10339



ExpÃ

©ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









Me Pauline MIGAT-PAROT



Me Alois DENOIX de la SELARL Cabinet HIRSCH Avocats







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

Chambre civile 1-3

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2024

N° RG 21/04986

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVXW

AFFAIRE :

[E] [Z]

C/

[F] [A]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 17/10339

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pauline MIGAT-PAROT

Me Alois DENOIX de la SELARL Cabinet HIRSCH Avocats

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [E] [Z]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 11] (AFGHANISTAN)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 10]

Aide juridictionnelle Totale n° 2021/002403 du 05/07/2021

Représentant : Me Pauline MIGAT-PAROT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 139

APPELANTE

****************

MACSF (MUTUELLE D'ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAISE), en qualité d'assureur de M. [F] [A] décédé le [Date décès 3] 2023

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Alois DENOIX de la SELARL Cabinet HIRSCH Avocats Associés, Postulant/plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque D.1165

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 9]

INTIMEE DEFAILLANTE

SOCIETE APIVIA MUTUELLE

[Adresse 7]

[Localité 5]

INTIMEE DEFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PERRET, Président

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller chargé du rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

***********

FAITS ET PROCEDURE :

Mme [E] [Z] a été suivie par le Dr [F] [A] qui lui a prodigué des soins dentaires entre le 14 mars 2012 et le 7 février 2013 consistant en :

- la pose d'implants sur les dents 35, 36 et 37 étant précisé qu'à la suite de douleurs celui de la dent 37 a été retiré par le Dr [A] qui a remboursé sa patiente,

- des soins parodontaux sur les dents 36 et 46,

- la pose de deux couronnes céramo-métalliques sur les dents 35 et 36 puis 34,

- des soins prothétiques sur les dents 44, 45, 47 12,13, 14,15,16,17,

- des soins prothétiques sur les dents 34, 35 et 36.

Insatisfaite de ces soins, Mme [Z] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre d'une demande d'expertise judiciaire. Par ordonnance en date du 6 juillet 2015, il a été fait droit à cette demande, le Dr [D] [R] a été désigné en qualité d'expert et une provision de 5 000 euros a été allouée à Mme [Z], les dépens étant réservés.

Le Dr [R] a déposé son rapport définitif le 27 octobre 2016.

Sur la base de ce rapport et par actes d'huissier en date des 5, 25 et 26 juillet 2017 ainsi que du 1er août 2017, Mme [Z] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Apivia Mutuelle, le Dr [A] et son assureur, la Macsf, ainsi que la CPAM du Val de Marne afin de voir reconnaître le Dr [A] entièrement responsable des préjudices qu'elle a subis et d'être indemnisée de ceux-ci.

Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- débouté Mme [Z] de ses demandes concernant les dents 35, 36 et 37,

- dit que le Dr [A] a commis des fautes engageant sa responsabilité dans les soins prodigués à Mme [Z] et qu'il devra réparer les conséquences en résultant,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf, à payer à Mme [Z] les sommes suivantes, à titre de réparation de ses préjudices avec intérêt au taux légal à compter de la décision

o préjudice matériel 7 110 euros

o préjudice moral 2 500 euros

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf à payer à la CPAM du Val de Marne la somme de 1 497,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2017,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf à payer à la CPAM du Val de

Marne la somme de 499 euros au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf, à verser la somme de 2 500 euros à Mme [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf, à verser la somme de 1 000 euros à la CPAM du Val de Marne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf au paiement des entiers dépens

en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec recouvrement direct, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire du jugement déféré,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par acte du 29 juillet 2021, Mme [Z] a interjeté appel.

Le Dr [A] est décédé le [Date décès 3] 2023.

Par dernières écritures du 12 avril 2023, Mme [Z] prie la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel,

- confirmer que le Dr [A] a commis une faute dans la prise en charge de Mme [Z] et engage sa responsabilité en application de l'article 1142-1 du code de la santé publique,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle:

* déboute Mme [Z] de ses demandes concernant les dents 35,36 et 37,

* dit que le Dr [A] a commis des fautes engageant sa responsabilité dans les soins prodigués à Mme [Z] et qu'il devra réparer les conséquences en résultant,

* condamne in solidum le Dr [A] et la société Mascf, à payer à Mme [Z] les sommes suivantes, à titre de réparation de ses préjudices avec intérêt au taux légal à compter de la décision déférée :

o préjudice matériel 7 110 euros

o préjudice moral 2 500 euros

* condamne in solidum le Dr [A] et la société Mascf, à verser la somme de 2 500 euros à Mme [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamne in solidum le Dr [A] et la société Mascf au paiement des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec recouvrement direct, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

* prononce l'exécution provisoire du jugement déféré,

* déboute les parties du surplus de leurs demandes.

En conséquence, statuant à nouveau :

Et en raison du décès du Dr [A] et de la qualité d'assureur de la Mascf de feu le Dr [A],

- condamner la Mascf à payer la somme de 6 450 euros au titre des frais exposés par Mme [Z] pour régler les prestations du Dr [A] comprenant les soins et frais d'implants,

- condamner la Mascf à payer la somme de 12 000 euros à Mme [Z] au titre des frais d'implants et de pose de prothèses y afférentes, nécessaires à la réfection des dents de Mme [Z] du fait de la faute commise par le Dr [A], sauf à parfaire,

- condamner la Mascf à payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral de Mme [Z], sauf à parfaire,

- condamner la Mascf à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner en outre aux entiers frais et dépens de l'instance en ce compris ceux engagés au titre de la procédure de référé, de l'expertise judiciaire ainsi qu'aux frais de première instance et d'appel, (sic)

- dire le jugement commun à la CPAM du Val de Marne et à la mutuelle Apivia.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que :

- l'expert judiciaire a indiqué que les soins et les actes médicaux réalisés par le Dr [A] ne sont pas conformes aux données acquises de la science médicale ; en particulier, le Dr [A] n'a pas procédé à un bilan radiologique initial et n'a pas réalisé de scanner avant de poser les implants ;

- les soins apportés ont aggravé la situation puisqu'ils ont occasionné des lésions au niveau des racines,

- la perte du bridge témoigne d'un défaut de conception et/ou de réalisation et les traitements endodontiques des dents supérieures droites étaient insuffisants

- l'expert impute à ces fautes la perte de deux dents et la nécessité de refaire le bridge supérieur droit,

- l'ensemble de ces fautes sont à l'origine des préjudices subis : préjudices matériels caractérisés par le coût des soins défectueux prodigués par le Dr [A], auxquels s'ajoutent ceux qui sont requis pour réparer les dommages, et un préjudice moral en raison de l'importance des souffrances endurées augmentées par la confiance injustement placée en ce praticien.

Par dernières écritures du 12 avril 2023, la Mascf prient la cour de :

- juger qu'il appartient à Mme [Z] de produire le décompte des sommes prises en charge par la mutuelle Apivia,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a évalué comme suit les indemnités réparatrices du préjudice de Mme [Z] :

* pour les dépenses de santé actuelles et futures, avant déduction de la créance de la CPAM et sous réserve des montants pris en charge par la mutuelle Apivia 7 110 euros, soit :

- dépenses de santé en Secteur n°1: ''''''' (2 335 + 1 700) = 4 035 euros,

- dépenses de santé en secteur n°4 : .........................................................1 075 euros

- prise en charge à hauteur de 50% de la réhabilitation au niveau des deux dents perdues en secteur 4 également ............................................................................................... 2 000 euros

* pour les souffrances endurées..................................................................... 2 500 euros

- le confirmer en ce qu'il a fixé à (1 282,02 euros + 215 euros) : 1 497,02 euros la créance de la CPAM au titre des DSA et des DSF, et à 499 euros le montant de l'indemnité forfaitaire,

- l'infirmer en ce qu'il a condamné le Dr [A] et la Mascf à payer à Mme [Z] la somme de 7 110 euros, au lieu d'une somme de 5 827,98 euros, après déduction de la créance de la CPAM au titre des dépenses de santé actuelles (ci-après DSA) (et sous réserve que la Mutuelle Apivia n'ait pas elle-même participé aux dépenses de santé),

- et, statuant à nouveau, déduire la créance de la Caisse, au titre des dépenses de santé actuelles, de l'indemnité réparatrice revenant de ce chef à Mme [Z],

- débouter Mme [Z] de ses demandes autres ou plus amples, en particulier de ses prétentions relatives au remboursement des implants en secteur n°3.

Subsidiairement,

- réserver l'indemnisation du secteur 1 dans l'attente de la production d'un certificat de consolidation de l'état dentaire à ce niveau et d'un plan de traitement complémentaire (aux soins déjà effectués sur les dents 12 et 15).

En tout état de cause,

- réduire à de plus justes proportions les réclamations présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et juger que la somme de 5 000 euros, allouée par le juge des référés, devra venir en déduction des condamnations prononcées au bénéfice de Mme [Z],

- statuer ce que de droit sur les dépens de l'instance.

La société MACSF fait valoir que :

- au risque de conduire à un enrichissement sans cause, Mme [Z] ne peut solliciter à la fois le remboursement des soins pratiqués par le Dr [A] et la prise en charge de nouveaux soins de réhabilitation, alors que l'expert précise que les soins étaient indiqués,

- le retrait des implants ne résulte pas d'une faute médicale mais d'un aléa caractérisé par un phénomène inflammatoire, et la réhabilitation prothétique, comprenant une greffe osseuse dont la nécessité n'est pas avérée, n'a pas à être supportée par l'assureur,

- concernant les soins prothétiques à l'arcade supérieure droite, il convient de limiter l'indemnisation aux sommes versées par Mme [Z] au Dr [A] soit 4.035 euros,

- s'agissant du bridge inférieur droit, il convient de tenir compte à hauteur de 50% de l'état antérieur des dents qui étaient dégradées et de l'absence initiale de la dent n° 46, conformément à ce que retient l'expert en raison d'un état antérieur,

- le devis du Dr [N] ne peut être retenu dès lors qu'il ne concerne pas les mêmes dents que celles sur lesquelles est intervenu le Dr [A] ou concerne des dents pour lesquelles les soins du Dr [A] ne peuvent pas être considérés comme fautif, et alors que les soins ont finalement été réalisés par les docteurs [L] et [O],

- la somme sollicitée par la demanderesse au titre des souffrances endurées est disproportionnée.

- la cour ne peut retenir la notification des débours de la CPAM en date du 9 novembre 2022 qui fait état de frais hospitaliers médicaux et pharmaceutiques datant de 2020 et 2021, à hauteur de 2 303,10 euros, dans la mesure où il n'est pas possible de les rattacher à des soins dentaires ou à des dommages qui seraient la conséquence des soins dispensés en 2012 et 2013.

Par acte en date des 25 et 26 novembre 2021, Mme [Z] a fait signifier ses conclusions à la CPAM du Val de Marne et à la société Apivia Mutuelle. Par acte des 14 et 15 février 2022, M. [A] et la MASCF ont fait signifier leurs conclusions à la société Apivia Mutuelle et la CPAM du Val de Marne.

La CPAM et la société Apivia n'ont pas constitué avocat.

La CPAM a fait connaître le montant de ses débours qui s'élèvent à 1 497,02 euros.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la responsabilité du Dr [A]

Aux termes de l'article L1142-1 du code de la santé publique, " hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ". En outre, il résulte de l'article L124-3 du code des assurances que " le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ".

Le professionnel de santé est tenu à une obligation de moyens : celle de dispenser des soins, consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science au patient (Civ 1ère 20 mai 1936).

L'appréciation de la faute se fait en comparaison du comportement qui aurait été adopté dans les mêmes circonstances par un professionnel normalement compétent et consciencieux de la même spécialité.

En l'espèce, au regard du décès du Dr [A], Mme [Z] est recevable à fonder son action directe contre l'assureur de ce dernier.

Il ressort du rapport d'expertise (page 19) que " Les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués sont les suivants :

- perte des dents inférieures droites 48 et 47 après perte prématurée du bridge réalisé par le Dr [A],

- perte des implants mis en place par le Dr [A], ce qui constitue un retour à l'état antérieur sur le plan dentaire ['] .

Les actes médicaux réalisés étaient indiqués (') sur le plan clinique, le diagnostic pouvait être établi avec certitude. Les soins ou actes médicaux n'ont pas été attentifs, diligents ou conformes aux données acquises de la science médicale ".

En effet, l'expert relève que " le Dr [A] a négligé de réaliser un bilan radiologique initial et en particulier n'a pas fait faire de scanner avant la mise en place des implants, en se basant sur un examen déjà ancien. La perte prématurée du bridge inférieur droit qu'il a réalisé témoigne d'un défaut de conception et/ou de réalisation. Les traitements endodontiques des dents supérieures droites étaient insuffisants. Le Dr [A] a négligé de les refaire avant de réaliser ses travaux prothétiques ".

Ainsi, par ces seuls éléments caractérisant la faute de négligence du professionnel, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu une responsabilité du Dr [A].

Mme [Z] demande :

- le remboursement des honoraires du Dr [A] (6450 euros)

- l'indemnisation des soins de réhabilitation (12 000 euros)

Or la cour retient que les soins réalisés sont, selon l'expert, en lien avec l'état antérieur de Mme [Z] et auraient, en tous les cas, dû être faits, de sorte les demandes de remboursement des honoraires ne peuvent se cumuler avec le remboursement des soins de réhabilitation, ce qui reviendrait à indemniser deux fois les frais de santé.

En conséquence, la cour adopte les motifs du tribunal qui a rejeté la demande de remboursement des honoraires du Dr [A].

Seuls les soins imputables à la faute du Dr [A] peuvent donner lieu à indemnisation au titre des préjudices retenus. Il convient donc d'examiner les séquelles et leur imputabilité aux soins dispensés par le Dr [A].

1. Sur les dents 35, 36 et 37 (secteur inférieur gauche)

Les implants ont été posés en 35 et 36 et 37 mais l'implant en 37 a été retiré et remboursé par le Dr [A]. Une couronne céramique été posée sur les implants 35 et 36. Les deux implants restants ont été le siège d'une inflammation (péri-implantite) qui a nécessité un traitement et leur retrait le 15 décembre 2014 par le Dr [L].

Le Dr [G], conseil de Mme [Z] dans le cadre de l'expertise, docteur en chirurgie dentaire et expert près la cour d'appel de Paris relève dans un dire que " le fait de réaliser une prothèse sur les dents peu soignées entraîne la responsabilité de celui qui a conçu et scellé la prothèse. La perte d'implants peut résulter d'un aléa thérapeutique mais la perte de 3 implants semble plutôt correspondre à une participation technique ". Selon lui, la perte " spontanée " de 3 implants entraîne d'emblée une perte osseuse. En l'espèce, s'agissant des dents 35,36 et 37, la perte n'a pas été spontanée pour l'ensemble de ces dents puisque deux d'entre elles ont été retirées à la suite d'une infection.

L'expert relève cependant dans son rapport que " la perte d'implant ne constitue pas en soi une erreur technique car le devenir de ce matériel demeure toujours incertain, en particulier à cause des réactions de l'os dans lequel ils sont mis en place ". Il ne retient pas ces lésions et séquelles comme directement imputables aux soins et traitements.

Le praticien est tenu d'une obligation de moyens et l'échec thérapeutique ne peut constituer une faute susceptible d'entraîner sa responsabilité.

Dès lors le jugement qui a débouté Mme [Z] de sa demande au titre de ces implants est confirmé.

2. Sur les dents 12 à 17 (secteur supérieur droit)

L'expert constate que le traitement antérieur insuffisant des racines des dents 12 à 17, n'a pas été refait avant les travaux prothétiques du Dr [A]. Il précise que le bridge réalisé par le Dr [A] doit être refait en raison du traitement insuffisant des racines et qu'il présente des lésions au niveau de certaines racines avec un risque d'infection. Le Dr [G] confirme dans son courrier du 13 août 2016 que des problèmes endodontiques sont à prévoir de manière certaine.

Comme devant le tribunal, la responsabilité intégrale du Dr [A] doit être retenue au regard de ces éléments qui caractérisent sa faute.

3. Sur les dents 45 à 48 (secteur inférieur droit)

Ces dents ont été traitées par le Dr [A] par la pose d'un bridge qui s'est descellé de manière prématurée.

L'expert expose que " Mme [Z] présentait un état antérieur constitué par l'absence des dents n°35, 36 et 37, l'absence de la dent n°46, un mauvais état de la dent n°45 et des restaurations des dents 47 à 48. Il y avait également plusieurs reconstitutions dentaires au niveau de l'arcade dentaire supérieure avec un défaut d'alignement du côté droit entrainant un trouble de l'occlusion. Les traitements endodontiques réalisés à ce niveau par un autre praticien étaient insuffisants. L'absence des dents 46, 35,36, 37 constitue un déficit fonctionnel antérieur non imputable au fait dommageable. "

Selon l'expert, " les faits dommageables sont constitués par la perte prématurée d'un bridge de 4 éléments. Les lésions initiales sont constituées par la perte des deux piliers postérieurs de ce bridge, les dents 48 et 47 ayant dû être extraites. L'état séquellaire actuel est constitué par le remplacement de ces deux dents par une prothèse amovible. Il existe une imputabilité directe et certaine entre les séquelles et les lésions initiales ".

L'expert retient un défaut de conception et/ou de réalisation du bridge dont ces dents constituaient les piliers postérieurs.

Au regard de l'état antérieur de ces dents (46 et 47 ou 47 et 48) " constitué par une volumineuse restauration de leur couronne naturelle ", l'expert relève qu'il peut être reproché au Dr [A] la perte des dents 48 et 47 par défaut de conception et une prise en charge à 50 % de leur restauration par implants et couronnes prothétiques doit être retenue pour indemniser Mme [Z].

Comme devant le tribunal, la responsabilité du Dr [A] doit être retenue à 50% au regard de ces éléments qui caractérisent sa faute.

Sur les préjudices

1. Sur les dépenses de santé actuelles et futures consécutives aux soins du Dr [A]

L'expert retient que la date de consolidation, non encore acquise pourra être fixée deux mois après la mise en place d'un nouveau bridge supérieur droit ", ce qui correspond au bridge sur les dents 12 à 17.

S'agissant des dents 12 à 17, Mme [Z] produit deux factures de soins réalisés sur 2 des 6 dents concernées par le secteur supérieur droit, les dents 12 et 15 (implants et couronnes). L'une du Dr [L] de 1 550 euros et l'autre du Dr [T] acquittée le 10 décembre 2018, pour un montant de 1 000 euros dont 215 remboursés par la sécurité sociale.

Aucun remboursement de mutuelle n'est justifié par Mme [Z] qui ne nie pas non plus disposer d'une complémentaire santé auprès de la mutuelle Apivia, malgré les demandes de la société MACSF. Dès lors que la mutuelle Apivia, tiers payeur, a été mise dans la cause et n'a pas fait connaître ses débours, il sera considéré qu'elle n'en a pas exposés et n'a pas entendu faire valoir de créance.

Les soins dispensés sont directement imputables à la faute du Dr [A] qui a effectué des soins sur des dents sans effectuer les soins nécessaires préalables à la pose d'un bridge.

La MACSF offre de verser la somme correspondant aux soins effectués par le Dr [A] sur les 4 autres dents, soit les dents 13, 14,16 et 17, à savoir 4 x 200 euros pour les " inlay-cores " + 4x 225 euros pour les couronnes, montant que le tribunal a retenu.

Or, le Dr [G] considère que le tarif de 1 000 euros par couronne implanto-portée n'est pas un tarif excessif pour la région parisienne. Ce tarif s'approche d'ailleurs du montant des sommes versées pour les implants+couronnes des dents 12 et 15 déduction faite des remboursements de la sécurité sociale (à savoir un total 2 335 euros pour les deux dents), et sera donc retenu.

La MASCF est donc condamnée à payer les frais justifiés et engagés par Mme [Z], à savoir 1 550 euros + (1000 euros- 215 euros) = 2 335 euros, ainsi qu'à la somme de 4 000 euros pour les dents 13, 14, 16 et 17. Le montant total sera donc de 2 335 + 4 000 = 6 335 euros.

S'agissant des dents 45 à 48, Mme [Z] sollicite que soit retenu le coût proposé par le Dr [G], ne s'appuyant plus sur le devis du Dr [N] contesté par la MACSF notamment en raison des soins portant sur d'autres dents que celles du présent litige.

La MACSF propose de retenir le coût présenté par le Dr [G] pour 2 implants et 2 couronnes implanto-portée et d'appliquer le taux de 50% à la somme retenue, outre une somme de 1 075 euros équivalente aux soins effectués sur les dents 44 à 47 par le Dr [A].

Le Dr [G] retient que " la réfection du bridge supérieur droit est nécessaire mais le coût sera fonction de l'étendue des dégâts esthético-osseux après soins radiculaires et dépose de la prothèse existante ". Selon son analyse " la perte d'os devrait être évaluée en comparant 2 scanners, préopératoires et actuel. Cependant la perte " spontanée " de 3 implants entraîne d'emblée une perte osseuse (dans le cas contraire les implants seraient restés en place) "

Dès lors il y a lieu de retenir la somme offerte par l'assureur au titre des dents 44, 45 et 47 de 1075 euros, à laquelle s'ajoutent les sommes évaluées pour deux implants (2 x 1 000 euros) et deux couronnes implanto-portées (2x1 000 euros), auxquelles il faut appliquer un taux de 50 % soit 4 000 x 50% = 2 000 euros.

La mutuelle Apivia étant défaillante et aucune dépense de cette dernière n'étant rapportée, la société MACSF sera condamnée à payer la somme de :

6 335 euros + 2 000 euros + 1 075 euros = 9 410 euros

Il convient d'ajouter à la condamnation de ces sommes versées à Mme [Z] la créance de la CPAM. La cour retient les débours fixés à 1 497,02 euros le 5 décembre 2022 et portant sur les frais du 26/06/2012 au 29/10/2015, dès lors que le décompte de débours du 9 novembre 2022 porte sur des frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques en 2020 et 2021 qu'il est impossible de rattacher au présent litige. Il n'y a pas lieu, contrairement à ce que demande la société MACSF de les déduire dès lors qu'ils sont déjà déduits des sommes versées à Mme [Z] dans les calculs faits ci-dessus.

Le jugement sera donc infirmé quant au quantum des sommes retenues.

2. Sur le préjudice moral et les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Mme [Z] sollicite l'indemnisation d'un préjudice moral à hauteur de 10 000 euros. La MACSF considère cette somme comme excessive et indique que la somme de 2 500 euros retenue par le tribunal peut être confirmée.

A l'appui de sa demande Mme [Z] produit :

- des photos qu'elle date de mars 2018 pour invoquer l'aggravation de l'état de sa dentition,

- une attestation du psychologue qui la suit, Mme [P] [X], en date du 23 octobre 2012, faisant état d'un " stress post- traumatique sévère concordant avec les évènements traumatiques qu'elle rapporte " (sans que ne soit précisé ces évènements par la clinicienne)

- une attestation de sa fille, qui relate, au regard de la violence des soins rapportée par sa mère, qu'elle l'a accompagnée et a assisté à une scène de soins choquante durant laquelle le Dr [A] s'était emporté contre sa mère de manière violente avec des cris et une attitude menaçante, alors que sa mère pleurait et se plaignait de ses douleurs.

L'expert précise dans son rapport que les souffrances endurées sont représentées par des douleurs dentaires et l'astreinte à plusieurs soins dentaires dont l'extraction de deux dents et que ces souffrances ne seront pas inférieures à 1/7, une fois la consolidation acquise.

Le tribunal a retenu que les éléments apportés par Mme [Z] sont insuffisants à démonter l'existence d'un préjudice moral en lien avec la prise en charge par le Dr [A] et distinct des souffrances endurées.

Par ces motifs adoptés, la cour confirme le montant alloué par le tribunal, au titre des souffrances endurées.

Sur les autres demandes

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

La MACSF succombant, elle est condamnée à verser à la somme de 4 000 euros à Mme [Z] au titre de ses frais irrépétibles engagés pour la première instance et la procédure d'appel.

La MACSF est également condamnée aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise et les dépens de la procédure de référé, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement dans ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a :

- dit que le Dr [A] a commis des fautes engageant sa responsabilité dans les soins prodigués à Mme [Z] et qu'il devra réparer les conséquences en résultant,

- débouté Mme [Z] de ses demandes concernant les dents 35, 36 et 37,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf, à verser la somme de 2 500 euros à Mme [Z] au titre des souffrances endurées,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf à payer à la CPAM du Val de Marne la somme de 1 497,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2017,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf à payer à la CPAM du Val de

Marne la somme de 499 euros au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamné in solidum le Dr [A] et la société Macsf, à verser la somme de 1 000 euros à la CPAM du Val de Marne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement entrepris des autres chefs soumis à la cour

Et statuant à nouveau,

Condamne la société MACSF à verser à Mme [Z] la somme de 9 410 euros au titre de son préjudice matériel,

Condamne la société MACSF à verser à Mme [Z] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MACSF aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et les dépens de la procédure de référé, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/04986
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.04986 ?
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