COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MAI 2024
N° RG 22/01320 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VEZU
AFFAIRE :
[S] [L]-[G]
C/
S.N.C. SOCIÉTÉ L'HÔTELIERE INTERNATIONALE DE [Localité 3] (SHIR )
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : C
N° RG : F 20/00437
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sophie BURY de
la SELEURL SOPHIE BURY AVOCAT
Me Philippe LEPEK de
la ASSOCIATION L & P ASSOCIATION D'AVOCATS
Expédition numérique et copie certifiée conforme délivrée à FRANCE TRAVAIL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [S] [L]-[G]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Sophie BURY de la SELEURL SOPHIE BURY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mathile DECLERCQ avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.N.C. SOCIÉTÉ L'HÔTELIERE INTERNATIONALE DE [Localité 3] (SHIR )
N° SIRET : 354 08 3 3 13
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Philippe LEPEK de l'ASSOCIATION L & P ASSOCIATION D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R241 - Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - substitué par Me Lauriane PEREIRA avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [S] [G] a été engagée en qualité de réceptionniste polyvalente, par la société Hôtelière Internationale de [Localité 3], selon contrat de travail à durée indéterminée du 22 mai 2013.
La société Hôtelière Internationale de [Localité 3] exerce dans le secteur des hôtels et hébergements similaires et plus précisément dans l'activité " services aux particuliers ", emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des cafés, hôtels et restaurants.
A compter du 1er juillet 2015, Mme [G] a exercé les fonctions d'assistante comptable puis, à compter du 1er janvier 2017, les fonctions de superviseure comptabilité client.
Par courrier du 15 mai 2019, Mme [G] s'est vu notifier un avertissement.
Convoquée le 13 août 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 26 août suivant, Mme [G] a été licenciée par courrier du 4 septembre 2019 énonçant une cause réelle et sérieuse.
Mme [G] a saisi, le 7 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement nul, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.
Par jugement rendu le 7 mars 2022, notifié le 23 mars 2022, le conseil a statué comme suit :
Dit que le licenciement de Mme [G] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Met les éventuels dépens à la charge de Mme [G].
Le 21 avril 2022, Mme [G] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 11 juillet 2022, Mme [G] demande à la cour de :
Annuler, infirmer ou réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [G] reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [G] de l'intégralité de ses demandes.
Statuant à nouveau, de
Fixer la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [G] à la somme de 2.341,61 euros ;
A titre principal :
Reconnaître que le licenciement de Mme [G] est nul car intervenu dans un contexte de harcèlement moral ;
En conséquence,
Condamner la société Internationale Hôtelière [Localité 3] à lui payer les sommes suivantes :
30.000 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
14.000 euros nets au titre des dommages et intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de prévention ;
A titre subsidiaire :
Qualifier le licenciement de Mme [G] en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Condamner la société Internationale Hôtelière [Localité 3] à lui verser la somme de 18.000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
Condamner la société Internationale Hôtelière [Localité 3] à lui verser la somme de 4.570,98 euros au titre du reliquat d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 457,98 euros de congés payés y afférant ;
Condamner la société Internationale Hôtelière [Localité 3] à rembourser à Pôle Emploi les allocations Pôle Emploi versées à Mme [G] en application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;
Condamner la société Internationale Hôtelière [Localité 3] au paiement de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Condamner la société Internationale Hôtelière [Localité 3] au paiement des intérêts au taux légal et à la capitalisation des intérêts ;
Ordonner la remise à Mme [G] des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 octobre 2022, la société Hôtelière Internationale de [Localité 3] demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mars 2022, par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Montmorency,
D'ores et déjà,
Juger Mme [G] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions.
En conséquence,
L'en débouter purement et simplement,
Condamner Mme [G] aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 10 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :
La salariée ne faisant état d'aucun motif présidant à une telle demande d'annulation. Cette demande sera rejetée.
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
" Madame,
Le 26 août 2019, nous vous avons reçue, dans le cadre d'un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement, avec votre supérieure hiérarchique, [P] [V], Directrice administrative et financière, en présence de [E] [C], Représentant élu du personnel, qui vous assistait.
Quels sont les faits qui justifiaient cette convocation '
Vous occupez, au sein du service finances, le poste de Superviseur Comptabilité Clients.
Le 3 décembre 2018, [P] [V] a pris ses fonctions de Directrice administrative et financière de l'hôtel, en remplacement de [Z] [N], qui a rejoint une autre société.
Par lettre datée du 15 mai 2019, nous vous avons décerné un avertissement, sanctionnant deux (2) situations qui s'étaient déroulées, le 4 avril 2019 (i), et le 23 avril 2019 (ii). Pour mémoire. (i) Le 4 avril 2019, vous avez appelé au téléphone [U] [W], Responsable restaurant, celui-ci vous a indiqué qu'étant occupé par des tâches opérationnelles, il répondrait à votre question, quand il en aurait le temps.
Constatant que vous insistiez, malgré tout, il a fini par raccrocher le téléphone.
Vous vous êtes précipitée au niveau de la cuisine pour, après avoir localisé [U] [W], qui se trouvait dans un couloir proche de la plonge, l'interpeller, en hurlant : " Je ne suis pas ton petit PD, tu ne me raccroches pas au nez ".
Le 23 avril 2019, [P] [V] vous a interrogée, pour savoir quelle était la raison pour laquelle vous aviez effectué, le 19 avril 2019, alors qu'elle n'était pas au bureau, 1h30 supplémentaire.
Les choses auraient pu (dû) en rester là, lorsque 5 août 2019, j'ai reçu un courriel de [P] [V], dans lequel celle-ci faisait un compte-rendu de l'entretien que vous aviez eu, avec elle, le 18 juillet 2019, entre 17h30 et 18h20.
L'objet de cet entretien était de faire le point, avant votre départ en congés, pour statuer sur les dossiers, en cours, et les potentielles urgences à traiter. [P] [V] vous a demandé de fermer la porte, ce que vous avez refusé, en expliquant que vous ne souhaitiez plus faire de point, avec elle, porte fermée.
Elle vous a rappelé, devant les collaboratrices présentes, que, si elle proposait que la porte soit fermée, c'était, par respect pour vous.
Devant votre obstination, l'entretien a eu lieu porte ouverte.
Une fois l'examen des dossiers effectué, [P] [V] vous a fait remarquer que votre attitude, depuis votre retour de congé maladie, n'était pas constructive, que vous étiez distante et froide avec elle.
Pour encore relever que, selon elle, il y avait " un avant " votre arrêt maladie et " un après ".
Que vous aviez changé d'attitude, à son égard, qui n'avait rien de positive, et rendait difficile les échanges et, donc, l'exécution du travail.
[P] [V], dans son courriel, donne, encore, un certain nombre d'exemples :
- vous répondez à ses questions, soit, de façon très brève, soit, en usant d'un ton inapproprié.
Lorsqu'elle vous demande, en période de clôture, sur quoi vous travaillez et quelle est votre avancée, elle obtient, pour réponse " bah je travaille. Si je suis encore ici ce n'est pas pour mon plaisir ".
Au-delà de constater que cette réponse n'est pas très constructive, sa question n'ayant qu'un but, juger du volume de travail restant à effectuer, et celui qu'elle peut, d'ores et déjà, contrôler, elle s'analyse, pour n'importe qui, comme la traduction de ce que ladite question serait " déplacée ", voire " sans intérêt ".
Pour rappel, [P] [V] est votre supérieure hiérarchique, et c'est votre réaction, comme celles que vous avez eues, les 4 et 23 avril 2019, qui est déplacée et pour aller encore plus loin, que vous n'auriez pas dû avoir.
Le 12 juillet 2019, [Y] [K], Directrice des ventes et marketing, et [P] [V] ont souhaité organiser une réunion conjointe de leurs équipes, pour traiter un point problématique, savoir, la facturation des évènements, constatant que celle-ci était, souvent, émise, tardivement.
L'ensemble des personnes concernées par la facturation étaient présentes, pour les départements F&B, Planning et Comptabilité.
L'objectif était de réfléchir sur les process, actuellement, en vigueur, pour trouver des solutions permettant d'envoyer les factures, dans un délai maximum de 48 heures.
D'après les indications de [Y] [K], l'ensemble des équipes étaient volontaires, enthousiastes et participatives, à une exception notable, vous.
[Y] [K] relève que vous étiez " très fermée ", voire, même, que votre expression était "dédaigneuse ", avant que vous preniez la parole, à la fin de la réunion, de manière très agressive, notamment, lorsque vous vous êtes adressée à [P] [V].
L'impression de [Y] [K], qu'elle mentionne, dans un courriel rédigé, après la tenue de la réunion, le 26 août 2019, est que " vous méprisiez le sujet, le souhait d'action et les points bloquant soulevés ".
Elle ajoute que votre comportement était, à ce moment-là, tout à fait inapproprié, et pas constructif, lequel a duré plusieurs " très longues minutes ", provoquant une vraie gêne dans l'assemblée.
Qu'elle s'était " retenue " d'intervenir, pour éviter d'augmenter votre agressivité, qui était, déjà, " très importante ".
C'est dans ce contexte que, le 8 août 2019, [P] [V] a adressé à notre Directeur Général, un courriel, pour lui indiquer, qu'elle était confrontée à une problématique, savoir, sa relation conflictuelle permanente avec vous, qui se manifestait par le fait :
- que vous sembliez considérer ne pas devoir lui rendre de comptes ;
- que, souvent, vous lui coupiez la parole ; que vous vous énerviez, également, concernant des sujets qui ne le méritaient pas, chaque fois que vous échangiez ; que vous ne vouliez plus que vos entretiens se fassent à porte fermée ;
- que vous vous étiez mise à la vouvoyer ; que vous vous répandiez en critique sur elle, mais aussi sur quasiment tous les collaborateurs de l'hôtel, ce qui rendait l'ambiance, particulièrement, délétère ; ce qui l'avait convaincue, qu'elle ne pourrait pas continuer à travailler, dans une telle ambiance, et avec une collaboratrice hostile, qui conteste, systématiquement, son autorité, pour conclure, que ce serait " elle ou vous ".
Prenant, évidemment, en compte la position exprimée par [P] [V], mais, pensant qu'il était, peut-être, encore possible d'aboutir à une conciliation, en accord avec notre Directeur Général, je vous ai convoquée à l'entretien préalable fixé, le 26 août 2019, en espérant que l'indication " (...) à une sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement " vous ferait réfléchir sur la situation dans laquelle vous vous trouviez, et les éventuelles conséquences de celle-ci.
Or, très rapidement, lors de l'entretien, il s'est avéré que, plutôt que de reconnaitre que vos réactions, attitudes et comportements critiqués, par votre hiérarchie, dont, je vous rappelle, qu'elle a, es qualité, vocation à les apprécier, n'étaient, peut-être pas (toujours) appropriés, vous avez relancé le débat, relativement à l'avertissement du 15 mai 2019, pour, encore, reprocher à [P] [V]: qu'elle ne s'intéressait pas à votre travail; qu'elle n'avait, jamais, fait un pas vers vous; qu'elle vous avait contesté des heures supplémentaires, alors que vous ne comptiez pas vos heures; qu'elle avait prononcé les mots " malsain " et " clan ", pour qualifier l'ambiance au sein du service; que vous vous jugiez rabaissée et même harcelée; ajoutant que vous aviez " fait une fausse couche", dans votre bureau. Vous avez, encore, expliqué, sans nier, totalement, les griefs qui vous étaient opposés, concernant votre attitude, pour résumer, que " si vous réagissiez et aviez réagi de la sorte, c'était, au regard de l'avertissement qui vous avait été décerné le 15 mai 2019 ", lequel était, selon vous, " injuste ", et " intolérable ", dès lors que [U] [W] vous avait, lui, raccroché au nez, et n'avait pas été sanctionné. [P] [V] vous a rappelé, pour le réitérer, ce qu'elle vous avait, déjà, indiqué, le 18 juillet 2019, savoir qu'" un avertissement servait à alerter, sur un comportement inapproprié, et avait, surtout, pour objectif, de (vous) permettre d'évoluer et de changer", pour confirmer, qu'elle avait ajouté, que " dans d'autres sociétés, vous auriez pu être, directement, licenciée " mais, en prenant soin de préciser, " que ce n'était pas la politique de l'entreprise". C'est en l'état de toutes ces informations, que j'ai dû mener, avec l'appui de notre Directeur Général, ma réflexion, pour savoir quelle solution nous devions adopter. Une remarque liminaire. Vous ne nous avez pas informés que vous étiez enceinte et c'est, seulement, lors de l'entretien préalable, que vous avez évoqué votre fausse-couche. Nous vous exprimons, évidemment, nos regrets, pour cette situation. Ceci-étant, il m'est, très vite, apparu, qu'il était impossible, de vous voir (re)travailler avec [P] [V], alors que, clairement, il existe, entre vous, au-delà même des motifs de conflits évoqués, une incompatibilité d'humeur, pour ne pas dire une antipathie, définitivement, installée. Dans un petit service, composé de, seulement, 4 personnes, il n'est pas possible de mettre en place une organisation qui permet à la Superviseur comptabilité client, de ne jamais avoir de contact avec la Directrice administrative et financière. [P] [V] ayant indiqué, dans son courriel du 8 août 2019, que ce serait " vous ou elle ", et à l'issue de l'entretien préalable, sa position n'ayant pas évolué (comme, d'ailleurs, la vôtre), devions-nous nous séparer d'elle ou de vous, dès lors qu'il est avéré que vous ne pourriez plus " cohabiter ", professionnellement.
[P] [V], depuis sa prise de poste, outre les qualités professionnelles qu'elle a démontrées, dans l'exercice de ses fonctions, qui sont difficiles et constituent un pivot, dans notre organisation, a développé une relation de proximité, avec tous les salariés de l'hôtel, quel que soit leur statut, avec lesquels elle a eu l'occasion de collaborer et/ou, seulement, d'échanger et a su se faire apprécier de la Direction Générale, de la Direction du groupe HYATT, et de l'Actionnaire de la Société SIHR, propriétaire de l'hôtel, ce qui n'est pas une mince affaire.
De votre côté, vous avez multiplié, ces derniers mois, les réactions inappropriées, en faisant preuve de beaucoup d'agressivité à l'égard d'un collègue ([U] [W]), mais, également, de votre supérieure hiérarchique, dont on pourrait penser que vous contestez l'autorité, mais, plus encore, le simple droit, qui est pourtant le sien, de vous demander des comptes.
Dans ces conditions, nous avons décidé que c'était vous qui deviez, dorénavant, quitter l'organisation, votre maintien en fonction n'étant plus envisageable, alors que nous souhaitons un apaisement, dans le service financier, aux fins de permettre, à chacun de ses membres, de retrouver la nécessaire sérénité à l'exercice des tâches et missions difficiles, dont ils ont la charge.
[...] ".
Sur le licenciement :
La salariée conclut à titre principal, à la nullité de son licenciement et à titre subsidiaire, à l'absence de cause réelle et sérieuse de ce dernier, ce à quoi la société s'oppose, soutenant que le licenciement est bien fondé.
Sur la nullité du licenciement
Invoquant d'une part son ancienneté et son dossier disciplinaire vierge et, d'autre part, une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé à compter de l'arrivée de sa supérieure hiérarchique, Mme [V], se matérialisant par des propagations de rumeurs à son encontre et une absence de réponses à ses courriels, la salariée soutient avoir fait l'objet de harcèlement moral, soulignant la brièveté du délai séparant l'arrivée de Mme [V] et l'engagement de la procédure de licenciement.
La société oppose l'absence de lien entre le licenciement et un quelconque harcèlement, soulevé pour les besoins de la cause, lequel ne doit pas être confondu avec le pouvoir disciplinaire de l'employeur, rappelant à ce titre l'avertissement du 15 mai 2019 dont Mme [L] [G] a fait l'objet, affirmant par ailleurs que la nature des relations antérieures de la salariée avec la direction, lesquelles étaient d'ordre amoureux ou amical, ont changé avec l'arrivée des nouvelles directrices, Mmes [V] et [K], respectivement directrice financière et directrice commerciale.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Pour établir la matérialité des faits constituant selon elle un harcèlement moral, la salariée énonce avoir subi les faits suivants :
- Des rumeurs diffusées par Mme [K], la salariée produisant, au soutien de ses allégations, les attestations suivantes :
o Une attestation de M. [X], ancien directeur adjoint des ventes : " [Mme [K]] en vient directement à me dire qu'ils ont la quasi-certitude que [S] entretient une relation avec [A] (un employé du service technique). J'ai beau lui répondre que [S] est déjà en couple et que je ne la verrai pas avoir une relation extra conjugale, elle persiste en m'expliquant qu'il y a des signes qui ne trompent pas. Elle finit enfin par me dire que pour [A] ce n'est pas un cadeau et qu'il aurait pu trouver mieux que [S] " ;
o Une attestation de Mme [I], ancienne salariée : " J'ai travaillé avec [S] pendant près d'un an et demi et je ne peux que souligner son professionnalisme et son sérieux. ['] J'ai ressenti comme un acharnement envers la personne de [S] lorsque la directrice commerciale m'a demandé en sortant d'une réunion si [S] avait un copain au sein de l'hôtel et qu'elle ne la trouvait pas physiquement à son goût. J'ai trouvé ce commentaire et cette question déplacée. "
- Un traitement vexatoire de la part de Mme [V], la salariée se prévalant de l'absence de réponse à ses courriels des 8, 12 et 29 juillet 2019 concernant ses congés ou la validation de ses heures supplémentaires ;
- Une dégradation de ses conditions de travail ayant eu un effet sur sa santé, la salariée soutenant avoir fait une fausse-couche sur son lieu de travail et produisant deux arrêts de travail pour la période du 9 mai 2019 au 7 juin 2019.
Il s'ensuit qu'à l'exception de la rumeur diffusée par Mme [K], la matérialité du traitement vexatoire invoqué par la salariée n'est pas établie puisque la salariée verse elle-même aux débats la réponse de Mme [V] qui est certes datée du 30 juillet 2019 mais qui indique que ce point a été traité lors " d'une discussion du 17/07 " (pièce n°16 de Mme [L] [G]).
La dégradation de l'état de santé de la salariée est établie sans pour autant qu'un lien avec ses conditions de travail ne soit justifié, dans la mesure où aucun certificat médical, ni aucune référence dans ses arrêts de travail (pièce n°7 de Mme [L] [G]), ne vient corroborer les allégations de la salariée sur ce point.
Dès lors, il résulte de ces constatations que, de ces faits pris dans leur ensemble, le seul fait dont la matérialité est établie est celui relatif à la rumeur initiée par Mme [K], laquelle constituant un fait unique et isolé, ne permet pas de présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à l'encontre de la salariée.
Par conséquent, la demande de la salariée tendant à la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, sera rejetée par confirmation du jugement entrepris.
Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de prévention du harcèlement moral :
La salariée affirme que la société a manqué à son obligation de prévention dans la mesure où elle n'a procédé à aucune enquête interne, n'a pas sollicité l'avis du médecin du travail et n'a pas pris soin de vérifier la réalité de la situation, préférant croire Mme [V].
La société objecte que la salariée est mal fondée en ses demandes, en ce qu'elle soutient avoir été l'objet d'un harcèlement moral et d'un manquement à une obligation de prévention.
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail; 2° des actions d'information et de formation ; 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L.1152-4 du code du travail décline cette obligation générale de sécurité pesant sur l'employeur en matière de harcèlement moral, il dispose que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
L'obligation de prévention des risques professionnels, telle qu'elle résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
Les obligations étant distinctes, la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.
En l'espèce, dans la mesure où la salariée ne soutient pas avoir dénoncé les faits qu'elle considère comme du harcèlement moral auprès de son employeur, et faute pour elle de justifier d'un préjudice quelconque au titre du manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, la demande ne peut qu'être rejetée et la décision déférée de ce chef confirmée.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :
La salariée soutient l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, au motif que les faits reprochés dans la lettre de licenciement ont déjà été sanctionnés dans la lettre d'avertissement du 15 mai 2019, invoquant le principe non bis in idem, et qu'en tout état de cause, les faits reprochés par la société ne sont ni précis, ni sérieux, ni matériellement vérifiables.
La société reprend les éléments exposés dans la lettre de licenciement, soutenant que c'est la persistance des griefs énoncés dans la lettre d'avertissement et l'avènement de deux nouvelles situations qui ont motivé le licenciement, précisant qu'au-delà des faits évoqués, une incompatibilité d'humeur entre Mme [V] et Mme [L] [G] a également motivé le licenciement de cette dernière.
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve pour ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié et matériellement vérifiables.
S'agissant du moyen relatif à la double sanction soulevé par la salariée, si la règle non bis in idem interdit de prononcer une double sanction, sauf en cas de faits nouveaux ou de réitération du même comportement, il résulte de la rédaction de l'article L. 1232-6 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Il ressort de la rédaction de la lettre de licenciement que, s'il est rappelé les faits mentionnés dans la lettre d'avertissement du 15 mai 2019, laquelle avait sanctionné deux situations qui s'étaient déroulées, le 4 avril 2019 et le 23 avril 2019, il est énoncé également deux nouvelles situations survenues le 12 juillet et le 18 juillet 2019. Par ailleurs, c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement. En l'espèce, le licenciement de la salariée est fondé, non pas sur un motif disciplinaire, mais sur un motif personnel. Au vu de ces éléments, le licenciement ne peut donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif qu'il constitue une double sanction.
S'agissant de la motivation du licenciement, il résulte de la rédaction de la lettre de licenciement que les motifs évoqués par l'employeur ne sont des manquements ni sérieux (refus de la salariée de fermer la porte lors d'un entretien avec Mme [V]), ni matériellement vérifiables (ton inapproprié de la salariée en réponse aux questions de Mme [V], attitude distante et froide avec cette dernière, incompatibilité d'humeur), ces éléments relevant d'une appréciation subjective, non probante l'employeur produisant uniquement au soutien de ses allégations un courriel datant du 5 août 2019 de Mme [V], dont les termes ont été en partie repris dans la lettre de licenciement.
Il en est de même s'agissant du manquement relatif au comportement déplacé de la salariée en réunion avec Mme [K] (expression fermée et agressive), l'employeur versant aux débats un courriel de Mme [K] du 26 août 2019, la salariée produisant une attestation de Mme [I] qui témoigne avoir été présente lors d'une réunion " avec le service comptabilité [à l'occasion de laquelle] il a été dit ([Y] [K]) que [S] avait eu un comportement agressif et déplacé, or étant également présente, je n'ai vu qu'une collègue qui partageait son avis avec respect " (pièce n°14 de l'appelante ), peu important que la société se prévale du caractère subjectif de l'attestation de Mme [I], au motif que celle-ci a été licenciée.
Dès lors, les motifs évoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement ne présentant pas de caractère sérieux et / ou n'étant pas matériellement vérifiables, le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ce, par infirmation du jugement.
Sur les conséquences du licenciement injustifié :
Au jour de la rupture, la salariée bénéficiait d'une ancienneté de 6 ans et d'un salaire de référence non contesté de 2 341,61 euros.
L'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance nº2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit, compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, et de la taille de l'entreprise, dont l'effectif est supérieur à 11 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 7 mois de salaire.
Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l'ancienneté de la salariée, des circonstances de la rupture et de sa situation, il convient d'allouer à la salariée la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
La salariée sollicite le versement d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois de salaire, ce à quoi s'oppose la société, soutenant que la salariée ayant été dispensée de l'exécution de son préavis, a été payée et est remplie de ses droits à ce titre.
Par application combinée des articles L.1221-1 du code du travail et 1353 du code civil, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du fait extinctif de son obligation relative au paiement du salaire, notamment par la production de données comptables ou bancaires, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par un salarié ne faisant pas présumer le paiement des sommes qui y figurent.
Au soutien de la preuve qui lui incombe, l'employeur soutient qu'il s'est libéré du paiement de l'indemnité de préavis, ce dont il justifie par la production aux débats des bulletins de salaire des mois de septembre, octobre et novembre 2019.
La salariée ne contestant pas expressément avoir reçu le paiement de l'indemnité, sa demande sera rejetée par ajout au jugement.
Compte tenu de l'ancienneté et de l'effectif de la société, il sera fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Sur les autres demandes :
Il sera ordonné à l'employeur de remettre à la salariée les documents de fin de contrat régularisé mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire en assurer l'exécution.
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 7 mars 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [S] [L] [G] de sa demande de dommages intérêts au titre de l'obligation de prévention.
Déboute Mme [S] [L] [G] de sa demande d'annulation du jugement entrepris,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [S] [L] [G] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Internationale Hôtelière [Localité 3] à payer à Mme [S] [L] [G] les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [S] [L] [G] de sa demande au titre du reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,
Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation France Travail, solde tout compte et certificat de travail) conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à fixation du montant d'une astreinte,
Ordonne conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des éventuelles indemnités de chômage payé au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités chômage et dit qu'une copie certifiée conforme de la
présente sera adressée à ces organismes,
Déboute les parties pour le surplus,
Condamne la société Internationale Hôtelière [Localité 3] aux entiers dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,