La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2024 | FRANCE | N°22/02211

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-4, 04 septembre 2024, 22/02211


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-4



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 SEPTEMBRE 2024



N° RG 22/02211

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJ7H



AFFAIRE :



[W] [G]





C/



Société SERVICES TECHNIQUES SCHLUMBERGER











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section :

E

N° RG : F 19/01033



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Katia DEBAY



Me Blandine DAVID







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/02211

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJ7H

AFFAIRE :

[W] [G]

C/

Société SERVICES TECHNIQUES SCHLUMBERGER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 19/01033

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Katia DEBAY

Me Blandine DAVID

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [W] [G]

née le 28 octobre 1973 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541

APPELANTE

****************

Société SERVICES TECHNIQUES SCHLUMBERGER

N° SIRET : 692 016 728

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

Plaidants: Me Martin PERRINEL de la SCP CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701, Me Thierry ROMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire: 1701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

1

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

 

Mme [G] a été engagée par la société Services techniques Schlumberger, venant aux droits de Schlumberger industries, en qualité de comptable, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2002, avec une reprise d'ancienneté au 2 novembre 2000.

 

Cette société est spécialisée dans les technologies de l'information. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de cinquante salariés. Elle applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

 

Au dernier état de la relation, Mme [G] exerçait les fonctions de responsable de service comptabilité fournisseur et trésorerie et son salaire brut mensuel s'élevait à 5 407 euros (moyenne des douze derniers mois).

 

Le 4 octobre 2017, la société a engagé la procédure de consultation des représentants du personnel portant sur le projet de réorganisation.

 

Le 4 janvier 2018, à l'issue des négociations, a été signé entre la société Services techniques Schlumberger et les organisations syndicales un accord collectif majoritaire sur le plan de sauvegarde de l'emploi, validé par la Direccte le 18 janvier 2018.

 

Par lettre du 9 janvier 2018, la société a informé Mme [G] que la catégorie de postes à laquelle elle appartenait était supprimée et lui a adressé un questionnaire de reclassement à l'étranger auquel elle a répondu favorablement. Par lettre du 2 mars 2018, la société a proposé à Mme [G] un reclassement dans un poste de comptable fiscaliste, qu'elle a refusé par lettre du 16 mars 2018.

 

Mme [G] a été licenciée par lettre du 22 octobre 2018 pour motif économique.

 

Le 15 avril 2019, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester le caractère économique de son licenciement, constater l'existence d'un harcèlement moral, d'une discrimination à raison du sexe, et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

 

Par jugement du 16 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

. dit et jugé que le licenciement de Mme [G] par la SAS Services techniques Schlumberger repose sur une cause réelle et sérieuse et que celle-ci est de nature économique

. dit et jugé que la SAS Services techniques Schlumberger a bien respecté l'obligation de reclassement qui pesait sur elle lors du licenciement économique de Mme [G]

. débouté Mme [G] de sa demande de dire et juger qu'elle a été victime de discrimination liée au sexe dans l'exécution de son contrat de travail,

. débouté Mme [G] de sa demande de condamnation au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. débouté Mme [G] de sa demande de condamnation au versement de dommages et intérêts sur le fondement d'une discrimination liée au sexe,

. débouté Mme [G] de sa demande de rappel d'indemnités de congés payés, correspondant à l'intégration de la rémunération variable dans l'assiette de calcul des congés payés,

. condamné la SAS Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] les sommes de 8 200 euros à titre de prime sur objectif pour l'année 2018 et de 820 euros au titre des congés payés afférents,

. condamné la SAS Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] les sommes de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

. débouté Mme [G] de sa demande d'anatocisme,

. débouté Mme [G] de sa demande d'exécution provisoire de la présente décision

. condamné la SAS Services techniques Schlumberger, aux entiers dépens de l'instance.

 

Par déclaration adressée au greffe le 12 juillet 2022, Mme [G] a interjeté appel de ce jugement.

 

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2024.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [G] demande à la cour de :

. Confirmer le jugement en ce qu'il a :

. Condamné la société Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] :

. 8200 euros à titre de prime sur objectifs pour l'année 2018, avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes,

. 820 euros au titre des congés y afférents, 

. 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, 

. infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

. juger que le licenciement de Mme [G] ne repose pas sur un motif économique, 

. Condamner la société Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] :

. 78 410 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 

.180 402 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée au sexe,

.1 745 euros à titre de rappel d'indemnités de congés payés, correspondant à l'intégration de la rémunération variable dans l'assiette de calcul des congés payés, avec intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

. 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, 

. ordonner la capitalisation des intérêts,

. Condamner la société STS aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Services techniques Schlumberger demande à la cour de :

. Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 16 mai 2022 en ce qu'il a: 

. Dit et jugé que le licenciement de Mme [G] par la SAS Services techniques Schlumberger repose sur une cause réelle et sérieuse et que celle-ci est de nature économique ; 

. Dit et jugé que la SAS Services techniques Schlumberger a bien respecté l'obligation de reclassement qui pesait sur elle lors du licenciement économique de Mme [G] ; 

. débouté Mme [G] de sa demande de dire et juger

qu'elle a été victime de discrimination liée au sexe dans l'exécution de son contrat de travail ; 

. Débouté Mme [G] de sa demande de condamnation au versement d'une indemnité pour  licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 

. Débouté Mme [G] de sa demande de condamnation au versement de dommages et intérêts sur le fondement d'une discrimination liée au sexe ;

. Dde la rémunération variable dans l'assiette de calcul des congés payés ; 

. Débouté Mme [G] de sa demande d'anatocisme ; 

. Débouté Mme [G] de sa demande d'exécution provisoire du jugement ; 

. Condamné la SAS Services techniques Schlumberger aux entiers dépens de l'instance. 

. Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 16 mai 2022 en ce qu'il a : 

. Condamné la SAS Services techniques Schlumberger à payer à Mme [G] les sommes de

8 200 euros à titre de prime sur objectifs pour l'année 2018 et de 820 euros au titre des congés  payés afférents ; 

. Condamné la SAS Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] les sommes de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et y ajoutant,

. déclarer Mme [G] irrecevable à contester son licenciement au motif que certains postes ne figurant pas dans le périmètre du PSE ne lui ont pas été proposés ; 

. Débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes ; 

. Condamner Mme [G] à verser à la société Services techniques Schlumberger la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de  première instance et d'appel.

Et en tout état de cause : 

. Débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

 

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que la salariée ne formule pas de demande de nullité de son licenciement pour discrimination, mais seulement une demande de dommages-intérêts au titre d'une discrimination liée au sexe.

Sur le licenciement pour motif économique

La salariée expose que le motif économique n'était pas établi, à la date de notification du licenciement, le 22 octobre 2018, que la baisse de trésorerie invoquée était inexistante, et qu'il n'y avait aucune menace sur la compétitivité ni nécessité d'anticiper des difficultés prévisibles, ainsi que cela a été jugé dans une affaire concernant une autre salariée (Mme [M]), que le réel motif de licenciement est la volonté de l'employeur de réduire les effectifs, et qu'en l'espèce il s'agissait ici pour la société de délocaliser en Roumanie tout le service comptabilité. Elle fait valoir que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, cette demande n'étant pas irrecevable contrairement à ce que soutient l'employeur, dès lors qu'elle concerne le respect par l'employeur de son obligation de reclassement individuelle et non une contestation générale du plan de reclassement prévu par le PSE, que de multiples postes ne lui ont pas été proposés.

L'employeur objecte que le motif économique est justifié, les chiffres avancés n'étant d'ailleurs pas contestés par la salariée, que les motifs de l'arrêt rendu dans l'affaire de Mme [M] ne sont pas transposables car cette fois le rapport annuel est communiqué à la cour en français et il démontre une dégradation de la situation économique rendant nécessaire la réorganisation de la société pour sauvegarder sa compétitivité, que l'amélioration de la situation en 2017 a été sans incidence s'agissant d'un motif titré de la nécessaire réorganisation, que la salariée se livre à une appréciation erronée des données chiffrées, qu'il n'y a existé en réalité aucune amélioration, mais au contraire une persistance de la crise, que l'inspecteur du travail a d'ailleurs autorisé les licenciements des salariés protégés. S'agissant du reclassement, l'employeur expose que la contestation de la salariée revient à porter une appréciation sur le contenu du PSE, que l'employeur ne peut proposer une mesure de reclassement individuel au salarié avant même que le CE ne rende son avis sur le projet de licenciement économique collectif et la salariée vise des postes qui ne figurent pas dans le périmètre de reclassement défini par le PSE.

Sur le motif économique

En matière de licenciement économique collectif, les textes applicables sont ceux en vigueur au moment de l'engagement de la procédure de licenciement par l'employeur. Cet engagement se situe au jour où l'employeur met en 'uvre la procédure consultative des représentants du personnel sur son projet en application des article L.1233-8, L.1233-28 ou L.1233-30 du code du travail selon le cas, l'article 18 - XXXIII. de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 précisant que la procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d'envoi de la convocation à la première réunion du comité d'entreprise. A défaut, il peut s'agir des délégués du personnel.

Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable lors de l'engagement de la procédure de licenciement, le 4 octobre 2017, « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. »

Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, des difficultés économiques ou la menace pesant sur la compétitivité ne peuvent justifier un licenciement que si elles affectent le secteur d'activité du groupe dans lequel intervient l'employeur.

Lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige auquel peut ensuite donner lieu cette mesure, fait état d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, le juge doit rechercher si la décision de l'employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève.

Répond à ce critère la réorganisation mise en 'uvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. La réorganisation, en revanche, ne peut avoir pour objet d'optimiser la rentabilité de l'entreprise et d'accroître les profits du groupe. Mais, dès lors que sont établis la réalité et le sérieux du motif économique du licenciement et l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail, le juge ne peut se substituer à l'employeur quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.

La constatation de l'existence ou non d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou de difficultés économiques relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, qui, pour cette appréciation, peuvent tenir compte d'éléments postérieurs à la date du licenciement.

Enfin, des motifs tirés de l'absence de justification par l'employeur de la situation de ses concurrents évoluant sur le même secteur d'activité sont impropres à écarter l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe (cf. Soc., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-12.987, et s.)

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et qui est différente de celle adressée à une autre salariée (Mme [M] c / société Services Techniques Schlumberger ' arrêt du 29 novembre 2023 de la cour d'appel de Versailles (RG 21/01233) frappé de pourvoi, invoqué par les parties) énonce :

« La Société appartient au groupe SCHLUMBERGER, fournisseur de technologies et de services, de gestion intégrées de projets ainsi que de solutions de technologies de l'information pour l'industrie pétrolière et gazière internationale dans les domaines de l'exploitation et de la production.

L'industrie pétrolière traverse depuis fin 2014 une crise majeure et persistante, qui a profondément et durablement transformée le marché.

Cette crise s'est d'abord traduite par une chute spectaculaire du prix du baril de pétrole, passé de plus de 100 USD le baril de Brent à moins de 50 USD en janvier 2015 avant de passer sous la barre des 30 USD en janvier 2016 avant de finalement se stabiliser autour de 55 USD en 2017.

Elle a ensuite entraîné un ralentissement brutal et continu de l'activité des compagnies pétrolières ainsi que de leurs projets d'investissement.

Les commandes de produits et services passées aux sociétés de services pétroliers ont corrélativement considérablement réduit.

Cette contraction du marché a entraîné une pression importante sur le prix des technologies et services fournis.

En tant que prestataire de services destinés à cette industrie, le groupe SCHLUMBERGER n'a cessé de voir ses résultats diminuer, comme tous ses principaux concurrents sur le marché.

Son chiffre d'affaires est ainsi passé de 48,5 milliards de US$ en 2014 à 35,4 milliards en 2015 - soit une diminution de 27% d'une année à l'autre - à 27,8 milliards de US$ en 2016, soit une nouvelle réduction de près de 25% et finalement à 30,44 milliards en 2017, ce qui pourrait indiquer une stabilisation, mais qui reste néanmoins très en dessous de 2014 et 2015, années de référence. Afin que la comparaison soit juste, il faut également inclure les chiffres de Cameron dans les années de référence, et l'on voit que le chiffre d'affaires de 2017 est alors précisément la moitié de celui de 2014, soit une chute de 50%.

Le résultat net du Groupe est quant à lui passé de 6,7 milliards de US$ en 2013 à 5,4 en 2014 puis à 2 milliards de US$ en 2015, soit une diminution de plus de 62% entre 2014 et 2015.

Cette baisse s'est encore accentuée en 2016, à l'issue de laquelle le Groupe a enregistré une perte de 1,7 milliards de US$.

En 2017, la perte de situe à 1,5 milliards de dollars. Le résultat est donc négatif pour la deuxième année consécutive.

Compte tenu de la situation du marché de l'industrie pétrolière et des restructurations auxquelles les sociétés pétrolières doivent elles-mêmes procéder pour s'adapter à ce nouveau paradigme du marché, le groupe ne peut raisonnablement espérer de reprise significative à court ou moyen terme des besoins de ses clientes.

Or, ce sont des besoins de ces sociétés pétrolières que dépend l'activité des sociétés opérationnelles du groupe SCHLUMBERGER et que ce sont - en ricochet - des besoins de ces sociétés opérationnelles du groupe que dépend l'activité des sociétés telles que STS.

La société ne tire en effet ses revenus que de ses activités de support et de services aux sociétés opérationnelles.

Or, à la suite de la restructuration du Groupe, de la suppression des cinq Régions et de la réduction du nombre de Géomarchés, la Société a perdu son principal client, la Région EAF.

Les départements de la société dédiés à ce support n'ont quasiment plus d'activité. Dans le même temps, les autres services de la Société dédiées au support des Lignes de Produits, des Groupes de Produits, ainsi que certains services partagés sont également impactés par la baisse durable d'activité.

Par ailleurs, les projets auxquels étaient dédiées les équipes SSO sont arrivés à leur terme.

Si dans ce contexte la Société n'a pas enregistré de pertes financières, ce n'est que compte tenu de son mode de facturation, qui consiste à refacturer ses coûts avec une marge à ses clientes internes.

La Société ne peut toutefois maintenir durablement le même niveau de facturation auprès des sociétés opérationnelles du groupe qui sont ses clientes.

La société STS doit donc ajuster son niveau de services au niveau de la demande de ses clientes internes.

Pour l'ensemble de ces raisons, et afin de sauvegarder la compétitivité du Groupe, une réorganisation de la Société a dû être envisagée pour redimensionner sa force de travail au niveau réel d'activité de ses clients.

La procédure de consultations des représentants du personnel de la Société, portant sur le projet de réorganisation, les licenciements pour motif économique en découlant et le Plan de sauvegarde de l'emploi a ainsi été engagée 4 octobre 2017 et s'est conclue par la signature d'un accord majoritaire sur Plan de sauvegarde de l'emploi le 4 janvier 2018.

Concrètement cette réorganisation induit 183 suppressions de postes.

Pour faire face à la crise du secteur et à la baisse drastique de commande de produits et de services par ses clients, ainsi qu'aux réductions conséquentes de prix, le groupe SCHLUMBERGER doit procéder à des réorganisations, et à son tour, la société doit elle aussi ajuster son niveau de services administratifs aux attentes et besoins de ses clients internes.

Elle doit désormais redimensionner et optimiser ses équipes de supports afin de permettre au groupe SCHLUMBERGER de s'adapter aux changements de paradigme de l'industrie pétrolière, et pour préserver sa compétitivité.

C'est dans cette optique qu'une équipe centralisée des fournisseurs sera consolidée au niveau global, réunissant les activités de comptabilité fournisseurs de plusieurs pays, y compris les activités de la comptabilité fournisseurs France, ce qui implique l'arrêt des activités de cette équipe en France. Par conséquent, tous les postes du département comptabilité fournisseurs France seront supprimées, dont le poste de responsable comptabilité fournisseurs et trésorerie.»

Le secteur d'activité de la société STS se confondant avec celui de l'ensemble des sociétés du groupe Schlumberger auquel elle appartient, la réalité du motif économique du licenciement doit être appréciée au niveau de ce groupe, ainsi qu'il résulte de la lettre de licenciement qui vise la nécessité de « sauvegarder la compétitivité du Groupe », ce périmètre n'étant d'ailleurs pas contesté par les parties.

Pour établir la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe auquel appartient la société STS, celle-ci établit que :

- l'activité principale des sociétés du groupe Schlumberger est centrée sur les services dans les domaines de l'exploration et la production d'hydrocarbures, et que la société STS, qui n'a aucun client externe aux sociétés du groupe, assure les services support en fournissant des conseil et assistance ainsi que des services de type technique administratif juridique et financier aux sociétés du groupe Schlumberger spécialisées dans le domaine de l'expertise géophysique,

- entre 2013 et 2016 le nombre de puits en exploitation (« rig count ») dans le monde a été réduit de moitié, et que, s'il a connu une légère amélioration en 2017 et au premier semestre 2018, principalement aux États-Unis, il est resté néanmoins inférieur de 40 % à son niveau « de référence » - 2014 ' avant la crise, passant de 3 465 puits en 2011 à 2 211 en 2018, et 1 361 en 2021, soit une diminution de plus de 50 % en l'espace de dix années,

- les commandes de produits et services passées aux sociétés de services pétroliers ont corrélativement été réduits, passant de 702 en 2014 à 412 en 2018, et 480 en 2020,

- prestataire de services destinés à cette industrie, le groupe a vu son chiffre d'affaires passant de 41,7 Md $ en 2012 à 32,8 Md $ en 2018, et 22,9 Md $ en 2021, soit une baisse de près de 50 % en l'espace de dix années, le chiffre d'affaires de la société STS passant quant à lui de 507 M€ en 2014 à 373 M€ en 2016, puis 281 M€ en 2017, soit une baisse de 45 % en trois exercices,

- le résultat net du groupe est passé de + 6,7 milliards de US$ en 2013 à une perte de 1,7 milliards en 2016 et de 1,5 milliards de US$ en 2017, soit deux années de perte consécutives lors de l'engagement de la procédure de licenciement économique, les résultats de l'année 2019, soit précisément l'année suivant le licenciement de la salariée, enregistrant une perte de 10,107 milliards de US$.

Ces éléments sont corroborés par :

- les rapports annuels du groupe pour les années 2015, 2016 et 2017, établis en français (pièces 37, 38 et 39 de la société) dont il ressort, outre les éléments précités, l'existence d'une baisse des flux de trésorerie entre 2015 et 2017, de 8,8 milliards de US$ à 5,6 milliards de US$, le résultat global passant de +1,72 milliards de US$ en 2015 à -1,13 milliards de US$ en 2017,

Le rapport de 2017 indique que le chiffre d'affaires international a baissé de 2% par rapport à 2016, dû à une faiblesse de la demande de produits et services liés à l'exploration et au développement, le rapport indiquant (page 14) que « la demande pour la majorité de nos produits et services dépend en grande partie des niveaux de dépenses de nos clients. Le ralentissement de l'industrie pétrolière et gazière a entraîné une baisse de la demande de services pétroliers, ce qui a eu, et pourrait continuer à avoir un impact négatif important sur notre situation financière, nos résultats d'exploitation et nos flux de trésorerie ».

- le rapport annuel 2018 établi également en français (pièce 41 de la société) dont il ressort, outre les éléments précités, l'existence d'un bénéfice net de la société, pour l'exercice clos au 31 décembre 2018, de 2,138 milliards de US$, donc en hausse par rapport à 2017.

Toutefois, la cour relève que ce rapport renseigne les résultats de l'exercice clos au 31 décembre 2018, date à laquelle le licenciement avait déjà été notifié à la salariée. A cette date, c'est donc une perte de 1,5 milliards de US$ en 2017 qu'enregistrait le groupe Schlumberger. En outre, le rapport annuel 2021 établi également en français (pièce 43 de la société) indique une perte de 10,107 milliards de US$ pour l'exercice clos le 31 décembre 2019, qui s'est poursuivie en 2020, avec une perte de 10,486 milliards de US$, le résultat ne redevant positif qu'en 2022, avec un bénéfice de 1,928 milliards de US$, moindre que celui de 2018.

S'agissant de la seule société STS, le rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice clos au 31 décembre 2018 indique, nonobstant une hausse du chiffre d'affaires entre 2017 et 2018 (passé de 281,22 millions d'euros à 322,91 millions d'euros), un résultat net de 6,14 millions d'euros, en baisse par rapport à celui de l'année 2017, qui était de 10,56 millions d'euros.

La cour relève que la salariée ne conteste pas l'exactitude des données financières sur lesquelles se fonde la société, mais présente différents arguments pour contester la réalité de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe.

Toutefois, d'abord, les moyens relatifs à la seule situation de la société STS sont inopérants, dès lors que la réalité du motif économique doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe à laquelle la société STS appartient, c'est-à-dire en réalité l'ensemble des sociétés du groupe Schlumberger.

De même, est inopérante la comparaison avec des sociétés qui sont des concurrentes du groupe, et dont la salariée invoque la situation financière florissante en terme de « méga-profits », et l'allégation, dépourvue d'offre de preuve, selon laquelle « la société avait parfaitement conscience de l'absence de motif économique et a décidé de procéder à la régularisation de transactions, d'une manière généralisée. » alors que la pratique du versement d'une indemnité transactionnelle est fréquente dans le cadre de licenciement économique collectif.

Ensuite, contrairement à ce que soutient la salariée, l'existence d'une somme importante au titre de dépréciation d'actifs dans le bilan financier du groupe en 2016 et 2017, ne saurait venir relativiser la réalité de la dégradation de la situation financière du groupe, laquelle intègre nécessairement la valorisation de ses actifs à la date de clôture de l'exercice, peu important que cette somme ne soit in fine pas décaissée. Il en est de même s'agissant des charges exceptionnelles et frais de fusion-acquisition, dont les montants s'intègrent eux aussi nécessairement dans le compte de résultat du groupe.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la salariée, il n'y a pas lieu de retirer les dépréciations d'actifs afin d'apprécier les résultats du groupe au regard de la nécessité ou non de sauvegarder sa compétitivité, cet élément étant au contraire un indicateur pertinent de la réalité de la situation économique du groupe au regard de ses perspectives d'évolution.

Par ailleurs, le discours du vice-président exécutif et directeur financier du groupe du 28 novembre 2017, et du directeur général dans le cadre du rapport annuel 2017 - dont la salariée invoque qu'ils sont contradictoires avec l'argument de la société d'une baisse de trésorerie sur une période de 5 ans- sont des discours ayant classiquement pour visée de rassurer les actionnaires, et ne peuvent être considérés qu'en tant que tels, seuls les chiffres précédemment exposés ayant une valeur probante.

Enfin, le choix du groupe d'acquérir le 1er avril 2016 le groupe Cameron pour 9,9 milliards de dollars (en actions) et 2,8 milliards en cash (cf rapport Soxia - Pièce A page 138 et liste des acquisitions du groupe Schlumberger - pièce C de la salariée), le maintien (et non l'augmentation) de la distribution des dividendes au même niveau entre 2017 et 2018, et le niveau de rémunération du PDG du groupe, constituent des choix de gestion dans lesquels il n'appartient pas au juge de s'immiscer, l'existence d'une faute ou légèreté blâmable de l'employeur n'étant d'ailleurs à ce titre pas invoquée par la salariée.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que la société établit l'existence d'une dégradation de la situation financière du secteur d'activité du groupe auquel la société appartient, et justifie ainsi que sa réorganisation était nécessaire en vue de sauvegarder sa compétitivité lorsqu'elle a décidé de mettre en 'uvre la procédure de licenciement économique collectif ayant donné lieu à la notification du licenciement de la salariée en octobre 2018.

Le motif économique étant établi, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens de la salariée selon lesquels le véritable motif résiderait dans la volonté de l'employeur de maintenir les profits et de réaliser une délocalisation du service A/P (Accounts payables - service comptabilité fournisseur) en Roumanie, (cf PV du CE du 17/05/2018 - pièce n°47 p5), cette décision relevant en tout état de cause précisément de la décision de réorganisation de la société et de ses modalités.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que le motif économique du licenciement est réel et sérieux.

Sur le reclassement

Sur la recevabilité de la contestation du salarié au titre du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement

Aux termes de l'article L. 1233-57-1 du code du travail « L'accord collectif majoritaire mentionné à l'article L. 1233-24-1 ou le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 sont transmis à l'autorité administrative pour validation de l'accord ou homologation du document. »

L'article L. 1233-24-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit que « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63.

Il peut également porter sur :

1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ;

2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ;

3° Le calendrier des licenciements ;

4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ;

5° Les modalités de mise en 'uvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4. »

Aux termes de l'article L. 1233-57-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur depuis le 01 janvier 2018, « L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de :

1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ;

2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique;

3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ;

4° La mise en 'uvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20. »

Enfin, aux termes de l'article L. 1235-7-1 du code du travail, 'L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.'.

Il résulte de l'article précité, issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, que, si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi. (Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-16.766, 17-16.767, publiés ; Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 17-31.673, 17-31.675, 17-31.676, diffusés).

A titre liminaire, la cour relève que l'employeur demande à la cour de « déclarer Mme [G] irrecevable à contester son licenciement au motif que certains postes ne figurant pas dans le périmètre du PSE ne lui ont pas été proposés », mais ne sollicite pas l'infirmation du chef de dispositif du jugement qui a « dit et jugé que la SAS SERVICES TECHNIQUES SCHLUMBERGER a bien respecté l'obligation de reclassement qui pesait sur elle lors du licenciement économique de Madame [G] [W] », dont il résulte nécessairement que la juridiction prud'homale s'est reconnue compétente pour en connaître. En outre, la société ne formule pas expressément dans le dispositif de ses conclusions, ni dans le corps de ses conclusions, de fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du juge judiciaire mais seulement une demande d'irrecevabilité de la contestation de la salariée au titre de l'obligation de reclassement.

En tout état de cause, il ressort des conclusions de la salariée que celle-ci conteste le non-respect par l'employeur de son obligation individuelle de reclassement en ce que, notamment, aucune recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement n'a été effectuée, y compris à l'étranger, alors qu'elle avait manifesté son accord pour une mobilité internationale dans ses réponses au questionnaire relatif aux possibilités de reclassements à l'étranger, sur 116 pays, et qu'elle ne s'est vue proposée qu'une offre reclassement, sur un poste de fiscaliste qui nécessitait une expérience de 5 à 10 ans en fiscalité et une formation bac +4/5 en fiscalité, qu'elle n'avait pas comme cela ressort de son CV (pièce n°29), qu'il s'agissait d'un poste sans aucune responsabilité de management, alors que depuis 2013, la salariée a eu constamment entre 9 et 12 collaborateurs sous sa responsabilité hiérarchique, que cette unique offre impliquait donc une rétrogradation et enfin qu'un poste de « Coordinateur Relocation » au sein de la société STS, figurant au PSE ne lui a pas été proposé.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, la contestation de la salariée ne tend pas uniquement à critiquer devant le juge judiciaire les recherches de postes de reclassement dans l'élaboration du PSE, dont le contrôle du contenu relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative, au profit de laquelle l'employeur ne sollicite en tout état de cause pas que la présente cour se déclare incompétente. Elle tend au contraire à contester la mise en 'uvre par l'employeur de son obligation individuelle de reclassement à l'égard de la salariée.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de l'employeur de « déclarer Mme [G] irrecevable à contester son licenciement au motif que certains postes ne figurent pas dans le périmètre du PSE ne lui ont pas été proposés ».

Sur le respect par l'employeur de son obligation de reclassement

Il ressort de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.

A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

L'employeur est tenu de rechercher et de proposer aux salariés les postes disponibles, dans l'entreprise mais aussi dans le cadre des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. (Soc., 31 mars 2021, pourvois n° 19-17.303 et s., publié).

L'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser (Soc., 3 décembre 2014, n°13.20.704 ; Soc.,20 janvier 2015, n°13-20.704).

Le seul fait que les postes sur lesquels un salarié a candidaté ont été attribués à d'autres salariés menacés de licenciement sur la base de critères objectifs, définis le cas échéant dans le plan de sauvegarde de l'emploi, n'emporte pas méconnaissance de l'obligation de reclassement (cf. Soc. 15 mai 2019, n° 17-25.893 ; Soc. 28 mars 2018, n° 16-25.551).

Enfin, l'employeur satisfait à son obligation de reclassement en adressant une proposition correspondant aux aptitudes et compétences du salarié, et adressé simultanément à plusieurs salariés pouvant se porter candidats sur ce poste (cf Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.249).

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats par les parties, que :

- selon un questionnaire de mobilité rempli le 14 janvier 2018, la salariée a accepté de recevoir des offres de reclassement pour des postes situés en Europe (sauf Roumanie), sur le continent américain, en Asie, et en Océanie,

- le poste de « Coordinateur Relocation », situé à [Adresse 6], et figurant en annexe 1 du PSE, page 75/100, pièce 12 de l'employeur, 'non cadre', proposé et accepté à M. [U], cadre, grade 12, Position Cadre IIIA, né en 1962 (cf pièces 48 et 49 de la salariée), n'a pas été proposé à Mme [G], née en 1973,

- l'assistante de la salariée, Mme [V], s'est vue proposer un poste de « Financial Analyst » à effet du 1er juin 2018 avec une promotion comme cadre, grade 10,

- la société a proposé à la salariée, qui exerçait les fonctions de « responsable de service comptabilité fournisseur et trésorerie », statut cadre, grade 11, par lettre du 2 mars 2018, soit plus de six mois avant la notification de son licenciement, un reclassement au poste de comptable fiscaliste, ce poste étant basé à [Adresse 6], selon l'annexe 1 du PSE (pièce 12 de la société),

- que la salariée a refusé cette proposition par lettre remise en mains propres du 16 mars 2018, au motif qu'il ne répondait pas à ses attentes et à l'évolution de carrière à laquelle elle aspirait.

Or, il ressort de cette proposition de reclassement qu'il s'agit d'un poste de « comptable fiscaliste », qui est en charge de la supervision comptable et qui doit veiller à ce que l'information comptable et financière des entreprises dont il a la charge soit réelle et sincère, qu'il doit participer à la mise en place des procédures permettant d'aligner les règles du contrôle interne, les lois Sarbane-Oxley et les normes comptables françaises. Il en ressort, ainsi que de la liste des tâches qui est précisée dans cette fiche de poste, qu'il s'agit pour l'essentiel d'un poste nécessitant des compétences en comptabilité, lesquelles induisent une connaissance de la fiscalité en son volet de support au contrôle fiscal des informations comptables et financières.

Il n'est pas contesté que la salariée possédait une formation en comptabilité, domaine dans lequel elle travaillait depuis 1995, qu'elle parle couramment anglais. La salariée n'explicite pas en quoi elle ne disposait pas des compétences et formations requises pour occuper l'emploi de comptable fiscaliste, statut cadre, à la Défense. Sa lettre de refus de cette proposition n'indique d'ailleurs pas qu'elle n'en a pas les compétences, mais que cela ne correspond pas à « ses attentes et souhaits d'évolution », ce qui n'est pas identique, et ne constitue pas un critère légal de reclassement.

Le seul fait, non contesté par l'employeur, qu'il s'agissait d'un poste sans responsabilité de management, alors que depuis 2013, elle a eu entre 9 et 12 collaborateurs sous sa responsabilité hiérarchique, ne suffit pas à considérer que cette proposition n'était pas loyale et sérieuse.

Dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de la salariée, qui sont inopérants en l'état de cette proposition adressée à la salariée, et correspondant à ses aptitudes et compétences, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'employeur a loyalement rempli son obligation de reclassement.

Sur la discrimination en raison du sexe

La salariée expose qu'il existe au sein de la société une inégalité de traitement qui repose sur un critère illicite, le sexe, qu'il ressort des bilans sociaux des années 2015, 2016 et 2017 qu'un écart est constaté entre les femmes et les hommes cadres au regard de leur rémunération mensuelle moyenne, hors variable (écart de rémunération de 74 % en 2017), que même si les femmes sont sous représentées, le salaire moyen ne devrait pas changer en fonction du nombre, qu'il existe un plafond de verre pour les femmes dans l'entreprise, qu'un autre responsable de paie, M. [I], percevait une rémunération plus importante avec une ancienneté inférieure.

L'employeur objecte que la société « recrute principalement des ingénieurs de haut niveau » et que le vivier des jeunes ingénieurs est « composé principalement d'hommes », que la salariée ne présente aucun élément de fait laissant supposer qu'elle percevait une rémunération moindre que celle de ses collègues masculins, et que la société pratique une égalité de rémunération pour les salariés qui sont dans une situation identique.

**

L'article L. 3221-2 du code du travail précise que « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code précité, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En outre en application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l'article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération ou en raison de son sexe. En cas de litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, l'employeur est tenu de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, à l'appui de la discrimination alléguée en raison du sexe, la salariée invoque le fait qu'elle avait une ancienneté supérieure (18 ans) à celle de ses collègues : le responsable du service relocation (M. [F] - 10 ans d'ancienneté) et le responsable du service paie (M [I] - 15 ans d'ancienneté), que ces deux salariés occupaient un grade (grade 13) plus élevé que le sien (grade 11), que les grades sont des positions purement internes à Schlumberger et n'ont aucune valeur juridique, et qu'ils percevaient une rémunération supérieure à la sienne, étant ici relevé qu'elle fixe son salaire brut mensuel à la somme 5 407 euros (moyenne des douze derniers mois de salaire).

La salariée établit qu'elle occupait le poste de responsable de service comptabilité fournisseur et trésorerie statut cadre, Position II, coefficient 120 (grade 11), qu'elle encadrait une équipe de 10 personnes, et a toujours donné entière satisfaction.

En revanche, la salariée ne produit aucun élément de nature à établir le montant de leur rémunération respective non plus que les coefficient et grade des salariés avec lesquels elle se compare.

En effet, l'origine des tableaux produits en pièce 42 et 50 et indiquant les rémunérations et coefficients de ces salariés n'est pas explicitée, de sorte que, dans la mesure où il apparaît qu'ils ont été établis par la salariée elle-même pour les besoins de la cause, ils sont dépourvus de tout caractère probant. Par ailleurs, les pièces 53 à 55 produites par la salariée, qui consistent en un simple listing des employés, ne comportent aucun élément de rémunération des intéressés, et ne constituent donc pas les « fichiers paye 2018 de la société STS communiqués (pièces n° 53 à 55 ) » invoqués par la salariée.

Les autres documents et pièces produites constituent des données générales concernant les rémunérations versées à l'ensemble des salariés cadres et non-cadres de la société, qui ne sont pas propres à la situation particulière de Mme [G].

Mme [G] n'établit donc aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une inégalité de rémunération la concernant.

Mme [G] ne produit ni n'invoque aucun autre élément qu'une inégalité salariale à l'appui de la discrimination en raison du sexe alléguée.

En conséquence, par voie de confirmation, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur le rappel d'indemnité de congés payés

La salariée expose qu'il convient d'intégrer dans l'assiette de calcul des congés payés le bonus versé lié à sa performance, qu'elle a bénéficié d'un plan d'incitation à la performance (PIP) durant toute la durée de son contrat STS et a fait l'objet d'une évaluation via un document nominatif dit « SLP3 » tous les ans, qui indique que les objectifs sont déterminés et revus entre l'employé et son directeur manager dans le cadre du périmètre de travail du salarié, que le courriel du 1er février 2016 du département RH concernant le processus d'évaluation SLP3 indique bien que les objectifs sont individuels aux fins d'obtenir le versement du PIP, que contrairement à ce qu'indique l'employeur, ce versement était bien lié à des objectifs individuels, et qu'il s'agit bien d'une prime qualifiée de bonus versée au salarié selon ses performances, au moins pour partie.

L'employeur objecte que s'agissant d'une prime sur objectifs, celle-ci doit être exclue de l'assiette de calcul des congés payés si son attribution ne repose pas sur l'activité personnelle du salarié mais sur des éléments collectifs, qu'en l'espèce, l'ensemble des objectifs définis par cette prime, qui est définie comme un « programme d'incitation à la performance de l'équipe (PTIP) » relèvent d'objectifs collectifs dont l'atteinte ou la non atteinte n'est pas susceptible d'être affectée par le départ en congés de la salariée, qui l'admet en indiquant dans ses écritures qu'elle « contribuait » à l'atteinte de ces objectifs de performance collective, qu'il n'en demeure pas moins qu'il s'agit bien d'objectifs collectifs, dont l'atteinte ne dépend pas que du seul travail de la salariée, comme aurait pu l'être par exemple le versement de commissions sur des ventes réalisées.

**

L'article L. 3141-24, dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 24 avril 2024, prévoit que «I.-Le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :

1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;

2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement.

Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.

II.-Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :

1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;

2° De la durée du travail effectif de l'établissement.

III.-Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d'application du présent article dans les professions mentionnées à l'article L. 3141-32. »

La part variable complémentaire, peu important son paiement à l'année et son calcul en fonction des résultats de la société, étant assise sur des résultats produits par le travail personnel du salarié, nécessairement affectés pendant la période de congés, constitue un élément de rémunération qui doit être inclus dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés (Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n 12-28.965, Bull. civ. V, n 202)

Il est constant que, selon ce texte, l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés inclut les éléments de rémunération qui sont, au moins pour partie, versés en contrepartie directe ou indirecte du travail personnel du salarié et dont le montant est affecté par la prise des congés. (Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 20-15.645, diffusé).

Lorsque la rémunération variable est composée de deux éléments, l'un en lien avec les résultats commerciaux généraux de la société prenant en compte son niveau de performance, l'autre en lien avec la performance individuelle du salarié déterminée sur la base des évaluations et des notes sur la performance du salarié sur l'ensemble de l'année fiscale, il en résulte que la rémunération variable, payée pour l'année, n'est pas affectée par la prise de congés payés de sorte qu'elle n'entre pas dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés (cf Soc., 6 novembre 2019, n°18-10.367, publié).

De manière générale, entrent dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés toutes les sommes qui sont la contrepartie directe ou indirecte du travail du salarié.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la salariée a bénéficié d'un plan d'incitation à la performance (PIP) durant toute la durée de son contrat et a fait l'objet d'une évaluation via un document nominatif dit « SLP3 » tous les ans. Un courriel du 1er février 2016 du département RH concernant le processus d'évaluation SLP3 indique que les objectifs sont individuels aux fins d'obtenir le versement du PIP, le courriel indiquant « tous les salariés à partir de grade 8 doivent avoir des objectifs individuels et une SLP3 complétée ».

Les allégations de l'employeur selon lesquelles l'ensemble de ces objectifs relèvent d'objectifs collectifs dont l'atteinte ou la non atteinte n'est pas susceptible d'être affectée par le départ en congés de la salariée sont dépourvues d'offre de preuve, les pièces 29 à 30 produites par la société étant en langue anglaise et non traduites, leur provenance ne pouvant être déterminée.

En outre la cour relève que dans le cadre de la demande de rappel de prime d'objectifs pour 2018, l'employeur invoque une jurisprudence selon laquelle une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice (Soc., 9 février 2022, n°20-12.611).

Il se déduit de l'ensemble de ces constatations que cette prime était, au moins pour partie, assise sur des résultats produits par le travail personnel de la salariée, donc nécessairement affectée par la prise des congés.

Par voie d'infirmation, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 745 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés, somme non critiquée en son quantum par l'employeur.

Sur la prime sur objectifs pour l'année 2018

La salariée expose qu'elle a reçu une rémunération variable tous les ans dans le cadre de son contrat STS, a été indûment privée de sa partie variable de rémunération pour l'année 2018, que contrairement à ce qu'indique la partie adverse, sa prime était prévue dans son contrat de travail (pièce n° 1 et 2), qu'elle est versée de manière constante et régulière en mars de l'année suivante au titre de la rémunération variable et devient donc un élément de salaire obligatoire.

L'employeur objecte que la salariée ne rapporte pas la preuve que la moindre rémunération variable ait été décidée à son égard pour l'année 2018, qu'aucune rémunération variable n'est contractualisée, qu'il s'agit ainsi d'un élément discuté et fixé chaque année dans le cadre de la Letter of Assignement (LOA), qu'aucun engagement unilatéral n'a été pris par la société pour le paiement d'une prime en 2018, mais seulement pour le paiement de la prime de 2017, versée en 2018, qu'au vu des seules dispositions contractuelles applicables, la salariée pouvait prétendre au maximum à une prime égale à 10 % x 51 000 euros = 5 100 euros, pour une année entière, qu'ayant été licenciée le 22 octobre 2018, soit à la fin du dixième mois de l'année 2018, le montant maximum auquel pouvait être condamné la société était donc égal à 5 100 euros x 10 / 12 = 4 250 euros, ou 6 833 euros si la somme de 8 200 euros de bonus annuel est retenue.

**

Si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement (Soc., 15 novembre 2023, pourvoi n° 22-12.456).

Le contrat de travail subsistant jusqu'à la date d'expiration du préavis, il en résulte qu'étant présent dans les effectifs du personnel, le salarié, même dispensé d'effectuer ce préavis, a droit au paiement de la prime sur objectifs, élément de sa rémunération (cf. Soc., 17 mai 2017, pourvoi n° 15-20.094, Bull. 2017, publié).

En l'espèce, l'employeur admet dans ses écritures que cette prime constituait un élément de rémunération contractualisée, dès lors qu'il indique (page 87 sur 93 de ses conclusions) que « le contrat de travail de Madame [G] vise une prime sur objectifs d'un montant de compris en 0 et 10 % de sa rémunération annuelle ('.) » et cite ledit contrat comme indiquant que : « Votre rémunération brute annuelle sera fixée à : 51 000 euros

En outre, vous participerez au programme d'incitation à la performance de l'équipe (PTIP) sur une fourchette de 0 à 10 %. »

D'ailleurs, il n'est pas contesté que la salariée a perçu en mars 2016 une rémunération variable intitulée « PIP bonus » de 4 750 euros (au titre de l'année 2015), en mars 2017 de 4 500 euros (au titre de l'année 2016), et en mars 2018 de 8 200 euros (au titre de l'année 2018). Cette prime a donc été versée de façon constante et régulière, de sorte qu'elle constitue un élément de rémunération obligatoire.

S'agissant de l'année 2018, la salariée invoque sans être contredite le procès-verbal de la réunion CE du 19 Février 2019 qui indique en point 7 de la page 6 (pièce Q ) que « les salariés qui ont dû travailler à la demande de l'employeur pour quelques mois de plus afin de s'assurer de la bonne transmission de leurs connaissances, et qui ont été notifiés au cours de l'année 2018 bénéficieront d'un PIP au prorata de leur temps de présence en entreprise. », de sorte qu'il en résulte un engagement ferme et non équivoque de l'employeur au titre du bonus PIP de l'année 2018 qui devait être versé au mois de mars 2019.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la salariée, à laquelle son licenciement a été notifié le 22 octobre 2018, a travaillé toute l'année 2018, son préavis ne s'étant achevé que le 22 janvier 2019.

Par des motifs pertinents que la cour adopte pour le reste, il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 8 200 euros à titre de prime sur objectifs pour l'année 2018, outre 820 euros au titre des congés  payés afférents.

Sur les intérêts

La créance de rappel de salaire au titre de l'indemnité de congés payés portera intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Infirmant le jugement, il convient de dire que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

DEBOUTE la société Services techniques Schlumberger de la demande de « déclarer Mme [G] irrecevable à contester son licenciement au motif que certains postes ne figurant pas dans le périmètre du PSE ne lui ont pas été proposés »,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il déboute Mme [G] de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés, et de sa demande d'anatocisme,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé, et y ajoutant,

CONDAMNE la société Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] la somme de 1 745 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Services techniques Schlumberger à verser à Mme [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Services techniques Schlumberger aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-4
Numéro d'arrêt : 22/02211
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.02211 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award