COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 70D
DU 02 JUILLET 2024
N° RG 22/05493
N° Portalis DBV3-V-B7G-VMQD
AFFAIRE :
[O] [I] épouse [E]
C/
[V], [Z] [T]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Août 2022 par le Juge des contentieux de la protection de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 1120001923
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL 2APVO,
-la SELARL DAMY- RAYNAL-HERVE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [O] [I] épouse [E]
née le 29 Avril 1965 à [Localité 7] (USA)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Sarah MICCIO substituant Me Frédéric ZAJAC de la SELARL 2APVO, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 165 - N° du dossier 200294
APPELANTE
****************
Monsieur [V], [Z] [T]
né le 05 Août 1955 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Gabiel BARBE substituant Me Sébastien RAYNAL de la SELARL DAMY-RAYNAL-HERVE, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 4
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame anna MANES, Présidente et Madame Pascale CARIOU, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [I] épouse [E] est propriétaire d'une maison édifiée sur un terrain sis à [Localité 4], lieudit " [Localité 6]", [Adresse 3].
M. [T] est propriétaire de la parcelle voisine et contigüe, au [Adresse 2].
Un litige étant né entre les parties sur les limites de propriété des deux parcelles, le tribunal d'instance de Pontoise a, par jugement du 7 novembre 2015, ordonné le bornage judiciaire ainsi qu'une expertise.
Par jugement du 2 mai 2018, ce même tribunal a, pour l'essentiel, ordonné le bornage des fonds conformément au rapport d'expertise et condamné Mme [E], sous astreinte provisoire de 50 euros par jour, à procéder à l'arrachage de l'arbre déjà coupé à proximité du repère C, de l'arbre situé sur la limite des fonds entre les repères C et la borne E et des trois arbres situés à moins de 2 m de la limite séparative autour de la borne E à créer.
Par arrêt rendu le 18 février 2020, la cour d'appel de Versailles a pour l'essentiel et pour ce qui est en lien avec le litige dont cette cour est saisie, confirmé le jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [E] à procéder à l'arrachage des trois arbres situés à moins de 2 m de la limite séparative autour de la borne E à créer, seul un arbre étant situé sur la parcelle de Mme [E]
La cour a donc confirmé le jugement en ce qu'il ordonnait à Mme [E] de procéder à l'arrachage de l'arbre situé sur la limite des fonds entre les repères C et la borne E.
Par acte d'huissier de justice du 26 octobre 2020, M. [T] a fait assigner Mme [E] aux fins de liquidation de l'astreinte provisoire.
Par jugement contradictoire rendu le 16 août 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
- Constaté que Mme [O] [I] épouse [E] a exécuté trois des quatre obligations mises à sa charge par le jugement du tribunal d'instance de Pontoise du 2 mai 2018, tel que partiellement confirmé par la cour d'appel de Versailles,
- Constaté que Mme [O] [I] épouse [E] n'a pas exécuté l'obligation tenant à "arracher l'arbre situé sur la limite des fonds entre les repères C et la borne E" mise à sa charge par le jugement du tribunal d'instance de Pontoise du 2 mai 2018,
- Réduit à 15 euros le montant de l'astreinte provisoire prononcée par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la signification de la décision,
- Condamné Mme [O] [I] épouse [E] à payer à M. [V] [T] la somme de 21 540 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision au titre de la liquidation d'astreinte, décompte arrêté au 16 août 2022,
- Débouté Mme [O] [I] épouse [E] de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné Mme [O] [I] épouse [E] à payer à M. [V] [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelé que la présente décision est, de droit, assortie de l'exécution provisoire,
- Condamné Mme [O] [I] épouse [E] aux entiers dépens.
Mme [E] a interjeté appel de ce jugement le 26 août 2022 à l'encontre de M. [T].
Par dernières conclusions notifiées le 12 mars 2024, elle demande à la cour de :
Vu le jugement rendu par le tribunal d'instance de Pontoise le 2 mai 2018,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 février 2020,
Vu le transport sur les lieux en date du 14 avril 2022,
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 16 août 2022,
Vu les pièces versées au débat,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 16 août 2022 en ce qu'il a constaté qu'elle a exécuté les obligations suivantes :
- Arrachage de l'arbre déjà coupé à proximité du repère C,
- Arrachage d'un des trois arbres situés autour de la borne E,
- Élagage de l'ensemble des plantations situées à proximité de la ligne séparative afin de supprimer tout débord sur le fonds de M. [T].
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 16 août 2022 en ce qu'il a :
- Constaté que Mme [E] a exécuté trois des quatre obligations mises à sa charge par le jugement du tribunal d'instance de Pontoise du 2 mai 2018 tel que partiellement confirmé par la cour d'appel de Versailles,
- Constaté que Mme [E] n'a pas exécuté l'obligation tenant à « arracher l'arbre situé sur la limite des fonds entre les repères C et la borne E » mise à sa charge par le jugement du tribunal d'instance de Pontoise du 2 mai 2018,
- Réduit à 15 euros le montant de l'astreinte provisoire prononcée par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la signification de la décision,
- Condamné Mme [E] à payer à M. [T] la somme de vingt et un mille cinq cent quarante euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision au titre de la liquidation d'astreinte décompte arrêté au 16 août 2022,
- Débouté Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné Mme [E] à payer à M. [T] la somme de deux mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Mme [E] aux entiers dépens
Statuant à nouveau :
À titre principal,
- Constater qu'elle a parfaitement respecté le jugement rendu le 2 mai 2018, tel qu'il ressort des différents procès-verbaux versés aux débats et du transport sur les lieux réalisé le 13 avril 2022, et a exécuté les quatre obligations mises à sa charge,
En conséquence,
- Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- Supprimer le montant de l'astreinte en ce que le comportement de M. [T] constitue une cause étrangère l'empêchant Mme [E] de s'exécuter,
A titre infiniment subsidiaire,
- Réduire à de plus justes proportions le montant de l'astreinte à la somme de 1 euros par jour de retard,
En tout état de cause,
- Condamner M. [T] à lui payer la somme de cinq mille euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamner M. [T] à lui payer une somme de deux mille euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi que deux mille euros en cause d'appel,
- Condamner M. [T] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
- Le dire et juger recevable en ses demandes, fins et prétentions ;
- Confirmer le jugement en date du 16 août 2022 sauf en ce qu'il a réduit le montant de l'astreinte à la somme de quinze euros par jour et l'a arrêtée à la somme de vingt et un mille cinq cent quarante euros ;
En conséquence, statuant à nouveau,
- Liquider l'astreinte dont le dispositif du jugement du 2 mai 2018 était assorti pour un montant de cinquante euros par jour ;
- Condamner Mme [O] [I] épouse [E] à lui payer la somme de cent trois mille huit cents euros ;
- Condamner Mme [O] [I] épouse [E] à lui verser la somme de trois mille euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner Mme [O] [I] épouse [E] à lui payer la somme de cinq mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 21 mars 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Il ressort des écritures des parties que le jugement est critiqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté que Mme [E] avait exécuté trois des obligations mises à sa charge au terme de l'arrêt rendu par cette cour le 18 février 2020.
L'affaire se présente donc, sous cette réserve, comme en première instance, chacune des parties reprenant les prétentions et moyens exposés devant les premiers juges.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé des moyens de fait et de droit présentés au soutien des prétentions.
Sur l'arrachage de l'arbre situé entre les points C et E
C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a considéré qu'il résultait de l'ensemble des procès-verbaux dressés par les deux parties et du transport sur les lieux du tribunal que Mme [E] n'avait toujours pas procédé à l'arrachage de l'arbre situé entre les bornes C et E.
Mme [E] persiste à soutenir que l'arbre dont le tribunal a constaté la présence lors de son transport sur les lieux ne serait pas celui qui était visé dans le jugement du 2 mai 2018.
Néanmoins, ses explications obscures et péremptoires, qui ne reposent sur aucun élément tangible, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation exacte qu'a fait le tribunal de ce point de discorde, étant souligné que le transport sur les lieux, qui est une mesure exceptionnelle, a permis de constater que l'arbre litigieux, parfaitement identifiable grâce aux mentions des différents procès-verbaux réalisés de part et d'autre, était toujours en place.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté que Mme [E] n'a pas exécuté l'obligation tenant à "arracher l'arbre situé sur la limite des fonds entre les repères C et la borne E" mise à sa charge par le jugement du tribunal d'instance de Pontoise du 2 mai 2018.
Sur la liquidation de l'astreinte
Les éléments produits confirment que les relations entre les parties sont exécrables et qu'au moins à une reprise, M. [T] s'est opposé au tour d'échelle sollicité par Mme [E] pour élaguer les arbres (courrier de ce dernier du 7 juillet 2020 ).
M. [T] n'est donc pas fondé à demander que l'astreinte initiale soit maintenue, une partie du retard avec lequel les travaux d'élagage ont été réalisés lui étant manifestement imputable.
En revanche, Mme [E] continue de contester la non exécution de l'arrachage de l'arbre situé entre les bornes C et E. Néanmoins, et paradoxalement, elle produit un devis du 22 août 2022 pour cette opération et une lettre d'une société spécialisée indiquant que l'accord et l'accès au jardin de M. [T] sont indispensables pour y procéder.
Elle ne démontre pas avoir postérieurement à cette date pris contact avec son voisin pour faire réaliser cet arrachage. La non exécution de sa dernière obligation ne saurait donc être exclusivement imputée à M. [T].
En outre, il ressort des énonciations du jugement non critiquées que les trois autres obligations mises à la charge de Mme [E] ont été exécutées avec retard, et plus particulièrement l'arrachage de l'un des trois arbres situés autour de la borne E.
Il n'est donc pas justifié de réduire à l'euro symbolique le montant de l'astreinte.
Pour autant le jugement qui a ramené à 15 euros le montant de l'astreinte provisoire prononcée par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la signification de la décision, mérite réformation sur le quantum compte tenu du comportement respectif des parties qui persistent à résister sans fondement aux demandes justifiées de leur adversaire.
L'astreinte sera fixée à la somme de 10 euros par jour de retard.
Le tribunal, dans son jugement du 2 mai 2018, n'a pas limité l'astreinte dans le temps, de sorte qu'elle continue de courir et doit être actualisée.
M. [T] sollicite son actualisation au 13 mai 2024.
Il s'est écoulé entre le 6 septembre 2018, date à laquelle l'astreinte a commencé à courir, et le 13 mai 2024, 2 076 jours.
L'astreinte sera donc liquidée à hauteur de 20 760 euros, décompte arrêté au 13 mai 2024.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Mme [E]
Le sens du présent arrêt, qui confirme la non exécution partielle par Mme [E] des obligations mises à sa charge, conduit à confirmer pareillement le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par cette dernière.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [T]
Le droit d'accès à un juge est un droit particulièrement protégé qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute caractérisée, découlant d'une procédure totalement infondée, engagée avec une légèreté blâmable ou encore avec une intention malveillante.
Il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer l'existence de cette faute.
Mme [E] succombe en son appel, faute pour elle de démontrer que la décision des premiers juges était infondée.
Elle conteste ne pas avoir procédé à l'arrachage de l'arbre visé dans le jugement du 2 mai 2018 mais dans le même temps produit un devis pour y procéder, devis postérieur au jugement critiqué.
Son refus de procéder à l'arrachage de cet arbre, alors qu'elle y a été définitivement condamnée, est constitutif d'une résistance abusive.
En outre, son appel n'est pas sérieusement motivé et donc dilatoire.
Néanmoins, M. [T] ne démontre pas subir un préjudice distinct de celui qui est réparé par l'astreinte.
La demande sur ce fondement sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Mme [E] qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle devra en outre verser à M. [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de Mme [E] sur ce même fondement seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel, par mise à disposition,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- Réduit à 15 euros le montant de l'astreinte provisoire prononcée par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la signification de la décision,
- Condamné Mme [O] [I] épouse [E] à payer à M. [V] [T] la somme de 21 540 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision au titre de la liquidation d'astreinte, décompte arrêté au 16 août 2022,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
FIXE à 10 euros par jour le montant de l'astreinte provisoire prononcée par jour de retard à compter du 6 septembre 2018,
CONDAMNE Mme [E] à payer à M. [T] la somme de 20 760 euros, décompte arrêté au 13 mai 2024,
DÉBOUTE M. [T] de sa demande au titre de la procédure abusive,
CONDAMNE Mme [E] aux dépens de la procédure d'appel,
DIT qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [E] à payer à M. [T] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Sixtine DU CREST, Conseiller pour la présidente empêchée, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,