COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 48C
Chambre civile 1-8
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 28 JUIN 2024
N° RG 23/05879 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBH2
AFFAIRE :
[F] [G] [Y]
[E] [G]
...
C/
CRAMIF
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section : SUREND
N° RG : 11-22-1519
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Toutes les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F] [G] [Y]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentée par Me Sandra SALVADOR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 231
Monsieur [E] [G]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représenté par Me Sandra SALVADOR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 231
APPELANTS - non comparants
****************
CRAMIF
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.A. [11]
Service surendettement
Prêts véhicules
[Adresse 1]
[Localité 4]
POLE EMPLOI IDF
[Adresse 3]
[Localité 7]
Madame [T] [S]
[Adresse 6]
[Localité 8]
INTIMES - non comparants, non représentés
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2024, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l'instruction de l'affaire et du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle CHESNOT, présidente,
Madame Lorraine DIGOT, conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, conseillère,
Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 25 octobre 2021, M. et Mme [G] ont saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise, ci-après la commission, d'une demande de traitement de leur situation de surendettement, qui a été déclarée recevable le 16 novembre 2021.
La commission leur a notifié, ainsi qu'à leurs créanciers, sa décision du 26 juillet 2022 d'imposer des mesures consistant en un rééchelonnement du paiement des créances sur une durée de 36 mois et une réduction du taux des intérêts des créances rééchelonnées au taux maximum de 0,76% l'an, en retenant une capacité mensuelle de remboursement de 485 euros.
Statuant sur le recours de M. et Mme [G], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement rendu le 10 juillet 2023, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré le recours recevable,
- rejeté la demande d'actualisation de sa créance par Pôle emploi,
- rejeté la demande d'intégration de deux créances de la CPAM,
- constaté que la créance de Mme [T] [S] est éteinte,
- fixé les mesures de redressement de la situation de M. et Mme [G] ainsi qu'il est prévu au tableau présenté par la commission le 26 juillet 2022 hormis le montant prévu pour la créance de Mme [S].
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée par leur conseil le 31 juillet 2023, M. et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement, notifié par lettres recommandées dont les avis de réception ont été signés le 13 juillet 2023.
Toutes les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l'audience du 17 mai 2024, par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception postées le 20 décembre 2023.
* * *
A l'audience devant la cour,
M. et Mme [G] sont représentés par leur conseil qui, développant oralement ses conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme la greffière, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant de nouveau, de :
- à titre principal, prononcer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,
- à titre subsidiaire, ramener la mensualité à de plus justes proportions.
La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, le conseil des appelants expose et fait valoir que la situation de M. et Mme [G] s'est dégradée depuis son examen par la commission, qu'en outre certaines charges n'ont pas été prises en compte, que leur loyer mensuel est de 574,16 euros et non 474 euros, que la cotisation au titre de leur mutuelle de 54,75 euros par mois n'a pas été comptabilisée, que les cotisations dues au titre de leurs assurances automobile et habitation de 59,87 euros par mois et leurs factures d'énergie et d'abonnement internet-téléphonie n'ont pas été prises en compte, que leur fille est certes majeure mais poursuit des études en psychologie et est donc encore à leur charge, que leurs charges mensuelles s'élèvent ainsi à la somme de 2 412,33 euros par mois, forfait de base inclus, qu'en outre, Mme [G] est désormais retraitée, que le montant total de ses pensions de retraite est de 914,29 euros par mois, que celui des pensions versées à M. [G] est de 1 456,23 euros par mois, que les revenus du couple dont donc de 2 370,54 euros par mois, que deux créances de la CPAM d'un montant de 1 123,17 euros et 1 450,55 euros se sont ajoutées à leur passif, que le premier juge a refusé de les prendre en considération alors qu'elles sont dues.
Aucun des intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n'est représenté.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Compte tenu des limites de l'appel, il n'y a pas lieu de statuer sur les dispositions du jugement relatives à la recevabilité du recours qui conservent leur plein effet.
Les dispositions de l'article R. 713-4 du code de la consommation relatives à la dispense de comparution en première instance ne s'appliquent pas à la procédure d'appel. Dès lors, selon les dispositions combinées des articles R. 713-7 du code de la consommation et 946 du code de procédure civile, il ne peut être tenu compte des courriers adressés par la société [12] pour la société [11] à défaut de comparution ou d'organisation préalable des échanges par la cour.
Sur le passif
Les époux [G] ont fait connaître l'existence de deux nouvelles créances en indiquant que la créancier était la CPAM.
En réalité, les pièces justificatives produites pour en justifier (n° 14 et 15 de leur dossier) permettent d'établir qu'il s'agit de créances à l'égard de la CRAM d'Ile-de-france (CRAMIF).
En application de l'article L. 733-12 alinéa 3 du code de la consommation, par l'effet de la contestation des mesures imposée par la commission, le premier juge comme la cour d'appel sont investis de la mission de traiter l'ensemble de la situation de surendettement du débiteur et ne peut écarter les créances survenues postérieurement à la décision de la commission alors qu'ils ont la faculté de procéder à l'appel des créanciers.
Il ressort des pièces aux débats que la CRAMIF est déjà partie à la procédure, l'une desdites créances ayant été déclarée au passif à savoir celle référencée sous le 2100004384 26 pour un montant de 1450,55 €.
L'intégration de la seconde créance référencée sous le n° 2000002519 32 pour un montant de 1123,17 € s'analyse donc comme une simple actualisation de sa créance laquelle est possible à tous les stades de la procédure.
La CRAMIF a été convoquée par le premier juge comme par la cour d'appel et a fait le choix de ne pas comparaître ou être représentée. Le principe du contradictoire a été respecté.
Dans ces conditions, il convient d'intégrer au passif admis à la procédure la créance de 1123,17€.
En l'absence de contestation sur la validité et le montant des autres créances, le passif admis à la procédure sera donc arrêté à la somme totale de 16 586,33 €.
Le jugement sera par conséquent réformé quant à au montant du passif.
Sur les mesures de redressement
Selon l'article L. 733-13 du code de la consommation, le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10, prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.
Il y a lieu de rappeler que pour faire application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4 du code de la consommation, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, aux termes des articles R. 731-1 à R. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.
La part des ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2.
Le budget 'vie courante' est déterminé selon trois modalités : le montant réel (sur la base de justificatifs) pour le loyer, les impôts, les frais de garde et de scolarité, la mutuelle santé ainsi que les pensions alimentaires versées), le montant réel dans la limite d'un plafond déterminé par chaque commission pour les frais de transport professionnel, et selon un barème forfaitaire en fonction de la composition de la famille pour les dépenses de la vie courante (alimentation, habillement, chauffage, autres dépenses ménagères, assurances).
Le reste à vivre s'impose à la commission, comme au juge en cas de contestation, qui doit vérifier, même d'office, que le débiteur dispose de la part des ressources nécessaire aux dépenses courantes du ménage au jour où il statue. Il est ainsi impossible pour le débiteur d'accepter un plan qui prévoit un montant des remboursements excédant la quotité disponible de ses ressources.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, que M. et Mme [G] disposent de ressources mensuelles réparties comme suit :
- pensions de retraite de M. [G] : 1 456,25€
- pension de retraite Mme [G] : 937,09 €
Les ressources globales de M. et Mme [G] s'établissent donc à la somme de 2 393,34 € par mois.
Si M. et Mme [G] justifient que leur fille, âgée de 20 ans, poursuit des études à l'Université [13], il résulte de leur dernier avis d'imposition sur les revenus établi en 2023, que celle-ci n'est pas rattachée fiscalement à leur foyer mais qu'ils déclarent le versement d'une pension alimentaire de 3 786 euros.
Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée qu'elle vit à leur domicile et peut, comme telle, être considérée comme personne à charge.
En revanche, le montant de la pension alimentaire sera pris en considération au titre de leurs charges.
Ainsi, la part des ressources mensuelles de M. et Mme [G] à affecter théoriquement à l'apurement de leur passif, en application des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail, serait de 324,63 € par mois, étant précisé que le calcul de cette quotité saisissable doit se faire individuellement et non sur la base des revenus cumulés du couple.
Toutefois, le juge comme la commission doivent toujours rechercher la capacité réelle de remboursement du débiteur eu égard à ses charges particulières.
Le montant des dépenses courantes des époux [G] doit être évalué, au vu des pièces justificatives produites et des éléments du dossier, de la façon suivante :
- loyer : 556,35 €
- mutuelle : 54,75 €
- pension alimentaire : 315,50 €
- part des frais réels excédant le forfait habitation : 139,45 €
Les autres postes de charges forfaitisés selon le barème appliqué par la commission permettent de couvrir les dépenses réelles justifiées de la famille, au prix d'une gestion budgétaire rigoureuse, à savoir':
- forfait habitation : 161 €
- forfait alimentation, hygiène et habillement : 844 €
- forfait chauffage : 164 €
Total: 2 235,05 €
La différence entre les ressources et les charges est donc de 158,29 € (2393,34 - 2235,05 ).
Dans ces conditions, il convient de fixer la capacité mensuelle maximale de remboursement de M. et Mme [G] à la somme de 158,29 € qui n'excède pas le montant de la quotité saisissable de leurs ressources (324,63 €), ni la différence entre leurs ressources mensuelles et le revenu de solidarité active dont ils pourraient disposer (1440,38€), et laisse à leur disposition une somme de 2 235,05 € qui leur permet de faire face aux dépenses de la vie courante et est supérieure au montant forfaitaire du revenu de solidarité active.
Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de voir prononcer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire laquelle suppose la constatation préalable de l'absence de capacité de remboursement.
En revanche, la contribution au paiement des dettes étant inférieure à celle fixée par le premier juge, il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce montant et d'ordonner de nouvelles mesures de rééchelonnement du paiement des créances.
Pour en faciliter l'exécution et afin de ne pas aggraver l'endettement de M. et Mme [G], le taux des intérêts des créances inscrites au plan sera réduit à 0 % et l'effacement du solde restant dû à l'issue du plan sera prononcé, la situation financière des débiteurs ne leur permettant pas d'apurer tout leur passif dans un délai de 84 mois.
Le tableau des mesures imposées par la cour sera annexé au présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 10 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable et constaté l'extinction de la créance de Mme [T] [S] ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe après vérification et pour les besoins de la procédure de surendettement, la créance de la CRAMIF à la somme totale de 2 573,72 euros soit 1 123,17 euros au titre de la créance référencée sous le n° 2000002519 et 1450,55 euros au titre de la créance référencée sous le 2100004384 26,
Confirme en intégralité les autres créances déclarées au plan d'apurement,
Arrête le passif admis à la procédure à la somme totale de 16 586,33 euros,
Fixe la capacité mensuelle de remboursement de M. [E] [G] et de Mme [F] [Y] épouse [G] à la somme maximale de 158,29 euros,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,
Dit que le nouveau plan de mesures imposées accordé à M. [E] [G] et de Mme [F] [Y] épouse [G] pour une durée de 84 mois sera annexé au présent arrêt,
Dit que le taux d'intérêt des créances rééchelonnées sera de 0 % jusqu'à complet apurement,
Prononce, sous réserve de la parfaite exécution du plan jusqu'à son terme, l'effacement des soldes demeurant débiteurs à l'issue,
Dit que les versements effectués au profit de l'un ou l'autre des créanciers depuis la fixation de l'état des créances par la commission de surendettement ou le prononcé du jugement déféré, qui n'ont pas déjà été pris en compte dans le présent arrêt, s'imputeront sur le solde restant dû en fin de plan pour les créances donnant lieu à effacement partiel ou sur les dernières échéances dues aux créanciers bénéficiaires de ces règlements en réduisant d'autant la durée de remboursement,
Dit que, sauf meilleur accord, la première mensualité sera payable au plus tard dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt, et les suivantes tous les 10 du mois, étant entendu qu'il appartiendra à M. [E] [G] et de Mme [F] [Y] épouse [G] de prendre contact avec leurs créanciers pour mettre en place des mesures de paiement conformes au présent plan au profit de chacun,
Rappelle que les dispositions du présent arrêt se substituent à tous les accords antérieurs qui ont pu être conclus entre M. [E] [G] et de Mme [F] [Y] épouse [G], d'une part, et les créanciers, d'autre part, et que ces derniers doivent donc impérativement suspendre tous les prélèvements qui auraient été prévus pour des montants supérieurs à ceux fixés par cet arrêt et ne peuvent exiger le paiement d'aucune autre somme,
Rappelle que les cessions des rémunérations et mesures d'exécution, sont suspendues pendant l'exécution du plan, et que les mesures d'exécution déjà engagées doivent être suspendues,
Dit qu'à défaut de paiement d'un seul acompte à son échéance et quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée infructueuse, M. [E] [G] et de Mme [F] [Y] épouse [G] seront déchus des délais accordés, l'intégralité des sommes restant dues aux créanciers concernés deviendra exigible et les intérêts et éventuellement les pénalités reprendront leur cours conformément au titre fondant la créance,
Rappelle que pendant l'exécution des mesures de redressement, M. [E] [G] et de Mme [F] [Y] épouse [G] ne doivent pas contracter de nouvelles dettes, sous peine d'être déchus du bénéfice de la présente décision,
Rappelle qu'en cas de survenance d'un événement nouveau dans la situation personnelle et financière du des débiteurs, ce compris un retour significatif à meilleure fortune pendant la durée d'exécution des mesures il leur appartient de saisir à nouveau la commission de surendettement des particuliers en vue d'un réexamen de leur situation,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à chacune des parties par lettre recommandée avec avis de réception et que copie en sera adressée à la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle CHESNOT, présidente, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, faisant fonction, La présidente,