LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-84.864 F-D
N° 01450
LR
5 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 NOVEMBRE 2024
M. [Z] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 juin 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, associations de malfaiteurs, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Z] [R], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [Z] [R] a été placé en détention provisoire le 5 juin 2023.
3. Par ordonnance du 4 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de cette mesure.
4. M. [R] a relevé appel de cette décision, avec demande de comparution personnelle.
5. Lors de la notification de l'avis d'audience devant la chambre de l'instruction, il a mentionné refuser la visioconférence.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande de renvoi et a confirmé l'ordonnance ayant ordonné la prolongation de sa détention provisoire, alors « qu'en matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne concernée est de droit si elle-même ou son avocat en fait la demande ; que lorsqu'elle est informée de la date de l'audience devant la chambre de l'instruction et du fait que le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé, la personne concernée peut en refuser l'utilisation sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion ; qu'en statuant en l'absence du mis en examen qui avait demandé à comparaître et qui avait refusé de comparaître par un moyen de télécommunication audiovisuelle sans constater, pour passer outre ce refus, l'existence de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion, la chambre de l'instruction, qui n'a par ailleurs constaté aucune circonstance imprévisible et insurmontable de nature à justifier le défaut de comparution personnelle, a méconnu les articles 199, 706-71 du code de procédure pénale et 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 199 et 706-71 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ces textes que, si le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle par la chambre de l'instruction appelée à statuer sur l'appel d'une ordonnance de prolongation de la détention provisoire est autorisé, la personne peut, lorsqu'elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à un tel moyen est envisagé, en refuser l'utilisation sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion.
8. Pour rejeter la demande de renvoi et passer outre la demande de comparution personnelle de la personne mise en examen qui avait refusé de comparaître par visioconférence, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que le service chargé de son extraction n'est pas en mesure d'assurer cette mission en raison de problèmes d'effectifs et de l'impossibilité d'une assistance par les forces de sécurité intérieure, d'autre part, qu'un report de l'audience est impossible, la personne mise en examen ne pouvant plus être convoquée dans les délais légaux.
9. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
10. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
11. Il n'y a pas lieu à la mise en liberté sollicitée par le demandeur, une telle mesure n'étant pas légalement prévue en cas de méconnaissance d'une règle de comparution devant la chambre de l'instruction et la Cour de cassation étant en mesure de s'assurer que cette juridiction s'est prononcée dans les délais de l'article 194 du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 juin 2024 ;
DIT n'y avoir lieu à la mise en liberté de M. [R] ;
ET pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt-quatre.