LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [Q] et Mme [R] ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 mai 2015), que, par acte du 30 juin 1972, M. et Mme [O] ont vendu à M. et Mme [M] une propriété cadastrée C [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et composée d'une maison avec dépendances dont un jardin ; que, par acte du 28 décembre 2009, la parcelle cadastrée C [Cadastre 5], devenue AK [Cadastre 6], non mentionnée dans l'acte du 30 juin 1972 et correspondant au jardin, a été donnée par Mme [O] à M. [R] et M. [Q] ; que M. et Mme [M] ont assigné M. [R] et M. [Q] en revendication de cette parcelle et annulation de la donation du 28 décembre 2009 ;
Attendu que Mme [O] fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la propriété vendue par M. et Mme [O] comprenait un jardin, représenté sur le plan de bornage amiable réalisé en juillet 1972 avec l'accord des parties comme faisant partie intégrante de la propriété cédée par M. et Mme [O] à M. et Mme [M], et que trois témoins avaient attesté que M. et Mme [M] possédaient la parcelle C [Cadastre 5] depuis 1972 de manière continue et ininterrompue, qu'ils la cultivaient, qu'ils s'étaient toujours comportés en propriétaires du bien et ayant retenu que la réalisation d'actes juridiques passés par Mme [O] relativement à la parcelle litigieuse était insuffisante, en l'absence d'acte matériels de possession, pour rendre équivoque la possession de M. et Mme [M], la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que le jardin faisait partie intégrante des biens vendus et que la qualité de propriétaires de ceux-ci était confortée par des actes matériels de possession remplissant les conditions de l'article 2261 du code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [O] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [O] et la condamne à payer à M. et Mme [M] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour Mme [O].
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré les époux [M] propriétaires de la parcelle portant au cadastre de la commune de [Localité 1] le numéro [Cadastre 6] de la section AK et d'avoir annulé l'acte de donation du 28 décembre 2009 en ce qu'il porte sur cette parcelle,
Aux motifs que sur le bien-fondé de l'action en revendication de propriété exercée par les époux [M] relativement à la parcelle C [Cadastre 5] devenue AK [Cadastre 6] : la preuve de la propriété immobilière peut être rapportée par tous moyens (titre, attestation) ; à défaut de titre, la qualité de propriétaire peut résulter d'une situation d'usucapion c'est-à-dire d'une possession trentenaire qui remplisse les conditions fixées par l'article 2261 du code civil applicable en l'espèce ; 1) sur la force probante de l'acte notarié du 30 juin 1972 : que pour s'opposer à l'action en revendication de propriété des époux [M], madame [F] [O] se prévaut des dispositions de l'article 1319 du code civil énonçant que « l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause » ; qu'à cet égard, la Cour : - constate que l'acte authentique de vente dressé le 30 juin 1972 entre les époux [B] [O] vendeurs et les époux [D] [M], acquéreurs, ne mentionne pas la parcelle C [Cadastre 5] en nature de jardin comme faisant partie des biens cédés en faveur de ces derniers dans le cadre de la vente de la propriété Domingoremborda située à [Localité 1] ; - rappelle que la consistance des biens vendus figurant dans un acte notarié est une énonciation des parties qui fait foi simplement jusqu'à preuve contraire ; que divers éléments du dossier sont de nature à établir que la parcelle C [Cadastre 5] était incluse dans la propriété Domingoremborda acquise par les époux [D] [M], ainsi qu'en attestent : - les énonciations de l'acte notarié du 30 juin 1972 mentionnant expressément : - que la vente litigieuse a été faite sur la base d'un procès-verbal d'esquisse dressé le 2 juin 1972 par monsieur [D] géomètre expert à la demande des époux [O], à l'effet de donner à leurs parcelles de terre sises à Cambo une nouvelle affectation de numéro, sachant que lors de cette opération préalable ces derniers ont omis de faire figurer la parcelle C n° [Cadastre 5] en nature de jardin ; - que la propriété vendue par les époux [O] comprenait notamment un jardin ; - les déclaration de monsieur [D] géomètre expert venant affirmer dans un courrier établi le 30 janvier 1992 sur les bases d'un plan d'arpentage dressé par ses soins en juillet 1972 soit peu de temps après la vente ; - que le jardin potager, clos de murs, est représenté sur ledit plan faisant figurer les limites de la propriété vendue telles que définies et piquetées sur le terrain avec l'accord des parties, et qu'il fait bien partie de la propriété acquise le 30 juin 1972 par les époux [D] [M] ; - que « sur l'acte authentique ce jardin est également mentionné en toutes lettres ; malheureusement il ne figure pas sur la désignation cadastrale car il a un numéro à part qui a été oublié sur ladite désignation » ; - que ces divers éléments concordants et notamment du bornage amiable réalisé en juillet 1972 entre les parties à l'acte de vente à l'effet de délimiter la propriété acquise par les époux [M], il s'évince que le jardin alors cadastré C n° [Cadastre 5] faisait partie intégrante de la propriété Domingoremborda cédés par les époux [B] [O] aux époux [M], et ce en dépit des énonciations de l'acte notarié du 30 juin 1972 ayant omis de mentionner ladite parcelle dans la consistance des biens ainsi vendus au profit de ces dernières ; 2) sur l'existence d'une situation d'usucapion : qu'en sus de ces éléments objectifs justificatifs de leur droit de propriété relativement à la parcelle C [Cadastre 5] devenue AK [Cadastre 6], les époux [M] peuvent se prévaloir relativement à ladite parcelle d'actes matériels de possession venant conforter leur qualité de propriétaires, sachant : - que la réalité de tels actes est clairement établie par l'acte de notoriété dressé le 7 mars 2013 et contenant les déclarations de trois témoins Messieurs [I], [K] et [V], venus affirmer parfaitement connaître monsieur et Madame [M], attester comme étant de notoriété publique et à leur parfaite connaissance que depuis plus de 30 ans, les époux [M] possède la parcelle dont s'agit AK [Cadastre 6], que cette possession a eu lieu à titre de propriétaire, d'une façon continue, paisible, publique et non équivoque, en ce que les époux [M] : cultivent cette parcelle depuis toujours au vu et au su de tous, possèdent depuis 1972 cette parcelle et ce de manière continue et non interrompue, se sont toujours comportés en propriétaire du bien ; que la possession dont il est ainsi justifié, remplit les conditions édictées par l'article 2261 du code civil énonçant que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire » ; que les moyens invoqués par l'intimée sont inaptes à contester la réalité de l'usucapion ainsi caractérisée en faveur des époux [M] relativement à la parcelle C [Cadastre 5] devenue AK [Cadastre 6], dès lors : que la réalisation des actes juridiques passés relativement à la parcelle litigieuse (acte de donation-partage du 4 juin 1987, inscription d'hypothèque conventionnelle réalisée le 24 septembre 1999 du chef de l'intimée au profit de la BNP, acte de donation du 28 décembre 2009) est insuffisante en l'absence d'actes matériels de possession, pour rendre équivoque la possession des époux [M] ; que ne sont pas interruptifs du cours de la prescription trentenaire acquise aux époux [M], la mise en demeure adressée à ces derniers le 5 décembre 2001 par madame [F] [O], pas plus que les deux courriers envoyés les 22 juin et 7 août 2009 par maître [N], notaire à Haparren, pour leur rappeler la nécessité de déguerpir de la parcelle litigieuse ou alternativement de l'acheter au prix actualisé de 35.000 euros ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient : - de déclarer les époux [M] propriétaires de la parcelle sise à [Localité 1], cadastrée C [Cadastre 5] puis devenue AK [Cadastre 6] ; - d'annuler l'acte de donation du 28 décembre 2009 dans ses seules dispositions relatives à ladite parcelle ;
Et aux motifs adoptés qu'il ressort des énonciations de l'acte de vente du 30 juin 1972 que les époux [B] [O] ont bien vendu aux époux [M], entre autres biens, un jardin ; qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu autour de la maison vendue plusieurs jardins comportant des références cadastrales distinctes ; que les défendeurs ne soutiennent pas que le jardin vendu puisse s'analyser en une parcelle comportant un référence cadastrale distincte de l'actuelle parcelle AK [Cadastre 6] ; qu'il ressort par ailleurs de la lettre de monsieur [D], géomètre expert, ci-dessus analysée, en date du 30 janvier 1992, que le jardin entourant la maison a bien été vendu aux demandeurs, et qu'il était compris dans un enclos borné par le géomètre en accord avec toutes les parties à l'acte de vente ; que de plus les défendeurs ne contestent pas, dans leurs conclusions, que les demandeurs ont bien occupé le jardin dont il s'agit pendant plus de 30 ans, et qu'ils ne prouvent, ni qu'il s'agisse d'une simple tolérance, alors que l'occupation a été très prolongée, ni les vices dont la possession de cette parcelle serait atteinte ; que le tribunal ne peut se baser sur la contenance cadastrale des parcelles pour asseoir sa décision, comme le soutiennent les défendeurs, car d'une part ces contenances ne sont fixées que dans un but fiscal et non dans un but de consécration de la propriété, et car d'autre part, il est notoire qu'elle sont souvent erronées en pratique, faute de mensurations précises systématiques : qu'il convient donc de déclarer les demandeurs propriétaires de l'actuelle parcelle AK [Cadastre 6] à [Localité 1], à la fois par acquisition notariée et par possession trentenaire ; que par suite il convient d'annuler l'acte de donation de la parcelle AK [Cadastre 6] aux consorts [R] et [Q], en date du 28 décembre 2009, mais non la donation de la parcelle AK 100 qui n'est pas concernée par le litige ;
Alors d'une part que les juges du fond doivent respecter les termes clairs et précis des actes qui leur sont soumis ; qu'il résulte des stipulations claires et précises de l'acte notarié du 30 juin 1972 que les parcelles cédées sont au nombre de quatre, qu'elles recouvrent une superficie totale de 3036 mètres carrés, que n'y figure pas la parcelle alors numérotée [Cadastre 7] au cadastre ; qu'en procédant à l'interprétation de ces stipulations, pour considérer ensuite que la parcelle [Cadastre 7] avait été cédée au terme dudit acte en sus des quatre parcelles qui y sont mentionnées, la cour d'appel a méconnu les articles 1134 et 1319 du code civil ;
Alors, subsidiairement, qu'en se bornant à constater que le géomètre expert avait déclaré, au vu d'un document d'arpentage établi quelque temps après la vente, que l'enclos constituant la parcelle [Cadastre 7] figurait sur un plan délimitant la propriété et à se référer à l'absence de fiabilité des superficie indiquées dans les registres cadastraux sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé (conclusions d'appel de madame [O], p. 3), s'il ne résultait pas de la différence de superficie indiquée au sein de l'acte notarié (3036 mètres carrés) et dans ce document d'arpentage (4125 mètres carrés) que ce dernier incluait une parcelle sur laquelle les parties n'avaient pas entendu faire porter la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Alors, en outre, qu'en se bornant à constater qu'il résultait d'un acte de notoriété que les époux [M] possèdent la parcelle depuis plus de trente ans et que cette possession a lieu en qualité de propriétaire d'une façon continue, paisible, publique et non équivoque, et à relever que les intéressés cultivent cette parcelle « depuis toujours » sans précision quant à la durée de cette utilisation, la cour d'appel n'a pas caractérisé des actes matériels de possession ayant lieu depuis plus de trente ans et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2261 du code civil ;
Alors encore que l'équivoque d'une possession peut résulter de tout acte, juridique ou matériel, de nature à susciter le doute quant à l'intention du possesseur de se conduire en propriétaire ; qu'en excluant que des actes juridiques puissent exclure le caractère univoque de la possession, la cour d'appel a méconnu l'article 2261 du code civil ;
Alors enfin que les actes de simple tolérance ne peuvent fonder la prescription ; qu'en se bornant à constater que les mise en demeure et sommation de quitter les lieux ne pouvaient avoir interrompu la possession sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de madame [O], p. 5, §1), s'il ne résultait pas de ces éléments que l'occupation du terrain résultait d'une simple tolérance exclusive de toute prescription acquisitive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2262 du code civil.