COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MAI 2024
N° RG 22/00854 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCFL
AFFAIRE :
[X] [E] [S] [H]
C/
S.A. INSTITUT DE RECHERCHES INTERNATIONLES - SERVIER IR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 17 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F19/00768
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Oriane DONTOT de
la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES
Me Martine DUPUIS de
la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [X] [E] [S] [H]
née le 28 Août 1959 à PARIS
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - - Représentant : Me Estelle TOUBOUL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1494
APPELANTE
****************
S.A. INSTITUT DE RECHERCHES INTERNATIONLES - SERVIER IR
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
Greffier lors du prononcé :Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI
FAITS ET PROCÉDURE
A compter du 9 janvier 2017, Mme [X] [H] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur médico-scientifique, par la SARL Institut de Recherches Internationales Servier (ci-après la société IRIS), qui a pour activité la recherche et le développement pharmaceutique, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective de l'industrie pharmaceutique.
Convoquée le 28 juillet 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 septembre suivant, Mme [X] [H] a été licenciée par courrier du 10 septembre 2018, énonçant une insuffisance professionnelle.
La lettre de licenciement est ainsi libellée:
' Madame,
Je fais suite à notre entretien du 5 septembre 2018 auquel vous avez été convoquée par courrier du 26 juillet 2018, conformément aux dispositions des articles L1232-2 et suivants du Code du travail, et où vous vous êtes présentée assistée.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les griefs qui justifiaient l'engagement de la procédure de licenciement.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Par la présente, je vous informe que nous avons pris la décision de vous licencier au motif d'une insuffisance professionnelle, se traduisant par des carences dans la réalisation de vos missions, et des difficultés d'intégration au sein du reste de l'équipe, sans amélioration notable malgré plusieurs alertes.
Vous avez été recrutée au sein de l'Institut de Recherches Internationales Servier (IRIS) le 9 Janvier 2017, en tant que Directeur Médico-Scientifique, au sein du Pôle d'Innovation Thérapeutique (PIT) Rhumatologie, désormais Intitulé PIT Maladies Immuno-Inflammatoires.
Votre recrutement est intervenu à la suite d'une création de poste, en raison des enjeux stratégiques attachés au poste de Directeur Médico-Scientifique.
En effet, la société IRIS souhaitait doter le PIT Maladies Immuno-Inflammatoires d'un médecin ayant une connaissance approfondie du domaine de la rhumatologie et de l'immuno-inflammafion, pour renforcer la recherche et l'évaluation de nouvelles opportunités, et élaborer de stratégies de développement de nouvelles molécules au sein du PIT.
Avant d'intégrer la société IRIS, vous justifiez d'une expérience professionnelle significative dans le domaine Médico-Scientifique, et dans l'industrie pharmaceutique.
Plus précisément, vous avez exercé pendant plus de 20 années des fonctions dans le domaine de la rhumatologie et de l'immuno-Inflammation.
Votre parcours professionnel vous qualifiait donc parfaitement pour occuper le poste de Directeur Médico-Scientifique, au sein de la société IRIS.
En qualité de Directeur Médico-Scientifique, vous aviez notamment pour missions :
- d'apporter une expertise en immunologie clinique pour soutenir le développement de nouvelles thérapies contre les maladies auto-Immunes et Inflammatoires chroniques;
- de contribuer à la définition de la stratégie de développement clinique, à la conception des essais cliniques, aux interactions avec les autorités de santé (réponses aux questions des agences).
Vous aviez dons un véritable rôle de représentant scientifique au sein du PIT.
Dès le début de notre collaboration, nous avons défini les objectifs vous permettant d'évoluer au sein du PIT dans de bonnes conditions et de faciliter votre prise de fonctions.
Vous avez également bénéficié d'un parcours d'intégration vous permettant d'appréhender au mieux vos nouvelles fonctions et connaître vos interlocuteurs internes.
Dans le cadre de votre activité au sein du département, vous avez également bénéficié de points réguliers avec votre hiérarchie, qui s'est montrée en outre disponible pour vous aider dès lors que vous la sollicitez. Nous nous sommes donc beaucoup investis pour que vous puissiez démarrer votre activité au sein du département dans de bonnes conditions.
Toutefois, passée la période d'adaptation nécessaire, nous avons fait le constat que vous ne remplissiez pas les attendus du poste de Directeur Médico-Scientifique.
Ainsi, votre contribution révèle un niveau d'insuffisance professionnelle préjudiciable à notre activité, dont les enjeux sont élevés pour poursuivre nos améliorations thérapeutiques, accompagner notre croissance et enrichir notre portefeuille dans le domaine des maladies auto-immunes et inflammatoires.
Plus précisément, nous avons constaté les lacunes suivantes :
- A plusieurs reprises, nous avons constaté que vos contributions n'apportaient pas la valeur ajoutée attendue de la part d'un Directeur Médico-Scientifique.
A titre d'exemples,
- Le 5 septembre 2017, vous transfériez un document technique intitulé « final tox assessement » à d'autres départements, sans interpréter les données transmises. Votre supérieur hiérarchique, Mme [O] [V], Directrice du Pôle d'Innovation Thérapeutique Rhumatologie, vous indiquait qu'une interprétation minimum serait utile pour faciliter la compréhension des interlocuteurs et montrer la valeur ajoutée du département ;
- Le 15 septembre 2017, vous ne réalisiez aucun commentaire à la suite de l'email envoyé par notre partenaire Galapagos, alors qu'une contribution de votre part aurait été particulièrement utile au regard du contenu technique de cet email.
Votre supérieur hiérarchique vous demandait une nouvelle fois de veiller à donner une interprétation des données scientifiques afin de faciliter la compréhension des autres membres du PIT [Pôle d'Innovation Thérapeutique], chefs de projets notamment.
Lors de votre entretien annuel d'évaluation du mois d'octobre 2017, Mme [O] [V] relevait de nouveau cette situation et vous indiquait que les résultats en termes de valeur ajoutée au regard de votre poste étaient en dessous des attentes.
A compter du 1er février 2018, je suis devenu votre supérieur hiérarchique.
Dans le cadre de notre collaboration, j'ai relevé des difficultés similaires à celles identifiées par Mme [V].
Au cours d'un point mi-annuel du 20 avril 2018, je relevais expressément que vous deviez « Améliorer le partage d'information » et « Apporter au PIT une vision plus stratégique et une plus forte contribution opérationnelle ».
Par ailleurs, nous constatons que vous ne faites par preuve de l'ouverture vers l'innovation que nous attendions de la part d'un Directeur Médico-Scientifique et que vous n'êtes pas force de proposition auprès des équipes Projets.
-Nous avons également constaté un manque de fiabilité dans les informations transmises.
Ainsi, le 10 août 2017, vous n'avez pas fait une lecture correcte des « Guidelines EMA » et avez donné des informations erronées à votre hiérarchie.
Lors de votre entretien annuel d'évaluation du mois d'octobre 2017, Mme [O] [V] relevait toujours une insuffisance de vos résultats en termes de fiabilité.
Au regard de votre expérience professionnelle, nous attendons légitimement un niveau de compétence correspondant et une particulière rigueur dans votre travail.
Ces manquements ne vous permettent pas d'avoir une parfaite confiance dans le travail que vous délivrez et me contraignent à vérifier les informations que vous fournissez.
Nous avons également constaté des difficultés de positionnement avec le reste de l'équipe qui a des répercussions sur le bon fonctionnement du département.
Lors de votre entretien annuel d'évaluation du mois d'octobre 2017, Mme [O] [V] avait spécifiquement relevé cette situation et vous avait indiqué qu'un de vos axes de progression devait être d'aller vers « Plus de transversalité, esprit collaboratif, aller vers l'équipe».
Elle avait également précisé qu'elle attendait « une implication et un soutien beaucoup plus fort de [votre part] » auprès de moi-même, qui allais devenir votre nouveau supérieur hiérarchique.
Ce point avait d'ailleurs fait l'objet d'un objectif spécifique pour l'année suivante : « Développer un esprit d'équipe, favoriser les interactions et esprit collaboratif ».
Malgré ces alertes, force est de constater que la situation ne s'est pas améliorée.
Le 20 avril 2018, je relevais que vous aviez toujours des difficultés de positionnement au sein de l'équipe, et que vous ne faisiez pas preuve de l'esprit collaboratif attendu de la part d'un Directeur.
A cet égard, je vous précisais expressément que vous deviez 'améliorer [votre] comportement afin de manifester de façon beaucoup plus proactive [votre] esprit d'équipe'.
Un nouvel objectif avait spécifiquement été fixé sur ce point pour les trimestres 2 et 3, aux termes duquel il vous était demandé de :
o Améliorer votre soutien aux équipes projets en étant davantage force de proposition ;
o Améliorer le partage d'information ;
o Apporter au PIT une vision plus stratégique et une plus forte contribution opérationnelle attendues de la part d'un Directeur Médico-Scientifique.
A ce jour, je constate que vous n'avez aucunement pris en compte mes remarques et que la situation ne s'est pas améliorée.
Nous nous interrogeons donc sur la prise en compte des remarques qui vous sont formulées par votre hiérarchie.
Le poste de directeur Médico-Scientifique implique des fonctions transverses et une interaction avec les différents collaborateurs du département.
Ainsi, il est attendu du directeur Médico-Scientifique des interactions quotidiennes avec les équipes projets développement en vue de la résolution de problématiques concernant le développement clinique, les mécanismes physiopathologiques, les mécanismes d'action et les effets secondaires des produits testés.
Vos fonctions impliquent également une contribution à la stratégie de développement clinique, ainsi qu'un rôle opérationnel dans l'amélioration des pratiques et processus du PIT liés à ces développements, pour l'ensemble des projets.
A ce titre, votre poste constitue le véritable point d'entrée des questions scientifiques que peuvent avoir les différents interlocuteurs du PIT.
Votre absence d'interaction avec le reste de l'équipe porte préjudice au bon déroulement des projets et ne permet pas d'atteindre les synergies attendues.
Nous ne pouvons pas concevoir une collaboration efficace dans ce contexte, et sans volonté affichée de votre part de modifier la situation.
- De manière générale, nous constatons que vous prenez en charge votre travail de manière parcellaire, et parfois arbitraire.
Ainsi, vous privilégiez les sujets qui vous intéressent, au détriment d'autres projets qui relèvent pourtant de votre champ d'intervention.
A titre d'exemples, lors de notre point du 20 avril 2018, j'avais relevé que vous deviez « veiller à apporter un soutien à l'équipe projet en fonction des besoins du projet (ex : problématique Safety), et non seulement en fonction de vos propres centres d'intérêts ».
Ces exemples démontrent que vous n'avez pas pris la mesure des attendus spécifiques de votre poste et du niveau d'expertise que nous attendons dans vos contributions.
Cette situation n'est pas pérenne pour le développement de notre activité.
Malgré l'identification claire de nos attentes, nous sommes au regret de constater que votre contribution révèle toujours un niveau d'insuffisance professionnelle et que les axes de progression souhaités n'ont pas été atteints.
Comme nous vous l'avons indiqué, le recrutement d'un Directeur Médico-Scientifique était stratégique pour notre société et pour le développement de l'activité du département.
Force est de constater qu'aujourd'hui, d'une part, vous ne répondez pas aux exigences que nous sommes en droit d'avoir à l'égard d'un Directeur Médico-Scientifique et que, d'autre part, les manquements observés nuisent au bon fonctionnement du département et de l'activité.
Cette situation n'est pas pérenne et nous ne voyons aucune perspective d'amélioration dans les prochains mois.
Ainsi, je vous informe que je suis contraint de mettre fin à nos relations contractuelles.
Votre préavis de 4 mois, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de première présentation de cette lettre. Il vous sera payé mensuellement. [...] ».
Par courrier du 19 septembre 2018, Mme [X] [H] a sollicité des précisions sur les griefs retenus à son encontre au titre du licenciement, demande à laquelle la société a répondu par courrier du 3 octobre 2018.
Le 21 mars 2019, Mme [X] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.
Par jugement rendu le 17 février 2022, notifié le 21 février 2022, le conseil a statué comme suit :
dit que le licenciement de Mme [X] [H] pour insuffisance professionnelle est bien fondé et la déboute de l'intégralité de ses demandes,
déboute Mme [X] [H] de sa demande de la somme de 90 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
déboute Mme [X] [H] de ses demandes de rappel de rémunération variable de la somme de 6 750 euros bruts et de 675 euros au titre des congés payés afférents,
déboute Mme [X] [H] de la somme sollicitée de 25 000 euros nets au titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation,
déboute Mme [X] [H] de sa demande formulée en réparation du préjudice distinct qu'elle évalue à 25.000 euros nets,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
laisse les dépens à la charge de chacune des parties.
Le 21 mars 2022, Mme [X] [H] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 30 octobre 2023, Mme [X] [H] demande à la cour de :
déclarer Mme [X] [H] recevable et bien fondée en son appel
y faisant droit, infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Mme [X] [H] pour insuffisance professionnelle est bien fondé et en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes principales et subsidiaires
- débouté Mme [X] [H] de sa demande à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- débouté Mme [X] [H] de ses demandes de rappel de rémunération variable et des congés payés afférents
- débouté Mme [X] [H] de la somme sollicitée de 25 000 euros nets au titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation ou, à titre subsidiaire, pour exécution déloyale du contrat de travail
- débouté Mme [X] [H] de sa demande formulée en réparation du préjudice distinct qu'elle évalue à 25.000 euros nets
- débouté Mme [X] [H] de sa demande de remise d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conforme au jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement
- débouté Mme [X] [H] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
Et, statuant de nouveau,
rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société IRIS et la déclarer inondée
déclarer recevable la demande formulée par Mme [X] [H] visant à faire condamner la société IRIS à lui régler la somme de 25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct compte tenu du préjudice de retraite subi
dire que le licenciement de Mme [X] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
dire que la société IRIS a manqué à son obligation de formation et à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail
fixer la rémunération moyenne mensuelle de Mme [X] [H] à la somme de 11 027,16 euros bruts
dire et juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, en ce qu'il porte une atteinte disproportionnée aux droits de Mme [X] [H] et en ce qu'il ne lui assure pas une indemnisation adéquate
condamner la société IRIS à verser à Mme [X] [H] les sommes suivantes :
S'agissant du licenciement :
* à titre principal : 90 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* à titre subsidiaire : 38.595,07 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
S'agissant de la rémunération variable :
* à titre principal : 6 750 euros bruts à titre de rappel de prime et 675 euros bruts au titre des congés payés afférents
* à titre subsidiaire : 6 345 euros bruts à titre de rappel de prime et 634,50 euros bruts au titre des congés payés afférents
25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation ou, à titre subsidiaire, pour exécution déloyale du contrat de travail
25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct compte tenu du caractère brutal et vexatoire du licenciement et du préjudice de retraite subi
5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la société intimée de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation
ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt
se réserver la liquidation de l'astreinte
débouter la société IRIS de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
condamner la société IRIS aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me Dontot, avocat (JRF & ASSOCIES), conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 15 novembre 2023, la société Institut de Recherches Internationales Servier demande à la cour de :
à titre, liminaire, déclarer irrecevable, puisque constituant une demande nouvelle, la demande de Mme [X] [H] visant à voir condamner la société IRIS à 25 000 euros de dommages intérêts pour préjudice distinct compte tenu du préjudice de retraite subi
à titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a :
o dit que le licenciement de Mme [X] [H] pour insuffisance professionnelle était bien fondé et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes
o débouté Mme [X] [H] de sa demande de voir condamner la société IRIS à 90 000 euros nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
o débouté Mme [X] [H] de sa demande de voir condamner la société IRIS à un rappel de rémunération variable de 6 750 euros bruts et de 675 euros au titre des congés afférents
o débouté Mme [X] [H] de sa demande de voir condamner la société IRIS à 25 000 euros nets au titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de formation
o débouté Mme [X] [H] de sa demande de voir condamner la société IRIS en réparation du préjudice distinct qu'elle évalue à 25 000 euros nets
o dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
o débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
o laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
en conséquence, débouter Mme [X] [H] de l'intégralité de ses demandes
y ajoutant, condamner Mme [X] [H] à verser à la société IRIS la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Dupuis de la société Lexavoué, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
à titre subsidiaire, si par extraordinaire le licenciement de Mme [X] [H] était jugé sans cause réelle et sérieuse, limiter le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3,5 mois de salaire soit à 36 026,66 euros bruts, maximum
si par extraordinaire, la cour d'appel de Versailles faisait droit à la demande de dommages intérêts de Mme [X] [H] pour violation de l'obligation de formation, réévaluer le montant sollicité à plus justes proportions
si par extraordinaire, la cour d'appel de Versailles faisait droit à la demande de dommages intérêts de Mme [X] [H] pour préjudice distinct compte tenu du caractère brutal et vexatoire du licenciement, voire par extrême extraordinaire, du préjudice de retraite subi, réévaluer le montant sollicité à plus justes proportions.
Par ordonnance rendue le 22 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 27 février 2024.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non recevoir soulevée au titre du préjudice de retraite
La SARL Institut de Recherches Internationales Servier soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts au titre de la retraite au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle, ce que conteste la Mme [X] [H] qui soutient l'avoir formulée dès sa requête initiale au conseil des prud'hommes.
Selon l'article 566 du code de procédure civile, 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'.
En l'espèce, il résulte de la requête initiale produite par Mme [X] [H] (pièce 69) que celle-ci a sollicité notamment la somme de 25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct compte tenu du caractère brutal et vexatoire du licenciement.
Mme [X] [H] soutient que la demande aujourd'hui formulée en 'demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct compte tenu du caractère brutal et vexatoire du licenciement et du préjudice de retraite subi', constitue une demande en réparation pour un préjudice unique déjà évoqué devant les premiers juges.
En tout état de cause, le préjudice de retraite est nécessairement lié au licenciement et en est ' la conséquence' , de sorte que la demande ne peut être considérée comme nouvelle et sera donc déclarée recevable.
Sur le licenciement
Sur la cause
La SARL Institut de Recherches Internationales Servier soutient les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, ce à quoi Mme [X] [H] oppose sa dernière évaluation et un manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation.
Au préalable, il convient de rappeler les termes de la fiche de poste sur laquelle Mme [X] [H] a été recrutée, à savoir :
Justification: ' Création d'un poste de directeur médico-scientifique expertise immuno-inflammation au sein du PIT rhumatologie prévue au plan de recrutement 2016-2017 ( cf 119 poste prioritaires).
Importance stratégique de recruter un médecin connaissant le domaine de la rhumatologie et de l'immuno-inflammation pour renforcer la recherche et l'évaluation de nouvelles opportunités, ainsi que l'élaboration de stratégies de développement de nouvelles molécules au sein du PIT.
Le recrutement s'inscrit dans la réorientation stratégique du pôle vers les domaines plus porteurs de l'immuno-inflammation, en ligne avec les ambitions du groupe.
Laboratoire pharmaceutique bénéficiant d'une forte présence mondiale, nous plaçons les efforts de recherche et développement parmi nos toutes premières priorités.
La créativité de nos équipes nous a permis de développer des médicaments reconnus par le corps médical comme innovant et originaux, répondant à des problèmes de santé publique majeurs et apportant de réelles améliorations thérapeutiques.
Pour accompagner notre croissance et l'enrichissement de notre portefeuille dans le domaine des maladies auto-immunes et inflammatoires pour lesquelles le besoin médical est fort, en parfaite synergie avec notre axe stratégique l'immuno-oncologie, nous recherchons activement un:
médecin clinicien (H/F) au sein de la R & D dirigée par le Dr [K][T], directement rattaché au directeur du pôle d'innovation thérapeutique immuno-inflammation Dr [I][V]'.
Diplômé(e) de médecin générale avec une spécialité en médecin orientée inflammation:
vous êtes passionné(e) par le domaine thérapeutique considéré et souhaitez participer avec talent aux efforts de développement dans cet axe,
vous avez une première expérience en développement dans ce domaine,
vous savez nouer des contacts privilégiés de haut niveau avec les groupes d'experts, les sociétés savantes et les chercheurs académiques,
vous avez un sens du leadership avec une aptitude à motiver et fédérer des équipes en mode projet,
vous détenez une réelle capacité à vous investir totalement dans les missions dont vous avez la charge, dans un esprit de coordination et d'organisation,
flexible et réactif(ve), avec un fort esprit d'équipe et à la recherche de solutions, vous saurez proposer des stratégies innovantes de développement clinique international,
vous participerez à la stratégie de développement dans ce domaine et à la construction du portefeuille avec l'aide de partenariats externes.
Vos atouts:
sens du contact et de la communication
capacité à percevoir les enjeux, ainsi qu'à collaborer et piloter en mode projet
créativité, esprit d'analyse et de synthèse
rigueur médicale et scientifique
très bonne maîtrise en anglais.
Nous organisons une formation initiale à nos méthodologies et à nos médicaments, et un parcours d'intégration vous permettra de mieux connaître vos partenaires internes.
Un développement professionnel continu, basé sur des formations variées, vous permettra également de mener à bien l'ensemble des missions confiées'.
Sur la faiblesse de la valeur ajoutée des contributions de la salariée
Au soutien de ce grief, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier reproche à la salariée de s'être contentée de transférer des documents sans jamais la moindre explication ou précision et produit à cet effet deux échanges de courriels:
- du 5 septembre 2017 (pièce 17 bis): Mme [X] [H] ayant transféré un document comme suit 'chers tous, veuillez trouver ci-joint l'évaluation finale du TOX faites par [W] [P]', sa supérieur hiérarchique N+1 lui faisait remarquer ' Merci d'interpréter un minimum les documents reçus avant de les envoyer dans d'autres départements, pour montrer notre valeur ajoutée. Merci. Amicalement'
- du 16 septembre 2017 (pièce 18 bis): Mme [X] [H] ayant transféré un mail comme suit 'Bonjour [O], Voici le mail que nous avons reçu de GLP pour info. Amicalement. [X]', sa supérieur hiérarchique N+1 lui faisant retour ' J'espère que ta semaine au CIRT c'est bien passé. Pourrais tu à l'avenir pour ce genre de mail faire une interprétation avant envoi ça pourrait aider [R] qui est moins experte dans ce domaine ce serait une valeur ajoutée importante (même remarque pour envoi du rapport de tox sans commentaire). Merci. Amicalement'.
- l'entretien d'évaluation du mois d'octobre 2017 (pièce 14) portant sur les objectifs 2017 à savoir: contribuer à augmenter la visibilité du PIT en interne et en externe; contribuer à identifier les cibles pertinentes et innovantes dans les domaines prioritaires du PIT/réflexion approfondie sur certaines cibles; contribuer à la réalisation des objectifs du PIT+2GO projets recgerchelan et 1GO PCC/an; contribuer à renforcer l'expertise du PIT en immuno-inflammation et qui, selon la société, fait ressortir le grief reproché
- l'entretien d'évaluation du 20 avril 2018 (pièce 15) réalisé par M.[F], successeur de Mme [V] qui ne comporte aucune appréciation globale mais des commentaires sur les trois objectifs fixés pour l'année 2018 lors de l'entretien d'évaluation d'octobre 2017 et qui selon la société fait ressortir le grief reproché.
Comme le fait remarquer Mme [X] [H], les faits invoqués au soutien de ce grief datent de l'année 2017, soit plus d'un an avant son licenciement, l'évaluation d'avril 2018 relevant au contraire l'atteinte des objectifs 2018 à hauteur de 94%.
Par ailleurs, s'il résulte de l'entretien d'évaluation réalisé le 27 octobre 2017 pour la période du '1er octobre 2016 au 30 septembre 2017" (sachant que Mme [X] [H] n'a été recrutée que le 9 janvier 2017), que la supérieur hiérarchique indiquait au titre de son appréciation globale ' Globalement les résultats ne sont pas au niveau des attentes en termes d'ouverture vers l'innovation, la fiabilité, valeur ajoutée en termes de directeur médico-scientifique évaluation des opportunités et un peu isolée de l'équipe', pour autant elle précisait que ' Les objectifs ont été partiellement atteints, un certain nombre de réalisations a été accompli en particulier staff sur le Lupus, mise à jour de la concurrence SLE, Sjägren, sclérodermie réalisée en mars/avril et un certain nombre de dossiers ont été évalués soit en propre soit en collaboration avec l'équipe ( Métriopharm, Lupuzor, TPCera, CXCL11 Technion, Encor, XmAb5871, Samumed, ImmunoQure).
D'autres objectifs se sont ajoutés à partir du mois de mai avec en particulier une activité d'expertise médicale dans le projet arthrose S201086: activités liées au design d'une étude de phase 2 en collaboration avec Galapagos. Mise à jour des connaissances dans le domaine de l'arthrose, discussions avec des experts, conduite de négociations avec Galapagos pour parvenir à un consensus sur une étude de phase 2 commune. Ce consensus est aujourd'hui presque atteint. Un autre objectif à partir du mois de mai a été la reprise du projet IMI approach auparavant animé par le DP arthrose 201086. Ces nouvelles activités se sont avérées très prenantes et se sont progressivement substituées aux activités précédemment citées', expliquant l'atteinte partielle des objectifs par ' ceci peut en partie s'expliquer par une implication sur le projet arthrose qui l'a embolisé et donc moins disponible pour le reste de l'équipe qui a spontanément diminuée les interactions' et en relevant comme point fort ' discussion scientifique avec le partenaire [ Galapagos]qui ont abouti à un accord assez consensuel' et ' engagée, souci de bien faire presque trop, agréable'.
En tout état de cause, non seulement les objectifs initiaux fixés pour l'année 2017 ont été substitués à partir du mois de mai par d'autres objectifs dont aucune évaluation n'est invoquée outre le fait qu'il ne lui est pas fait le reproche dans la lettre de licenciement de ne pas avoir atteint, tout ou partie, des objectifs fixés pour l'année 2017.
Il convient de relever qu'au titre de l'exercice 2016-2017, Mme [X] [H] percevra, au prorata de son temps de présence, un montant de prime d'intéressement supérieur au montant des primes prévues au titre du CA consolidé monde ( EN EUR-budget taux constant) et du résultat opérationnel groupe (%) auquel se rajoutera une prime au titre des objectifs personnels (pièce 3); qu'elle percevra également au titre de la période 2017-2018 un montant de prime d'intéressement supérieur au montant des primes prévues au titre du CA consolidé monde ( EN EUR-budget taux constant) et du résultat opérationnel groupe (%) (pièce 12).
Enfin, à l'occasion de l'évaluation du 20 avril 2018 portant uniquement sur les trois objectifs fixés pour l'année 2018 lors de l'évaluation d'octobre 2017, il apparaît que :
- s'agissant de l'objectif ' contribuer à la réalisation des objectifs de la core team S201086 en codéveloppement avec Galapagos', le supérieur hiérarchique fait remarquer à Mme [X] [H] 'attention toutefois d'apporter le soutien à l'équipe projet en fonction des besoins du projet ( ex: problématique safety) et non seulement en fonction de ses propres centres d'intérêts', il retient également sa ' contribution à la mise en place de la phase 2, à l'élaboration du plan de développement clinique et à l'amélioration de la relation avec le partenaire GLPG' alors même qu'il évalue à 100% l'atteinte de cet objectif 'individuel' fixé avec une pondération d'objectif de 40%,
- s'agissant de l'objectif 'contribuer à la réussite du projet Approach', l'évaluateur écrit 'entretien de mi année du 20/04. Bonne représentation de Servier lors de la réunion d'automne du consortium IMI. A confirmer lors des réunions importantes de fin avril 2018" alors qu'il évalue à 100% l'atteinte de cet objectif 'individuel' fixé avec une pondération de 20% (et non de 15% comme reporté à tort dans l'évaluation 2018),
- s'agissant de l'objectif 'développer un esprit d'équipe, favoriser les interactions et esprit collaboratif'', il écrit 'objectif non atteint: [X] doit améliorer son comportement afin de manifester de façon beaucoup plus proactive son esprit d'équipe. A cet égard, un nouvel objectif lui est fixé pour Q2/Q3 en lui demandant de : - améliorer son soutien aux équipes projets en étant davantage force de proposition - améliorer le partage d'information - apporter au PIT une vision plus stratégique et une plus forte contribution opérationnelle attendues de la part d'un directeur médico-scientifique (à cet égard, [X] sera intégrée au COPIL, comité de pilotage opérationnel du PIT, nouvellement créé en avril)' alors qu'il évalue à 85% cet objectif 'collectif, individuel' fixé avec une pondération de 40%,
soit une atteinte globale des trois objectifs de 94 % (100% x40) + ( 100% x20) + ( 85% x 40).
La SARL Institut de Recherches Internationales Servier conteste en vain le pourcentage de 85% retenu ' improprement' selon elle par l'évaluateur au vu du commentaire attaché à l'appréciation chiffrée.
A supposer que les trois nouveaux objectifs fixés en octobre 2017 devaient être évalués, comme le soutient la société, en avril 2018 et non au 30 septembre 2018 comme indiqué dans le compte rendu d'évaluation d'octobre 2017 mais également de celui d'avril 2018, les taux de réussite retenus à l'occasion de ce dernier entretien à mi-parcours démontrent, si besoin était, que malgré le délai contraint imposé à Mme [X] [H], celle-ci affichait 100% de réussite pour 2 objectifs sur 3 et 85% pour le dernier soit 94% de réussite pour les trois objectifs.
Ainsi donc, c'est à juste titre que Mme [X] [H] fait remarquer que non seulement elle a atteint 94% des nouveaux objectifs fixés en 2017 pour 2018 et qu'en outre, elle a été évaluée avant le terme de l'échéance fixée pour la période d'exercice 2017-2018.
En effet, la société ne peut soutenir que la date du 30/09/2018 était une mention par défaut inscrite de manière automatique dans tous les comptes rendus d'entretiens, les objectifs étant normalement fixés pour une période d'une année, alors même que le titre du formulaire de l'entretien d'octobre 2017 était ' période d'entretien 1/10/2016-30/09/2017" que Mme [X] [H] avait été recrutée en janvier 2017, que le premier entretien d'évaluation a eu lieu en octobre 2017 soit à l'échéance de la période évaluée, que les objectifs fixés pour l'année suivante l'ont été à échéance au 30/09/2018, ce qui constitue une année entière contrairement à ce que soutient la société, l'ensemble de ces éléments démontrant que l'entretien d'avril 2018 n'était qu'un entretien à mi-parcours et non l'évaluation définitive pour la période 2017-2018.
Ce grief n'est pas établi.
Sur l'absence d'ouverture vers l'innovation
La SARL Institut de Recherches Internationales Servier explique que l'innovation fait partie des indicateurs de mode de fonctionnement au sein du groupe SERVIER, les salariés étant notamment évalués sur leur capacité à 'oser pour innover'.
Elle renvoie à l'entretien d'évaluation du mois d'octobre 2017 où la supérieur hiérarchique constatait 'globalement les résultats ne sont pas au niveau des attentes en termes d'ouverture vers l'innovation'; où s'agissant de l'item 'axe de progrès', elle notait ' plus de transversalité, esprit collaboratif, aller vers l'équipe, ouverte à l'innovation, fiabilité....c'est un nouveau challenge à relever dans les 3-4 mois. Prendre le lead' et s'agissant de l'item 'oser pour innover', elle mentionnait ' peu de propositions'.
Outre l'imprécision et l'ancienneté du grief relevés par la salariée, l'employeur ne donnant aucun exemple d'innovation que Mme [X] [H] n'aurait pas su identifier et/ou conduire durant ses deux années d'activité, il ressort de l'évaluation d'octobre 2017 la reconnaissance de la réussite d'une collaboration avec le partenaire extérieur Galapagos sur un projet complexe dans le domaine de l'arthrose.
Par ailleurs, dans son courrier du 3 octobre 2018, en réponse aux demandes d'explication de Mme [X] [H] suite à son licenciement, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier répond que ce grief est illustré par son 'faible soutien aux projets de développement de nos médicaments contre les maladies auto-immunes' sans autre précision notamment quant aux projets visés.
En outre, Mme [X] [H] produit le courriel adressé le 12 janvier 2018 par M. [F] notamment à Mme [X] [H], dont il n'est pas contesté qu'elle était en charge du projet Galapagos, dans lequel son supérieur écrivait ' Nous avons eu aujourd'hui une réunion avec les dirigeants de GLPG ( Galapagos) en périphérie du meeting JP Morgan. Ca s'est très bien passé, atmosphère très positive, et nous nous sommes tous félicités du nouvel état d'esprit favorable à la collaboration. Nos collègues de GLPG ont spontanément mentionné que votre réunion de cette semaine s'était très bien passée. Soyez en remerciées'. (pièce 25)
Il convient également de constater que lors de son évaluation d'avril 2018, ce grief n'est pas évoqué par M. [F].
Enfin, et les pièces produites par la SARL Institut de Recherches Internationales Servier ne démontrant pas le contraire, Mme [X] [H] a été contactée en mai 2020 par la SARL Institut de Recherches Internationales Servier, malgré le litige en cours, pour lui demander de signer une déclaration d'invention pour l'essai clinique 'arthrose' mené en collaboration avec le partenaire Galapagos et conçu avec elle en sa qualité de directrice scientifique, formalité nécessaire pour faire breveter cette étude (pièces 53, 58 et 60), preuve établissant si besoin était la capacité d'innovation de Mme [X] [H].
Ce grief n'est pas établi.
Sur le manque de fiabilité dans les informations transmises
Au soutien de ce grief, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier n'évoque qu'un seul fait au mois d'août 2017, Mme [X] [H] adressant un courriel à Mme [V] dont l'objet est EMA GUIDELINES et où elle écrit 'on ne parle pas du nombre de bras dans le guideline....Sprifermin avait 3 doses vs placebo...et seulement 168 patients....' auquel Mme Belissa Mathiot répondra ' Merci. Si c'est précisé page 9 chapitre 6.1.2 'évaluation of at least 3 doses is recommended...' (Pièce 16). Un fait unique ne saurait démontrer un manque de fiabilité dans les informations transmises.
Elle invoque également l'évaluation d'octobre 2017 dont l'appréciation générale 'globalement les résultats ne sont pas au niveau des attentes en termes d'ouverture vers l'innovation, fiabilité, valeur' est vague, imprécise, sans mention d'exemple illustrant ce problème de 'fiabilité, de valeur' et surtout pondérée par l'évaluatrice elle-même en raison du projet arthrose qui 'l'a embolisé' outre le fait que ce grief n'est plus évoqué dans l'évaluation d'avril 2018.
En conséquence, ce grief n'est pas établi.
Sur les difficultés de positionnement avec le reste de l'équipe
La SARL Institut de Recherches Internationales Servier rappelle qu'en sa qualité de directeur médico-scientifique, elle avait pour objectif de développer un esprit d'équipe, favoriser les interactions et l'esprit collaboratif et qu'il était attendu d'elle un niveau expert en termes de collaboration et d'esprit d'équipe, de communication et de management et développement d'équipe.
Comme le relève Mme [X] [H], aucun fait précis ne vient illustrer ce grief. La SARL Institut de Recherches Internationales Servier ne produisant aucune attestation d'un membre de l'équipe de Mme [X] [H] se plaignant d'une absence de management ou de présence de la part de cette dernière. Seule une attestation de M.[F], auteur de la lettre de licenciement, étant produite aux débats.
Interrogée par Mme [X] [H] aux fins de préciser ce grief, la société a répondu dans son courrier du 3 octobre 2018 (pièce 11) ' ce grief se caractérise par des interactions insuffisantes avec les autres membres de l'équipe ainsi qu'une absence d'esprit collaboratif qui a conduit à un isolement de votre part, dans le traitement des dossiers et de façon plus générale au sein de la vie quotidienne de l'équipe' et à titre d'exemple, la société invoque le fait que 'dans le cadre de la mise en place de la phase 2 du projet relatif à l'Arthrose S201086 et de l'élaboration du plan de développement clinique et de l'amélioration avec le partenaire Galapagos, vous avez privilégié vos intérêts en refusant de prendre en charge la problématique de l'innocuité du produit au détriment des besoins du projet, qui requerraient votre contribution en tant qu'équipier 'safety'. Cette attitude va à l'encontre de l'esprit d'équipe attendu d'un directeur médico-scientifique et déstabilise le fonctionnement de l'équipe car cela contraint une autre personne de l'équipe à effectuer ce travail'.
Or, Mme [X] [H] démontre qu'il ne lui a jamais été confiée la mission 'safety', que celle-ci relevait au contraire depuis novembre 2017 de la compétence de Mme [D] et d'une équipe dédiée à cette mission dont elle ne faisait pas partie (pièce 24).
Si la SARL Institut de Recherches Internationales Servier reconnaît finalement dans ses écritures que Mme [D] était officiellement en charge de la problématique Safety pour le projet Arthrose, elle ajoute, sans produire la moindre pièce en ce sens, que cette salariée avait été finalement occupée sur un autre projet et qu'il avait été demandé à Mme [X] [H] de prendre en charge cette problématique, ce qu'elle aurait refusé.
Il convient de relever que dans son évaluation d'avril 2018, il n'est nullement fait état du refus de Mme [X] [H] de prendre en charge cette mission, l'évaluateur indiquant seulement 'attention toutefois d'apporter le soutien à l'équipe projet en fonction des besoins du projet (ex problématique safety) et non seulement en fonction de ses propres centres d'intérêt', ce qui ne peut signifier que Mme [X] [H] avait en charge la mission safety pour le projet Arthrose, ce d'autant que dans la même évaluation, il est indiqué que Mme [X] [H] a atteint 100% de l'objectif relatif au projet Arthrose.
En outre, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier ne produit aucun élément de nature à démontrer les conséquences de l'absence de positionnement de Mme [X] [H] sur le fonctionnement et de l'entreprise et des projets dont elle avait la charge.
Pour illustrer ce grief, la société reproche également dans ses écritures à Mme [X] [H] de ne s'être pas présentée aux événements importants pour la progression du PIT et produit un courriel en date du 9 juillet 2018 dans lequel M.[F] écrit : ' [X], j'ai noté que tu n'étais pas présente à la réunion scientifique sur le lupus vendredi dernier ni au comité de pilotage opérationnel de ce matin. Je le regrette, car ces deux réunions étaient très importantes. La première t'aurait permis de te familiariser avec une pathologie auto-immune qui constitue une cible principale du PIT. Le Copil de ce matin a rassemblé tous les cadres de notre département dans une réflexion sur notre stratégie et sur les défis que nous devons relever. Il eut été judicieux que tu contribues à cette discussion stratégique en tant que directeur médico-scientifique'.
Si ces deux exemples ne figurent pas dans la lettre de licenciement, pour autant la société peut les invoquer a posteriori pour illustrer un grief figurant expressément dans la lettre de licenciement conformément à l'article L1235-2 du code du travail.
Néanmoins, et sans être contredite, Mme [X] [H] démontre que s'agissant de la réunion du 6 juillet 2018 sur le lupus, elle était dans l'impossibilité de s'y rendre, participant au même moment à un workshop imagerie de l'arthrose IWOAI, programmé du 5 au 7 juillet 2018, sponsorisé par le PIT, intégré comme tel à son agenda professionnel partagé et pour lequel elle lui avait transmis le programme (pièces 46 et 47), participation qui répondait d'ailleurs au nouvel objectif que M.[F] lui avait fixé lors de l'entretien d'avril 2018: 'représenter l'expertise SERVIER dans le domaine de l'arthrose et développer des relations avec des experts internationaux OARSI avril 2018 et IWOA juillet 2018".
De même et sans être contredite, elle démontre qu'elle ne pouvait pas assister au COPIL du 9 juillet 2018, M.[F] ayant fixé le 29 mai 2018 cette réunion pendant ses congés et ses RTT du 9 au 11 juillet 2018 portés à la connaissance de M.[F] dès le 26 avril 2018 (pièces 45, 48 à 51, 59).
Par ailleurs, Mme [X] [H] reproche à la SARL Institut de Recherches Internationales Servier son manquement à son obligation de formation et d'adaptation visée par l'article L6321-1 du code du travail pour ne pas lui avoir fait bénéficier, contrairement à ce que soutient la société, du parcours d'intégration tel que prévu lors de son recrutement (pièce 21), dans les 4 mois de son embauche, dans les trois domaines suivants: la connaissance de l'entreprise, les prérequis dits 'standards' et les formations métiers en relation direct avec les spécificités de son poste. Elle fait remarquer qu'il s'agissait d'un préalable indispensable à une exécution conforme de ses fonctions bien compris par son employeur puisque celui-ci précisait dans la lettre de licenciement que ce plan était censé lui permettre 'd'appréhender au mieux vos nouvelles fonctions et connaître vos interlocuteurs internes'. Elle relève, sans être contredite utilement, qu'elle n'a bénéficié d'aucune des formations dites 'métiers' dont le but était de 'se familiariser avec les entités' avec lesquelles elle était censée travailler et de 'comprendre leur fonctionnement' à savoir les formations 'pôle d'expertise affaires pharmaceutiques mondiales', ' pôle d'expertise méthodologie et valorisation des données', direction des opérations - portefeuille', ' direction des opérations - gestion de projets', ' pôle d'innovation thérapeutique oncologie' avec une personne ' à rencontrer impérativement' monsieur ' [U] [Y]' qu'elle ne rencontrera jamais. L'employeur reconnaissant ne l'avoir inscrite qu'à 3 formations sur les 9 prévues à savoir la 'session d'accueil', 'assurance qualité thérapeutique' et 'intégration CIRT en Italie' (centre international de recherches).
Comme relevé par Mme [X] [H], alors qu'à l'occasion de l'entretien d'évaluation de 2017, l'évaluateur a souhaité l'inscrire à une formation 'gérer ses relations de travail' prévue en janvier 2018, elle n'en bénéficiera pas en raison, selon les écritures de l'employeur, du fait que les arbitrages en matière de formation avaient déjà eu lieu avant le 31 octobre et qu''en tout état de cause, cette formation n'avait pas de rapport avec les carences professionnelles identifiées chez Mme [X] [H]', ce qui est en contradiction avec les termes de ses évaluations. La société ne démontre pas avoir rempli son obligation de formation et d'adaptation et ne peut s'en exonérer en invoquant l'expérience antérieure de Mme [X] [H].
Si la SARL Institut de Recherches Internationales Servier soutient que les supérieurs hiérarchiques ont régulièrement rencontré Mme [X] [H] pour lui prodiguer des conseils et des alertes, ce qui est contesté par Mme [X] [H], la seule photocopie d'un agenda où figurent des rencontres entre Mme [X] [H] et son supérieur hiérarchique ne dit rien sur la teneur des dites rencontres, ce d'autant que Mme [X] [H] produit l'attestation de M.[A], directeur de recherches qui explique que tous les directeurs étaient amenés régulièrement (en moyenne toutes les deux semaines) à faire un point avec leur manager (directeur du PIT dans le domaine des maladies immo-inflammatoires au sein de la R&D du groupe Servier) et que ce point consistait notamment à passer en revue l'ensemble des projets dont ils étaient directement responsables. Il ajoute que c'était aussi l'occasion de faire remonter les problématiques en cours et de recevoir également des informations détenues par leur hiérarchie et que ce point ne se substituait pas aux autres réunions réunissant les autres collaborateurs du PIT et restait programmé systématiquement tout au long de l'année ( programmation généralement réalisée par l'assistante de direction) (pièce 56). Si la société conteste cette attestation en faisant valoir que M.[A] a été licencié le 17 avril 2019 et qu'il n'était pas présent lors des rencontres entre Mme [X] [H] et son supérieur hiérarchique, pour autant la société ne produit aucune attestation notamment de Mme [V].
Enfin, Mme [X] [H] produit un nombre important de courriels avec les membres de son équipe démontrant qu'elle avait l'esprit d'équipe, le sens du partage de l'information et du conseil (pièces 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33), savait apporter à son département une vision stratégique (pièce 34) et avait réussi à mener à son terme le projet Galapagos pour lequel elle et son équipe ont été remerciés par M.[F] qui écrivait 'bravo à toute l'équipe, super réalisation!' (Pièce 26) et elle en particulier par le partenaire Galapagos pour sa 'compréhension', sa 'volonté de collaborer' (pièce 26).
Enfin, Mme [X] [H] produit des messages de soutien d'une part, de ses collègues à l'annonce de son licenciement et de reconnaissance pour le travail accompli, venant confirmer si besoin était son intégration dans l'équipe (pièces 16, 17), d'autre part, de partenaires extérieurs (pièces 18, 19) dans des termes identiques.
Ce grief n'est pas établi.
Sur une prise en charge parcellaire voire arbitraire de son travail
Au soutien de ce grief, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier ne produit aucun élément, ne donne aucune indication sur les projets que Mme [X] [H] aurait privilégiés ou écartés et le préjudice qui en aurait résulté pour la société.
Par ailleurs, si la SARL Institut de Recherches Internationales Servier précise dans son courrier du 3 octobre 2018, en réponse à sa contestation du licenciement, 'Lorsque nous avons mis en place des projets de développements innovants de nos médicaments, notamment dans le cadre des maladies auto immunes, vous avez continué de focaliser votre intérêt sur le projet Arthrose alors même que l'avancée de celui-ci ne justifiait plus un travail de votre part à temps plein', pour autant, outre l'imprécision déjà relevée, il résulte des deux entretiens d'évaluation que jusqu'en avril 2018, le projet sur l'Arthrose constituait une mission importante et prenante pour la société et donc pour Mme [X] [H] et que si de nouveaux objectifs, sans lien avec l'arthrose, lui ont été fixés lors de l'entretien d'avril 2018, elle a été licenciée avant le terme de leur échéance (30 septembre 2018) et n'ont fait l'objet d'aucune évaluation.
Ce grief n'est pas établi.
Au vu de ce qui précède, il convient de dire que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement.
Sur les conséquences
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l'article L1235-3 du code du travail, ' Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous:[...]
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'.
Mme [X] [H] demande à voir écarter l'application de ce texte, ce à quoi s'oppose la société.
Il convient de rappeler que par deux décisions (Cass. soc., 11 mai 2022, no 21-14490; Cass. soc., 11 mai 2022, no 21-15247), la chambre sociale a jugé que le barème d'indemnisation du salarié licencié en l'absence d'une cause réelle et sérieuse, tel qu'organisé par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 s'imposait aux juges du fond en rappelant que celui-ci n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui est d'effet direct en droit interne et que le juge français ne peut mettre à l'écart, même au cas par cas, l'application de ce barème au regard de cette convention internationale dès lors que les dispositions des articles L1235-3, L1235-3-1 et L1235-4 du code du travail sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée.
Partant, les juges du fonds doivent apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L1235-3 du code du travail.
Par ailleurs, la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à la Charte sociale européenne, cette dernière n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers et l'invocation de son article 24 ne pouvant dès lors pas conduire à écarter l'application du barème.
En conséquence, au vu de l'ancienneté de Mme [X] [H] (2 ans et 1 jour, préavis de 4 mois compris), de son âge (59 ans) et de sa situation personnelle dont elle justifie (chômage entrecoupé de quelques missions temporaires jusqu'à son départ à la retraite), il convient de lui allouer la somme de 36 026,66 euros bruts au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande en réparation du fait du caractère brutal et vexatoire du licenciement
Mme [X] [H] invoque un préjudice distinct en invoquant la réception le 31 mai 2018 par mail, d'une annonce d'offre d'emploi d'un site de recrutement, émanant de la SARL Institut de Recherches Internationales Servier, correspondant à son propre poste de travail, ce que conteste la SARL Institut de Recherches Internationales Servier qui démontre qu'il ne s'agissait pas du même poste, des mêmes fonctions, des mêmes qualifications exigées (pièces 23, 24), et pourvu bien avant celui de Mme [X] [H] qui lui fera l'objet d'une publication et sera pourvu après son licenciement (pièces 22, 27, 28, 29).
Mme [X] [H] invoque également l'attente de la décision définitive et le stress en découlant du fait d'une convocation adressée le 26 juillet pour un entretien fixé le 5 septembre 2018.
La société conteste ces reproches et démontre que Mme [X] [H], ce que celle-ci ne conteste pas, avait refusé la remise de la convocation en mains propres du 20 juillet, l'obligeant à lui envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception le 26 juillet outre le fait qu'elle avait pris en considération les congés de la salariée fixés du 6 au 15 août et qu'elle ne l'a jamais saisi d'une demande de modification de la date d'entretien.
Faute de démontrer un préjudice distinct, elle sera déboutée de cette demande par confirmation du jugement.
Sur les autres demandes
Sur la demande au titre du préjudice de retraite
L'article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Le préjudice invoqué par Mme [X] [H] s'analyse en une perte de chance, ce à quoi s'oppose la société.
Il est constant que le salarié licencié de façon abusive alors qu'il est proche de la retraite s'expose, faute d'avoir cotisé, ou cotisé suffisamment lors de ses dernières années de vie professionnelle, à une diminution de ses indemnités de retraite. S'il est trop âgé pour retrouver un emploi, il touchera alors, dans un premier temps, les indemnités pôle emploi et cotisera à la retraite, mais sur des sommes et des tranches réduites. S'il se trouve en fin de droit pôle emploi alors qu'il n'est pas encore « retraitable » à taux plein, il devra « casser » sa retraite et la prendre à taux partiel avec une réduction importante de ses indemnités de retraite.
En l'espèce, Mme [X] [H] a été licenciée alors qu'elle était âgée de 59 ans et démontre avoir perdu environ 47% de ses ressources avant imposition sur le revenu suite à son licenciement.
Il convient d'allouer à Mme [X] [H] la somme de 15 000 euros en réparation de sa perte de chance au titre de sa retraite.
Sur la demande de rappel de rémunération variable
Mme [X] [H] expose que par courrier du 2 février 2018, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier s'est engagée à lui verser un intéressement décomposé de la façon suivante:
- résultats opérationnel groupe : prime de 4500 euros
- CA consolidé monde: prime de 3750 euros
- objectifs personnels: prime de 6750 euros, somme réputée acquise si les objectifs fixé par l'employeur sur l'exercice 2017/2018, arrêté au 30 septembre 2018 étaient réalisés.
Elle reproche à la SARL Institut de Recherches Internationales Servier de lui avoir versé les deux premières primes mais pas celle liée aux objectifs personnels alors même qu'elle avait rempli 100% de ses objectifs s'agissant du projet Galapagos et du projet Approach et 85% de ses objectifs relatif à l'interaction et à l'esprit collaboratif; que compte tenu des pondérations décidées par l'employeur pour chacun de ces objectifs, elle avait atteint 94% de ses objectifs outre le fait que la preuve de son insuffisance professionnelle n'était pas démontrée; qu'elle demande à titre principal, l'intégralité de la prime prévue et subsidiairement en tenant compte de son pourcentage de réussite.
La société s'y oppose au motif que Mme [X] [H] n'a pas rempli l'intégralité de ses objectifs dans le délai de trois mois tel que prévu lors de l'entretien d'octobre 2017.
Comme rappelé par Mme [X] [H], il appartient à la SARL Institut de Recherches Internationales Servier de démontrer le respect de ses obligations en matière de fixation des objectifs, le caractère réalisable des objectifs fixés et la conformité des montants versés.
Or, il résulte de l'entretien d'évaluation d'avril 2018 que sur les trois objectifs fixés, deux étaient des objectifs individuels que la salariée a rempli à 100%, le troisième étant un objectif mixte (collectif, individuel) atteint à hauteur de 85%; qu'il a été retenu supra un manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation affectant particulièrement ce troisième objectif et qu'enfin, la lettre du 2 février 2018 (pièce 3) fixant le montant prévisionnel des primes d'objectifs portait sur l'exercice 2017-2018 soit comme indiqué supra de septembre 2017 à octobre 2018, de sorte que faute d'avoir respecté les termes mêmes de son engagement, il convient d'allouer à Mme [X] [H] l'intégralité de sa prime d'objectif personnel soit la somme de 6750 euros bruts au titre de la prime d'objectifs personnels pour l'exercice 2017-2018 par infirmation du jugement et 675 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de formation et d'adaptation
Selon l'article L6321-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences'.
Comme vu et démontré supra, la SARL Institut de Recherches Internationales Servier a manqué à son obligation de formation et d'adaptation qui a nécessairement porté préjudice à Mme [X] [H] puisque son licenciement reposait notamment sur un item pour lequel elle n'avait pas bénéficié de la formation et de l'adaptation pourtant annoncées par l'employeur.
Son préjudice sera réparé à hauteur de 3 000 euros au titre du manquement à l'obligation de formation et d'adaptation.
Sur la demande au titre des intérêts au taux légal
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
Sur la demande au titre de la remise des documents afférents à la rupture
Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt sans besoin de l'assortir d'une astreinte.
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de condamner la SARL Institut de Recherches Internationales Servier à payer à Mme [X] [H] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
Sur les dépens
Il convient de condamner la SARL Institut de Recherches Internationales Servier aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me Dontot, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit recevable la demande au titre du préjudice de retraite;
Confirme le jugement du 17 février 2022 du conseil des prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a débouté Mme [X] [H] de sa demande au titre du licenciement brutal et vexatoire ;
L'infirme pour le surplus;
Statuant à nouveau et y ajoutant;
Dit le licenciement de Mme [X] [H] sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Institut de Recherches Internationales Servier à payer à Mme [X] [H] la somme de 36 026,66 euros bruts au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Institut de Recherches Internationales Servier à payer à Mme [X] [H] la somme de 15 000 euros en réparation de sa perte de chance au titre de sa retraite
Condamne la SARL Institut de Recherches Internationales Servier à payer à Mme [X] [H] 6 750 euros bruts au titre de la prime d'objectifs personnels pour l'exercice 2017-2018 et 675 euros au titre des congés payés afférents;
Condamne la SARL Institut de Recherches Internationales Servier à payer à Mme [X] [H] 3 000 euros de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de formation et d'adaptation;
Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt;
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil;
Ordonne la remise d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt sans besoin de l'assortir d'une astreinte;
Condamne la SARL Institut de Recherches Internationales Servier à payer à Mme [X] [H] la somme totale de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et en appel;
Condamne la SARL Institut de Recherches Internationales Servier aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me Dontot, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,