COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 63B
DU 02 JUILLET 2024
N° RG 22/04797
N° Portalis DBV3-V-B7G-VKPD
AFFAIRE :
[U], [N] [F]
C/
[D] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 18/01411
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Karine LEVESQUE,
-Me Eloïse FOLLIAS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [U], [N] [F]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 9] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Chez [7]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Karine LEVESQUE, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 488
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000895 du 22/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT
****************
Maître [D] [X]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Eloïse FOLLIAS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 332
Me Dan KEINAN substituant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R167
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Pascale CARIOU, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Par décision du 23 mai 2016 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris, M. [X], avocat, a été désigné au titre de l'aide juridictionnelle pour assister M. [F] dans une procédure d'appel à l'encontre d'un jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Meaux le 6 février 2014 ayant validé une saisie-attribution et une saisie conservatoire pratiquées à son encontre.
Par arrêt du 27 avril 2017, la cour d'appel de Paris a, après cantonnement des créances, confirmé cette décision.
Par arrêt du 4 octobre 2018, cette même cour a débouté M. [F] de sa requête en rectification d'erreur matérielle et en omission de statuer à l'encontre de cet arrêt.
Estimant que M. [X] avait commis des fautes dans l'exercice de sa mission, M. [F] l'a fait assigner, par acte introductif d'instance du 19 septembre 2017, devant le tribunal d'instance de Paris, sur le fondement des articles 1147 et 1382 du code civil, aux fins de voir reconnaître sa responsabilité civile professionnelle et obtenir réparation des préjudices dont il se prévaut.
Par jugement du 18 décembre 2017, le tribunal d'instance de Paris du 1er arrondissement a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement contradictoire rendu le 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Déclaré M. [D] [X] irrecevable en sa demande de condamnation de M. [T] [F] en paiement d'une amende civile ;
- Débouté M. [T] [F] de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de M. [D] [X] ;
- Débouté M. [D] [X] de sa demande d'injonction et de communication de pièces ;
- Débouté M. [D] [X] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- Débouté M. [T] [F] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- Rejeté la demande de M. [D] [X] au titre des frais irrépétibles ;
- Condamné M. [T] [F] aux dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
M. [F] a interjeté appel de ce jugement le 19 juillet 2022 à l'encontre de M. [X].
Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2023, il demande à la cour de :
Vu les articles 1240 et suivants du code civil.
- Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté ses demandes,
Statuant à nouveau,
- Juger que M. [X], avocat, a commis des fautes professionnelles dans l'accomplissement de son mandat,
- Condamner M. [X], avocat, à lui payer les sommes suivantes :
- 11 900 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le paiement des sommes lui revenant,
- 380 euros au titre des frais supportés par l'intervention d'un avocat dans le cadre d'honoraires libres pour déposer une requête en rectification d'erreur matérielle et omission de statuer,
- 500 euros dont il a été condamné à payer aux adversaires en exécution de l'arrêt du 4 octobre 2018,
- 3 000 euros au titre du préjudice moral,
- Condamner M. [X] au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
- Condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2023, M. [X] demande à la cour de :
Vu les articles 31, 32, 35, 122, 124, 125 du code de procédure civile
Vu les articles 37 et 43 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 20 janvier 2022, en ce qu'il a :
« Débouté M. [T] [F] de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de M. [D] [X] ;
Débouté M. [T] [F] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamné M. [T] [F] aux dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle. »
En conséquence,
- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de 30 000 euros de M. [F], formulée pour la première fois en cause d'appel au titre « de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir gain de cause de l'ensemble de ses demandes ».
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Reconventionnellement :
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 20 janvier 2022, en ce qu'il a :
« Déclaré M. [D] [X] irrecevable en sa demande de condamnation de M. [T] [F] en paiement d'une amende civile ;
Débouté M. [D] [X] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Rejeté la demande de M. [D] [X] au titre des frais irrépétibles. »
En conséquence,
- Condamner M. [F] à lui verser la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner M. [F] à 5 000 euros d'amende civile ;
- Condamner M. [F] à lui verser la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de la présente procédure d'appel.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 mars 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Le jugement est critiqué en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande d'injonction et de communication de pièces. Cette disposition est devenue irrévocable.
Sous cette réserve, l'affaire se présente donc comme en première instance, chaque partie reprenant les moyens exposés devant le premiers juges.
Sur les fautes reprochées à M. [X]
Sur les conclusions déposées devant la cour d'appel de Paris
Le tribunal a estimé qu'il était établi que les conclusions déposées devant la cour d'appel de Paris étaient bien celles que M. [X] avait préalablement soumises à son client.
Moyens des parties
M. [F] soutient comme en première instance et avec les mêmes explications, que M. [X] aurait déposé des conclusions sans les lui avoir soumises au préalable.
Il affirme que les dernières conclusions dont il a eu connaissance demandaient la condamnation de son adversaire aux dépens sur le fondement de l'article 37 de la loi de 1991. La cour ayant répondu à cette demande au visa de l'article 699 du code de procédure civile, il en déduit que M. [X] a transmis, sans les lui soumettre, de nouvelles conclusions.
M. [X] maintient que les conclusions transmises à la cour sont bien celles dont M. [F] a eu connaissance.
Appréciation de la cour
L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que ' ( ...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide '.
Cet article est donc le pendant de l'article 700 du code de procédure civile qui énonce ' Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; ( ...) '.
La partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle n'est pas recevable à demander une somme au titre de cet article. Elle doit présenter une demande au visa de l'article 37 de la loi de 1991 précité.
L'article 699 du même code dispose de son côté que ' Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision '.
Il porte donc sur ce qui est communément appelé la ' distraction des dépens '.
Le fait que la cour d'appel de Paris ait dit que les dépens ' pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ', autorisant en cela la 'distraction des dépens ', n'implique donc nullement que M. [X] ait notifié des conclusions sans avoir soumis à son client des modifications qu'il y aurait apportées, notamment quant au fondement de ses demandes au titre des frais irrépétibles.
C'est donc à bon droit, par des motifs exacts que la cour adopte pour le surplus, que le tribunal a estimé qu'aucune faute n'était établie à l'encontre de M. [X] à ce titre.
Sur le refus de plaider l'affaire devant la cour d'appel
Le tribunal a estimé que rien ne démontrait que M. [X] avait procédé au dépôt de son dossier devant la cour sans même plaider l'affaire.
Moyens des parties
M. [F] maintient que M. [X] a commis une faute en procédant simplement au dépôt de son dossier sans la plaider. Il en veut pour preuve un échange de mails avec son conseil dans lesquels celui-ci indique ' ce sera un dépôt '
M. [X] soutient que les énonciations de l'arrêt démontrent que l'affaire a été plaidée devant la cour.
Appréciation de la cour
Il appartient à M. [F] de démontrer que M. [X] n'a pas, contrairement aux instructions qu'il lui avait transmises, présenté d'observations orales.
Il ne peut être tiré aucune conclusion de l'intention exprimée la veille de l'audience par M. [X] de procéder à un dépôt, d'autant qu'après cet échange de mails houleux, M. [F] a écrit à son avocat ' Vous recevrez une assignation à comparaître pour fautes professionnelles comme je vous ai, promis ', ce qui ne pouvait qu'inciter M. [X] à présenter des observations, mêmes brèves, à la cour.
Inversement, on ne peut rien déduire de la mention portée sur l'arrêt ' L'affaire a été débattue le 23 février 2017, en audience publique, devant la cour composée de ( ...) qui en ont délibéré '.
Cette mention qui figure sous tous les arrêts peut signifier que l'une des parties a présenté des observations, ou bien les deux ou bien aucune.
S'agissant d'une procédure écrite, il n'est jamais précisé si la ou les parties ont présenté des observations, au contraire des procédures orales où il est effectivement indiqué que ' X' a été entendu en sa plaidoirie (ou ses observations).
Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal constatant l'absence de preuve d'un simple dépôt de dossier de la part de M. [X], alors que celui-ci avait expressément demandé à son avocat de présenter des observations orales, a estimé que la faute imputée à celui-ci n'était pas établie.
La cour observe au demeurant que M. [F] n'a pas demandé la communication des notes d'audience, ce qui aurait pu lui permettre d'apporter la preuve attendue.
Sur l'absence de requête en omission de statuer et rectification d'erreur matérielle
Le tribunal a considéré que si le refus de M. [X] de présenter une requête en omission de statuer et en rectification d'erreur matérielle à la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 27 avril 2017 était susceptible de caractériser une faute, il n'avait pas porté préjudice à M. [F] puisque la cour, finalement saisie de ces demandes par un autre conseil, les a ultérieurement rejetées.
Moyens des parties
M. [F] poursuit l'infirmation du jugement au motif qu'il a été tenu de trouver un nouveau conseil hors aide juridictionnelle pour présenter ces demandes et qu'il a dû supporter des honoraires à ce titre.
M. [X] maintient que sa désignation au titre de l'aide juridictionnelle ne couvrait pas les éventuelles demandes en omission de statuer ou rectification d'erreur matérielle et qu'en tout état de cause, les demandes finalement présentées ont été intégralement rejetées.
Appréciation de la cour
Contrairement à ce que soutient M. [X], les demandes en rectification d'erreur matérielle et en omission de statuer ne donnent pas lieu à une procédure distincte et autonome pour laquelle il conviendrait d'obtenir une nouvelle désignation au titre de l'aide juridictionnelle.
M. [X] ne pouvait donc pas, au motif que sa désignation avait pris fin le jour où la cour d'appel a rendu son arrêt, refuser de déposer une requête en omission de statuer ou rectification d'erreur matérielle au motif que sa mission prenait fin le jour où la cour d'appel de Paris a rendu son arrêt.
En revanche, il est du devoir de l'avocat, et de sa responsabilité, de conseiller son client sur les démarches à entreprendre pour faire valoir ses intérêts et inversement de l'informer sur les risques qu'il encourt à poursuivre une procédure vouée à l'échec (condamnation pour procédure abusive, au titre des frais irrépétibles, retrait de l'aide juridictionnelle, amende civile).
Or, en l'espèce, ainsi que l'a relevé le tribunal, la cour d'appel finalement saisie de ces demandes par un autre conseil les a rejetées pour des motifs qui démontrent qu'elles n'avaient manifestement aucune chance d'aboutir. En effet, dans son arrêt du 4 octobre 2018, elle a constaté que la première requête ne pouvait prospérer car elle tendait en réalité, non à réparer une omission de statuer, mais à modifier la décision prise par la cour.
S'agissant de la seconde, la cour a constaté qu'elle n'était pas saisie d'une prétention mais d'une demande de constat.
Il ressort de cette décision que les demandes en rectification d'erreur matérielle et omission de statuer n'avaient aucune chance d'aboutir. M. [X], en refusant de présenter des demandes manifestement vouées à l'échec, a rempli sa mission de conseil qui est notamment d'éviter à son client d'engager des procédures pouvant être qualifiées d'abusives et l'exposant à des condamnations pécuniaires, n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
Sur la stratégie adoptée devant la cour d'appel de Paris
Pour débouter M. [F] qui soutenait que son conseil avait commis une faute en ne diligentant pas une procédure pénale contre l'huissier de justice ayant instrumenté les mesures conservatoires critiquées, le tribunal a souligné que l'aide juridictionnelle avait été accordée exclusivement pour la procédure d'appel portant sur une décision rendue par le juge de l'exécution de Meaux.
Le tribunal a également écarté la faute alléguée consistant à ne pas avoir sollicité devant la cour un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale. Il a en effet relevé qu'aucune procédure pénale n'avait été engagée à l'époque, M. [F] se contentant de produire le copie d'une plainte simple adressée au procureur de la République de Paris datée du 26 mars 2019 donc postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel.
Moyens des parties
M. [F] persiste devant la cour à soutenir que M. [X] l'a privé d'une chance de voir la procédure civile suspendue jusqu'à la fin d'une procédure pénale qui était en cours. Il affirme avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile et que la consignation a été versée au titre de l'aide juridictionnelle.
M. [X] réplique que M. [F] n'a jamais justifié de ce que l'action pénale avait été mise en mouvement et qu'il n'entrait pas dans sa mission d'engager une action au pénal.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a écarté toute faute de M. [X] au titre de la stratégie adoptée devant la cour d'appel de Paris.
Il convient d'ajouter que pas plus que devant les premiers juges, M. [F] ne justifie qu'une procédure pénale était en cours au jour de l'ouverture des débats devant la cour d'appel qui aurait pu permettre de présenter une demande de sursis à statuer.
En outre, M. [F] ne démontre pas que la demande de sursis à statuer avait une chance quelconque de prospérer.
C'est à bon droit que le tribunal n'a pas retenu de faute à l'égard de M. [X] au titre de la stratégie adoptée devant la cour.
Sur le moyen tiré de l'article 514 du code des procédures civiles d'exécution
Pour la bonne compréhension du litige, il est rappelé que M. [X] a été chargé d'assister M. [F] devant la cour d'appel de Paris. La procédure visait à obtenir l'infirmation du jugement rendu par le juge de l'exécution de Meaux le 6 février 2014 ayant validé une saisie-attribution et une saisie conservatoire pratiquées à son encontre le 5 mars 2013.
Le lendemain de cette décision, M. [F] a fait l'objet d'une nouvelle saisie-conservatoire pour les mêmes causes que celles des deux premières saisies.
M. [F] reproche à son avocat de ne pas avoir, s'agissant de la saisie-conservatoire pratiquée le 7 février 2014, soulevé devant la cour d'appel de Paris le moyen de défense tiré de l'article 514 du code des procédures civiles d'exécution.
Pour rejeter l'existence d'une faute, le tribunal a rappelé que la cour d'appel, tenue par l'effet dévolutif de l'appel, ne pouvait connaître que de qui avait été jugé en première instance, à savoir la contestation de deux saisies réalisées le 5 juin 2013 et n'avait pas compétence pour examiner la validité de la saisie pratiquée le 7 février 2014 et donc postérieurement au jugement déféré.
Moyens des parties
M. [F] poursuit l'infirmation du jugement en affirmant que la cour d'appel pouvait connaître de la saisie du 7 février 2014 au motif que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si le fondement juridique est différent ».
M. [X] souligne qu'il était uniquement mandaté pour la procédure d'appel de la décision du 6 février 2014 qui ne pouvait pas concerner une saisie attribution ultérieure du 7 février 2014.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs pertinents et clairement exposés, adoptés par la cour, tenant aux limites de l'effet dévolutif de l'appel, que les premiers juges ont écarté toute faute de la part de M. [X] pour ne pas avoir soulevé comme moyen de défense, l'article 514 du code des procédures civiles d'exécution.
La cour observe que M. [F] maintient ses prétentions et ses moyens sans même répliquer à la motivation des premiers juges, lesquels ont parfaitement et à bon droit expliqué pourquoi la cour d'appel n'aurait pas pu se prononcer sur la validité d'une troisième saisie, pratiquée en février 2014, dont le juge de l'exécution n'avait pas eu à connaître.
Le fait que cette troisième saisie ait porté sur les mêmes cause que les deux premières ne pouvait avoir pour conséquence de rendre la cour d'appel compétente pour examiner l'examen de la validité d'une saisie non examinée en première instance.
C'est donc à bon droit que le tribunal a écarté toute faute de M. [X] pour ne pas voir soulevé le moyen tiré de l'article 514 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur l'amende civile
Au titre de la première instance
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré qu'aucun motif ne justifiait le prononcé de l'amende civile, l'abus d'agir en justice n'étant pas, au stade de la première instance, caractérisé. Le fait que M. [F] soit débouté de ses demandes ne suffit pas à caractériser la faute faisant dégénérer en abus le droit de saisir un juge de ses prétentions.
Au titre de la procédure d'appel
En application de l'article 559 du code de procédure civile ' En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés '.
M. [F] a formé un appel contre la décision rendue par le tribunal judiciaire le 20 janvier 2022 en reprenant les mêmes moyens que ceux présentés devant les premiers juges, sans tenir compte de la motivation pertinente retenue par ceux-ci, sans y répondre et sans présenter de nouveaux éléments probants, alors que le tribunal avait souligné l'insuffisance des preuves apportées au soutien des prétentions et le manque de sérieux des moyens soulevés.
La cour relève en outre que les moyens apparaissent, à la lumière de la motivation des premiers juges, totalement infondés et que la persistance de M. [F] à les reprendre devant la cour, sans sérieusement la critiquer et y répondre, confère à son appel un caractère abusif.
En effet, si comme l'a relevé exactement le tribunal, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits, ne suffit pas à caractériser un abus d'ester en justice, en revanche, maintenir devant la cour d'appel les mêmes moyens dont le caractère infondé a été souligné de façon motivée par les premiers juges, et dont la cour souligne le caractère parfois particulièrement confus, est constitutif d'une faute justifiant de faire application de l'article 559 du code de procédure civile précité.
Par conséquent, M. [F] sera condamné au paiement d'une amende civile de 1 000 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts
La cour confirmant que la procédure engagée devant le tribunal judiciaire ne pouvait pas être qualifiée d'abusive, confirmera également le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts.
En revanche, la cour retient le caractère abusif de l'appel.
Il convient dans ces conditions de faire droit à la demande de dommages et intérêts présentée par l'intimé, en tenant compte notamment de la virulence des propos contenus dans les conclusions de M. [F] et de leur caractère vexatoire.
M. [F] sera ainsi condamné à payer à M. [X] une somme de 4 000 euros de dommages et intérêts.
Sur le retrait de l'aide juridictionnelle
En application de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991, ' Sans préjudice des sanctions prévues à l'article 441-7 du code pénal, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat est retiré, en tout ou partie, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants :
( ...)
4° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat a été jugée dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable.'
La cour retenant le caractère manifestement abusif de l'appel prononcera en outre le retrait de l'aide juridictionnelle.
Sur les demandes accessoires
La cour confirmera les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [F] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
Il sera condamné à verser la somme de 2 000 euros à M. [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [F] à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,
CONDAMNE M. [F] aux dépens de la procédure d'appel,
CONDAMNE M. [F] à payer une amende civile de 1 000 euros,
ORDONNE le retrait de l'aide juridictionnelle dont bénéficie M. [F] par décision n°22/000895 en date du 22 avril 2022 ;
ORDONNE la communication de la présente décision au Bureau d'aide juridictionnelle de Versailles et au service d'administration régionale de la cour en charge du recouvrement.
CONDAMNE M. [F] à verser la somme de 2 000 euros à M. [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,