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30/05/2024 | FRANCE | N°22/00943

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 30 mai 2024, 22/00943


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2024



N° RG 22/00943 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCVE



AFFAIRE :



[T] [X]





C/



S.A. ORPEA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG :

F 20/00521



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :







Me Marlone ZARD de

la SELAS HOWARD





Me Stéphanie ZAKS de

la SELEURL Cabinet ZAKS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MAI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2024

N° RG 22/00943 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCVE

AFFAIRE :

[T] [X]

C/

S.A. ORPEA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F 20/00521

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marlone ZARD de

la SELAS HOWARD

Me Stéphanie ZAKS de

la SELEURL Cabinet ZAKS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [T] [X]

née le 15 Décembre 1964 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Marlone ZARD de la SELAS HOWARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0666 substitué par Me ADAHCOUR Karima avocat au barreau de PARIS.

APPELANTE

****************

S.A. ORPEA

N° SIRET : 401 25 1 5 66

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Stéphanie ZAKS de la SELEURL Cabinet ZAKS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0277 substitué par Me Marceau VIDAL avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [T] [X] a été engagée en qualité d'auxiliaire de vie, par la société Résidence Castel Georges, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 avril 1990.

En 2014, la société Résidence Castel Georges a été rachetée par la société Orpea.

En dernier lieu, à compter du 1er septembre 2015, Mme [X] exerce les fonctions d'aide-soignante au sein de la résidence Orpea [3].

La société Orpea est spécialisée dans le secteur d'activité de l'hébergement médicalisé pour personnes âgées, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Convoquée le 9 juin 2020 à un entretien préalable à une éventuelle sanction, fixé au 22 juin suivant, puis reporté au 25 juin 2020, Mme [X] s'est vue notifier une mise à pied disciplinaire non rémunérée de 8 jours par courrier du 3 juillet 2020.

Mme [X] a saisi, le 26 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Montmorency, aux fins de voir juger infondée sa mise à pied disciplinaire et obtenir le rappel de salaire et de congés payés afférents, ainsi que des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

Par jugement rendu le 20 janvier 2022, notifié le 23 février 2022, le conseil a statué comme suit :

Déboute Mme [X] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société Orpea de sa demande reconventionnelle ;

Met les éventuels dépens à la charge de Mme [X].

Le 21 mars 2022, Mme [X] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

' Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 17 juin 2022, Mme [X] demande à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes à savoir :

Dire et juger que la mise à pied disciplinaire est non fondée ;

Condamner la société Orpea au paiement de 592,48 euros correspondant au rappel de salaire inhérent à la durée de la sanction disciplinaire ainsi que 59,30 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamner la société Orpea au paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;

Condamner la société Orpea aux intérêts légaux sur toutes les sommes auxquelles elle sera condamnée ;

Condamner la société au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Orpea aux entiers dépens.

En conséquence et statuant de nouveau :

Dire et juger que la mise à pied disciplinaire est non fondée ;

Condamner la société Orpea au paiement de 592,48 euros correspondant au rappel de salaire inhérent à la durée de la sanction disciplinaire ainsi que 59,30 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamner la société Orpea au paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;

Condamner la société Orpea aux intérêts légaux sur toutes les sommes auxquelles elle sera condamnée ;

Condamner la société au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

Condamner la société au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile pour la présente instance ;

Condamner la société Orpea aux entiers dépens.

' Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 28 juillet 2022, la société Orpea demande à la cour de :

Juger que la mise à pied disciplinaire qui a été notifiée à Mme [X] le 3 juillet 2020 est fondée sur des faits fautifs établis et qu'il s'agit d'une sanction proportionnée

Juger que la société Orpea n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité

En tout état de cause,

Juger que Mme [X] ne rapporte nullement la preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes

Débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Condamner Mme [X] à verser la somme de 3.000 euros à la société Orpea au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de Mme [X].

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 22 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 26 février 2024.

MOTIFS

Sur la sanction :

La lettre de notification de la mise à pied disciplinaire est ainsi libellée :

" Madame,

Nous avons été contraints de constater des dysfonctionnements dans l'exercice de vos fonctions d'aide-soignante de nuit au sein de notre résidence.

En effet, le 8 juin dernier, alors que vous preniez vos fonctions à 19h45, vous êtes arrivée à la Résidence à 19h30 en vue de votre prise de poste et avez procédé, malgré le fait de ne pas avoir trouvé votre dotation de masques chirurgicaux, à l'habillage nécessaire à l'exercice de vos fonctions. Croisant une de vos collègues à la sortie du SAS d'habillage/déshabillage vous l'avez alors accusée de s'être accaparée votre dotation, ceci en tenant les propos suivants : " Tu viens d'arriver ' Comme par hasard mes masques ne sont pas là ".

Il a alors été porté à notre connaissance que la situation a dégénéré. Vous avez eu recours à un comportement violent, tant physiquement que verbalement. Vous avez notamment échangé des coups et insultes avec votre collègue. Face à ces remarques, durant l'entretien vous avez tenté de vous justifier en indiquant : " quand on m'attaque, je réponds " ou encore " par réflexe, j'ai voulu lui rendre ".

Cette situation est d'autant plus grave et regrettable que votre collègue se trouvait au moment des faits en situation de grossesse avérée, et ainsi dans un état de particulière vulnérabilité qu'il vous était impossible d'ignorer.

Un tel comportement, menaçant et violent, est inadmissible, d'autant plus au sein d'un établissement tel que le nôtre, accueillant des personnes vulnérables en raison de leur âge et dont l'état de santé est fragilisé. Ce manque de professionnalisme évident ne peut ainsi être accepté au sein de notre Résidence.

En adoptant une telle attitude, vous contrevenez gravement aux dispositions pourtant claires du règlement intérieur applicable au sein de notre établissement.

" 12.1. Compte-tenu du caractère particulier de l'établissement qui reçoit des personnes âgées et dispense des soins à celles-ci, le personnel est tenu à certaines règles strictes. [']

Avoir des attitudes et un comportement corrects et conformes à l'image de l'entreprise,

Eviter toute cause de bruit intempestif ;

Eviter tout esclandre ;

Rester courtois avec ses collègues en toutes circonstances ;

S'abstenir de tout geste ou parole déplacés ".

De plus, la violence de cette altercation a conduit à la dégradation du matériel de la Résidence, à savoir un pot de fleur et une chaise que vous avez violement balancés contre les murs durant l'altercation. Le pot de fleur a été retrouvé cassé et donc inutilisable.

En détériorant le matériel de la sorte, non seulement vous avez fait preuve d'un manque de respect et de professionnalisme évident, mais pire encore, vous avez transgressé les règles les plus élémentaires de bonne conduite et de savoir-être en entreprise.

En ce sens, vous contrevenez aux dispositions des articles de 18 du règlement intérieur applicable au sein de la Résidence :

" Tout membre du personnel est tenu de conserver en bon état le matériel qui lui est confié dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. " Une telle attitude, en totale contradiction avec vos obligations professionnelles, nuit sérieusement à l'image de la société et jette le discrédit sur la qualité de la prise en charge que nous nous efforçons pourtant de garantir au quotidien à nos résidents.

Enfin, et suite à cet évènement, vous avez pris la décision de votre propre chef, de quitter précipitamment votre poste de travail, aux alentours de 19h50 alors même que conformément à votre planning, votre fin de poste est prévue à 7h45 le lendemain matin.

Pire encore, vous vous êtes permis de quitter vos fonctions sans même avoir demandé la possibilité et sans avertir votre hiérarchie ou le moindre de vos collègues laissant seules l'aide-soignante et l'auxiliaire de vie avec qui vous avez la charge de vous occuper des résidents.

Dès que nous avons eu connaissance des faits, nous avons cherché à vous joindre par téléphone à plusieurs reprises, sans réponse de votre part. C'est finalement votre fille qui nous a appelé à 23h30 soit presque quatre heures après votre départ de votre poste de travail pour expliquer votre absence. En cas d'absence à votre poste, vous n'êtes pas, sans savoir que l'organisation des équipes devient difficile à gérer, et que cela nuit à la prise en charge de la qualité de nos résidents.

Aussi, nous vous rappelons les dispositions de l'article 14 du règlement intérieur applicables au sein de la résidence : " Tout membre du personnel doit se conformer aux horaires de travail et respecter scrupuleusement les plannings établis par la direction. "

" Chacun doit se trouver à son poste de travail, en tenue aux heures fixées pour le début et la fin du service ".

Le manque de professionnalisme dont vous avez fait preuve n'est pas acceptable, d'autant que vous ne pouvez ignorer l'importance pour la bonne prise en charge des résidents, que chacun des salariés de la résidence soient présents à son poste aux horaires définis dans le planning mais fasse également preuve d'un comportement exemplaire en toute circonstances

['] "

Sur les violences physiques.

L'appelante qui affirme avoir été agressée physiquement par sa collègue, Mme [C], conteste avoir été à l'origine de l'altercation avec cette dernière.

Elle conteste tout acte de violence de sa part. Elle soutient qu'aucune justification n'est versée aux débats attestant de la faute reprochée et que l'employeur ne démontre pas sa responsabilité dans l'altercation litigieuse.

L'appelante justifie d'avoir contesté les griefs fondant cette mise à pied disciplinaire par courrier du 28 juillet 2020 adressé à Mme [R].

La société fait valoir que la sanction est parfaitement justifiée au regard du comportement adopté par la salariée qu'elle a implicitement reconnu lors de l'entretien préalable.

Selon l'article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prendre la sanction et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur communique les témoignages suivants :

- Mme [W] aide médico psychologique, déclare en ces termes : " Lundi 8 juin 2020 à 19h45, j'ai entendu des cris venant du hall à l'accueil. Pensant que c'était des résidents qui parlaient fort, Je me suis donc rendu dans le hall et surprise de voir qu'il y avait eu un différend entre deux collègues [T] et [Z] pour les citer. [T] était devant le sas prêt à partir, elle menaçait [Z], mais je n'ai pas entendu ce qu'elle disait. ".

- Mme [S] témoigne de la façon suivante : " En fin de service, j'entends du bruit, étant dans l'ascenseur ce dernier venait du rez-de-chaussée. Une fois en bas, je constate une collègue (G) contenue par deux collègues puis l'autre collègue (C) dans le sas, Je vois un vase cassé, un pot de fleurs détruit au sol, je me dirige vers ma collègue dans le sas et lui demande ce qui se passe. Elle me répond " on s'est bagarré " et me demande de prendre ses affaires car elle rentre chez elle, ce que je fais. Ensuite je me mets à calmer ma collègue (G) avec deux autres collègues. Entre-temps d'autres collègues se joignent à la scène. Ayant vu le pot de fleurs et la terre au sol, je met par la suite à nettoyer et jeter la terre. Après je suis partie car ma collègue (G) s'était calmée ainsi que les autres. ( C) [T] [X], (G) [Z] [C]".

- Mme [N], auxiliaire de vie, atteste : " Il était aux alentours de 19h45, je finissais mon service le 8 juin 2020. J'ai d'abord entendu des cris, j'ai pensé à des jeunes qui passaient devant, puis au bout de une à deux minutes, je suis allée voir car j'ai pensé à des résidents qui auraient pu se disputer. Quand je suis arrivée sur les lieux, j'ai vu [P] qui essayait de maintenir [Z], mais je l'ai directement aidé. J'ai donc attrapé [Z] pour essayer de la calmer car [T] (l'autre personne qui se disputait) elle l'a provoquée. [T] était près de la porte d'entrée de la maison de retraite. J'ai eu beaucoup de mal à la maintenir à cause des provocations, [Z] ne se calmait pas. Elle voulait continuer de se battre. J'ai demandé à [V] d'aller chercher [O] en cuisine, car [Z] énervée plutôt forte et enceinte était dure à maintenir. C'est à ce moment-là que [T] a pris sa voiture et est partie".

- Mme [Y], auxiliaire de vie, témoigne ainsi : " Le 8 juin, j'ai assisté à une bagarre entre [Z] [C] et [T] [X]. À 19h30, elles se sont disputées pour une histoire de masques chirurgicaux. [T] insinue que [Z] lui aurait volé des masques. [T] s'est rapprochée de [Z] en croyant se faire agresser, lui a porté un premier coup dans la zone du visage, elles ont échangé ensuite plusieurs coups. Je me suis interposée pour les séparer. [T] lui a jeté une chaise et un pot de fleurs qui s'est brisé au sol. Elles ont ensuite échangé des mots. ('). ".

- Mme [R], directrice d'exploitation, témoigne : " Lors de notre entretien, Mme [X] reconnaît l'avoir accusée de lui avoir pris sa dotation de masques. Mme [X] reconnaît lui avoir dit : " Tu viens d'arriver ' Comme par hasard mes masques ne sont pas là. " Mme [X] explique alors que c'est là que la situation a dégénéré, que Mme [C] l'a agressée. Elle l'aurait poussée et griffée et pourchassée. Mme [X] n'aurait jamais porté le moindre coup. Pourtant quelques minutes plus tard, elle explique : " quand on m'attaque je réponds. ".

La détérioration de matériel par Mme [X] (pot de fleurs cassé) est établie au regard du témoignage de Mme [Y] et de la constatation par Mme [S] et par Mme [N] de la présence au sol d'un pot de fleurs cassé et de terre après déroulement de l'altercation entre les deux collègues.

En revanche, contrairement à ce que soutient l'appelante, il résulte du témoignage circonstancié et précis de Mme [Y] que Mme [X] a agressé physiquement sa collègue en lui portant un premier coup dans la zone du visage et en jetant une chaise en direction de celle-ci.

Les témoignages de Mme [N] et de Mme [W] qui certes, n'ont pas assisté au coup donné par Mme [X] à sa collègue, sont pour autant des éléments de nature à étayer le comportement physiquement violent de cette dernière en évoquant une attitude menaçante et provocatrice à l'égard de Mme [C].

Il résulte de l'article 12 du règlement intérieur (pièce n° 8 de la société intimée) que compte tenu du caractère particulier de l'entreprise qui reçoit des résidents et dispense des soins, le personnel est tenu à certaines règles strictes, notamment avoir des attitudes et un comportement correct et conforme à l'image de l'entreprise, éviter toute cause de bruit intempestif, rester courtois avec ses collègues en toutes circonstances, éviter tout esclandre et s'abstenir de tout geste, ou parole déplacés.

Alors que la salariée ne justifie elle-même d'aucun élément de nature à remettre en cause les faits établis par l'employeur au vu des pièces produites, que le comportement violent avéré de Mme [X] à l'égard de sa collègue constitue un manquement grave de la salariée à ses obligations au sens du règlement intérieur, la sanction de la mise à pied disciplinaire était justifiée par la faute commise par cette dernière.

Sur le fait pour Mme [X], d'avoir quitté son poste de travail avant sa prise de service, sans en avertir la direction.

Le départ inopiné de la salariée est établi notamment par les témoignages concordants de Mme [N] et de Mme [S]. Ce départ précipité n'est d'ailleurs pas contesté par Mme [X] qui l'explique en raison du fait qu'elle était bouleversée, et pensait en priorité à se faire soigner.

Elle fait valoir que sa réaction était compréhensible et légitime en raison de la violence des faits.

Mme [X] communique :

- le compte rendu du passage aux urgences en date du 9 juin 2022 duquel il résulte que l'examen a révélé une dermabrasion de l'avant-bras droit sur 5 cm et une plaie non suturable de 2 cm au-dessus de l''il gauche, entraînant une ITT de deux jours.

-un certificat médical établi le 10 juin 2020 par le docteur [D], duquel il ressort que la salariée présentait :

- Un hématome préorbital gauche, intéressant la paupière inférieure gauche et deux plaies linéaires d'environ 1 cm chacune sur le bord inféro-gauche.

- Un hématome de 2 cm sur 3 cm au bord externe du coup de droit.

- Un poignet gauche douloureux à la mobilisation dans tous les axes.

- Une raideur lombaire avec des douleurs irradiant à la fesse gauche.

- Des douleurs à la mobilisation du cou.

L'article 15 du règlement intérieur stipule que tout salarié désirant quitter son poste de travail avant l'heure prévue pour la fin du service doit solliciter l'autorisation préalable de la direction. Le personnel ne doit pas quitter son service avant l'arrivée de l'équipe de relève le cas échéant. Si celle-ci est en retard ou absente, il devra le signaler immédiatement à la direction qui prendra les dispositions nécessaires afin d'éviter que les résidents restent sans surveillance ou avec une surveillance insuffisante du personnel.

Au vu des pièces médicales, Mme [X] était certes légitime à se rendre sans délai à une consultation médicale. Pour autant, il ne résulte pas des pièces médicales produites que son état clinique l'empêchait d'avertir sa hiérarchie de son départ immédiat pour se faire soigner, d'autant qu'elle était de service le soir même et qu'elle ne pouvait ignorer que son absence allait entrainer une désorganisation du service.

Mme [X] a manqué à ses obligations professionnelles.

Ce grief est constitué.

L'ensemble des faits constituent un manquement grave de la salariée à ses obligations, la sanction de la mise à pied disciplinaire était justifiée et proportionnée par les fautes commises par la salariée.

Mme [X] sera déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'obligation de sécurité :

Mme [X] affirme avoir constaté en arrivant sur son lieu de travail le 8 juin 2020, que l'enveloppe qui lui était destinée contenant des masques chirurgicaux essentiels à l'exercice de sa fonction était absente.

Elle fait valoir que la société n'a pas mis à sa disposition le matériel nécessaire à sa protection ainsi qu'à celle de l'ensemble des résidents particulièrement vulnérables face à l'épidémie de la COVID-19.

Elle soutient avoir subi de ce fait un préjudice moral et physique important.

Mme [X] reproche également à la société de n'avoir pris aucune mesure disciplinaire à l'encontre de Mme [C], en précisant que la société a refusé son transfert dans un autre établissement, contrairement aux recommandations de la médecine du travail.

La société qui observe que Mme [X] n'a jamais formé la moindre réclamation ou plainte auprès de la direction, s'agissant d'un manque de matériel, soutient avoir toujours mis à la disposition de ses salariés, le matériel de protection adéquat, (masques, solution hydroalcoolique, surblouses, gants) nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

La société objecte que le fait que la salariée indique ne pas avoir trouvé l'enveloppe qui lui était destinée le 8 juin 2020, ne permet nullement d'établir qu'elle a manqué à son obligation de sécurité.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d'information et de formation ; 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Ces mesures sont mises en oeuvre selon les principes définis aux articles L. 4121-2 et suivants du même code.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

L'employeur qui ne justifie pas avoir mis à la disposition de la salariée les masques de protection n'a pas satisfait à son obligation de sécurité.

Mais à défaut d'établir aucun préjudice, la demande indemnitaire de la salariée sera en conséquence écartée et le jugement confirmé à ce titre.

S'agissant du respect des préconisations de la médecine du travail, portant sur une mutation à envisager, la société justifie par la production aux débats du témoignage de M.[U], directeur d'exploitation de la résidence [5] que la salariée a été reçue en entretien pourtant, sur une possible mutation de cette dernière, dans un autre établissement du groupe Orpéa, entretien auquel il n'a pas été donné suite en raison, selon le directeur de : " L'absence de critique de son geste sur une femme enceinte et m'affirmant qu'elle préfère travailler de façon solitaire, afin de n'avoir aucun problème avec ses collègues futures, j'ai décidé de ne pas donner suite à cet entretien. ".

Ainsi, la mutation de la salariée a bien été envisagée par l'employeur conformément aux préconisations du médecin du travail, et a donné lieu à un rejet motivé par ce dernier.

La société justifie (pièce n° 24) encore avoir proposé à Mme [X] par courrier du 26 mai 2021 un poste d'aide-soignante sur lequel elle était invitée à se positionner.

Force est de relever que la société a satisfait à son obligation de sécurité.

C'est donc à bon droit que la demande de dommages intérêts de la salariée a été rejetée par les premiers juges.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency, le 20 janvier 2022, en toute ses dispositions.

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles,

Condamne Mme [X] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/00943
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.00943 ?
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