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04/09/2024 | FRANCE | N°22/00164

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 copropriété, 04 septembre 2024, 22/00164


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 72E



Ch civ. 1-4 copropriété



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 SEPTEMBRE 2024



N° RG 22/00164 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U6AE



AFFAIRE :



[L] [B]

et autre



C/



[H] [F]

et autre





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N

° RG : 19/07531



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Karine LE GO,



Me Dominique LEBRUN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 72E

Ch civ. 1-4 copropriété

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/00164 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U6AE

AFFAIRE :

[L] [B]

et autre

C/

[H] [F]

et autre

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/07531

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Karine LE GO,

Me Dominique LEBRUN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Karine LE GO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 198

Madame [K] [G] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Karine LE GO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 198

APPELANTS

****************

Monsieur [H] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Dominique LEBRUN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 160

Madame [M] [O] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Dominique LEBRUN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 160

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,

****************

FAITS & PROCÉDURE

Depuis 1974, M. et Mme [B] sont propriétaires d'un appartement au 2ème étage de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 2], soumis au statut de la copropriété. Depuis cette date, ils n'ont jamais eu à se plaindre de bruits émanant de l'étage supérieur, alors occupé par une famille composée d'un couple et ses garçons. Toutefois les époux [F], nouveaux propriétaires de l'appartement du 3e étage, ont fait remplacer la moquette par du parquet flottant début 2016, après un mail confirmatif du syndic du 7 décembre 2015, aux termes duquel le syndic autorisait la réfection du sol à 'la condition expresse que les travaux soient réalisés dans les règles de l'art et en respectant la pose de l'isolation prévue'.

Depuis, les époux [B] se plaignent de nuisances sonores quotidiennes en provenance de l'étage supérieur. Les échanges de courriers entre les parties et leurs assureurs respectifs n'ayant pas permis la résolution amiable de cette situation litigieuse, les époux [B] ont, par exploits d'huissier des 16 et 24 février 2017, sollicité la désignation d'un expert judiciaire. C'est ainsi que M. [T], expert ingénieur acousticien, a été missionné le 18 avril 2017 par le juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles et a déposé son rapport le 4 septembre 2019.

Par exploit d'huissier du 5 novembre 2019, les époux [B] ont assigné les époux [F] devant le Tribunal judiciaire de Versailles afin de les voir notamment condamnés à remettre de la moquette sur le sol de l'appartement.

Par acte du 3 juillet 2020, les époux [F] ont fait citer la SA Credassur afin de les relever et garantir indemnes des condamnations financières éventuelles.

Les deux procédures ont été jointes le 27 octobre 2020.

Par jugement contradictoire du 2 décembre 2021, le Tribunal judiciaire de Versailles a :

- Rejeté la demande des époux [F] visant à écarter les débats les attestations produites par les époux [B],

- Déclaré recevables les demandes des époux [B],

- Rejeté l'ensemble des demandes des époux [B],

- Rejeté la demande des époux [F] visant à obtenir des dommages et intérêts,

- Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné les époux [B] aux dépens incluant les frais de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Lebrun, avocat.

Le premier juge s'est notamment fondé sur les motifs suivants :

Sur la violation de l'article 15 du règlement de copropriété, intitulé 'Tranquillité et bruits', en ses parties 3 et 5 : le premier juge a rejeté la demande des époux [B] tendant à condamner les époux [F] à faire reposer de la moquette dans leur appartement, en retenant que 'si le règlement de copropriété impose, en cas de modification de revêtement des sols, que le procédé utilisé et les nouveaux matériaux employés présentent des caractéristiques d'isolation phonique au moins égales à celles des procédés et des matériaux d'origine, celui-ci n'exige pas (...) Le recours à une moquette de même densité et de même caractéristique, a minima, que celle d'origine'.

Sur les troubles anormaux du voisinage invoqués à raison d'une dégradation importante de confort acoustique d'origine : le premier juge a rejeté les demandes des époux [B] relatives à ce chef de préjudice, motif pris que ' même en admettant que les nuisances sonores en provenance de l'appartement des époux [F] présentent un caractère excessif, ces derniers ne sauraient en être tenus pour responsables, la cause première de ces troubles étant imputable au manque d'isolation de l'immeuble'.

Les époux [B] ont relevé appel de ce jugement du 2 décembre 2021 du Tribunal judiciaire de Versailles, par déclaration en date du 10 janvier 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 28 juillet 2022, par lesquelles les époux [B], appelants invitent la Cour à :

- Réformer le jugement entrepris,

Statuant de nouveau :

- Condamner in solidum M. et Mme [F] à faire déposer le parquet mis en place et à le remplacer par une moquette de même densité et de mêmes caractéristiques a minima que celle d'origine telles que définies par l'expert, soit avec un indice d'amélioration compris entre 32 dB et 42 dB, et leur en justifier par la communication de la facture des travaux exécutés,

A titre subsidiaire :

- Condamner in solidum M. et Mme [F] à la modification de leur revêtement de sol avec l'emploi d'un matériau présentant des caractéristiques d'isolation phonique au moins égales à celles des procédés et des matériaux d'origine,

- Désigner un expert afin de constater que les travaux modificatifs qui auront été réalisés sont conformes au règlement de copropriété et que la performance acoustique des matériaux d'origine aura été respectée,

- Assortir cette obligation de remplacement du parquet d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir,

- Condamner M. et Mme [F] au paiement de la somme de 1 100 euros par mois, depuis le 3 mars 2016, en réparation de leur trouble de jouissance, soit la somme de 1 100 x 76 = 83 600euros au jour des présentes conclusions, sauf à parfaire à la date de l'arrêt qui sera rendu, - Condamner les époux [F] à placer des socles anti-vibratiles sous les appareils électroménagers et à les décoller du mur, ainsi qu'à en justifier à leurs voisins, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- Au vu du risque de voir, après la vente de leur appartement, une procédure engagée à leur encontre, condamner in solidum M. et Mme [F] au paiement de la somme de 15 000 euros supplémentaire à titre de dommages et intérêts,

- Débouter purement et simplement M. et Mme [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, en principal, dommages et intérêts, frais et accessoires,

- Condamner in solidum M. et Mme [F] au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais d'expertise de M. [T] dont distraction au profit de Maître Le Gô, avocat au Barreau de Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 20 mai 2022, par lesquelles les époux [F], intimés, invitent la Cour à :

- Confirmer le jugement du 2 décembre 2021 en ce qu'il a débouté les époux [B] de toutes leurs demandes tant principales qu'accessoires,

- Accueillir les époux [F] en leur appel incident :

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement du 2 décembre 2021 en ce qu'il a débouté les époux [F] de leurs demandes de dommages et intérêts et de leur demande en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner les époux [B] au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil, et au paiement de la somme complémentaire de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner des époux [B] aux entiers dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Lebrun, avocat aux offres de droit.

La procédure devant la Cour a été clôturée le 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

A titre préliminaire:

Les demandes tendant à voir 'dire','juger', 'donner acte', 'déclarer', 'constater', 'accueillir' et 'recevoir' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile en tant qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n'étant que la redite des moyens invoqués et non des chefs de décision devant figurer dans le dispositif de l'arrêt. Il n'y sera pas statué, sauf exception au regard de leur pertinence au sens des textes susvisés.

Sur la violation de l'article 15 du règlement de copropriété :

En droit

L'article 15 du règlement de copropriété, intitulé 'Tranquillité et bruits' stipule notamment en ses parties 3 et 5 : « (...) Chaque copropriétaire pourra modifier, comme bon lui semblera et à ses frais, la disposition intérieure de son appartement, sous réserve des prescriptions du présent paragraphe, des stipulations du présent règlement relatives notamment à l'harmonie, l'aspect, la sécurité et la tranquillité (...) / Le copropriétaire devra informer, un mois avant le début des travaux, le syndic de la copropriété qui pourra exiger leur exécution sous la surveillance d'un architecte, dont les honoraires seront à la charge du copropriétaire. / (...) Les occupants (...) des parties privées, ne pourront porter en rien atteinte à la tranquillité des autres copropriétaires. / (...) Le revêtement des sols ne pourra être modifié qu'après autorisation du syndic de la copropriété ayant pris l'avis d'un architecte, et sous la condition expresse que le procédé utilisé et les nouveaux matériaux employés présentent des caractéristiques d'isolation phonique au moins égales à celles des procédés et des matériaux d'origine, et ne soient pas susceptibles de répercussions sur les locaux voisins.»

En l'espèce

La Cour adopte les motifs retenus à juste titre par le premier juge qui a jugé que l'article 15 du règlement de copropriété, qui régit les rapports entre copropriétaires, a été méconnu sur deux points dès lors que les travaux dans l'appartement [F] ont été réalisés sur accord du syndic mais sans l'avis d'un architecte et également, du fait de la conséquence desdits travaux à savoir un déficit de performance phonique du nouveau revêtement compris entre 14 et 24 décibels.

La Cour complète ces motifs par ceux détaillés ci-dessous.

L'expert judiciaire missionné le 18 avril 2017 par le juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles, M. [T], a déposé son rapport de 40 pages et 202 annexes, le 4 septembre 2019, dont les constatations et les conclusions ne sont pas sérieusement contestées.

Au terme des conclusions de l'expert et suite à sa recherche documentaire approfondie dans les ouvrages de référence de l'époque de même que dans les archives de son propre cabinet, M. [T] se réfère notamment à une étude acoustique réalisée en 2005 pour l'ancien syndic de la copropriété, portant sur les bruits provenant des séjours des appartements [N] et [A] décrits comme revêtus de la moquette d'origine, qui était 'une moquette en meraklon garantie 'grand teint soleil' de marque Carcalla label de qualité 5T de l'institut national du tapis, sur thibaude feutre de 8 mm d'épaisseur, collée après réagréage de la chape de ciment flottante sur sous-couche en feuille de liège de 5 mm d'épaisseur' se trouvant elle-même 'sur plancher constitué de hourdis en corps creux' selon le descriptif du constructeur, en 1972-74. L'indice d'amélioration du bruit de ce revêtement de sol était selon l'expert, compris entre 32 dB et 42 dB.

Quant au parquet posé dans l'appartement [F] entre janvier et février 2016, il s'agit d'un parquet flottant contrecollé posé sur sous-couche de 2 mm avec conservation de la thibaude de 1974. La société Parquet Bois Décor qui en a sous-traité la pose à la société Pichutka, a préconisé une sous-couche acoustique prévue pour assurer un indice de 18 dB. L'expert conclut que 'le déficit de protection dans l'appartement des époux [B] par rapport aux dispositions d'origine de la construction, atteint entre 14 dB et 24 dB, ce qui est considérable (...) et l'infraction aux dispositions réglementaires et contractuelles apparaît ainsi incontestable'. Enfin, la Cour relève qu'il ressort de la Note de Synthèse d'expertise (pièce 45 des appelants) n°5 du 20 mars 2019 (page 3), concernant les mesures de bruit de choc réalisés le 9 octobre 2017 avec une machine normalisée, que le bruit provenant du séjour [B] est mesuré à 32 dB dans le séjour du voisin du dessous, tandis que le même bruit provenant du séjour [F] est mesuré à 63 dB dans le séjour [B].

Il y a lieu de confirmer, dans ces conditions, que l'article 15 du règlement de copropriété, intitulé 'Tranquillité et bruits' a été méconnu en tant que le revêtement des sols a été modifié de telle sorte que le procédé utilisé et les nouveaux matériaux employés présentent des caractéristiques d'isolation phonique inférieures de 14 dB et 24 dB à celles des procédés et des matériaux d'origine, ce qui entraîne des répercussions phoniques troublant la tranquillité des époux [B] qui habitent en-dessous.

Sur les demandes des époux [B], afin de voir les intimés condamnés à modifier leur revêtement de sol pour être en conformité avec ledit article 15 :

La Cour adopte les motifs par lesquels le Tribunal a rejeté la demande à titre principal des époux [B], telle que formulée devant lui, tendant à condamner les époux [F] à faire reposer de la moquette dans leur appartement dès lors que 'si le règlement de copropriété impose, en cas de modification de revêtement des sols, que le procédé utilisé et les nouveaux matériaux employés présentent des caractéristiques d'isolation phonique au moins égales à celles des procédés et des matériaux d'origine, celui-ci n'exige pas (...) le recours à une moquette de même densité et de même caractéristique, a minima, que celle d'origine'.

En appel, il y a lieu de faire droit à la demande subsidiaire des époux [B] et de condamner M. et Mme [F] à modifier leur revêtement de sol, dans les proportions et concernant les surfaces qui ont fait l'objet des travaux en cause en janvier et février 2016 (cf. Facture Parquet Bois Décor du 12 janvier 2016 pour une surface de 90 m²), dès lors que cette formulation respecte les stipulations de l'article 15 du règlement de copropriété sans y ajouter, et qu'elle est de nature à mettre fin aux troubles de voisinage qui seront mis en évidence infra. Ces travaux devront être effectués, conformément audit article 15, sur autorisation du syndic de la copropriété ayant pris l'avis d'un architecte, et en employant des matériaux et des procédés présentant des caractéristiques d'isolation phonique au moins égales à celles des procédés et des matériaux d'origine telles que définies par le rapport d'expertise, à savoir une isolation phonique comprise entre 32 dB et 42 dB.

En revanche il n'est pas nécessaire de désigner un expert afin de constater la conformité desdits travaux modificatifs, dès lors que l'article 15 du règlement de copropriété fait entrer cette mission dans le champ de compétences du syndic.

Le jugement sera infirmé sur ce point, et cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 5 mois suivant la signification du présent arrêt.

Sur la demande des époux [B] tendant à voir les époux [F] condamnés à placer des socles anti-vibratiles sous les appareils électroménagers et les décoller du mur, ainsi qu'à en justifier à leurs voisins sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir :

La Cour observe au préalable, que les mesures acoustiques effectuées par l'expert judiciaire en date du 13 juin 2018 dans les pièces carrelées des époux [F] et [B], à savoir la cuisine, la salle de bain et la salle de douche, révèlent des résultats tout à fait comparables voire semblables au plan de l'isolation phonique. Ensuite, s'agissant des protections anti-vibrations, les intimés produisent des factures d'où il ressort qu'ils ont acheté des appareils électro-ménagers récents dont les nuisances sonores doivent être regardées comme correspondant aux normes en vigueur, ainsi qu'une facture de 24 euros correspondant à une dalle anti-vibration pour machine à laver.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas nécessaire de faire droit à cette demande des époux [B].

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les troubles anormaux du voisinage invoqués à raison d'une dégradation importante du niveau de protection acoustique d'origine :

Le premier juge a rejeté les demandes des époux [B] relatives à ce chef de préjudice, en retenant que ' même en admettant que les nuisances sonores en provenance de l'appartement des époux [F] présentent un caractère excessif, ces derniers ne sauraient en être tenus pour responsables, la cause première de ces troubles étant imputable au manque d'isolation de l'immeuble'. La Cour censure ce motif, qui est en contradiction avec celui retenu par le premier juge pour constater la violation du règlement de copropriété à raison, en particulier, du déficit de protection acoustique compris entre 14 dB et 24 dB consécutif aux travaux réalisés dans l'appartement [F] début 2016.

La Cour rappelle que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage, est une responsabilité sans faute.

S'agissant de la réalité et de l'importance objectivement mesurable de ce trouble anormal du voisinage lié au bruit : ainsi qu'il a été dit plus haut, l'expert judiciaire a conclu son rapport en précisant que 'le déficit de protection dans l'appartement des époux [B] par rapport aux dispositions d'origine de la construction, atteint entre 14 dB et 24 dB, ce qui est considérable (...)' et au surplus il ressort de la Note de Synthèse d'expertise (pièce 45 des appelants) n°5 du 20 mars 2019 (page 3), concernant les mesures de bruit de choc réalisés le 9 octobre 2017 avec une machine normalisée, que le bruit provenant du séjour [B] est mesuré à 32 dB dans le séjour du voisin situé en-dessous, tandis que le même bruit provenant du séjour [F], situé au-dessus, est mesuré à 63 dB dans le séjour [B].

Ces niveaux très conséquents de déficit de protection phonique, compris entre 14 dB et 24 dB, dont l'appréciation est utilement complétée par les mesures effectuées par l'expert judiciaire le 9 octobre 2017 qui font apparaître un différentiel de nuisance sonore de 31 dB, caractérisent, dans le cadre de l'usage privé des appartements en cause dans le présent litige, un trouble anormal de voisinage lié au bruit, conformément aux seuils mentionnés par les articles R. 1336-5 à R. 1336-8 du code de la santé publique.

Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance de leur logement, invoqué par M. et Mme [B] :

Les époux [B], tous deux nés en 1936, font valoir qu'ils sont dérangés quotidiennement, depuis mars 2016, par des nuisances sonores très importantes à savoir des voix et éclats de voix, bruits de chaises, claquements et coups divers, piétinements et bruits d'aspirateur notamment, de telle sorte qu'ils sont ainsi contraints de 'calquer leur rythme de vie sur celui de leurs voisins' du dessus, les époux [F], nés en 1974 et 1977, et de leurs deux jeunes enfants. Attestations à l'appui, ils se plaignent du fait que leur quotidien est devenu très pénible et qu'ils sont contraints de partir le week-end de leur appartement pour aller se reposer dans leur maison familiale en province.

Il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation due au titre de ce préjudice qui perdure depuis 2016, à savoir 8 années, en condamnant in solidum les époux [F] à verser aux époux [B] une somme de 12 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande des époux [B] tendant à l'indemnisation de la potentialité, après la vente de leur appartement, d'une procédure engagée à leur encontre, et donc à voir condamner M. et Mme [F] à leur payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts :

Eu égard aux motifs et aux condamnations prononcées par le présent arrêt, cette demande doit être regardée comme tendant à l'indemnisation d'un préjudice hypothétique eu égard au sens et au dispositif du présent arrêt.

Elle sera rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande des époux [F] tendant à voir condamner les époux [B] au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil :

Eu égard aux motifs et aux condamnations prononcées par le présent arrêt, cette demande doit être rejetée comme non-fondée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement au principal. Dès lors, concernant les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire faite par M. [T], ils doivent être mis à la charge des époux [F].

La Cour confirme le jugement en tant seulement que le premier juge a choisi à bon droit de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, eu égard aux circonstances de la cause et aux parties en litige.

S'agissant de l'appel, la Cour condamne les époux [F], in solidum, à verser une somme de 1 500 euros aux époux [B], au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [F], partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Le Gô, avocat au Barreau de Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

- Infirme le jugement du 2 décembre 2021 du Tribunal judiciaire de Versailles en tant qu'il a :

° rejeté l'ensemble des demandes des époux [B],

° condamné les époux [B] aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire,

- Confirme ledit jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés

- Condamne M. [H] [F] et Mme [M] [F] à modifier leur revêtement de sol, dans les proportions et concernant les surfaces qui ont fait l'objet des travaux en cause en janvier et février 2016 (cf. Facture Parquet Bois Décor du 12 janvier 2016 pour une surface de 90 m2), lesdits travaux devant être effectués conformément à l'article 15 du règlement de copropriété, à savoir sur autorisation du syndic ayant pris l'avis d'un architecte, et en employant des matériaux et des procédés présentant des caractéristiques d'isolation phonique au moins égales à celles des procédés et des matériaux d'origine telles que définies par le rapport d'expertise, à savoir une isolation phonique comprise entre 32 dB et 42 dB,

- Dit que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 5 mois suivant la signification du présent arrêt,

- Condamne in solidum M. [H] [F] et Mme [M] [F] à payer à M. [L] [B] et Mme [K] [B], la somme de 12 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance de leur logement,

- Condamne in solidum M. [H] [F] et Mme [M] [F] à payer les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire de M. [T], dont distraction au profit de Maître Le Gô, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- Condamne in solidum M. [H] [F] et Mme [M] [F] à payer à M. [L] [B] et Mme [K] [B], la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum M. [H] [F] et Mme [M] [F] à payer les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Le Gô, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Rejette toute autre demande.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 copropriété
Numéro d'arrêt : 22/00164
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.00164 ?
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