COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/10/2019
la SCP PONTRUCHE - MONANY & ASSOCIES
la SCP MERLE-PION-ROUGELIN
ARRÊT du : 10 OCTOBRE 2019
No : 326 - 19
No RG 18/02985
No Portalis DBVN-V-B7C-FZMV
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de MONTARGIS en date du 30 Juillet 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265228256068945
SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Nadine PONTRUCHE, membre de la SCP PONTRUCHE -MONANY et associés, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Eric GAFTARNIK, membre de la SELARL GAFTARNIK, LE DOUARIN et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉS : -
Madame P... G... épouse F...
née le [...] à LA CHARITE SUR LOIRE (58400) [...]
[...]
Aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/002172 du 15/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)
Ayant pour avocat Me Julie PION membre de la SCP MERLE PION ROUGELIN, avocat au barreau de MONTARGIS
Monsieur O... F...
né le [...] à FONTAINEBLEAU (77920)
[...]
Défaillant
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 20 Octobre 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 juin 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 27 JUIN 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Elisabeth PIERRAT, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 10 OCTOBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 13 avril 2012, la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE a consenti à Monsieur O... F... et à son épouse Madame P... G... un prêt personnel de 23.000 euros remboursable en 60 mensualités au taux de 5,94%.
Monsieur et Madame F... ont cessé d'honorer les échéances du prêt à compter du 5 août 2013.
Ils ont déposé un dossier de surendettement et la commission de surendettement leur a accordé un moratoire de 24 mois commençant à courir le 31 mars 2014 afin de permettre à Monsieur F... de retrouver un emploi et un logement.
Les premier et 5 mars 2018 la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE a assigné Monsieur et Madame F... devant le tribunal d'instance de Montargis en sollicitant leur condamnation à lui verser la somme de 21.352,86 euros assortie des intérêts contractuels à compter du 30 janvier 2018.
Par jugement en date du 30 juillet 2018, le tribunal a notamment constaté que la déchéance du terme n'est pas acquise au prêteur et condamné solidairement les époux F... à verser à la demanderesse la somme de 2.246,90 euros au titre des mensualités échues impayées en leur accordant des délais de paiement.
La BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 20 octobre 2018.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de condamner solidairement les intimés à lui verser :
- la somme de 17.768,69 euros en principal majorée des intérêts au taux contractuel de 5,94% à compter du 30 janvier 2018, date d'arrêté des comptes, jusqu'à parfait paiement, - la somme de 345,74 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2019, date de la mise en demeure jusqu'à parfait paiement.
En tout état de cause, elle réclame la capitalisation des intérêts, "l'exécution provisoire du jugement à intervenir" et la condamnation in solidum des intimés à lui verser une indemnité de procédure de 1.000 euros et à supporter les dépens.
Elle fait valoir qu'elle a désormais respectivement adressé à Monsieur et Madame F... une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 janvier 2019, les informant qu'à défaut de règlement des échéances impayées majorées des pénalités contractuelles, elle constaterait immédiatement l'exigibilité anticipée du prêt conformément aux stipulations de l'article 5.6 des conditions générales du contrat et leur a fait connaître par nouveau courrier du 17 janvier 2019 qu'elle avait prononcé la déchéance du terme.
A titre subsidiaire et si la cour ne retenait pas la validité de cette mise en demeure, elle soutient que la défaillance de Monsieur et Madame F..., qui ont laissé les échéances impayées depuis le 5 janvier 2017, n'est pas contestable, de sorte qu'elle est fondée à obtenir la résolution des contrats que ce soit en vertu des dispositions contractuelles ou en vertu des dispositions légales du code civil.
Madame F... demande à titre principal à la cour de dire irrecevable la demande de la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE concernant la déchéance du terme du prêt et de confirmer le jugement entrepris. A titre subsidiaire elle demande à la cour de débouter la banque de ses demandes et de fixer sa créance à 14.684,28 euros se décomposant 3.899,16 euros au titre du capital restant dû à la déchéance du terme et 10.785,12 euros au titre des échéances impayées, de rejeter la demande tendant au paiement des intérêts, de l'indemnité contractuelle, de l'indemnité d'exigibilité anticipée, de celle tendant à la capitalisation des intérêts et à sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, elle réclame versement d'une indemnité de procédure de 2.000 euros et condamnation de l'appelante à supporter les dépens.
Elle relève que la banque n'a pas critiqué expressément le chef de décision ayant dit que la déchéance du terme n'avait pas été régulièrement prononcée ; que l'appelante se prévaut en appel d'une seconde déchéance du terme intervenue le 17 janvier 2019 et réclame à titre subsidiaire de la résolution du contrat de prêt. Si la cour suivait cette argumentation, elle conteste les sommes qui lui sont réclamées puisque la déchéance du terme serait alors intervenue le 17 janvier 2019 et que seul le capital restant dû à cette date et les échéances demeurées impayées depuis moins de deux années pourraient être dues.
Elle prétend que l'appelante encourt la déchéance du droit aux intérêts contractuels puisqu'elle ne démontre pas lui avoir remis une offre de prêt comprenant un bordereau de rétractation.
En tout état de cause, elle sollicite la réduction de l'indemnité contractuelle et fait état de sa situation financière difficile.
Monsieur F... assigné à domicile n'a pas comparu. Le présent arrêt sera donc rendu par défaut.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu qu'en application de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit être faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité : [...] « 4o Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible» ;
Que la saisine de la cour est définie par la déclaration d'appel et que l'appel ne porte que sur les chefs de jugement que l'appelant critique expressément ;
Attendu que, dans sa déclaration d'appel en date du 20 octobre 2018, la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE a indiqué dans le paragraphe "CHEFS DU JUGEMENT CRITIQUES" : L'appel est interjeté au motif que le Tribunal :
DÉCLARE la Banque Française Mutualiste recevable en ses demandes,
CONDAMNE solidairement M. O... F... et Mme P... F... à payer à la Banque Française Mutualiste la somme de 2.246,90 euros au titre des mensualités échues impayées au jour de la déchéance du terme prononcée à tort,
AUTORISE M. O... F... et Mme P... F... à se libérer de la dette en 24 mensualités de 100 euros chacune, la dernière étant majorée du solde en principal et intérêts restant dus à cette date,
DIT que la première mensualité devra être réglée au plus tard dans le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, et les suivantes au plus tard le 10 de chaque mois,
DIT que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital,
DIT qu'à défaut d'un seul versement à l'échéance prévue, suivie d'une mise en demeure restée infructueuse durant quinze jours, l'intégralité des sommes restant due reviendra immédiatement exigible,
RAPPELLE que conformément à l'article L. 1244-2 du Code Civil, la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par la présente décision,
RAPPELLE qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées par ladite procédure,
REJETTE la demande d'indemnité formulée par la société la Banque Française Mutualiste au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. O... F... et Mme P... F... aux dépens,
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire. »
Qu'ainsi que le relève Madame F... la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE n'a pas relevé appel du chef de jugement ayant jugé que la déchéance du terme n'est pas acquise au prêteur ;
Qu'il s'évince certes des conclusions de l'appelante qu'elle critique le chef de décision ayant dit que la déchéance du terme n'est pas acquise mais que la cour n'est pas régulièrement saisie d'une contestation sur ce point et ne peut l'examiner ;
Mais attendu que l'établissement prêteur a fait désormais délivrer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme le 7 janvier 2019 et se prévaut aujourd'hui d'une nouvelle déchéance du terme en date du 19 janvier 2019 ;
Que Monsieur et Madame F... ne contestent pas que la déchéance du terme est valablement intervenue à cette dernière date et qu'il convient dès lors d'ajouter au jugement déféré en constatant cette déchéance, ce qui entraîne l'infirmation des chefs du jugement n'ayant condamné les emprunteurs qu'au titre des échéances impayées ;
Attendu cependant qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;
Que le premier incident de paiement a certes eu lieu le 5 août 2013 mais que la déchéance du terme ayant été prononcée le 17 janvier 2019, l'appelante ne peut se solliciter paiement que des échéances impayées à compter du 5 février 2017, sa demande tendant au paiement d'autres échéances étant prescrite ;
Qu'est donc due la somme de 10.785,12 euros au titre des échéances impayées et celle de 3.899,16 euros au titre du capital restant dû au 5 février 2019 ;
Que l'indemnité contractuelle de 8% a le caractère d'une clause pénale et apparaît manifestement excessive au regard du taux d'intérêts, de l'absence de préjudice spécifique allégué par le prêteur et des situations respectives des parties ; qu'elle sera donc réduite à un euro ;
Que Monsieur et Madame F... sont donc redevables de 14.684,29 euros ;
Qu'aux termes des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil, applicable à la date à laquelle la cour statue puisque la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés, la capitalisation des intérêts n'est pas de droit et ne sera pas ordonnée ;
Attendu qu'aucune disposition du code de la consommation exige que les exemplaires de l'offre respectivement destinés à être conservés par l'emprunteur et par le prêteur soient strictement identiques et qu'aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destiné à être conservé par le prêteur ;
Qu'en l'espèce, Madame F... a expressément reconnu en signant l'offre préalable, rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un bordereau détachable de rétractation et que cette reconnaissance formulée par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre, fait présumer cette remise et a pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur la preuve de l'irrégularité du contenu du bordereau de rétractation ;
Qu'elle ne démontre pas, par la production de la pièce en question qu'elle ne conteste pas posséder, un éventuel défaut de conformité de son exemplaire du contrat aux prescriptions du code de la consommation et que le prêteur n'a donc pas encouru à ce titre la déchéance de son droit aux intérêts ;
Que la somme de 14.684,29 euros sera donc assortie d'intérêts au taux conventionnel sur 14.684,28 euros à compter du 19 janvier 2019 ;
Attendu que Madame F... ne sollicite pas subsidiairement l'octroi de nouveaux délais de paiement dans le dispositif de ses écritures sur lequel la cour doit seulement statuer ;
Qu'à supposer qu'elle reprenne son offre de verser 100 euros par mois, il ne pourrait être fait droit à une demande de délais ne permettant pas d'apurer la plus grande partie de la dette dans le délai de 24 mois imposé par la loi ;
Que le jugement déféré sera donc également infirmé en ce qu'il a octroyé des délais de paiement ;
Attendu que Monsieur et Madame F..., succombant à l'instance d'appel, en supporteront les dépens mais qu'au regard des situations respectives des parties il ne sera pas fait droit à la demande de la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE tendant au paiement d'une indemnité de procédure ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise, hormis en ce qu'elle a jugé qu'à la date à laquelle le tribunal a statué, la déchéance du terme n'était pas régulièrement intervenue, a dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur et Madame F... à supporter les dépens, Y AJOUTANT,
CONSTATE qu'à la date à laquelle cette cour statue, la déchéance du terme est régulièrement intervenue,
INFIRME en conséquence les autres chefs de la décision déférée,
CONDAMNE solidairement Monsieur O... F... et Madame P... G... à payer à la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE la somme de 14.684,29 euros assortie d'intérêts au taux conventionnel de 5,94% sur 14.684,28 euros à compter du 19 janvier 2019 et au taux légal sur le surplus,
DÉBOUTE la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Monsieur O... F... et Madame P... G... aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT