COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 JUILLET 2024
N° RG 24/00340
N° Portalis DBV3-V-B7I-WKIF
AFFAIRE :
[K] [H]
C/
Société REMA GROUPE
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 janvier 2024 par le conseiller de la mise en état de la chambre 4-1 de la cour d'appel de Versailles
N° RG : 23/01357
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Aurelien DAIME
Me Olga OBERSON
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [K] [H]
né le 20 janvier 1989 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE
APPELANT
****************
Société REMA GROUPE
N° SIRET : 333 088 714
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Olga OBERSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0348
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du 11 mai 2023, notifié aux parties le 12 mai 2023, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil (section commerce) a :
. débouté M. [H] de sa demande de résiliation judiciaire
. jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse
. débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes
. débouté la SARL Rema Groupe de ses demandes reconventionnelles
. mis les entiers dépens à la charge de M. [H].
Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Versailles le 23 mai 2023, M. [H] a interjeté appel de ce jugement.
Saisi le 5 septembre 2023 par l'intimée d'un incident aux fins de caducité de l'appel, par ordonnance d'incident du 25 janvier 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a déclaré l'appel caduc en raison de la notification tardive des conclusions à l'intimée.
Les motifs de l'ordonnance sont les suivants : « L'appelant n'a pas signifié ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti de 3 mois à compter de la déclaration d'appel ».
Par requête aux fins de déféré du 2 février 2024, à laquelle il est expressément renvoyé pour l'énoncé complet des moyens, M. [H] demande à la cour de :
. infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 janvier 2024 en ce qu'il a :
. dit que la caducité de la déclaration d'appel de M. [H] en date du 23 mai 2023 est encourue,
. dit que cette sanction n'est pas écartée
En conséquence
. constater que la déclaration d'appel est caduque
. dire n'y avoir lieu à applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
. condamner M. [H] aux entiers dépens d'appel
Statuant à nouveau
A titre principal
. déclarer irrecevables les conclusions d'incident en caducité de la déclaration d'appel de la société REMA Groupe
A titre subsidiaire
. débouter la société Rema Groupe de sa demande de prononcé de la caducité de la déclaration d'appel
En tous les cas
. dire et juger que la déclaration d'appel n'est pas caduque
. condamner la société Rema Groupe à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile
. débouter la société Rema Groupe de ses demandes.
Il soutient dans sa requête que la société Rema Groupe n'a pas valablement constitué avocat. Par conséquent, il disposait d'un délai de 4 mois à compter de la déclaration d'appel pour signifier ses conclusions à l'intimé.
La société Rema Groupe, défendeur au déféré, demande à la cour de :
. confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 janvier 2024 en toutes ses dispositions
En toutes hypothèses,
. constater la caducité de la déclaration d'appel de M. [H] du 23 mai 2023 sur le jugement rendu par la conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 11 mai 2023
. débouter M. [H] de toutes ses demandes
. condamner M. [H] aux dépens.
. condamner M. [H] à payer à la société Rema Groupe la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la constitution effectuée par son avocat le 5 juin 2023 est opposable à M. [H], qui aurait donc du conclure avant la fin du délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel.
MOTIFS
L'article 542 du code de procédure civile dispose que :
"L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel."
Il résulte de l'article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L'article 910-1 du code de procédure civile prévoit que "Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige."
En application de l'article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour d'appel. Sous les mêmes sanctions elles sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d'appel; cependant, si entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
Selon l'article 960 du code de procédure civile, la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats. Seule la notification entre avocats rend ainsi opposable à l'appelant la constitution d'un avocat par l'intimé, à l'exclusion de tout autre acte.
Cette règle de procédure donne à l'appelant l'assurance d'être directement averti par le conseil de l'intimé de sa constitution au moyen d'une notification, le cas échéant effectuée par le réseau privé virtuel avocat. (2e Civ., 8 juin 2023, pourvoi n° 21-19.997, publié).
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile que l'appelant est tenu de notifier ses conclusions dans le délai de trois mois prévu à l'article 908, à l'avocat de l'intimé, dès lors que ce dernier s'est constitué. Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai de trois mois, que l'appelant doit signifier ses conclusions à la partie intimée qui n'a pas constitué avocat, sauf si entre temps celle-ci a constitué avocat avant la signification des conclusions.
Une telle notification faite à l'avocat de l'intimé constitué poursuit l'objectif légitime de garantir à ce dernier qu'il disposera, pour remettre ses conclusions, de la totalité du délai qui lui est imparti par l'article 909 du code de procédure civile, sans qu'il se trouve exposé à l'aléa tenant à l'absence ou au retard de transmission par son client des conclusions de l'appelant qui lui auraient été signifiées. Une telle disposition constitue ainsi pour l'intimé une formalité nécessaire au respect des droits de la défense.
Cette formalité prévisible, résultant d'une disposition éclairée par une jurisprudence constante (2e Civ., 5 septembre 2019, pourvoi n° 18-21.717, Bull.), ne conduit pas à faire supporter à l'appelant une charge excessive et n'est pas empreinte d'un formalisme excessif, dès lors qu'il est mis en mesure de procéder à des diligences alternatives selon qu'il a reçu ou non l'information de la constitution de l'avocat avant de procéder à la formalité qui lui incombe.
Par conséquent, de telles dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel au regard du but poursuivi (2e Civ., 8 juin 2023, pourvoi n° 21-19.997, précité).
En l'espèce, il ressort des pièces de procédure que le salarié a interjeté appel le 23 mai 2023, et que, contrairement à ce que soutient le salarié, l'intimé a régulièrement constitué avocat par RPVA le 5 juin 2023, selon message adressé au greffe de la cour, et en copie au conseil de l'appelant.
En effet, il ressort des messages électroniques générés par le RPVA que le 5 juin 2023 à 11h59, l'avocat de l'intimée a adressé au greffe de la cour d'appel, avec l'avocat de l'appelant en copie, la déclaration numérique de sa constitution, que cet envoi a généré un double accusé de réception du message et des pièces jointes par l'avocat de l'appelant le même jour à la même heure, à l'égard de l'avocat de l'intimée et du greffe, conformément aux articles 960 et 748-3 du code de procédure civile.
Par ce message comportant en pièce jointe la déclaration numérique de constitution, et en objet « constitution intimé », la constitution d'avocat de l'intimée a été régulièrement portée à sa connaissance en application de l'article 960 précité.
Il en résulte que, en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'appelant avait jusqu'au 23 août 2023 pour signifier ses conclusions d'appel à l'intimé régulièrement constitué.
Or, s'il a remis ses conclusions au greffe le 7 juin 2023, par message RPVA auquel le conseil de l'intimé n'était pas en copie, alors qu'il s'était constitué deux jours auparavant, l'appelant ne justifie pas avoir signifié à l'intimé ses conclusions d'appel dans le délai prescrit à l'article 908 précité, de sorte que l'appel interjeté le 23 mai 2023 est caduc.
Il résulte de ces constatations que l'appelant a reçu notification de la constitution d'un avocat par l'intimé et n'a pas été mis dans l'impossibilité de notifier ses conclusions à cet avocat dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, ce dont il se déduit que la déclaration d'appel est caduque faute de notification des conclusions à l'avocat de l'intimé dans les délais impartis.
L'ordonnance sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
L'appelant succombant sera condamné aux dépens de son déféré, ainsi qu'à payer à l'intimé une somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 janvier 2024,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [H] à payer à la société Rema Groupe la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [H] aux dépens du déféré.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente