La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°22/01052

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 30 mai 2024, 22/01052


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2024



N° RG 22/01052 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDGC



AFFAIRE :



[C] [M]





C/



E.U.R.L. SECURIS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : AD



N° RG : 21/00028



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nicolas BORDACAHAR



Me Stephan FARINA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2024

N° RG 22/01052 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDGC

AFFAIRE :

[C] [M]

C/

E.U.R.L. SECURIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 21/00028

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas BORDACAHAR

Me Stephan FARINA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [M]

né le 27 Août 1964 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1833 -

APPELANT

****************

E.U.R.L. SECURIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Stephan FARINA, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0218 - substitué par Me Laetitia BRAHAMI avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 20 août 2016, M. [C] [M] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (80 heures/mois), en qualité d'agent de sécurité qualifié, statut employé, par l'EURL Securis, qui a une activité de gardiennage et de sécurité, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale des entreprises de la prévention et de la sécurité.

Par avenant 2 du 30 août 2017, le contrat de travail a été modifié concernant la durée de travail portée à 47,83heures pour le mois de septembre 2017, à effet du 1er septembre au 30 septembre 2017, avec retour à 36 heures mensuelles compter du 1er octobre 2017.

Par avenant du 27 février 2018, le contrat de travail a été modifié concernant la durée de travail portée à 60 heures au mois de mars 2018, à effet du 1er au 31 mars 2018.

Par avenant du 31 juillet 2018, son contrat de travail a fait l'objet d'une modification de la durée du travail, passant à 82,25 heures au mois d'août 2018, avec effet du 1er au 31 août 2018, puis à 36 heures à compter du 1er septembre 2018.

Par courrier du 10 janvier 2020 adressé à son employeur, M.[C] [M] se dit étonné de recevoir par lettre du même jour un reçu pour solde de tout compte, qu'il conteste, et une attestation pôle emploi sur laquelle apparaît le motif de la rupture du contrat de travail à savoir licenciement pour faute grave, qu'il conteste également.

La lettre de licenciement, telle que libellée selon les écritures de M.[C] [M] et non contestée par l'EURL Securis, est la suivante:

« M. [M],

Salarié de l'entreprise SECURIS depuis le 20/08/2016 en tant qu'agent de sécurité qualifié, je constate votre absence à votre poste de travail, depuis le mercredi 04 décembre 2019. En effet, depuis cette date, vous n'exécutez plus les missions stipulées dans votre contrat de travail.

Par courrier simple remis en main propre par M [D] le 09/12/2019, nous vous avons mis en demeure:

' de justifier les absences suivantes : les 4, 5 décembre de 8h à 20h

' de fournir un justificatif le cas échéant, et de reprendre le travail le mercredi 11 décembre 2019.

Par courrier recommandé du 13/12/2019 (LRAR 1A 162 442 3193 3), nous vous avons mis en demeure:

' de justifier les absences suivantes : le 11 décembre de 8h à 20h

' de fournir un justificatif le cas échéant, et de reprendre le travail le mardi 17 décembre 2019.

Vous nous avez adressé un courriel le 18/12/2019, et nous informé ne pas reprendre le travail.

En l'absence de justificatif, nous vous avons convoqué le 27/12/2019 (réf : 1A 162 442 3099 8) à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, fixé au mardi 07 janvier 2020 à 14h au siège soit le [Adresse 2], conformément à l'article L 1232-2 du Code du travail.

En dépit de notre volonté de vous rencontrer pour comprendre votre attitude vous ne vous êtes pas présenté.

Compte tenu de vos absences continues à votre poste de travail, sans autorisation de notre part et sans fournir de justificatif, de votre absence à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement le 07 janvier 2020, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave ».

Le 24 décembre 2020, M.[C] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 1er février 2022, notifié le 2 mars 2022, le conseil a statué comme suit :

dit que le licenciement de M.[C] [M] pour faute grave est fondé

déboute M.[C] [M] de l'ensemble de ses chefs de demandes

rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

rejette toute autre demande

condamne les parties à assurer les dépens qu'elles ont engagées.

Le 30 mars 2022, M.[C] [M] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 1er juin 2022, M.[C] [M] demande à la cour de :

infirmer le jugement dont il est fait appel en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau :

prononcer le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement notifié à M. [C] [M]

en conséquence, condamner la société Securis à verser à M.[C] [M] les sommes suivantes :

indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 6 085 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 042,50 euros

congés payés afférents : 304,25 euros

indemnité légale de licenciement :1 341,66 euros

rappel de salaire décembre 2019 : 1 521,25 euros

congés payés afférents : 152,13 euros

dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail : 5 000 euros

article 700 du code de procédure civile: 2 500 euros

M.[C] [M] sollicite, en outre, que soient ordonnées :

la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision

la prise en charge des éventuels dépens de l'instance par la société intimée.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 26 août 2022, la société Securis demande à la cour de :

confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a:

dit que le licenciement de M. [C] [M] pour faute grave est fondé

débouté M. [C] [M] de ses chefs de demandes

En effet,

débouter M. [C] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

condamner M. [C] [M] à verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 22 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 27 février 2024.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement pour faute grave

Sur la procédure

Selon l'article L1232-2 du code du travail, 'L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation'.

Selon l'article L1232-6 du code du travail, 'Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article'.

En l'espèce, l'EURL Securis justifie avoir adressé par lettre recommandée avec accusé de réception à M.[C] [M] la convocation à l'entretien préalable au licenciement et la lettre de licenciement, les accusés de réception lui étant revenus avec la mention 'non réclamé' (pièce 11-1).

M.[C] [M] ne conteste pas la réalité des envois de la lettre de convocation et de licenciement mais explique qu'il était en congés payés à l'étranger du 23 décembre 2019 au 31 janvier 2020, avec reprise fixée au 3 février 2020, situation connue de son employeur, de sorte qu'il n'a pas été touché par les deux courriers, sans que M.[M] en tire une quelconque conséquence juridique, invoquant seulement sa méconnaissance des griefs qui lui sont reprochés et soutenant qu'il en a eu connaissance qu'à la réception de l'attestation pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte datés du 10 janvier 2020.

Il est constant que le fait d'engager ou de poursuivre une procédure de licenciement pendant la période de congés payés du salarié ne constitue pas une irrégularité de procédure (Cassation, ch.soc. du 7 avril 2004, 02-40.359, Publié; Cass. Ch..soc du 24 septembre 2008, n°07-42551) et le fait que le salarié soit absent lors de la présentation de sa lettre de convocation ne peut être retenu dans la mesure où le salarié doit prendre ses dispositions pour l'acheminement de son courrier au lieu où il passe ses congés payés.

En conséquence, la procédure est régulière.

Sur la faute

En vertu des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste il profite au salarié.

La faute grave se définit comme étant un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

Il convient de rappeler que les absences non autorisées ou non justifiées par des motifs légitimes constituent des manquements et que l'absence en dehors de toute autorisation de l'employeur constitue un refus volontaire de travail qui peut être qualifiée de faute grave et justifier un licenciement (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 3 juin 1998, 96-41.700, publié).

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié d'être absent depuis le 4 décembre 2019 et de ne plus exécuter ses missions depuis cette date et lui rappelle les mises en demeure qui lui ont été délivrées notamment pour ses absences injustifiées des 4, 5 et 11 décembre 2019, ce que conteste M.[C] [M].

L'EURL Securis justifie que le planning de travail du mois de décembre 2019 a été envoyé une première fois à M.[C] [M] par courriel du 26 novembre 2019 et une seconde fois par courriel du 10 décembre (pièces 7,9,13-1, 13-2, 13-3), de sorte que le salarié ne peut pas soutenir ne pas avoir été informé de son service de décembre.

Au contraire, l'EURL Securis justifie avoir reçu en réponse du second envoi un courriel de M.[C] [M] du 10 décembre 2019 où ce dernier écrivait ' j'ai bien reçu le planning du mois en cours décembre 2019 mais je refuse ce planning. Merci pour la bonne compréhension' (pièce 10).

Par ailleurs, il résulte des propres écritures de M.[C] [M] que celui-ci ne conteste plus les mises en demeure que son employeur lui a adressées afin qu'il justifie des motifs de ses absences. Le fait qu'une mise en demeure lui ait été remise en mains propres et signée par lui le 9 décembre (pièce 2) pour les absences des 4 et 5 décembre, ne remet nullement en cause la légitimité de l'employeur d'exiger de son salarié, même si celui-ci s'est présenté un jour dans les locaux de l'entreprise, d'avoir à justifier ses absences passées.

M.[C] [M] ne justifie pas des motifs de ses absences des 4 et 5 décembre et s'agissant de celle du 11 décembre, il a répondu à la seconde mise en demeure du 13 décembre 2019 (pièce 3) par courriel du 18 décembre 2019 (pièce 4-1) dans lequel il écrit ' j'ai bien reçu votre courrier recommandé n°1A1624423193 3 mais je ne souhaite pas reprendre pour des raisons de santé. Merci pour la bonne compréhension', sans pour autant produire le moindre certificat médical et arrêt de travail.

Une des obligations contractuelles d'un salarié est d'informer son employeur en cas d'absence et de lui fournir un justificatif. Comme relevé par l'intimée, en application de la convention collective applicable au litige, le salarié a l'obligation de prévenir son employeur de toute absence et doit également obtenir l'autorisation de la société de s'absenter et justifier son absence dans un délai de 48 heures à compter du premier jour de l'absence et d'obtenir son autorisation.

Ses absences impromptues et injustifiées ont nécessairement perturbé l'organisation de la société qui a été contrainte de modifier les plannings et les affectations de ses salariés pour pallier ses absences.

Le fait que M. [C] [M] n'ait jamais antérieurement fait l'objet de sanction disciplinaire ne saurait atténuer la gravité de ces faits, ce d'autant que malgré deux mises en demeure, et encore aujourd'hui, il ne produit aucun justificatif de nature à expliquer ses absences, outre le fait que dans son courriel du 10 décembre, il a clairement exprimé son refus du planning de décembre 2019 et donc d'exécuter son contrat de travail, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave fondé et débouté M. [C] [M] de ses demandes afférentes.

Sur la demande de rappel de salaires

M. [C] [M] sollicite le paiement de sa rémunération du mois de décembre au motif qu'aucune absence injustifiée ne saurait lui être reprochée, ce à quoi s'oppose l'EURL Securis.

M. [C] [M] n'ayant pas travaillé durant tout le mois de décembre , il ne peut prétendre à aucune rémunération qui est la contrepartie d'un travail effectif, outre le fait que, comme relevé par le conseil des prud'hommes, les congés pays pris et dus ont été intégrés dans le solde de tout compte, ce que ne conteste pas M. [C] [M].

Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail

Le salarié reproche à l'EURL Securis de l'avoir privé de toute fourniture de travail pour le mois de décembre 2019 et de toute rémunération alors même qu'il a refusé clairement le planning de décembre et ne s'est pas présenté à son poste de travail.

Il convient de le débouter par confirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 1er février 2022 du conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt;

Y ajoutant;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M.[C] [M] aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/01052
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.01052 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award