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03/09/2024 | FRANCE | N°22/04635

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 03 septembre 2024, 22/04635


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



Chambre civile 1-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 SEPTEMBRE 2024



N° RG 22/04635 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VKBH



AFFAIRE :



AB HABITAT





C/



M. [O] [W]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2022 par le Tribunal de proximité de SANNOIS



N° RG : 11-21-1231



Expéditions exécutoires


Expéditions

Copies

délivrées le : 03/09/24

à :



Me Sylvie DERACHE-DESCAMPS



Me Francis CAPDEVILA



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/04635 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VKBH

AFFAIRE :

AB HABITAT

C/

M. [O] [W]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2022 par le Tribunal de proximité de SANNOIS

N° RG : 11-21-1231

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03/09/24

à :

Me Sylvie DERACHE-DESCAMPS

Me Francis CAPDEVILA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société HLM AB HABITAT

n° Siret 807 567 136 RCS Pontoise

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Virginie DE SOUSA OLIVEIRA Substituant Maître Sylvie DERACHE-DESCAMPS de la SELARL DERACHE-DESCAMPS SUDRE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 154 - N° du dossier 402347

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Maître Francis CAPDEVILA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier 2204533

Représentant : Maître HAMIDA Abdelkader substituant Maître Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 -

Madame [R] [Y] épouse [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Maître Francis CAPDEVILA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier 2204533

Représentant : Maître HAMIDA Abdelkader substituant Maître Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 -

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2024, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 31 août 2000, l'Office Public Intercommunal d'HLM d'[Localité 4]-[Localité 5], aux droits duquel intervient la société AB Habitat a donné en location à M. et Mme [W] un logement n°147 sis [Adresse 1] à [Localité 4] pour un loyer mensuel de 631,09 euros.

Par acte sous seing privé du 21 décembre 2013, l'Office Public Intercommunal d'HLM d'[Localité 4]-[Localité 5], aux droits duquel intervient la société AB Habitat, a donné en location à M. et Mme [W] un logement n°425 sis [Adresse 3] à [Localité 4] pour un loyer mensuel initial de 364,18 euros.

Par acte de commissaire de justice délivré le 10 décembre 2021, la société AB Habitat a assigné M. et Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constater que M. et Mme [W] ne respectent pas leurs obligations,

A titre principal, ordonner à M. et Mme [W] de procéder a la restitution du local technique sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement et dire que le tribunal se réservera la liquidation de l'astreinte,

A titre subsidiaire et à défaut de libération du local dans le délai de trois mois suivant le jugement,

- prononcer la résiliation du bail,

- ordonner 1'expulsion de M. et Mme [W] et de tous occupants de leur chef du logement n° 425 G situé au [Adresse 3] à défaut de départ volontaire des lieux, avec le concours de la force publique si besoin,

- autoriser la séquestration des meubles et objets mobiliers qui seront trouvés dans les lieux lors de l'expulsion, dans tel garde-meuble du choix du demandeur, aux frais, risques et périls de M. et Mme [W],

- condamner solidairement M. et Mme [W] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer contractuel et des charges locatives, qui sera perçue dans les mêmes conditions que celles prévues au contrat jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner solidairement M. et Mme [W] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner solidairement M. et Mme [W] aux entiers dépens comprenant le coût de la sommation interpellative délivrée le 2 novembre 2021.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2022, le tribunal de proximité de Sannois a :

- rejeté la demande de la société AB Habitat de restitution du local sis [Adresse 1] à [Localité 4] au rez-de-chaussée,

- dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de bail convenu avec M. et Mme [W],

- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société AB Habitat,

- rejeté la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [W],

- condamné la société AB Habitat à payer à M. et Mme [W] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe en date du 13 juillet 2022, la société AB Habitat a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 4 mai 2023, la société AB Habitat, appelante, demande à la cour de :

- la déclarer recevable en son appel interjeté le 13 juillet 2022,

- constater que les époux [W] ne respectent pas leurs obligations contractuelles,

Y faisant droit, et à titre principal :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Sannois du 8 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société AB Habitat de sa demande tendant à voir ordonner la restitution du local technique sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de sa demande tendant à constater que les époux [W] ne respectent pas leurs obligations,

Et statuant à nouveau :

- ordonner à M. [O] [W] et Mme [R] [W] de procéder à la restitution du local technique sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire,

- constater l'existence d'un prêt à usage entre la société AB Habitat et les époux [W],

- constater la régularité du congé du 22 avril 2021 donné par la Société Ab Habitat aux époux [W],

En conséquence,

- ordonner à M. [O] [W] et Mme [R] [W] de procéder à la restitution du local technique sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

Dans l'hypothèse où les époux [W] n'auraient pas procédé à la restitution du local à l'issue d'un délai de 3 mois suivant la date de la décision à intervenir,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Sannois du 8 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société AB Habitat de sa demande en résiliation judiciaire de contrat de bail, et de dommages et intérêts et statuant à nouveau,

- ordonner la résiliation du bail,

- ordonner l'expulsion de M. [O] [W] et Mme [R] [W] des lieux sis [Adresse 3] ainsi que de tous occupants de leur chef, par toute voie et moyen de droit, même avec l'assistance de la force publique si besoin est, à compter de la décision à intervenir,

- ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde- meuble qu'il plaira au tribunal de désigner aux frais, risques et périls des époux [W].

- condamner solidairement M. [O] [W] et Mme [R] [W] à payer à la société AB-Habitat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du dernier loyer conventionnel majoré des charges qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi normalement et ce jusqu'à libération effective des lieux.

En tout état de cause :

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté les époux [W] de leur demande de dommages et intérêts,

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté la Société AB Habitat de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement M. [O] [W] et Mme [R] [W] à payer à société AB Habitat la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de non restitution du local,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Sannois du 8 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société AB Habitat de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [O] [W] et Mme [R] [W] à payer à la société AB-Habitat venant aux droits de l'Office AB Habitat la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [O] [W] et Mme [R] [W] à payer à la société AB-Habitat venant aux droits de l'Office AB Habitat la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les époux [W] aux entiers dépens comprenant notamment le coût de la sommation interpellative délivrée par la SCP Venezia, huissiers de justice associés à [Localité 4] en date du 2 novembre 2021, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 janvier 2024, M. et Mme [W], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :

- les dire et juger recevables et bien fondés en leurs demandes,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement du tribunal de proximité de Sannois du 8 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société AB Habitat de l'intégralité de ses demandes,

- infirmer le jugement du tribunal de proximité de Sannois du 8 juin 2022 en ce qu'il a débouté M. et Mme [W] de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né de cette procédure abusive, ainsi que de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'atteinte à leur honneur et leur probité,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société AB Habitat à verser à M. et Mme [W] la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral qu'ils ont subi du fait de cette procédure contentieux abusive,

- condamner la société AB Habitat à verser à M. et Mme [W] la somme de 2 500 euros au titre du préjudice qu'il a subi du fait de l'atteinte à son honneur et sa probité,

- condamner la société AB Habitat à verser à M. et Mme [W] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société AB Habitat aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 janvier 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de restitution d'un local dit technique et d'expulsion de M. et Mme [W]

La Société AB Habitat fait grief au premier juge d'avoir retenu que l'occupation d'un local par les époux [W] aurait été autorisée par elle, que cette occupation n'aurait pas été remise en question pendant de nombreuses années, et qu'il ne serait pas établi qu'il s'agisse d'un local technique.

L'appelante soutient que le premier juge a commis une erreur de droit et d'appréciation des circonstances de l'espèce et sollicite l'infirmation du jugement déféré.

Elle demande, à titre principal, la restitution du local occupé par les époux [W] et mis à leur disposition, sur le fondement d'un défaut de titre d'occupation, ainsi que leur expulsion, dans l'hypothèse où le 'local technique' ne serait pas restitué dans un délai de trois mois.

A titre subsidiaire, elle sollicite la restitution du local, en faisant valoir que, si la cour devait considérer que les époux [W] disposent d'un titre d'occupation, il ne pourrait s'agir que d'un prêt à usage, auquel elle est en droit de mettre fin à tout moment sous réserve d'offrir aux époux [W] un délai raisonnable pour quitter les lieux.

Elle expose à la cour avoir adressé le 22 avril 2021 un congé aux époux [W], qui ont ainsi bénéficié d'un délai raisonnable pour quitter le 'local technique' qu'ils occupent.

Les intimés répliquent qu'ils ont bénéficié d'une mise à disposition gratuite du local litigieux, dans le cadre d'un bail gratuit non écrit et ce durant plus de 20 ans avec l'accord de la société AB Habitat.

Ils indiquent qu'il ne s'agit pas d'un local technique, ce que leur bailleur ne démontre pas et concluent à la confirmation du jugement déféré ayant débouté l'appelante de ses demandes.

Sur ce,

a) Demande de restitution du local pour défaut de titre d'occupation

Aux termes des dispositions de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'appelante soutient que le local occupé serait un local technique et qu'il serait contraire au règlement de l'immeuble de l'occuper à titre privatif. Elle indique en outre n'avoir jamais régularisé de convention d'occupation pour ce local et dénie avoir autorisé les époux [W] à occuper ce local ; elle considère leur occupation sans droit ni titre.

Il ressort d'une attestation versée aux débats et établie par M. [G], président de l'amicale des locataires [6] à [Localité 4], qu'il avait été convenu le 21 décembre 2013 dans le cadre de l'occupation d'un nouveau logement donné à bail par la société AB Habitat aux époux [W], au [Adresse 3] et ne disposant pas de cave, que ces derniers pourraient continuer d'occuper un local mis précédemment à leur disposition au rez-de- chaussée du [Adresse 1] à [Localité 4] dont l'adresse correspond à leur ancienne résidence, tant qu'une cave ne leur serait pas attribuée dans leur nouvelle résidence au [Adresse 3].

Les intimés soutiennent que dans le cadre d'un bail pour leur précédent logement sis [Adresse 1] à [Localité 4], à défaut de pouvoir disposer d'une cave, ils ont bénéficié d'une mise à disposition gratuite d'un local afin de leur permettre de ranger leurs affaires à compter de l'année 2003, local alors mis à leur disposition par Mme [L], directrice de la société AB Habitat qui leur a remis les clés de ce local en agence.

Ils font valoir que, dans un second temps et depuis le 21 décembre 2013, ils ont emménagé au [Adresse 3], dans un nouveau logement également donné à bail par la société AB Habitat. Ils indiquent que dans le cadre de ce second bail, la société AB Habitat n'étant toujours pas en mesure de leur proposer une cave, alors que d'autres locataires de l'immeuble du [Adresse 3] en bénéficiaient, elle a poursuivi la mise à leur disposition du local sis [Adresse 1] à [Localité 4].

Si le règlement intérieur annexé au contrat de bail régularisé avec les époux [W] prévoit que personne ne peut s'approprier un bien partagé, ni l'utiliser pour entreposer des objets personnels, il n'est pas établi que le local occupé par les époux [W] soit un local technique à usage collectif, ce que la société AB Habitat ne démontre pas, et ce alors même qu'elle a laissé les époux [W] l'occuper à titre privatif durant plus de vingt ans après leur avoir remis les clés du local.

Il s'en déduit que la mise à disposition à titre privatif du local litigieux à M. [O] [W] et Mme [R] [W] leur a ainsi été consentie volontairement par la bailleresse après une nécessaire remise des clés du local, laquelle s'est poursuivie durant plus de vingt années sans jamais être remise en cause jusqu'à ce jour, de sorte que les occupants du local ne peuvent être regardés comme étant des occupants sans droit ni titre.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté la société AB Habitat de sa demande de restitution du local situé [Adresse 1] au rez-de- chaussée à [Localité 4], de sa demande d'expulsion du local mis à disposition de M. [O] [W] et Mme [R] [W] qui l'occupent, ainsi que de sa demande subséquente de paiement d'une indemnité d'occupation, dès lors que ces demandes étaient fondées sur un défaut de titre d'occupation.

Cependant, la société bailleresse sollicite, à hauteur de cour et à titre subsidiaire, la restitution du local technique, en invitant la cour à reconnaître que, si la cour devait considérer que les époux [W] dispesent d'un titre d'occupation, ce titre d'occupation s'analyse comme un prêt à usage, auquel elle est en droit de mettre un terme à tout moment, sous réserve de laisser aux occupants à titre gratuit un délai raisonnable pour quitter les lieux.

b) Demande de restitution du local fondée sur l'existence d'un prêt à usage

S'agissant de ce deuxième fondement juridique de la demande de restitution, il convient de rappeler que Aux termes de l'article 1875 du code civil, le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi.

Il permet au propriétaire d'un immeuble, d'un terrain, d'une parcelle de terre, d'un local, d'une maison, d'un appartement ou de tout autre bien immobilier de prêter celui-ci gracieusement pour son usage.

Le contrat de prêt à usage contrairement au contrat de prêt entre particuliers implique un rapport à deux parties qui sont, d'une part, le propriétaire du bien, et, d'autre part, le preneur, qui emprunte le bien au propriétaire et qui s'engage à l'entretenir et à le rendre dans le même état qu'il lui a été attribué.

Le preneur est tenu de conserver en bon état le bien qui lui est prêté en assumant toutes les dépenses relatives à son entretien, à l'exception des dégradations causées par un usage normal et répété sur la durée, selon l'article 1884 du code civil.

Le contrat de prêt à usage prend fin lorsque l'usage du bien cesse, ou à tout moment à la demande de l'une des parties.

Le preneur est tenu de conserver en bon état le bien qui lui est prêté en assumant toutes les dépenses relatives à son entretien, à l'exception des dégradations causées par un usage normal et répété sur la durée, selon l'article 1884 du code civil.

La cour retient que la mise à disposition d'un local depuis 2003 consentie à titre gratuit à M. [O] [W] et Mme [R] [W] s'inscrit dans le cadre d'un prêt à usage, dès lors qu'il est établi que la société AB Habitat a mis gratuitement à leur disposition un local pour s'en servir et en disposer.

Il ressort de la jurisprudence que lorsque un prêt à usage ne comporte pas de terme convenu ou de terme naturel prévisible, le propriétaire du bien peut mettre fin au prêt à usage à tout moment, sous réserve de respecter un délai de préavis raisonnable et sans devoir justifier d'un besoin pressant et imprévu (Cass 3ère civ. 19 janvier 2005, n° 03-16623).

En l'espèce, il est établi que la société AB Habitat qui forme une demande subsidiaire portant sur la reconnaissance d'un prêt à usage, a préalablement respecté un délai de préavis raisonnable donné aux époux [W] pour mettre fin spécifiquement à l'usage du local qu'elle leur a consenti depuis 2003, ce délai ressortant d'un courrier daté du 22 avril 2021, par lequel elle les a invités à libérer les lieux au plus tard le 3 mai suivant, ce qu'il n'ont pas fait, ces derniers ayant ensuite bénéficié des plus larges délais dans le cadre de la procédure en appel pour quitter le local occupé.

Dès lors, la société AB Habitat justifie avoir mis fin à un prêt à usage en respectant un délai de préavis raisonnable donné aux époux [W] pour quitter les lieux.

Il sera ordonné à M. [O] [W] et Mme [R] [W] de procéder à la restitution du local occupé dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt.

Passé ce délai, et à défaut de restitution, les époux [W] devront verser à leur bailleresse une indemnité de 40 euros par jour de retard.

Sur la demande de résiliation du bail en cas de non restitution du local qualifié de technique

Si le bailleur peut demander à voir prononcer la résiliation d'un bail en cas de faute du locataire, il n'est pas établi en l'espèce que M. [O] [W] et Mme [R] [W] aient méconnu leurs obligations contractuelles et aucune faute ou manquement portant sur l'exécution de leur bail ne leur est reprochée.

Le défaut de restitution du local occupé ne saurait en lui-même justifier la résiliation du bail et l'expulsion du logement, dès lors qu'elle n'aurait pas pour effet de priver les époux [W] du titre d'occupation du logement lui-même. Elle pourrait seulement fonder utilement une demande d'expulsion du local qualifié de technique, qui n'est point sollicitée.

Il n'y a dès lors pas lieu de prononcer la résiliation de leur bail d'habitation.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts croisées

La société AB Habitat ne justifie pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de l'occupation du local en cause par M. [O] [W] et Mme [R] [W], dans la mesure où elle l'a autorisée durant plus de 20 ans.

La société AB Habitat sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

M. [O] [W] et Mme [R] [W] font valoir reconventionnellement avoir subi un préjudice moral et soutiennent que la procédure a porté atteinte à leur réputation et les a grandement affectés en étant inquiétés quant à leur avenir au sein de leur logement.

Il sollicitent la condamnation de la société AB Habitat à leur verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait d'une procédure qu'ils qualifient d'abusive, outre la somme de 2 500 euros en réparation d'un préjudice subi du fait d'une atteinte à leur honneur et probité.

Il n'est pas établi en quoi la procédure initiée par la société AB Habitat serait abusive et il est rappelé que le seul fait d'ester en justice ne peut constituer une faute indemnisable, quand bien même l'allégation portée par M. [O] [W] et Mme [R] [W] revêtirait un caractère blessant, humiliant ou offensant pour eux.

En outre, M. [O] [W] et Mme [R] [W] n'établissent pas de faits ou circonstances qui auraient porté atteinte à leur honneur et probité ni d'un préjudice en résultant.

Ils convient donc de les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les mesures accessoires

M. [O] [W] et Mme [R] [W] sont condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros à la société AB Habitat sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance et d'appel.

M. [O] [W] et Mme [R] [W] qui succombent en appel, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel, en ce non compris le coût d'une sommation interpellative du 2 novembre 2021, inutile à la solution finale du litige, qui restera à la charge de la société AB Habitat.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe de la première chambre 2,

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

Ordonne à M. [O] [W] et Mme [R] [W] de procéder à la restitution du local qualifié de technique dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Dit qu'à défaut de restitution passé ce délai, M. [O] [W] et Mme [R] [W] devront payer à la société AB Habitat une astreinte de 40 euros par jour de retard,

Ajoutant au jugement querellé

Déboute la société AB Habitat de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires,

Déboute M. [O] [W] et Mme [R] [W] de leurs demandes plus amples ou contraires,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraire du jugement entrepris,

Condamne in solidum M. [O] [W] et Mme [R] [W] au paiement de la somme de 2 000 euros à la société AB Habitat au titre de l'article 700 du code de procédure civile comprenant les frais de première instance et d'appel,

Condamne in solidum M. [O] [W] et Mme [R] [W] aux dépens de première instance et d'appel, qui ne comprendront pas le coût de la sommation interpellative du 2 novembre 2021.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/04635
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.04635 ?
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