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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01285

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-2, 04 juillet 2024, 22/01285


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-2



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 22/01285

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEUP



AFFAIRE :



Entreprise individuelle TAXI DANGE



C/



[R] [S]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : C

N° RG : F21/00227

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Aurélien WULVRYCK



Me Sandra RENDA







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-2

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 22/01285

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEUP

AFFAIRE :

Entreprise individuelle TAXI DANGE

C/

[R] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : C

N° RG : F21/00227

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aurélien WULVRYCK

Me Sandra RENDA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Entreprise individuelle TAXI DANGE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Aurélien WULVERYCK de l'AARPI OMNES AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J091 et Me Julien LE TEXIER de la SELAS ORATIO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1830

APPELANTE

****************

Madame [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Sandra RENDA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000018

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Greffier lors de la mise à disposition : Madame Dorothée MARCINEK

Vu le jugement rendu le 21 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Chartres,

Vu la déclaration d'appel de l'entreprise individuelle Taxi Dange du 19 avril 2022,

Vu les conclusions de l'entreprise individuelle Taxi Dange du 1er juillet 2022,

Vu les conclusions Mme [R] [S] du 18 juillet 2022,

Vu l'ordonnance de médiation judiciaire du 18 janvier 2023,

Vu l'ordonnance de clôture du 6 mars 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M. [V] [G], artisan, exerce sous le nom commercial Taxi Dange, entreprise de taxis et demeure [Adresse 3] à [Localité 5]. Il emploie moins de 11 salariés.

Il n'applique pas de convention collective.

Mme [R] [S], née le 3 janvier 1972, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 12 mars 2018, par l'entreprise individuelle Taxi Dange représentée par M. [G], en qualité de chauffeur de taxi, moyennant une rémunération initiale brute mensuelle de 1 627,50 euros.

Par lettre du 3 octobre 2019, l'entreprise a notifié à Mme [S] une mise à pied conservatoire en raison de faits graves.

Par lettre du 10 octobre 2019, elle a convoqué Mme [S] à un entretien préalable fixé au 22 octobre 2019 auquel la salariée ne s'est pas présentée.

Par lettre du 25 octobre 2019, elle a notifié à Mme [S] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Pour faire suite à l'entretien préalable fixé le 22 octobre 2019 conformément à notre lettre de convocation envoyée par lettre recommandée Nº 1A 167 325 2507 0, et auquel vous ne vous êtes pas présentée, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Celui-ci est motivé par les éléments ci-après.

Vous avez été recrutée en qualité de Chauffeur de Taxi à compter du 12 mars 2018.

Comme indiqué dans votre contrat de travail, vous vous êtes notamment engagée à exécuter vos missions de Chauffeur de Taxi conformément aux sollicitations de la clientèle, et ce sur la base des horaires communiqués par votre Direction. Vis-à-vis de nos clients, vous deviez en outre faire preuve de discrétion et de réserve notamment sur l'organisation interne de l'entreprise.

Pour mener à bien vos missions, vous deviez travailler avec loyauté et professionnalisme. Cela impliquait de suivre mes directives, en ma qualité d'employeur, mais aussi celle de Madame [G], mon épouse, en charge notamment de la gestion des plannings horaires et des transmissions avec les chauffeurs de taxi.

Force est de constater qu'au cours de ces dernières semaines et particulièrement depuis votre reprise d'activité en date du 23 septembre 2019, vous avez multiplié les fautes et manquements professionnels.

A titre d'exemples, et sans que cela ne soit exhaustif, nous avons ainsi eu à regretter les faits fautifs suivants :

- à l'occasion de votre arrêt de travail, soit le 19 août 2019, nous vous avons sollicité afin de récupérer le véhicule de taxi et ses accessoires ; d'un commun accord, nous avons convenu d'une remise en date du 24 août 2019.

A cette occasion, si nous avons pu prendre possession du véhicule, vous avez catégoriquement refusé de nous rendre le téléphone professionnel adossé audit véhicule, étant précisé ici que vous bénéficiez depuis le mois de mai 2019 d'un téléphone de marque Nokia 6 d'une valeur de 250 euros offert par l'entreprise et ce pour votre usage personnel.

Vous avez soutenu avoir perdu ledit téléphone professionnel ; contraint de porter plainte, et après vous avoir annoncé que le téléphone serait géolocalisé, vous avez alors dès le lendemain soit le 25 août 2019, pris mon attache afin de m'informer que vous aviez subitement retrouvé le téléphone litigieux.

Par la suite, et plus précisément le 2 octobre 2019, nous avons déposé dans votre véhicule taxi un nouveau téléphone à usage professionnel et ce afin d'éviter d'avoir à vous solliciter sur votre téléphone personnel. Le lendemain, soit le 3 octobre 2019, vous avez prétendu, bien qu'en possession du téléphone, ne pas en avoir eu communication.

Puis, sans que l'on comprenne vos motivations, le 3 octobre 2019, vous nous avez reproché d'avoir dissimulé le téléphone dans votre véhicule taxi, nous accusant à cette occasion de vous avoir tendu un « piège » et d'être coupable de « séquestration » ; de manière tout à fait contradictoire, vous indiquerez ensuite dans un mail en date du 3 octobre 2019 à 14h, avoir renvoyé le téléphone en recommandé à notre attention puis avoir conservé le téléphone aux fins de constat.

- le 16 août 2019, vous avez proféré toute une série d'accusations surréalistes et mensongères à notre encontre ; à cette occasion, vous n'hésiterez pas à me faire le reproche de mes origines en ces termes : « je ne suis pas une femme soumise et encore moins dans vos pratiques religieuses (...) cessez de me traiter comme une moins que rien (...) vous avez pris la grosse tête (...) ».

Votre frustration de n'avoir été augmentée qu'à raison de 100 euros bruts/mois (ce qui est considérable pour une entreprise de notre taille) à compter du mois de juin 2019 ne vous autorise évidemment pas à réduire votre employeur à des pratiques religieuses d'un autre âge, avec des préjugés intolérables, étant précisé que mes convictions sont privées.

A cette occasion, vous n'hésiterez pas à nous informer de votre refus de travailler le lendemain soit le 17 août 2019 au mépris du planning communiqué.

- le 24 septembre 2019, alors que nous vous informions d'un changement de planning (personne à transporter autre que celle initialement communiquée), nous vous interrogions afin de connaitre l'identité de la personne transportée et ce afin d'être certain que vous aviez bien pris en compte notre demande.

Refusant de nous renseigner, vont s'en suivre des provocations et moqueries à savoir : « Amusons-nous » avec un sourire, ce à quoi nous vous répondrons que nous ne sommes pas dans une « cour d'école ».

A la mauvaise foi, l'insubordination et le mépris des règles de fonctionnement de l'entreprise vient s'ajouter ici la provocation. Vous terminerez cet échange en nous indiquant que vous ignoriez (après 18 mois d'activité dans l'entreprise) nos règles de fonctionnement.

- le lendemain, soit le 25 septembre 2019 à 14h30, en réponse à votre provocation, vous deviez vous rendre à notre agence de [Localité 4] pour qu'une mise au point sur les règles de fonctionnement soit faite.

A votre arrivée à l'agence, vous avez alors exprimé, en hurlant et criant, votre refus catégorique d'échanger avec mon épouse bien qu'en charge de la gestion des plannings horaires et des transmissions.

A l'occasion d'un sms que vous m'avez envoyé dans la foulée, vous avez littéralement insulté et dénigré mon épouse en des qualificatifs intolérables : « Son comportement de Matrone [qualificatif pour désigner mon épouse] risque de me provoquer des crises d'hypertension. (...) Et si ça continue je coupe mon portable perso (..) on communiquera par télépathie, youpi ».

A la provocation, vient s'y ajouter l'outrance.

- le 1er octobre 2019, vous avez refusé de suivre le planning communiqué au motif que les règles imposées par la CPAM interdisent la prise en charge simultanée de deux clients, ce qui est par ailleurs totalement faux, bien au contraire.

Vous faisant juge de la situation, vous n'hésiterez pas à cette occasion, avec ironie et malice, à nous accuser de tous les torts, alors même qu'il est question pour nous de mener à bien vos missions contractuelles et ce dans les meilleures conditions possibles.

- le 3 octobre 2019, vous avez refusé de prendre en compte une nouvelle prise en charge suite à l'annulation d'une course. Vous avez poursuivi votre activité sur la base d'un planning erroné car modifié par nos clients le jour même. Vous avez complètement ignoré notre alerte et celle de mon épouse sur ce changement de planning. Ces alertes vous ont été envoyées par SMS simultanément sur votre téléphone professionnel et privé, sans compter les nombreux appels téléphoniques restés sans réponse.

Sans nouvelle de votre part, nous avons alors été contraints de faire appel à un de nos confrères pour prendre en charge la sortie d'hospitalisation d'une cliente, course qui vous était attribuée suite au changement de planning.

Il en résultera pour notre entreprise un coût de 74,69 euros.

A ces insubordinations et provocations chroniques viennent s'ajouter des plaintes de clients transportés par vos soins (propos racistes, dénigrement de l'entreprise, propos déplacés etc.).

Cette situation est intolérable et a pour effet de rendre impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Dans ce contexte, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

La rupture de votre contrat de travail prend donc effet dès notification de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 3 octobre 2019 au 25 octobre 2019 ne vous sera pas rémunérée [...]'.

Par requête reçue au greffe le 21 janvier 2020, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres en présentant les demandes suivantes :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- juger que le licenciement de Mme [S] est abusif,

en conséquence,

- condamner M. [G] à payer à Mme [S] les sommes suivantes :

' 10 000 euros net de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

' 1 727,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 172,50 euros au titre des congés payés y afférents,

' 719,78 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

' 1 508,59 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

' 150,85 euros au titre des congés payés y afférents,

- voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et ce nonobstant appel,

- juger que l'intégralité des sommes sus énoncées sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, soit le 21 janvier 2020,

- voir ordonner à M. [G] la remise à Mme [S] d'un certificat de travail portant mention du préavis et d'une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,

- juger que le conseil de prud'hommes se réservera expressément le droit de liquider ladite astreinte,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modifications du 12 décembre 1996, devront être supportées par l'entreprise individuelle défenderesse,

- condamner M. [G] à payer à Mme [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels comprendront les frais et honoraires d'exécution de la présente décision.

M. [G] avait, quant à lui, formulé les demandes suivantes :

à titre principal :

- débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes car non fondées,

à titre subsidiaire,

- réduire le quantum des dommages et intérêts pour licenciement abusif réclamés à de plus justes proportions,

- débouter Mme [S] de ses autres demandes, car irrecevables et non fondées,

à titre reconventionnel,

- condamner Mme [S] à verser à l'entreprise individuelle Taxi Dange la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 21 mars 2022, la section commerce du conseil de prud'hommes de Chartres a :

en la forme :

- reçu Mme [S] en ses demandes,

- reçu M. [G] [V] exerçant sous l'enseigne Taxi Dange en sa 'demande reconventionnelle', au fond :

- requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [S] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

en conséquence :

- condamné M. [G] [V] exerçant sous l'enseigne Taxi Dange à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

' 1 727,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 172,50 euros au titre des congés payés y afférents,

' 719,78 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

' 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

' 1 508,59 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

' 150,85 euros au titre des congés payés y afférents,

' 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à M. [G] [V] exerçant sous l'enseigne Taxi Dange de remettre à Mme [S] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés et conformes au présent jugement, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant la notification du présent jugement,

- dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes,

- débouté M. [G] [V] exerçant sous l'enseigne Taxi Dange de sa 'demande reconventionnelle',

- condamné M. [G] [V] exerçant sous l'enseigne Taxi Dange aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels.

Par déclaration du 19 avril 2024, l'entreprise individuelle Taxi Dange [sic] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 1er juillet 2022, l'entreprise individuelle Taxi Dange [sic] demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement rendu en date du 21 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a condamné l'entreprise individuelle Taxi Dange au paiement des sommes suivantes :

' 1 727,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 172,50 euros au titre des congés payés y afférents,

' 719,78 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

' 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

' 1 508,59 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

' 150,85 euros au titre des congés payés y afférents,

' remise sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conforme,

' article 700 du code de procédure civile : 1 400 euros,

' entiers dépens,

en conséquence,

- débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes car non fondées,

à titre subsidiaire :

- réduire le quantum des dommages et intérêts pour licenciement abusif réclamés à de plus justes proportions,

- débouter Mme [S] de ses autres demandes, car irrecevables et non fondées,

à titre reconventionnel,

- condamner Mme [S] à verser à l'entreprise individuelle Taxi Dange la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 juillet 2022, Mme [R] [S] demande à la cour de :

- déclarer l'entreprise Taxi Dange [sic] mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

- confirmer partiellement le jugement rendu le 21 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a condamné l'entreprise Taxi Dange au paiement des sommes suivantes :

' 1 727,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 172,50 euros au titre des congés payés y afférents,

' 719,78 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

' 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

' 1 508,59 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

' 150,85 euros au titre des congés payés y afférents,

' remise sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conforme

1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' entiers dépens.

et statuant à nouveau,

- condamner l'entreprise Taxi Dange à payer à Mme [S] la somme de 10 000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'entreprise Taxi Dange à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

Une ordonnance de médiation judiciaire a été rendue le 18 janvier 2023, à laquelle les parties n'ont pas entendu donner suite.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera observé préalablement que l'intimée fait état aux termes de ses conclusions d'un harcèlement moral mais ne forme pas les demandes qui en sont la conséquence d'une nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul.

La cour n'est donc pas saisie de demandes relatives à un harcèlement moral, lequel est allégué

uniquement pour justifier d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'un préjudice moral subi.

De même, il résulte de l'inscription au Registre National des entreprises du 28 février 2024 versée aux débats, que l'employeur est M. [V] [G], artisan, exerçant sous le nom commercial Taxi Dange et non l'entreprise individuelle Taxi Dange.

1- sur la faute grave

Préalablement et contrairement à ce qu'allègue l'intimée, l'employeur, s'il est tenu d'exposer les griefs reprochés dans la lettre de licenciement, n'a aucune obligation de les mentionner dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, le règlement intérieur que produit la salariée et dont elle donne une interprétation erronée, l'affirmant sans ambiguïté par la formule 'aucune sanction ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui' (pièce n°3 intimée).

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. Il doit justifier le licenciement par des faits précis, objectifs et contrôlables, imputables au salarié.

La lettre de licenciement pour faute grave invoque plusieurs griefs relatifs au comportement de la salariée :

- une attitude de mauvaise foi de la salariée à l'égard de l'employeur,

- des propos proférés par la salariée à l'encontre de l'employeur,

- un comportement d'insubordination de la salariée,

- des plaintes des clients transportés par la salariée.

- sur l'attitude de mauvaise foi de la salariée à l'égard de l'employeur

L'appelant soutient que, alors que la salariée était en arrêt de travail du 19 août au 20 septembre 2019, elle n'a pas restitué le téléphone professionnel lié au véhicule, a prétendu avoir perdu ledit téléphone, puis suite au dépôt de plainte de l'employeur et de l'annonce que le téléphone était géolocalisé, a retrouvé immédiatement le matériel (sa pièce n°8).

L'intimée fait valoir que le grief n'est pas démontré.

Aux termes de sa lettre adressée le 25 septembre 2019 à l'employeur, elle affirme qu'elle a restitué à M. [G], venu récupérer le véhicule et les accessoires, notamment le téléphone professionnel, a demandé un récépissé de remise que l'employeur lui a donné mais qu'au moment de partir, ce dernier a laissé tomber un objet, a certainement [sic] déposé le téléphone sur une tablette car il avait les mains chargées, pour récupérer l'objet tombé à terre, puis a oublié le téléphone professionnel qui était éteint. Elle indique qu'on l'a ensuite accusée à tort d'avoir volé ce dernier (sa pièce n°13).

Cependant, les faits n'ayant eu comme témoins que l'employeur et la salariée, il sera constaté que le récépissé de restitution du téléphone, lequel ne peut être qu'en la possession de la salariée, n'est pas produit.

Le grief est établi.

- sur les propos proférés par la salariée à l'encontre de l'employeur,

L'appelant expose que la salariée a proféré des propos déplacés, injurieux, méprisants voire haineux à l'égard de l'employeur, le menaçant d'enregistrement des conversations, de recours auprès de l'inspection du travail, d'un syndicat et du conseil de prud'hommes, affirmant avoir des preuves matérielles et concrètes du harcèlement prétendument subi.

L'intimée fait valoir que si elle a parlé de la religion de son employeur, c'est que les clients s'en sont plaints auprès d'elle, notamment suite à des appels houleux, faisant état du caractère autoritaire de M. [G]. Ce dernier, selon la salariée, parlait trop souvent de sa religion, et c'est d'une manière amicale qu'elle lui a rappelé que dans ce métier il fallait garder ses convictions personnelles pour soi. Elle souligne également que Mme [G], qui n'était pas son employeur, l'a constamment humiliée et rabaissée devant les clients présents dans le véhicule et a profité de sa domination hiérarchique pour utiliser ses faiblesses.

L'employeur produit un échange de messages électroniques datés d'août 2019 entre Mme [G], laquelle était la supérieure hiérarchique de Mme [S] comme celle-ci le reconnaît et par ailleurs l'épouse de l'employeur, aux termes duquel la salariée indique 'qu'elle n'est pas une femme soumise et encore moins dans vos pratiques religieuses. Alors cessez de me traiter comme une moins que rien', 'vous avez pris la grosse tête et votre objectif est de vous débarrasser de moi', 'vous pouvez chercher à m'attaquer sur des détails c'est sans importance moi j'ai des preuves matérielles et concrètes du harcèlement que vous me faites subir', 'ne perdez pas votre temps à me faire un roman ou un appel encore croustillant...nous allons confier tout cela à l'inspection du travail puisque vous ne pouvez plus me parler sans hurler ou me menacer' (pièce n°9 appelant).

De même, est versé aux débats un sms envoyé en septembre 2019 par la salariée, refusant désormais de correspondre avec Mme [G] qu'elle traite de 'matrone', terme péjoratif à l'égard de sa supérieure hiérarchique dans ce contexte, affirmant qu'elle ne correspondra qu'avec M. [G] (pièce n°10 appelant).

Le ton utilisé dans d'autres sms est provocateur et déplacé, allant au-delà d'un droit d'expression ou même d'une familiarité (pièce n°10 appelant).

Les faits de harcèlement qu'elle allègue pour justifier ce comportement ne résultent que de sa lettre du 25 septembre 2019 qui ne s'appuie sur aucun autre élément pour établir le comportement supposé de l'employeur et de son épouse, notamment en ce qui concerne la religion de M. [G], le contenu du message de la salariée du 17 août 2019 ne pouvant sérieusement être qualifié d'amical comme elle l'affirme.

De même, les échanges de sms en septembre 2019 contredisent un comportement harcelant de l'employeur, la salariée répondant à une demande de Mme [G] sur la confirmation du transport d'un enfant par l'ironie et la provocation, faisant état d'une communication 'par télépathie youpi'.

Le grief est établi.

- sur le comportement d'insubordination

L'appelant soutient que la salariée a eu un comportement d'insubordination à l'égard des directives de l'employeur, avec une attitude d'opposition à l'égard de la supérieure hiérarchique, assistante de direction au sein de l'entreprise chargée de la planification des courses, a refusé de prendre en compte une nouvelle prise en charge suite à l'annulation d'une course, contraignant l'employeur à faire appel à une autre entreprise de taxi pour la sortie d'hospitalisation d'une cliente.

L'intimée indique que Mme [G] l'a 'prise en grippe' rendant sa vie professionnelle infernale et invivable.

Elle fait valoir qu'elle a souhaité poursuivre son travail sans interférence de Mme [G], ni contact avec elle mais seulement avec l'employeur (sa pièce n°13 ; la pièce n°32 de l'appelant). Elle affirme que son licenciement a pour cause la dénonciation qu'elle a faite de l'immixtion de Mme [G] dans son travail.

Il résulte des écritures des parties que Mme [G] gérait le planning des courses des salariés en tant qu'assistante de direction de l'entreprise, supérieure hiérarchique de la salariée.

L'échange de messages et de sms produit par l'employeur (sa pièce n°10) ne permet pas d'établir que Mme [G] avait à l'égard de la salariée un comportement qualifié de 'harcèlement téléphonique et verbal', une attitude tendant à humilier ou à rabaisser Mme [S] notamment devant les clients qui entendaient les conversations entre la direction et le chauffeur de taxi.

Ainsi, l'appelant produit 15 témoignages de clients, certains depuis de très nombreuses années (ses pièces n°38-1 à 38-15) mentionnant ne jamais avoir entendu de propos désagréables, blessants ou humiliants de la part de Mme ou M. [G] lors d'entretiens téléphoniques avec la personne à l'intérieur de leurs véhicules, l'un des témoignages (M. [F]) soulignant même que Mme [S] lui avait indiqué qu'elle se sentait bien au sein de l'entreprise.

Les sms et courriers électroniques produits par l'appelant (ses pièces n°23 à 26) démontrent au contraire que tant M. [G] que son épouse étaient conciliants à son égard.

De même, la lettre de Mme [S] du 25 septembre 2019 établit que celle-ci se refusait à travailler avec Mme [G] et à suivre ses directives relatives au planning et aux courses, 'c'est avec vous M. [G] que j'ai signé un contrat de travail [...] et en aucun cas avec Mme [G]', que, censée travailler le samedi 17 août elle s'y est refusée en ironisant sur la sanction pouvant lui être infligée (pièce appelante n°9).

Il est également fait reproche à la salariée le 1er octobre 2019, de refuser de suivre le planning au motif que les règles imposées par la CPAM interdisent la prise en charge simultanée de deux clients (pièce n°15 appelant).

Or, contrairement à ce qu'affirme la salariée, la prise en charge simultanée de deux clients n'est pas prohibée par la CPAM (pièce n°14 appelant).

L'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, est seul habilité, et non le chauffeur, à décider de mettre en place un tel transport.

Le refus de répondre à Mme [G] le 3 octobre 2019 s'est traduit par une absence de réponse à l'appel de cette dernière sur le portable professionnel de Mme [S], la salariée s'étant présentée pour une course qui avait été annulée, ce dont Mme [G] avait tenté de l'en informer en vain, et n'étant pas en mesure de prendre en charge une autre cliente en sortie d'hospitalisation, ce qui a contraint l'entreprise à solliciter un confrère en urgence pour effectuer cette course et le rémunérer en conséquence (pièce n°4, 16, 32 et 34 appelant).

Le grief est établi.

- sur les plaintes des clients transportés par la salariée

L'appelant n'apporte aucun élément relatif à ce grief lequel n'est donc pas établi.

En conséquence, les griefs ainsi retenus, pris dans leur ensemble, caractérisent des manquements graves de la salariée à ses obligations telles qu'elles résultent de son contrat de travail, lesquels révèlent un comportement d'insubordination et des propos déplacés.

Cette attitude portait effectivement atteinte à l'autorité de l'employeur et à son pouvoir de direction.

Elle rendait impossible le maintien de la salariée au sein de l'entreprise, y compris pendant son préavis.

Le jugement sera infirmé en ce que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave.

L'intimée sera déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de préavis et congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, et congés payés afférents.

Elle sera également déboutée de sa demande de remise de documents sociaux sous astreinte, ceux-ci lui ayant été dûment envoyés par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 novembre 2019, reçue le 16 novembre, la salariée ayant refusé de prendre l'attache de l'employeur pour les récupérer (pièce n°21 appelant).

S'agissant des dommages-intérêts pour préjudice moral, l'intimée fait valoir qu'elle produit aux débats les 'certificats médicaux et arrêts de travail liés au harcèlement constant de Mme [G] qui s'immisçait systématiquement' dans son travail et expose qu'elle a été affectée par les fausses accusations portées contre elle.

Or, outre que l'intimée ne forme aucune demande relative au harcèlement moral telle la nullité du licenciement et des dommages-intérêts pour un harcèlement moral qu'elle allègue, se bornant à verser aux débats deux courriers de septembre et octobre 2019 où elle affirme certains faits sans avancer des éléments objectifs et vérifiables, les griefs relevés à l'encontre de la salariée sont suffisamment établis pour justifier de la faute grave.

Surabondamment, le certificat médical daté du 26 octobre 2019 soit postérieur au licenciement, se borne à reprendre les dires de la salariée quant à l'existence de 'harcèlement, de persécution, d'attaques verbales, d'humiliations, d'embêtements du matin au soir, de machinations de la part de ses employeurs en tout cas victime de tout acte pouvant nuire à sa santé physique et morale et de depuis le mois de juin 2019" mais le médecin n'a pas été témoin des faits qu'il évoque (pièce n°15).

Il n'est donc pas justifié d'un préjudice moral.

En conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef.

L'intimée sera déboutée de sa demande à ce titre.

2- sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

L'intimée sera condamnée à payer à M. [G] exerçant sous le nom commercial Taxi Dange la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres du 21 mars 2022 sauf en ce qu'il a débouté Mme [R] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute Mme [R] [S] de ses demandes d'indemnité de préavis et congés payés afférents, de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour préjudice moral, de remise de documents sociaux,

Condamne Mme [R] [S] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne Mme [R] [S] à payer à M. [V] [G] exerçant sous le nom commercial 'Taxi Dange' la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

Déboute Mme [R] [S] de ses demandes à ce titre.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Dorothée Marcinek, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-2
Numéro d'arrêt : 22/01285
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01285 ?
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