COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MAI 2024
N° RG 22/01053 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDGG
AFFAIRE :
[N] [F] [J]
C/
E.U.R.L. SECURIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : 21/00029
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Nicolas BORDACAHAR
Me Stephan FARINA
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [F] [J]
né le 20 Décembre 1973 à Côte d'Ivoire
de nationalité Ivoirienne
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1833 -
APPELANT
****************
E.U.R.L. SECURIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Stephan FARINA, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0218 - substitué par Me Laetitia BRAHAMI avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI
FAITS ET PROCÉDURE
A compter du 5 mai 2015, M.[N] [F] [J] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (128 heures / mois), puis à temps complet à compter du 27 mai 2015, en qualité d'agent de sécurité qualifié, statut employé, par l'EURL Securis, qui a une activité de gardiennage et de sécurité, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale des entreprises de la prévention et de la sécurité.
Convoqué le 28 janvier 2020 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 7 février suivant, M. [J] a été licencié par courrier du 12 février 2020, énonçant une faute grave.
La lettre de licenciement est ainsi libellée:
« M.[N],
Salarié de l'entreprise SECURIS depuis le 05/05/2015 en tant qu'agent de sécurité qualifié, je constate votre absence à votre poste de travail, depuis le lundi 06 janvier 2020. En effet, depuis cette date, vous n'exécutez plus les missions stipulées dans votre contrat de travail.
Par courrier recommandé du 10/01/2020 (LRAR 1A 162 442 3015 8), nous vous avons mis en demeure:
' de justifier les absences suivantes :
Les 6, 7 et 8 janvier 2020 de 8h30 à 12h et 13h à 17h
' De fournir un justificatif le cas échéant, et de reprendre le travail le mercredi 15 janvier 2020.
Par courrier recommandé du 20/01/2020 (LRAR 1A 162 442 3088 2), nous vous avons mis en demeure de justifier vos absences au travail ou de nous fournir un justificatif, et le cas échéant de reprendre le travail le vendredi 24 janvier 2020.
En l'absence de justificatif, nous vous avons convoqué le 28/01/2020 (réf : 1A 162 442 3089 9) à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, fixé au vendredi 07 février 2020 à 11h00 au siège soit le [Adresse 2], conformément à l'article L 1232-2 du Code du travail.
Le mardi 04 février 2020 à 18h45 nous vous avez adressé un mail pour préciser « bonjour madame, suite à notre entretien téléphonique je vous signale que je ne peux pas venir au rendez-vous », et ce en dépit de notre volonté de vous rencontrer pour comprendre votre attitude.
Compte tenu de vos absences continues à votre poste de travail, sans autorisation de notre part et sans fournir de justificatif, de votre absence à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement le 07 février 2020, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave [...]».
Le 24 décembre 2020, M.[N] [F] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.
Par jugement rendu le 1er février 2022, notifié le 2 mars 2022, le conseil a statué comme suit :
dit que le licenciement de M. [N] [F] [J] pour faute grave est fondé
déboute M.[N] [F] [J] de l'ensemble de ses chefs de demandes
rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
rejette toute autre demande
condamne les parties à assurer les dépens qu'elles ont engagées.
Le 30 mars 2022, M.[N] [F] [J] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 1er juin 2022, M. [N] [F] [J] demande à la cour de :
infirmer le jugement dont il est fait appel en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau :
prononcer le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement notifié à M.[N] [F] [J]
en conséquence, condamner la société Securis à verser à M.[N] [F] [J] les sommes suivantes :
indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 7 697,25 euros
indemnité compensatrice de préavis : 3 078,98 euros
congés payés y afférents : 307,89 euros
indemnité légale de licenciement :1.828,10 euros
rappel de salaire janvier et février 2020: 2 176,46 euros
congés payés y afférents : 217,65 euros
dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail : 5 000 euros
article 700 du code de procédure civile: 2 500 euros
M.[N] [F] [J] sollicite, en outre, que soient ordonnées :
la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision
la prise en charge des éventuels dépens de l'instance par la société intimée.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 26 août 2022, la société Securis demande à la cour de :
confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a:
dit que le licenciement de M.[N] [F] [J] pour faute grave est fondé
débouté M.[N] [F] [J] de ses chefs de demandes
en effet, débouter M.[N] [F] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
condamner M.[N] [F] [J] à verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 22 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 27 février 2024.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement pour faute grave
En vertu des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste il profite au salarié.
La faute grave se définit comme étant un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.
Il convient de rappeler que les absences non autorisées ou non justifiées par des motifs légitimes constituent des manquements et que l'absence en dehors de toute autorisation de l'employeur constitue un refus volontaire de travail qui peut être qualifiée de faute grave et justifier un licenciement (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 3 juin 1998, 96-41.700, publié).
En l'espèce, l'employeur reproche au salarié d'être absent depuis le 6 janvier et de ne plus exécuter, depuis cette date, les missions stipulées dans son contrat de travail. Il rappelle les mises en demeure qui lui ont été adressées pour notamment ses absences des 6, 7 et 8 janvier 2020.
Le salarié soutient qu'il n'a pas reçu le planning de janvier et que, ce n'est qu'à la réception des mises en demeure, qu'il a pris l'attache téléphoniquement auprès de son employeur et que ce dernier lui a indiqué qu'il devait rester chez lui dans l'attente de recevoir son planning, ce qu'il a fait.
Néanmoins, il résulte des pièces que l'EURL Securis justifie l'envoi à M.[N] [F] [J] du planning de janvier 2020 par courriel du 2 janvier 2020 à 18h41 (pièces 8, 9, 11), pratique habituelle prévue dans le contrat de travail et confirmée par le salarié qui indique avoir toujours reçu ses plannings par courriel; que les photocopies produites sont suffisamment lisibles pour confirmer la date, l'heure et l'objet de l'envoi; que faute de s'être présenté à son service, la société lui a adressé une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 janvier 2020 aux fins de justifier ses absences et de reprendre le travail à compter du 15 janvier 2020 (pièce 3) et une seconde mise en demeure le 20 janvier 2020 aux fins de justifier ses absences et de reprendre le travail à compter du 24 janvier 2020 (pièce 4).
Ces mises en demeure avec des dates précises de reprise sont en contradiction avec les explications du salarié outre le fait que ce dernier n'explique pas pourquoi il ne s'est pas manifesté bien avant ces mises en demeure, n'invoquant pas être en situation de congés annuels ni en arrêt de travail.
Par ailleurs, convoqué le 28 janvier 2020 à l'entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2020, M.[N] [F] [J] va adresser un courriel le 4 février 2020 à 18h41 à son employeur lui indiquant de pas pouvoir venir au rendez vous, sans aucune autre précision ni explication (pièce 6).
M.[N] [F] [J] invoque, en tout état de cause, le non respect de l'article L3121-47 du code du travail 'A défaut de stipulations dans l'accord mentionné à l'article L. 3121-44, le délai de prévenance des salariés en cas de changement de durée ou d'horaires de travail est fixé à sept jours'.
Néanmoins, si le planning de janvier lui a été adressé moins de 7 jours avant son entrée en vigueur, pour autant il se devait d'exécuter les termes des mises à demeure précitées lui faisant injonction une première fois de se présenter le 15 janvier puis une seconde fois le 24 janvier, ce qu'il n'a pas fait de façon délibérée, sans justifier même en appel du motif de ses absences.
Le fait que M.[N] [F] [J] n'ait jamais antérieurement fait l'objet de sanction disciplinaire ne saurait atténuer la gravité de ces faits, ce d'autant que malgré deux mises en demeure, et encore aujourd'hui, il ne produit aucun justificatif de nature à expliquer ses absences, outre le fait que dans son courriel du 4 février 2020, il a clairement exprimé son refus de venir s'expliquer sur ses absences à l'occasion de l'entretien préalable, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave fondé et débouté M.[N] [F] [J] de ses demandes afférentes.
Sur la demande relative au paiement des salaires
M.[N] [F] [J] sollicite le paiement de sa rémunération de janvier et février au motif qu'aucune absence injustifiée ne saurait lui être reprochée, ce à quoi s'oppose l'EURL Securis.
Le planning ne lui ayant pas été délivré 7 jours avant sa mise en vigueur, l'EURL Securis M.[N] [F] [J] est redevable par infirmation partielle du jugement des salaires du 1er au 9 janvier inclus soit la somme de 446,93 euros et 44,69 euros de congés payés afférents, M.[N] [F] [J] devant être débouté du surplus n'ayant pas travaillé à compter du 10 janvier, il ne peut prétendre à aucune rémunération qui est la contrepartie d'un travail effectif.
Il conviendra d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt sans nécessité de prononcer une astreinte.
Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail
Il reproche à l'EURL Securis de l'avoir privé de toute fourniture de travail pour les mois de janvier et février 2020 et de toute rémunération alors même qu'il ne s'est pas présenté à son travail malgré deux injonctions, de sorte qu'il en sera débouté par confirmation du jugement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 1er février 2022 du conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt sauf en ce qu'il a débouté M.[N] [F] [J] de l'intégralité de sa demande de rappel de salaire;
Statuant à nouveau et y ajoutant;
Condamne l'EURL Securis à payer à M.[N] [F] [J] la somme de 446,93 euros et 44,69 euros de congés payés afférents au titre des salaires du 1er au 9 janvier 2020 inclus et le déboute pour le surplus;
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt sans nécessité de prononcer une astreinte;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M.[N] [F] [J] aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,