COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 22G
Chambre famille 2-2
ARRET N° /2024
CONTRADICTOIRE
DU 27 JUIN 2024
N° RG 21/05451 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UW5X
AFFAIRE :
[J] [F]
C/
[P] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 11 Juin 2021 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Cabinet :
N° RG : 20/00388
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le : 27.06.24
à :
Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES
TJ DE VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [F]
né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 8] (92)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42951
Me Géraldine BRASIER PORTERIE, Plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANT
****************
Madame [P] [G]
née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 11]
de nationalité Française
Chez Monsieur [O] [F]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2167035 -
Représentant : Me Christiane IMBERT-GARGIULO de la SELARL CHRISTIANE IMBERT-GARGIULO / MICKAEL PAVIA, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON, vestiaire : F1
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2024 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre,
Monsieur François NIVET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Emilie CAYUELA,
FAITS ET PROCEDURE
M. [J] [F] et Mme [P] [G] se sont mariés le [Date mariage 4] 1978 devant l'officier d'état civil [Localité 9] (78), sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.
Par jugement du 20 novembre 1998, le tribunal de grande instance de Versailles a prononcé le divorce des époux, condamné M. [F] à verser à Mme [G] une prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère mensuelle de 6.000 francs, indexée en application de l'article 276-1 alinéa 2 du code civil et commis le président de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles afin de procéder à la liquidation des droits respectifs des parties.
Un premier procès-verbal de difficultés a été établi le 20 juin 2001, à la suite duquel, par jugement du 17 septembre 2002, rectifié le 3 juillet 2003, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a notamment :
-rejeté la demande de licitation formée par M. [F],
-dit que l'actif de la communauté est constitué par le seul bien immobilier de [Localité 10], d'une valeur de 381.122,54 euros,
-ordonné l'attribution préférentielle au profit de Mme [G] du bien immobilier moyennant le paiement d'une soulte payable comptant, égale à la moitié de la valeur du bien,
-ordonné la transcription à la conservation des hypothèques compétente au nom de Mme [G] du bien immobilier ayant constitué le domicile conjugal,
-condamné Mme [G] à payer à la communauté une indemnité d'occupation du bien indivis de 1.530 euros par mois de décembre 1999 au jour du jugement,
-dit qu'il sera procédé aux opérations de partage en tenant compte d'un passif de communauté égal à la somme de 88.420 euros à l'égard de M. [F], dont sont déduites les échéances du prêt immobilier courant de décembre 1997 à novembre 1999 dues à titre de complément de pension alimentaire non acquittées et d'un passif de communauté égal à la somme de 160.071,47 euros à l'égard de Mme [G].
Par jugement rectificatif et en interprétation du 29 juin 2004, le tribunal de grande instance de Versailles a :
-dit que l'alinéa page 7 'Condamne Madame [G] à payer à la communauté une indemnité d'occupation du bien indivis de 1.530 euros de décembre 1999 au jour du présent jugement' sera remplacé par la mention : ' Condamne Madame [G] à payer à la communauté une indemnité d'occupation du bien indivis de 1.530 euros par mois de décembre 1999 jusqu'à la liquidation effective de l'indivision post-communautaire',
-fait droit à la requête en interprétation et dit que l'attribution préférentielle au profit de Mme [G] et à la transcription de celle-ci à la conservation des hypothèques du bien immobilier situé à [Localité 10] n'auront d'effet qu'après paiement par Mme [G] de la soulte égale à la moitié de la valeur du bien.
Par arrêt du 14 avril 2005, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 29 juin 2004 en sa disposition relative à l'interprétation du jugement du 17 septembre 2002 et a déclaré irrecevable l'appel du chef de la décision entreprise relatif à la rectification du jugement du 17 septembre 2002.
Par arrêt du 19 octobre 2006, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel précité. Sur renvoi et par arrêt du 16 mai 2008, la cour d'appel de Versailles nouvellement composée a infirmé le jugement du 29 juin 2004 en ses dispositions relatives à l'attribution préférentielle du bien et rejeté la demande en rectification du jugement du 17 septembre 2002.
Parallèlement, un second procès-verbal de difficultés a été établi le 15 avril 2003.
Par jugement du 28 mars 2006, le tribunal de grande instance de Versailles a notamment :
-rejeté les demandes des parties,
-rappelé l'indemnité d'occupation due par Mme [G] à compter du mois de décembre 1999 et jusqu'à la liquidation de l'indivision post-communautaire,
-renvoyé les parties devant notaire pour qu'il soit procédé à la liquidation de leurs droits respectifs.
Par arrêt du 24 mai 2007, la cour d'appel de Versailles a :
-confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'actualisation du bien immobilier dépendant de l'indivision post-communautaire attribué préférentiellement à Mme [G] et celle afférente à la déduction du montant des échéances du prêt immobilier consenti aux époux
Statuant à nouveau,
-fixé la valeur du bien immobilier à 580.000 euros,
-dit que, conformément au jugement du 17 septembre 2002, doit être déduite de la somme de 88.420 euros celle de 33.598,44 euros, montant des échéances du prêt remboursées par M. [F].
Par arrêt du 3 décembre 2008, la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt du 24 mai 2007 rendu par la cour d'appel de Versailles, seulement en ce qui concerne la déduction du montant des échéances de la somme de 88.420 euros.
Par jugement du 5 avril 2007, le tribunal de grande instance d'Avignon a suspendu, à compter du dépôt de la requête, soit du 20 octobre 2006, jusqu'à la fin des opérations de liquidation du régime matrimonial, le versement de la rente viagère mise à la charge de M. [F] au profit de Mme [G] à titre de prestation compensatoire, en invitant les parties à activer les opérations de compte, eu égard au divorce prononcé en novembre 2018.
Par arrêt du 31 octobre 2007, la cour d'appel de Nîmes a confirmé ce jugement en ses dispositions relatives à la suspension de la prestation compensatoire et débouté M. [F] de son appel incident en suppression de ladite prestation. Cet arrêt est devenu définitif.
Le 4 octobre 2019, un troisième procès-verbal de difficultés a été établi.
Par jugement du 11 juin 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de compensation judiciaire et a notamment:
-rejeté la demande de compensation judiciaire,
-déclaré prescrite la demande en paiement de l'indemnité d'occupation,
-rejeté en conséquence les demandes en fixation de soulte respectivement formulées par les parties,
-rejeté la demande de dommages intérêts de Mme [G] ,
-ordonné la poursuite des opérations de partage judiciaire des intérêts patrimoniaux de M. [F] et Mme [G] conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile,
-commis pour y procéder, Maître Olivier Tyl,
-débouté M. [F] de sa demande tendant à voir ordonné à Mme [G] de communiquer son adresse,
-débouté les parties de leurs demandes respectives formulées au titre des frais irrépétibles,
-ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,
-ordonné l'exécution provisoire.
Le 26 août 2021, M. [F] a interjeté appel de cette décision sur :
-la prescription de la créance au titre de l'indemnité d'occupation,
-le rejet des demandes de fixation de soultes,
-le rejet de sa demande de communication de l'adresse de Mme [G].
Le 30 août 2021, M. [F] a déposé une nouvelle déclaration d'appel sur les mêmes chefs de jugement.
Par ordonnance du 9 septembre 2021, les deux procédures ont été jointes.
M. [F] a soulevé un incident par conclusions du 23 mai 2022.
Par ordonnance d'incident du 10 octobre 2022, rectifiée par ordonnance du 22 juin 2022 en ce que la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état est du 24 octobre 2022 et non du 10 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles:
-s'est déclaré compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir dont M. [F] l'a saisi dans le cadre de l'incident,
-déclaré irrecevable la prétention de Mme [G] visant à «fixer le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [F] à Madame [G] au mois de février 2022 à la somme de 251.561,19 euros, à parfaire au jour du partage»,
-rejeté toute autre demande,
-condamné Mme [G] à payer à M. [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [G] aux entiers dépens de l'incident.
Le 4 novembre 2022, Mme [G] a déposé une requête afin de déféré contre cette ordonnance d'incident.
Par arrêt du 22 juin 2023, la cour d'appel de Versailles a notamment :
-rectifié l'erreur matérielle affectant l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour en ce qu'elle a été rendue le 24 octobre 2022 et non le 10 octobre 2022,
-déclaré le déféré formé par Mme [G] contre cette ordonnance recevable,
-infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 octobre 2022,
Statuant à nouveau,
-dit que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et sur ses conséquences, ni sur la recevabilité de la demande nouvelle,
-rejeté toute autre demande,
-dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés pour l'incident et le déféré.
Dans ses dernières conclusions d'appelant du 12 janvier 2024, M. [F] demande à la cour de :
' In limine litis
-DÉCLARER la Cour d'appel de Versailles incompétente au profit du Tribunal judiciaire de Nanterre pour statuer sur la demande formée par Madame [P] [G] visant à « fixer le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [F] à Madame [G] au mois de février 2022 à la somme de 251.561,19 euros, à parfaire au jour du partage ».
A titre subsidiaire,
-DÉCLARER irrecevable la demande formulée par Madame [G] visant à « fixer le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [F] à Madame [G] au mois de février 2022 à la somme de 251.561,19 euros, à parfaire au jour du partage » car se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 5 avril 2007 par le tribunal de grande instance d'Avignon et l'arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d'appel de Nîmes.
A titre infiniment subsidiaire
-DÉCLARER irrecevable, en application de l'article 564 du Code de procédure civile, la demande formulée par Madame [P] [G] à « fixer le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [F] à Madame [G] au mois de février 2022 à la somme de 251.561,19 euros, à parfaire au jour du partage ».
Sur le fond
-INFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 11 juin 2021 en ce qu'il a :
-Déclaré prescrite la demande en paiement de l'indemnité d'occupation ;
-Rejeté en conséquence les demandes en fixation de soultes respectivement formulées par les parties ;
-Débouté Monsieur [F] de sa demande de voir ordonner à Madame [G] de communiquer son adresse.
Et statuant à nouveau :
-CONDAMNER Madame [P] [G] à payer à l'indivision l'indemnité d'occupation due au titre de son occupation exclusive du bien indivis entre décembre 1999 et le 15 avril 2005 avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2005 ;
-CONDAMNER Madame [P] [G] à verser à Monsieur [J] [F] la somme de 282.051,31 euros à parfaire, au jour du partage, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2005, dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté et de l'indivision post-communautaire ;
-ORDONNER à Madame [P] [G] qu'elle communique l'adresse de son domicile,
En tout état de cause :
-CONFIRMER le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Et par conséquent :
-DÉBOUTER Madame [P] [G] l'ensemble de ses demandes plus amples et ou contraires à l'encontre de Monsieur [J] [F],
-CONDAMNER Madame [P] [G] à verser 10.000 euros à Monsieur [J] [F] en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Anne-Laure Dumeau, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions d'intimée du 7 décembre 2023, Mme [G] demande à la cour de :
'-Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Versailles du 11 juin 2021 en ce qu'il a déclaré prescrite la demande en paiement de l'indemnité d'occupation de Monsieur [J] [F]
-Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Versailles du 11 juin 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de compensation judiciaire
-Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Versailles du 11 juin 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts de Madame [G]
En conséquence
-Débouter Monsieur [J] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Madame [P] [G]
-Juger que la demande en paiement de l'indemnité d'occupation formée par Monsieur [J] [F] à l'encontre de madame [P] [G] est prescrite
-Fixer la soulte de Madame [P] [G] due à Monsieur [J] [F] à la somme de 232.078,81 euros
-Fixer le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [J] [F] à Madame [P] [G] au mois de février 2022 à la somme de 251.561,19 euros, à parfaire au jour du partage
-Ordonner la compensation judiciaire entre ces deux sommes
-Condamner Monsieur [J] [F] à payer à Madame [P] [G] une somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts
-Condamner Monsieur [J] [F] à porter et payer à Madame [P] [G] la somme de 6.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
-Condamner Monsieur [J] [F] en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2024.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de fixation de la créance de Mme [G] au titre de la prestation compensatoire
Par arrêt du 31 octobre 2007, la cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement qui a suspendu à compter du 20 octobre 2006 et jusqu'à la fin des opérations de liquidation du régime matrimonial le paiement de la rente viagère accordée à Mme [G] à titre de prestation compensatoire par le jugement de divorce.
Mme [G] demande à la cour de fixer le montant de la prestation compensatoire que lui doit M. [F] à la somme de 251.561,19 euros arrêtée au mois de février 2022, à parfaire au jour du partage.
M. [F] demande à la cour de se déclarer incompétente pour connaître de cette demande au motif que les questions relatives à la prestation compensatoire et à ses modalités de paiement relèvent exclusivement du juge aux affaires familiales en vertu de l'article L 213-3 du code de l'organisation judiciaire.
A titre subsidiaire, il invoque l'irrecevabilité de cette demande. Il fait valoir que celle-ci se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 28 août 2007 qui a suspendu le paiement de la rente viagère jusqu'à la fin des opérations de liquidation, soit à une date qui n'est pas encore survenue. Il soutient que la créance n'est donc pas exigible.
Il indique également que cette demande nouvelle fait peser sur lui le risque de voir fixer à son encontre, par une décision de justice définitive et en violation du double degré de juridiction, une créance de 251 561,79 euros, alors que sa propre situation a changé depuis qu'il a pris sa retraite en 2011, de sorte que la créance de Mme [G] ne peut être fixée sur la base du montant de la rente initialement fixé, sans le priver de la possibilité d'en demander la modification auprès du juge aux affaires familiales postérieurement aux opérations de liquidation.
A titre infiniment subsidiaire, il fait valoir que la demande est nouvelle en cause d'appel et à ce titre irrecevable et qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande de compensation judiciaire formulée en première instance, dont elle n'est ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Il estime également que la créance invoquée est une créance personnelle, étrangère aux opérations d'établissement des comptes entre les parties.
En l'espèce, la demande de Mme [G] ne constitue pas une demande de modification de la prestation compensatoire relevant des dispositions de l'article 276-4 du code civil, mais une demande de fixation de sa créance au titre de la prestation compensatoire en vue de parvenir à la liquidation laquelle englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux, la créance au titre de la prestation compensatoire n'échappant pas à cette règle. La décision de suspension du versement de la rente jusqu'à la fin des opérations de liquidation ne peut avoir pour effet de reporter à une date postérieure à la liquidation la fixation de la créance.
La cour statuant dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux est donc compétente pour connaître de la demande de Mme [G] tendant à la fixation de sa créance.
M. [F] rappelle que l'intimée n'avait demandé en première instance que la compensation entre la créance de prestation compensatoire qu'elle n'avait pas chiffrée et celle résultant de l'indemnité d'occupation, de sorte que sa demande formée pour la première fois en appel est irrecevable.
Néanmoins, cette demande tend aux mêmes fins puisqu'il s'agit d'obtenir la compensation entre deux créances. La demande de Mme [G] en appel est donc recevable.
Par ailleurs, la révision de la rente viagère ne produisant effet qu'à compter de la demande en justice, le montant de la créance au titre des arriérés n'est pas susceptible d'être modifié rétroactivement depuis 2011, l'appelant admettant n'avoir engagé aucune action devant le juge aux affaires familiales afin d'obtenir la révision du montant de la rente.
Mme [G] produit aux débats un calcul d'arriérés de la rente viagère d'un montant en principal de 207 569,58 euros qui n'est pas contesté par l'appelant. Il y a donc lieu de fixer la créance de Mme [G] au titre des arriérés de prestation compensatoire à ce montant, hors les intérêts de retard qui ne sont pas dus en raison de la suspension judiciaire de l'obligation de paiement, ainsi que l'indique justement M. [F] ( page 15 §7 de ses conclusions).
Ces dispositions complèteront le jugement.
Sur la créance au titre de l'indemnité d'occupation
M. [F] conclut à l'infirmation du jugement qui a dit sa demande de créance au titre de l'indemnité d'occupation due par Mme [G] prescrite. Il sollicite la condamnation de Mme [G] à verser à l'indivision la somme de 98 685 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2005 correspondant à l'indemnité d'occupation due pour sa jouissance privative du bien indivis de décembre 1999 au 15 avril 1995, date à laquelle elle a vendu le bien.
Il soutient que la prescription a été interrompue par un procès-verbal de difficulté du 20 juin 2001 puis par celui du 15 avril 2003, l'interruption poursuivant ses effets tout le temps de l'instance de partage.
A titre subsidiaire, il fait valoir que la prescription a été interrompue par la requête conjointe des parties en vue du remplacement du notaire en date du 24 octobre 2017.
A titre infiniment subsidiaire, il demande à la cour de constater qu'il a été dans l'impossibilité d'agir compte tenu de la carence des notaires successifs malgré ses demandes réitérées pour qu'il soit procédé aux opérations de partage et de l'absence de Mme [G] lors des diverses réunions chez les notaires successivement désignés.
Mme [G] conclut à la confirmation du jugement de ce chef. Elle fait valoir que la créance au titre de l'indemnité d'occupation est prescrite depuis le 19 juin 2018 par application des dispositions de l'article 111-4 du code des procédures civiles d'exécution. Elle indique également que M. [F] ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription depuis le 15 mai 2008, date de la dernière décision de la cour d'appel de Versailles mentionnant l'indemnité d'occupation. Elle soutient enfin que chacun des procès-verbaux de difficulté établi par notaire a donné lieu à une instance qui a mis fin à l'interruption du délai de prescription de sorte que M. [F] ne peut prétendre que la même instance est en cours depuis 2001 pour justifier l'absence d'acte interruptif de prescription.
Selon l'article 815-9 alinéa 2 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise, est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
Selon l'article 815-10 alinéa 2 et 3 du code civil, les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise. Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être. Cette prescription s'applique à l'indemnité d'occupation.
Selon l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Le procès-verbal dressé par un notaire contenant une demande d'indemnité d'occupation interrompt la prescription. Cette prescription produit ses effets pendant la durée de l'instance en partage (Cour de cassation, 1ère Civ., 7 février 2018, n° 16-28.686)
Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, un créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution d'un jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, mais il ne peut, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande, et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement avait été obtenu (Cour de cassation, 1ère Civ., 8 juin 2016, pourvoi n° 15-19.614).
En l'espèce, un jugement définitif du 17 septembre 2002 a fixé l'indemnité d'occupation due par Mme [G] au titre de l'occupation privative du bien indivis à la somme mensuelle de
1 530 euros à compter du mois de décembre 1999 jusqu'au jour de ce jugement. Cette décision a été rectifiée par jugement du 29 juin 2004 qui a précisé que l'indemnité d'occupation est due à compter de décembre 1999 jusqu'à la liquidation effective de l'indivision post-communautaire.
Elle s'incorpore au jugement rectifié qui n'a pas été modifié par les décisions postérieures.
Mme [G] a vendu le bien le 15 avril 2005, mettant fin à sa jouissance exclusive.
La prescription a été interrompue pendant l'instance de partage qui est toujours en cours, par le procès-verbal de difficulté du notaire du 15 avril 2003 qui comporte en page 5 la demande de M. [F] au titre de l'indemnité d'occupation, soit dans le délai de 5 ans du jugement du 17 septembre 2002. Dans cet acte, Mme [G] se reconnaît débitrice de l' indemnité d'occupation.
Par conséquent, Mme [G] est débitrice envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de décembre 1999 au 15 avril 2005 d'un montant de : 1 530 euros 64,5 mois x = 98 685 euros.
Cette somme sera portée à l'actif de l'indivision post communautaire. Il n'y a pas lieu à condamnation dès lors que cette opération ne relève pas d'une action en paiement mais de l'établissement des comptes liquidatifs.
Le jugement est infirmé de ce chef.
S'agissant d'une créance de l'indivision figurant au compte d'indivision et non exigible, il n'y a pas lieu de l'assortir de l'intérêt au taux légal.
Sur les demandes de fixation de la soulte due par Mme [G] et sa demande de compensation de Mme [G]
M. [F] demande de condamner Mme [G] à lui payer une soulte de 282 051,31 euros à parfaire au jour du partage, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2005.
Mme [G] reconnaît devoir à son ex époux la somme de 232 708,81 euros à titre de soulte suite à la vente du bien indivis le 14 avril 2005. Elle demande que soit ordonnée la compensation entre cette somme et celle que lui doit son ex époux au titre des arriérés de la rente viagère, soit la somme de 251 561,19 euros.
Il n'appartient pas à la cour statuant sur les désaccords entre les parties à l'occasion des opérations liquidatives, d'établir les comptes entre elles et de déterminer le montant de la soulte en résultant, ce qui relève du notaire désigné, de sorte que les demandes des parties concernant la fixation de la soulte due par Mme [G] sont rejetées.
En outre, il ne peut être fait droit à la demande de compensation de Mme [G] entre la créance qu'elle détient contre M. [F] au titre des arriérés de la rente de prestation compensatoire et la dette dont elle est redevable envers l'indivision au titre de l'indemnité d'occupation, n'ayant pas la qualité de créancière et de débitrice à l'égard d'un même indivisaire.
Les parties sont donc déboutées de leurs demandes respectives de fixation de soulte due par Mme [G] et de compensation.
Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [G]
Mme [G] sollicite la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil en réparation du préjudice résultant de son refus de finaliser la liquidation du régime matrimonial.
Pas plus qu'en première instance, elle ne motive en fait cette demande. C'est par des motifs exacts que la cour adopte que le premier juge l'a déboutée de cette demande en rappelant que le refus de signer l'acte liquidatif n'était pas à lui seul constitutif d'une faute alors que les circonstances complexes du partage ont donné lieu à plusieurs décisions de justice et que les points de désaccord étaient réels.
Le jugement qui a débouté Mme [G] de sa demande est confirmé de ce chef.
Sur la demande de communication de son adresse par Mme [G]
M. [F] demande qu'il soit ordonné à Mme [G] de faire connaître son adresse personnelle.
Mme [G] s'y oppose.
Mme [G] s'est domiciliée chez son fils [Adresse 5] à [Localité 7] en première instance comme en appel.
M. [F] ne justifie par aucun moyen de preuve de l'inexactitude de cette domiciliation.
Sa demande est rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens de l'instance seront réglés en frais privilégiés de partage.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, après débats en chambre du conseil :
INFIRME partiellement le jugement rendu le11 juin 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles.
Statuant à nouveau,
FIXE la créance de l'indivision contre Mme [P] [G] au titre de l'indemnité d'occupation pour la période de décembre 1999 au 15 avril 2005 à la somme de 98 685 euros.
Y ajoutant
FIXE la créance de Mme [P] [G] à l'encontre de M. [J] [F] au titre de la prestation compensatoire due depuis le 20 octobre 2006 jusqu'au mois de février 2022 à la somme de 207 569,58 euros à parfaire au jour du partage.
CONFIRME le jugement pour le surplus.
REJETTE toute autre demande.
RENVOIE les parties devant le notaire pour l'établissement de l'acte liquidatif et de partage.
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Madame Jacqueline LESBROS, présidente de chambre et par Madame Charlène TIMODENT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE