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26/06/2018 | FRANCE | N°17-86008

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2018, 17-86008


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme Michèle X...,
- M. Bernard Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2017, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre M. Christian Z... des chefs de violences et menaces de mort, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du

code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme Michèle X...,
- M. Bernard Y..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2017, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre M. Christian Z... des chefs de violences et menaces de mort, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle OHL et VEXLIARD et de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté pour M. Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382, devenu 1240, du code civil, 2, 3, 497, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu d'ordonner la communication du procès-verbal d'audition de M. Z... du 30 avril 2013 et, infirmant le jugement sur l'action civile, condamné M. Y... à payer à M. Z... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que les parties civiles qui ont interjeté appel sollicitent de la cour la production du procès-verbal d'audition de M. Z... ; qu'il résulte de la procédure et des notes d'audience que M. Z... s'est expliqué devant le tribunal ; que le tribunal a pu statuer sur la culpabilité de M. Z... en se fondant sur les actes de poursuite et en prenant en compte l'ensemble des éléments de la procédure, notamment les auditions des parties civiles et des témoins ; que le tribunal correctionnel a relaxé M. Z... des faits de la poursuite ; que cette décision, en l'absence d'appel sur l'action publique, est devenue définitive sur le plan pénal ; qu'en vertu des dispositions de l'article 515, alinéa 2, du code de procédure pénale, la cour d'appel saisie par les seuls appels des parties civiles, n'est plus saisie de l'action publique en raison de la relaxe définitive prononcée en première instance ; qu'en conséquence, la cour estime que la demande de Mme Michèle X... et de M. Y... sollicitant d'ordonner la communication du procès-verbal d'audition de M. Z... en date du 30 avril 2013 n'est pas justifiée, l'affaire ayant été définitivement jugée sur le plan pénal ; qu'il est précisé que les appelants n'évoquent pas dans leurs conclusions de demandes de dommages-intérêts au titre d'une faute civile ; qu'au vu de ce qui précède, la cour rejettera la demande des appelants ; que le tribunal correctionnel d'Ajaccio a relaxé M. Z... des faits pour lesquels il était poursuivi en l'absence de preuve sur les faits reprochés, sur le fondement de l'article 470 du code de procédure pénale ; que le tribunal a par ailleurs estimé que les citations délivrées par les parties civiles apparaissaient comme, sinon une manifestation de nuire, du moins la manifestation d'un recours abusif à la constitution de partie civile ; que le tribunal a statué sur la demande de dommages-intérêts formée par M. Z... sur la base de l'article 472 du code de procédure pénale, et a condamné Mme X... et M. Y... à payer chacun 300 euros à M. Z... ; que la cour, au vu de l'ensemble des éléments de la procédure qui ne permettent pas d'établir des faits de menaces de mort et de violences comme le soutiennent les appelants, faits qui auraient été commis lors d'une conférence donnée par M. Z..., et du contentieux opposant les parties à la procédure qui trouve son origine dans l'enseignement du yoga, confirmera la décision déférée en condamnant Mme X... et M. Y... sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale ; que la cour infirmera le jugement sur le montant des sommes allouées et condamnera Mme X... et M. Y... à verser la somme de 1 000 euros chacun à M. Z... ;

"alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour dire n'y avoir lieu d'ordonner la communication du procès-verbal d'audition de M. Z... en date du 30 avril 2013, et condamner M. Y... à payer des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué retient que ce dernier ne forme pas dans ses conclusions d'appel une demande de dommages-intérêts au titre d'une faute civile ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions déposées par la partie civile qui imputait au prévenu la commission d'une faute civile génératrice d'un dommage moral dont il était demandé réparation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté pour Mme X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 devenu 1140 du code civil, 2, 3, 497 et 515 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à communication du procès-verbal d'audition de M. Z..., a débouté la partie civile de sa demande tendant à la condamnation du prévenu intimé à lui verser des dommages-intérêts et l'a condamnée sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale à verser à ce dernier des dommages-intérêts ;

"aux motifs que sur la demande de renvoi de l'affaire pour production du procès-verbal d'audition de M. Z... ; qu'il résulte de la procédure que le 30 avril 2013, Mme X... se rendait au commissariat de police d'Ajaccio pour déposer plainte à l'encontre de M. Z... pour des faits de violences physiques et psychologiques sur sa personne et remettant un certificat médical mentionnant une ITT de dix jours ; qu'elle expliquait qu'en qualité de sage-femme, elle s'était rendue en compagnie de docteur, M. Y..., à une réunion publique ce jour-là au siège de l°association "U Borgu" dont les intervenants étaient M. Z... et son épouse ; qu'elle indiquait que le but de leur démarche avec le docteur M. Y... était d'alerter l'assistance sur les dangers des pratiques du couple ; qu'elle disait que le couple se déclarait "thérapeutes" et "praticiens" en appliquant des théories sans aucun fondement scientifique; qu'elle ajoutait que sur place, M. Z... avait mis en à la réunion publique en s'en prenant de façon violente au docteur M. Y... et à elle-même ; qu'il avait insulté Mme A... B... en l'insultant de "sale arabe" et l'avait brutalisée ; qu'il s'en était ensuite pris à elle en l'empoignant par l'épaule pour la faire sortir de la salle de réunion tout en l'insultant de "connasse" et de "salope" et en lui disant qu'il allait lui faire payer ; que M. Y... se rendait également au commissariat d'Ajaccio le même jour pour déposer plainte à l'encontre de M. Z... pour des faits de violences psychologiques et remettait un certificat médical constatant une ITT de dix jours ; qu'il expliquait qu'il s'était ce jour-là rendu à une conférence publique donnée par le couple Z..., qu'il qualifiait d'escrocs et de charlatans ; qu'à leur arrivée dans la salle de réunion, le couple Z... avait annoncé qu'il n'y aurait pas de conférence sans en donner les raisons ; que M. Z... s'était emporté en l'insultant "d'enculé" et de "sale corse" et en ajoutant "j'aurai ta peau" ; qu'il disait qu'il n'avait pas subi de violences physiques et que celui-ci avait insulté Mme A... B... en lui disant "sale arabe" et l'avait bousculée ; qu'une enquête était diligentée par la DRPJ d'Ajaccio ; que les auditions de mme A... B..., épouse C..., de M. Daniel C... et de Mme Béatrice D..., présent lors de la conférence, n'évoquaient pas de faits de menaces de mort de M. Z... à l'égard de Mme X... et de M. Y... ; que la procédure faisait l'objet d'un classement sans suite par le parquet d'Ajaccio au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée ; que le 20 avril 2016, M. Y... faisait citer M. Z... devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio pour menaces de mort ; que par acte d'huissier du même jour, Mme X... faisait citer M. Z... devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours et de menaces de mort ; que le tribunal correctionnel par jugement en date du [...] a jugé que les faits de menaces de mort tant à l'encontre de Mme X... que de M. Y... qui ont poursuivi M. Z... devant le tribunal correctionnel, n'étaient pas établis au vu des diverses auditions et par ailleurs que les paroles rapportées par les deux parties civiles ne caractérisaient pas le délit de menaces de mort car aucune d'elles ne faisaient état que ces menaces de mort avaient été réitérées, que, de même, le tribunal a relaxé M. Z... des faits de violences à l'encontre de Mme X..., au vu des déclarations des témoins ; que les parties civiles qui ont interjeté appel sollicitent de la Cour la production du procès-verbal d'audition de M. Z... ; qu'il résulte de la procédure et des notes d'audience que M. Z... s'est expliqué devant le tribunal ; que le tribunal a pu statuer sur la culpabilité de M. Z..., en se fondant sur les actes de poursuite et en prenant en compte l'ensemble des éléments de la procédure, notamment les auditions des partis civiles et des témoins ; que le tribunal correctionnel a relaxé M. Z... des faits de la poursuite ; que cette décision, en l'absence d'appel sur l'action publique, est devenue définitive sur le plan pénal ; qu'en vertu des dispositions de l'article 515 alinéa 2 du code de procédure pénale, la cour d'appel saisie par les seuls appels des parties civiles, n'est plus saisie de l'action publique en raison de la relaxe définitive prononcée en première instance ; que conséquence, la cour estime que la demande de Mme Michèle X... et de M. Y... sollicitant d'ordonner la communication du procès-verbal d'audition de M. Z..., en date du 30 avril 2013, n'est pas justifiée, l'affaire ayant été définitivement jugée sur le plan pénal ; qu'il est précisé que les appelants n'évoquent pas dans leurs conclusions de demandes de dommages-intérêts au titre d'une faute civile ; qu'au vu de ce qui précède, la cour rejettera la demande ;

"1°) alors que l'appel formé par la seule partie civile contre un jugement ayant statué sur les intérêts civils après relaxe du prévenu a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation du dommage pouvant résulter de la faute civile commise par la personne relaxée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, sans que puisse y faire obstacle la chose définitivement jugée sur l'action publique ; qu'en justifiant son refus d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par les parties civiles par la circonstance que les faits auxquels se rapportaient cette mesure avaient été définitivement jugés sur l'action publique, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;

"2°) alors qu°il résulte des conclusions régulièrement déposées par Mme X... que cette dernière sollicitait de la cour d'appel qu'elle constate la responsabilité de M. Z... pour des faits de violences volontaires et de menaces de mort réitérées commises sur sa personne et qu'elle le condamne à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi ; qu'en retenant que les parties civiles n'évoquaient pas de demandes de dommages-intérêts au titre d'une faute civile dans leurs conclusions, la cour d'appel a tiré de ces dernières des constatations directement contraires à leur contenu et a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

"2°) alors que l'appel formé par la seule partie civile contre un jugement ayant statué sur les intérêts civils après relaxe du prévenu a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation du dommage pouvant résulter de la faute civile commise par la personne relaxée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'en se bornant à rejeter la demande de production du procès-verbal d'audition de M. Z... et à se prononcer sur la condamnation prononcée à l'encontre des parties civiles sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, sans statuer sur l'existence, à partir et dans les limites de la prévention, de la faute civile commise par le prévenu à l'origine des préjudices dont les parties civiles sollicitaient la réparation, la cour d°appel a méconnu son office et les textes précités" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article préliminaire du code de procédure pénale, en ses I et II ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Bernard Y..., praticien hospitalier, s'est présenté le 30 avril 2013, accompagné de Mme Michèle X..., sage-femme territoriale, à une conférence publique de M. Christian Z..., thérapeute alternatif, organisée par une association à Ajaccio ; qu'une altercation pour des motifs scientifiques, accompagnée de violences, serait survenue entre M. Y... et Mme X... d'une part, M. Z... d'autre part ; que Mme X... et M. Y... ont fait citer directement M. Z... devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio, la première pour des faits qualifiés de menaces de mort et de violences volontaires suivies d'une incapacité de travail temporaire supérieure à huit jours, le second pour des faits qualifiés de menaces de mort ; que M. Z... a fait plaider sa relaxe et a conclu à la condamnation des parties civiles, sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, pour abus de constitution de partie civile ; que le tribunal correctionnel d'Ajaccio a relaxé le prévenu des fins de la poursuite et, sur l'action civile, a condamné Mme X... et M. Y... à payer à M. Z... la somme de 300 euros chacun à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, outre celle de 400 euros chacun au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que Mme X... et M. Y... ont seuls relevé appel de ce jugement ;

Attendu que, pour dire injustifiée la demande des parties civiles d'ordonner la communication du procès-verbal d'audition du prévenu pratiquée le jour-même des faits, la cour d'appel retient que les parties civiles qui ont interjeté appel sollicitent de la cour la production du procès-verbal d'audition de M. Z... mais qu'il résulte de la procédure et des notes d'audience que le prévenu cité s'est expliqué devant le tribunal, qui a pu statuer sur la culpabilité en se fondant sur les actes de poursuite et en prenant en compte l'ensemble des éléments de la procédure, notamment les auditions des parties civiles et des témoins ; que les juges ajoutent que la décision de relaxe intervenue, en l'absence d'appel sur l'action publique, est devenue définitive sur le plan pénal et qu'en vertu des dispositions de l'article 515, alinéa 2, du code de procédure pénale, la cour d'appel saisie par les seuls appels des parties civiles, n'est plus saisie de l'action publique ; qu'ils en déduisent que la demande de Mme X... et de M. Y... sollicitant d'ordonner la communication du procès-verbal d'audition de M. Z..., n'est pas justifiée, l'affaire ayant été définitivement jugée sur le plan pénal ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les parties civiles justifiaient de ce qu'elles n'avaient pu accéder aux procès-verbaux de l'enquête préliminaire sur lesquels la cour, tenue de statuer sur les intérêts civils à partir des faits objet de la poursuite, allait prononcer elle-même, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 13 septembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-86008
Date de la décision : 26/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 13 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 2018, pourvoi n°17-86008


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.86008
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