COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 93A
DU 02 JUILLET 2024
N° RG 22/07135
N° Portalis DBV3-V-B7G-VRIA
AFFAIRE :
Epoux [E]
C/
Le DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 17 Septembre 2019 par la Cour d'Appel de VERSAILLES
N° Chambre : 1ère chambre
N° Section : 1ère section
N° RG : 18/03165
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Julie GOURION- RICHARD,
-la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé les 11 et 25 juin 2025, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (COMM.) du 21 septembre 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES 1ère chambre 1ère section le 17 septembre 2019
Monsieur [D], [S], [M] [E]
né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 7]
de nationalité Française
et
Madame [F] [R] épouse [E]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 5]
[Adresse 5]
assistée de Me Julie GOURION-RICHARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 2221269
Me Philippe BERRY de la SELARL CABINET PHILIPPE BERRY, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0292
****************
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur Le DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES, agissant sous l'autorité de Mme la Directrice régionale des Finances Publiques d'[Localité 8] et de [Localité 9], domiciliée en ses bureaux sis Pôle Contrôle Fiscal et Affaires Juridiques, pôle Juridictionnel Judiciaire, [Adresse 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
assisté de Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2270153
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
L'administration fiscale a réalisé le contrôle des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de M. et Mme [E] au titre des années 2012 et 2013.
Par lettre du 14 novembre 2014, l'administration fiscale a adressé à M. et Mme [E] une proposition de rectification portant sur la valorisation des comptes courants d'associés détenus par M. [E].
Par lettre recommandée du 12 janvier 2015, M. et Mme [E] ont présenté leurs observations au titre des redressements proposés.
Aux termes d'une réponse aux observations du contribuable du 4 mai 2015, l'administration a informé M. et Mme [E] de sa décision de maintenir en totalité les rectifications proposées.
Un avis de mise en recouvrement n°15 06 05089 édité le 30 juin 2015 a été adressé à M. et Mme [E] pour un montant de 42 493 euros.
Par lettre recommandée du 24 juillet 2015, M. et Mme [E] ont formulé par la voix de leur conseil une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet le 19 janvier 2016.
Par exploit du 14 mars 2016, M. et Mme [E] ont assigné le directeur régional des finances publiques du département de Paris et d'[Localité 8] devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Versailles afin d'obtenir le dégrèvement des sommes mises à leur charge.
Par jugement contradictoire rendu le 5 avril 2018, le tribunal judiciaire de Versailles a :
Débouté M. et Mme [E] de leurs demandes,
Débouté la direction générale des finances publiques de ses demandes en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts,
Dit que M. et Mme [E] devront rembourser les dépens mentionnés à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales.
Par arrêt contradictoire rendu le 17 septembre 2019, la cour d'appel de Versailles a :
Confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamné M. et Mme [E] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par un arrêt rendu le 21 septembre 2022, la Cour de cassation a :
Cassé et annulé, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de la direction générale des finances publiques en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamné le directeur général des finances publiques et le directeur régional des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par le directeur général des finances publiques et le directeur régional des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et les condamne à payer à M. et Mme [E] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.
Par déclaration du 30 novembre 2022, M. et Mme [E] ont saisi la cour d'appel de Versailles, autrement composée, afin qu'il soit statué sur le litige les opposant à la direction régionale des finances publiques de [Localité 9] et d'[Localité 8].
Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2023, M. [D] [E] et Mme [F] [R] épouse [E] demandent à la cour de :
Les déclarer recevables et fondés en leur saisine de la cour de renvoi.
Y faisant droit :
Les déclarer recevables et bien fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Déclarer non fondée la décision en date du 19 janvier 2016 du centre des impôts de [Localité 10] ;
En conséquence :
Reformer le jugement rendu par le TGI de Versailles le 5 avril 2018 en ce qu'il a :
débouté M. et Mme [E] de leurs demandes,
dit que M. et Mme [E] devront rembourser les dépens mentionnés à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales.
Statuant à nouveau :
Accorder la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge, soit la somme globale en principal de 28 798,00 euros décomposée comme suit :
au titre de l'ISF 2012, la somme en principal de 3 016,00 euros
au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, la somme en principal de 4 826,00 euros
au titre de l'ISF 2013, la somme en principal de 20 956,00 euros.
Accorder la décharge des pénalités contestées, soit la somme globale de 13 695,00 euros, décomposée comme suit :
au titre de l'ISF 2012, la somme en principal de 1 495,00 euros
au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, la somme en principal de 2 393,00 euros
au titre de l'ISF 2013, la somme en principal de 9 807,00 euros.
Ordonner le remboursement à M. et Mme [E] des dépens mentionnés à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales ;
Débouter M. le directeur régional des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarer l'arrêt à venir commun et opposable à M. le directeur général des finances publiques, ayant été partie devant la Cour de cassation ;
Condamner M. le directeur régional des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques à leur rembourser les dépens mentionnés à l'article R 207.1 du livre des procédures fiscales, ainsi qu'une somme de 3 000 euros représentant les frais non compris dans les dépens (article 700 du code de procédure civile) ;
Condamner M. le directeur régional des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux entiers dépens, lesquels comprendront également ceux exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision partiellement cassée, en application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile ;
Dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, Mme la directrice régionale des finances publiques d'[Localité 8] et de [Localité 9] demande à la cour de :
Déclarer M. et Mme [E] mal fondés en leur appel du jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles ;
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'il a débouté M. et Mme [E] de leurs demandes ;
Confirmer les rappels de l'administration ;
Confirmer la décision de rejet du 19 janvier 2016 ;
Rejeter l'ensemble des demandes de M. et Mme [E] ;
Rejeter la demande formée par M. et Mme [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. et Mme [E] aux entiers dépens d'appel et dire qu'en toute hypothèse les frais de constitution d'avocat resteront à leur charge.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de la saisine
L'article 623 du code de procédure civile dispose que la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres.
Les dispositions des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile prévoient respectivement que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée et que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
En l'espèce, saisie d'un litige relatif au rehaussement d'imposition dont ont fait l'objet les époux [E] au titre de l'ISF de l'année 2012 et 2013, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 septembre 2019 a confirmé le jugement qui a débouté ces derniers de leur demande de décharge des impositions, aux motifs que :
seules les situations respectives des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert doivent être prises en compte ;
il résulte de l'examen du bilan de l'Eurl Priam DG3 mentionné sur sa déclaration 2033 qu'elle disposait d'un actif immobilisé de 2 607 906 euros au 31 décembre 2012 et de 2 405 834 euros au 31 décembre 2012 ainsi que de capitaux propres respectivement pour les mêmes années de 1 151 416 euros et de 828 659 euros, que son résultat d'exploitation, de - 1606 euros est passé à 7 931 euros fin 2012 ;
sauf en ce qui concerne la SCI Grenoble Constantine, les créances rattachées aux participations détenues par l'Eurl Priam DG3 dans ses filiales n'ont pas fait l'objet de provision pour dépréciation ;
la seule situation de la SCI Bucephal est insuffisante à caractériser l'irrécouvrabilité du compte courant de M. [E] détenu dans sa holding en présence des capitaux propres de celle-ci, de la valeur de ses actifs et de ses résultats, que le seul motif tiré de la situation nette comptable négative, ce qui n'est le cas que pour l'une des années concernées, n'est pas suffisant à établir les perspectives négatives de recouvrement de la créance constituée du compte courant d'associé et qu'il résulte des éléments portés aux bilans de la société Priam DG3 que celle-ci ne se trouve pas dans une situation financière précaire et peut, par la cession de son actif, rembourser ses dettes.
s'agissant de l'Eurl Priam Hubert, elle disposait, au 31 décembre 2012, d'un actif immobilisé de 225 000 euros, de capitaux propres de 64 475 euros, qu'elle a réalisé un bénéfice de 63 475 euros pour l'année 2013 et qu'elle a pour seule dette le montant de la créance en compte courant. Il en déduit que sa situation n'est pas davantage obérée. Il relève, au surplus, que M. et Mme [E] ne contestent pas l'affirmation de l'administration selon laquelle le compte courant d'associé de M. [E] a baissé de 224 691 euros à 157 109 euros entre le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013, bénéficiant ainsi d'un remboursement partiel.
les sociétés ne sont pas en situation de dépôt de bilan, qu'il n'est justifié d'aucune difficulté économique réelle, et en déduit que les éléments invoqués ne justifient pas l'évaluation des comptes courants de M. [E] à une valeur inférieure à leur valeur nominale.
Un pourvoi a été formé contre cet arrêt :
d'une part, fondé sur la violation de l'article 758 du code général des impôts, les époux [E] reprochaient à l'arrêt d'avoir déduit de l'absence de provision pour dépréciation des créances rattachées aux participations détenues par la société Priam DG3 dans ses filiales le fait que cette dernière était en mesure de rembourser ses dettes,
d'autre part, fondé sur un manque de base légale, les époux [E] estimant insuffisants les éléments, tels que l'absence de provision pour dépréciation, ou les éléments portés au bilan, servant à asseoir la recouvrabilité des créances de comptes courants sans apprécier concrètement les chances de remboursement de la créance non seulement au regard de l'état réel d'endettement des sociétés holdings mais également au regard des véritables possibilité de liquider les éléments de leur actif.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de la direction générale des finances publiques en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, et a remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.
Au fondement de l'article 758 du code général des impôts, la Cour de cassation a considéré que :
« Il résulte de ce texte que la valeur déclarée d'un compte courant d'associé doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance, au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans des déclarations fiscales ».
La Haute-Juridiction a estimé que la cour n'avait pas « appréci[é] concrètement les chances de M. [E] de recouvrer ses créances au regard de la situation financière des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, compte tenu de l'état de leur endettement et de la possibilité de liquider les éléments de leurs actifs, laquelle dépendait de la situation financière de leurs filiales, en l'absence d'autres actifs que les immobilisations financières correspondant aux comptes courants détenus par les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert dans leurs différentes filiales », de sorte qu'elle a privé sa décision de base légale.
Il appartient à la cour de renvoi, en tenant compte de ces éléments, de déterminer si l'administration fiscale a, dans le cadre de sa rectification, justement apprécié la valeur des comptes courants d'associé détenus par M. [E] au sein des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert pour déterminer l'assiette de l'ISF au titre des années 2012 et 2013, ces sociétés ayant pour seuls actifs des immobilisations financières correspondant à des comptes courants détenus dans différentes filiales.
Sur la demande de décharges des impositions au titre de l'ISF 2012 et 2013
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de décharge des impositions supplémentaires et des pénalités, M. et Mme [E] font valoir que les comptes courants d'associé détenus au sein des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, sociétés holding, sont manifestement irrécouvrables, au regard de la situation économique et comptable des filiales détenues. Ils soutiennent que ces sociétés holding ne sont constituées que d'immobilisations financières et qu'en l'absence d'immobilisations incorporelles ou corporelles, il ne peut être tenu compte d'une quelconque valorisation des comptes courants faute de possibilités de réalisation d'actifs immobilisés. Ils énoncent que le dirigeant est libre de ses choix de gestion et en supporte le risque financier et que, sans nuire aux principes de sincérité et d'image fidèle des comptes, il dispose de la possibilité d'opter pour des solutions comptables lui paraissant en lien avec l'intérêt de l'entreprise. Ils soutiennent que la situation financière de la société Priam DG3, de la société Priam Hubert et de leurs filiales est particulièrement tendue et que seule l'intervention financière de l'associé permet la survie de ces structures.
S'agissant de l'EURL Priam DG3 dont M. [E] est l'unique associé, ils indiquent que sa liasse fiscale au 31 décembre 2012 permet de constater qu'il n'y a aucune immobilisation financière à échéance de moins d'un an (cellule n°193 du formulaire Cerfa 2033 A), de sorte qu'il est démontré, selon eux, que ces avances ne sont pas recouvrables à court terme.
Ils font valoir que la décision de ne pas procéder à des provisions pour dépréciation des créances dans la comptabilité de la société Priam DG3 relève de la liberté du dirigeant et est fondé sur le souci de maintenir par tous moyens l'activité des filiales et en particulier cette de la société Priam Bucephal qui emploie trois salariés.
Par ailleurs, ils exposent que les filiales de la société Priam DG3 disposent d'actifs immobiliers financés par des emprunts bancaires. Pour cette raison et en raison de la « faiblesse du marché de l'immobilier », ils considèrent que leurs actifs ne sont pas recouvrables à court terme, au point que deux filiales (sur six) ont été radiées le 7 décembre 2012 (la SCI Grenoble Constantine) et le 10 juin 2014 (la SCI Cergy Chauffours, après abandon de leur compte courant par les associés selon procès-verbal d'assemblée générale ordinaire du 25 novembre 2013).
Ils ajoutent que la SCEA Priam Bucephal est en « état de cessation des paiements virtuel » compte tenu de capitaux propres négatifs et d'un résultat comptable négatif sur les exercices de référence, au point qu'elle ne peut fonctionner qu'en raison du soutien de la société Priam DG3, via son compte courant.
En outre, ils précisent que les actifs immobilisés de la société Priam DG3 (qui s'élèvent à plus de deux millions d'euros sur les années litigieuses) sont uniquement constitués par des immobilisations financières de sorte qu'en l'absence d'immobilisation corporelle, ses actifs ne sont pas réalisables à court terme.
Ils font valoir que :
la SCI Grenoble Constantine, dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social de 1000 euros, a été radiée le 7 décembre 2012 en raison de la « mauvaise santé du marché de l'immobilier » qui n'a pas permis de recouvrer l'actif ;
la SCI Cergy Chauffours a été radiée le 10 juin 2014, après abandon de leur compte courant par les associés selon procès-verbal d'assemblée générale ordinaire du 25 novembre 2013 ;
la SCI Boulogne Dassault est tenue à des remboursements d'emprunt dont les montants sont supérieurs (964 915 euros au 31 décembre 2011 et 851 624 euros au 31 décembre 2012) au compte courant (57 523 euros au 31 décembre 2011 et 231 827 euros au 31 décembre 2012). Selon eux, l'actif est irrécouvrable car la mauvaise santé du marché de l'immobilier en 2011 et 2012 ne permet pas de dire que l'immobilier pourrait être cédé pour un montant en phase avec sa valorisation comptable ;
il en est de même s'agissant de la SCI Lisses les Malines ;
il en est de même s'agissant de la SCI Soissons Coucy ;
la SCEA Priam Bucephal dispose de capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et elle ne dispose pas d'un actif immobilisé de nature à permettre le remboursement du compte courant.
Ils en déduisent le caractère irrécouvrable du compte courant au regard de la situation des différentes filiales, et notamment de la SCEA Priam Bucephal, de l'EURL Priam DG3.
S'agissant de l'EURL Priam Hubert, les époux [E] font valoir que la société est principalement constituées d'immobilisations financières dans d'autres sociétés (la SEP Fontbebeau et la SEP Merpins les Rentes). Ils ajoutent que la société Priam Hubert était soumise au 31 décembre 2012 à une dette bancaire de 224 691 euros qui empêchent le recouvrement du compte courant, dont le montant s'élève à 224 020 euros, sans mettre en péril l'équilibre de l'entreprise. Ils retiennent une valorisation théorique de la société d'un montant de 145 000 euros, le compte courant détenu par M. [E] étant de 100 000 euros (225 000 euros - 120 000 euros de pertes) et le résultat d'exploitation de 45 000 euros.
L'administration fiscale réplique que les appelants ne justifient pas de l'irrécouvrabilité de leurs créances en comptes courants d'associé en établissant qu'au 1er janvier 2012 et 2013, les filiales se trouvaient dans une situation économique et financière telles que les holdings n'étaient pas en mesure de liquider leurs actifs et que leurs créances étaient totalement ou partiellement irrecouvrables.
S'agissant de l'EURL Priam DG3, elle expose que cette société ne pouvait être qualifiée d'entreprise en difficulté au regard d'un important actif immobilisé, de l'existence de capitaux propres et d'un résultat d'exploitation évoluant favorablement. Elle fait valoir que son état d'endettement résulte du seul compte courant d'associé.
Elle ajoute que le compte courant de la SCI Grenoble Constantine a fait l'objet d'une provision comptable à 100% en 2011.
Elle soutient, s'agissant de la SCI Boulogne Dassault, que l'irrécouvrabilité ne se mesure pas à l'endettement bancaire, dans une société dont l'objet est la location de biens immobiliers, et ajoute que la mauvaise santé du marché de l'immobilier n'est pas avérée.
Elle fait valoir les mêmes éléments s'agissant de la SCI Lisses les Malines et de la SCI Soissons Coucy. Elle précise que leur dissolution n'a été décidée qu'à compter du 30 octobre 2019.
Elle indique, enfin, que la société Priam Bucephal (qui a pour objet l'activité d'élevage et d'entraînement de chevaux spécialisés dans le saut d'obstacles) n'a été ni radiée, ni dissoute, ni liquidée amiablement.
Elle insiste sur le fait qu'au sein de la société Priam DG3, à l'exception de la SCI Grenoble Constantine, aucune provision pour dépréciation de créance n'a été constituée. Selon elle, et que la situation nette comptable négative de la société n'était pas suffisante à établir les perspectives négatives de recouvrement de la créance de compte courant.
En outre, elle fait valoir qu'il en est de même pour l'EURL Priam Hubert, qui a pour seule dette la valeur du compte courant d'associé, lequel a baissé de 157 109 euros entre le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013, et qui dispose par ailleurs d'un actif immobilisé, de capitaux propres, et a réalisé un bénéfice.
Elle en déduit que la société Priam Hubert ne peut être qualifiée d'entreprise en difficulté, au sens d'entreprise ayant subi chroniquement des déficits traduisant une situation particulièrement obérée et dont les perspectives d'avenir sont compromises, justifiant l'évaluation du compte courant d'associé de M. [E] à une valeur inférieure à la valeur nominale.
Appréciation de la cour
Selon l'article 885 E du code général des impôts, abrogé par la loi du 30 décembre 2017, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.
L'apport en compte courant consiste, pour un associé, à consentir des avances ou des prêts au profit de la société dont il détient des parts, à mettre à la disposition de la société des fonds personnels qui continuent à lui appartenir, ce qui lui confère un droit de créance à l'égard de la société. Le financement en compte d'associé n'est pas soumis au régime des apports, mais à celui des contrats de prêt de droit commun, à la différence de l'apport en capital.
Il résulte d'une jurisprudence constante que les comptes courants d'associés, qui correspondent à des fonds personnels de l'associé que celui-ci met à disposition de la société et qui continuent à lui appartenir, n'ont pas le caractère de biens professionnels pour le titulaire du compte, fût-il dirigeant de la société et ce, alors même que le compte courant est bloqué pour une période plus ou moins longue dans l'entreprise (voir par exemple : Com., 14 oct. 2020, n°18-19.23 et Com., 20 nov. 2019, n°18-11.690). La valeur des comptes courants d'associé doit donc être incluse dans l'assiette de l'ISF de l'associé, sauf exceptions énumérées par la doctrine administrative.
L'article 758 du code général des impôts relatif aux droits de mutation à titre gratuit, applicable à l'impôt de solidarité sur la fortune conformément aux dispositions de l'article 885 S du même code, dispose que la valeur des biens meubles autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme servant de base à l'impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties sans distraction des charges.
Ce texte est applicable aux avances en compte courant d'associé, en l'absence de terme affectant le remboursement du compte (Com., 23 fév. 1999, n°96-19.587).
En effet, si le compte courant n'est pas bloqué, comme c'est le cas en l'espèce, son détenteur a la faculté d'exiger à tout moment le remboursement des sommes mises à la disposition de la société. Il appartient alors au redevable de déterminer le montant qui pourra être recouvré, compte tenu de la situation financière de la société dans laquelle le redevable détient ce compte.
En revanche, si le compte courant est bloqué, il s'analyse en une créance à terme susceptible d'être évaluée d'après les règles prévues à l'article 760 du code général des impôts.
Ainsi, il appartient au contribuable d'estimer la valeur réelle de sa créance, et d'apporter, le cas échéant, les éléments permettant de justifier une décote par rapport à la valeur nominale figurant au bilan, en particulier lorsque la recouvrabilité de la créance est compromise par les difficultés financières de la société.
La valeur d'un compte courant doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités, pour l'associé, de recouvrer sa créance à la date du fait générateur de l'impôt, soit au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans les déclarations fiscales (Com., 9 juill. 2013, n°12-21.836) (souligné par la cour).
La capacité de remboursement du compte courant au 1er janvier de l'année d'imposition considérée est appréciée en tenant compte, non seulement des liquidités disponibles, mais également des actifs réalisables. Il ne s'agit donc plus tant d'apprécier la capacité de remboursement de la société en fonction de sa trésorerie disponible au jour du fait générateur de l'ISF, que d'apprécier si, dans l'absolu, et en particulier, une fois liquidés l'ensemble des éléments d'actif et de passif, la société serait en mesure d'honorer le paiement de ses dettes et d'assurer le remboursement du compte courant.
A défaut, pour le contribuable, de démontrer les difficultés de la société justifiant une valeur réduite de la créance de compte courant, l'administration est fondée à prendre en compte la valeur nominale de la créance dans l'assiette de l'ISF (Com., 11 mars 2008, n°07-10.643 ; n°11.690, précité ; Com., 15 mai 2012, n°11-17.848).
Les possibilités réelles de remboursement de ses dettes par une entreprise dépendent de sa situation financière, laquelle inclut la valeur de ses actifs immobiliers (Com., 9 juill. 2013, n°12-21.836).
Un résultat comptable positif et l'absence d'ouverture d'une procédure collective sont des éléments permettant de dire que la créance n'était pas irrécouvrable (Com., 19 janv. 2010, n°09-10.994).
Une situation nette comptable déficitaire, qui révèle que la société rencontre des difficultés financières, peut être contrebalancée par le fait qu'elle détient le capital d'une société qui, elle-même, détient le capital d'autres sociétés dont la situation est florissante (Com., 3 juill. 2019, n°17-27.690).
En l'espèce, il convient d'apprécier concrètement les chances de M. [E] de recouvrer ses créances au regard de la situation financière des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, compte tenu de l'état de leur endettement et de la possibilité de liquider les éléments de leurs actifs, laquelle dépend de la situation financière de leurs filiales, en l'absence d'autres actifs que les immobilisations financières correspondant aux comptes courants détenus par les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert dans leurs différentes filiales.
Les époux [E] ont retenu que la valeur de leur compte courant d'associé au sein de la société Priam DG3 s'élevait à 308 964 euros au 31 décembre 2011 et 1 euro au 31 décembre 2012, et au sein de la société Priam Hubert à 100 000 euros au 31 décembre 2012.
L'administration fiscale a retenu au sein de la société Priam DG3 915 190 euros au 31 décembre 2011 et 1 573 006 euros au 31 décembre 2012, et au sein de la société Priam Hubert à 264 691 euros au 31 décembre 2012.
En premier lieu, il ressort du bilan et du compte de résultat de la société Priam DG3 (pièce 2 appelants) que son actif est exclusivement constitué d'immobilisations financières (participations dans cinq sociétés civiles immobilières dont une a été radiée le 7 décembre 2012 et une autre le 20 juin 2014, et dans une société civile d'exploitation agricole).
La société Priam DG3 a subi une perte de -322 757 euros au 31 décembre 2012, mais semble connaître une évolution favorable avec un résultat d'exploitation de 7931 euros au 31 décembre 2012 alors qu'il était de -1607 euros au 31 décembre 2011.
Les immobilisations financières ne sont pas, a priori, des actifs recouvrables immédiatement.
Toutefois, pour apprécier concrètement les chances pour M. [E] de recouvrer sa créance au sein de la société Priam DG3, il convient d'examiner la situation financière de ses filiales, en tenant compte de leur état d'endettement et de leur possibilité de liquider leurs éléments d'actifs.
A l'appui de l'irrécouvrabilité de leur créance, les époux [E] font valoir, dans l'ensemble des filiales de la société Priam DG3, un état d'endettement bancaire important et un mauvais état du marché immobilier en 2011-2012 rendant impossible le recouvrement de l'actif à sa valeur comptabilisée. Toutefois, ils ne produisent aucune pièce ni aucun élément de preuve à l'appui de cette dernière affirmation. Ils ne produisent pas non plus de pièce permettant de connaître les biens immobiliers détenus, leur localisation et leur exploitation. Il s'ensuit que la « mauvaise santé du marché de l'immobilier » qu'ils allèguent n'est pas démontrée.
La valeur comptable de l'actif immobilier détenue par chaque filiale sera donc retenue.
La SCI Boulogne Dassault (pièce 3 des appelants)
L'actif de cette société est constitué de terrains estimés à 300 000 euros et des constructions estimées à 950 000 euros au 31 décembre 2011 et 910 000 au 31 décembre 2012.
Les emprunts bancaires sont comptabilisés à hauteur de 964 915 euros au 31 décembre 2011 et 851 624 euros au 31 décembre 2012.
L'endettement bancaire est donc inférieur à l'actif immobilier appartenant à la société.
De plus, cette société a dégagé un résultat d'exploitation positif en 2011 et en 2012 (157 932 euros et 98 092 euros), et un bénéfice sur ces deux exercices (113 419 euros en 2011 et 58 784 euros en 2012).
Dès lors, la situation économique et financière de cette société n'apparaît pas obérée, elle n'est pas en difficulté financière.
La SCI Grenoble Constantine
Cette société, qui possédait également des biens immobiliers loués, a été radiée en décembre 2012. Toutefois, le compte courant d'associé avait fait l'objet d'une provision comptable à 100% au 31 décembre 2011 de sorte qu'il a pu être recouvré.
La SCI Cergy Chauffours (radiée le 20 juin 2014)
La société holding Priam DG3 possède 40% de cette SCI qui détient et loue des biens immobiliers évalué à 333 687 euros et à 1,2 millions euros (terrains et constructions), soit un actif immobilier d'environ 1,5 millions d'euros.
La SCI Cergy Chauffours doit faire face à des emprunts bancaires et des dettes financières à hauteur de 1,7 et 1,2 millions d'euros fin 2011, et 896 103 euros fin 2012.
L'état d'endettement de cette société était dont supérieur à la valeur de son actif immobilier en 2011 mais ne l'était plus fin 2012.
Par procès-verbal d'assemblée générale ordinaire du 25 novembre 2013, les associés (dont la société Priam DG3), ont abandonné leur créance de compte courant (422 799 euros pour la société Priam DG3), mais le motif de cette décision n'est pas précisé au procès-verbal (pièces 14 et 15).
La SCI a connu un résultat d'exploitation négatif fin 2011 (-323 836 euros) et fin 2012 (-136 914 euros) (pièce 6), et a réalisé un bénéfice le seul exercice 2012 (243 424 euros). Elle a été radiée le 6 juillet 2014.
Cette société était en difficulté financière, le compte courant d'associé était, compte tenu de l'état d'endettement supérieur à son actif, irrécouvrable en 2011 et difficilement recouvrable en 2012. Il a été en tout état de cause abandonné en 2013.
La SCI Lisses les Malines
Il ressort du bilan et compte de résultat produit en pièce 4 que cette société possède un actif immobilier évalué à environ 3,6 millions en 2011 et 3,7 millions d'euros en 2012.
Ses emprunts bancaires s'élèvent à environ 3,1 millions en 2011 et 2,8 millions en 2012.
Cette société a un résultat d'exploitation positif à 156 332 euros fin 2011 et 433 403 euros fin 2012, et a connu un bénéfice de 312 142 euros fin 2012.
La SCI Soissons Coucy
Il ressort du bilan et compte de résultat produit en pièce 5 que cette société possède un actif immobilier évalué à environ 490 000 euros en 2011 et 476 000 euros en 2012.
Ses emprunts bancaires et ses dettes financières s'élèvent à environ 390 000 euros en 2011 et 400 000 euros environ en 2012.
Cette société a un résultat d'exploitation positif supérieur à 60 000 euros au cours de ces deux exercices, et a connu un bénéfice fin 2011 et fin 2012.
Sa situation économique et financière n'est donc pas obérée, son état d'endettement est largement couvert par son actif et elle dégage des bénéfices.
La société Priam Bucephal
Cette société a pour objet l'activité d'élevage et d'entraînement de chevaux spécialisés dans le saut d'obstacles. Son actif s'élève à 184 109 euros fin 2011 et 220 049 euros fin 2012.
Elle doit faire face à des emprunts et dettes financières supérieurs à 1 million d'euros.
Elle a connu un résultat d'exploitation négatif et des pertes au cours des exercices 2011 et 2012.
Même si le gérant et principal associé a fait le choix de ne pas provisionner la dépréciation de son compte courant d'associé, il résulte du bilan et du compte de résultat des exercices 2011 et 2012 que la société Priam Bucephal est en difficulté financière.
Au total, la SCI Cergy Chauffours et la SCEA Priam Bucephal sont en difficulté financière au terme des exercices 2011 et 2012. Le compte courant d'associé détenue par la société Priam DG3 de la SCI Cergy Chauffours a finalement été abandonné.
En revanche, aucun abandon de créance n'a été décidé par la société Priam DG3 au sein de la SCEA Priam Bucephal. Son compte courant d'associé n'a pas non plus fait l'objet d'une provision pour dépréciation.
Or, la société Priam DG3 possède 99,9% des parts de la SCEA Priam Bucephal. Son compte courant d'associé au sein de la SCEA Priam Bucephal s'élève à 1,4 millions d'euros au 31 décembre 2011 et 1,6 millions d'euros au 31 décembre 2012 : il représente plus de la moitié de la totalité de ses participations en compte courant d'associés au sein de ses filiales.
Il s'ensuit que compte tenu des importantes difficultés financières de la SCEA Priam Bucephal, la participation de la société Priam DG3 était irrecouvrable fin 2011 et fin 2012. Les participations qu'elle détenait dans les autres filiales étaient quantitativement de bien moindre importance. Par conséquent, l'irrécouvrabilité de la participation de la société Priam DG3 au sein de la société Priam Bucephal rendait, de ce seul fait, le compte courant d'associé de M. [E] au sein de la société Priam DG3 irrécouvrable.
S'agissant de la société Priam Hubert (pièce 11), cette société a pour objet la viabilisation et la vente de terrains à bâtir en Charente (pièce 22). Ses emprunts bancaires sont légèrement inférieurs à son actif immobilier. Toutefois son résultat d'exploitation est négatif en 2012. Elle dispose en outre de capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social.
Ainsi, l'actif ne permet pas le remboursement du compte courant d'associé.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que les époux [E], tenant compte des difficultés financières de la société Priam Bucephal ' détenue à 99,9% par Priam DG3 - et de la société Priam Hubert, ont évalué leur créance au sein de la société Priam DG3 et de la société Priam Hubert, à la valeur probable de recouvrement de leur compte courant d'associé, et non à sa valeur nominale, au titre des exercices 2011 et 2012.
Ainsi, les valeurs retenues par les époux [E] au titre de leur compte courant d'associé au sein de la société Priam DG3 (308 964 euros au 31 décembre 2011 et 1 euro au 31 décembre 2012), et au sein de la société Priam Hubert (100 000 euros au 31 décembre 2012) sont justement évaluées.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande.
La cour prononcera la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge et la décharge des pénalités. Les demandes du directeur régional des finances publiques de [Localité 9] et d'[Localité 8] seront rejetées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la direction régionale des finances publiques de [Localité 9] et d'[Localité 8] sera condamnée aux dépens de première instance, de l'instance cassée et de la présente instance conformément à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales et à l'article 639 du code de procédure civile.
En outre, le remboursement des dépens de première instance mentionnés à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales à M. et Mme [E] sera ordonné.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 septembre 2019 (RG n°18/3165),
Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 21 septembre 2022,
Statuant dans les limites de la saisine,
INFIRME le jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ORDONNE la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme [E], soit la somme globale en principal de 28 798 euros décomposée comme suit :
au titre de l'ISF 2012, la somme en principal de 3 016 euros,
au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, la somme en principal de 4 826 euros,
au titre de l'ISF 2013, la somme en principal de 20 956 euros ;
Ordonne la décharge des pénalités y afférentes, soit la somme globale de 13 695 euros, décomposée comme suit :
au titre de l'ISF 2012, la somme en principal de 1 495 euros,
au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, la somme en principal de 2 393 euros,
au titre de l'ISF 2013, la somme en principal de 9 807 euros ;
ORDONNE le remboursement à M. et Mme [E] des dépens de première instance, mentionnés à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales ;
REJETTE les demandes de la direction régionale des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9] ;
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à M. le directeur général des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], ayant été partie devant la Cour de cassation ;
CONDAMNE M. le directeur régional des finances publiques d'[Localité 8] et du département de [Localité 9], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens de première instance, de l'instance partiellement cassée et de la présente instance conformément à l'article R 207.1 du livre des procédures fiscales ;
DIT qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,