LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 25-82.480 F-D
N° 00991
SL2
12 JUIN 2025
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JUIN 2025
M. [K] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 20 mars 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'arrestation, enlèvement, séquestration, ou détention arbitraire en bande organisée, torture ou acte de barbarie avec arme, en récidive, association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [K] [P], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [K] [P] a été mis en examen des chefs rappelés ci-dessus et placé en détention provisoire le 14 septembre 2024.
3. Le 27 février 2025, il a déposé une demande de mise en liberté qui a été enregistrée le même jour au greffe de la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [P], alors « que la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté est tenue de statuer dans les vingt jours de la transcription au greffe de ladite demande faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ; qu'en rendant sa décision le 20 mars 2025 soit vingt-et-un jours après la transcription à son greffe le 27 février 2025 de la demande de remise en liberté, là où aucune vérification concernant cette demande n'a été ordonnée, la chambre de l'instruction a statué hors délai et a violé les dispositions de l'article 148-2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 148-2 et 148-4 du code de procédure pénale :
5. Il résulte du premier de ces textes que lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application du second, sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa dudit article 148-2, à savoir dans les vingt jours de l'enregistrement de la demande au greffe, faute de quoi le demandeur est remis d'office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu.
6. En statuant le 20 mars 2025 sur une demande de mise en liberté enregistrée le 27 février précédent, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
7. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
9. M. [P] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.
10. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissances des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.
11. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [P] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.
12. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de :
- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que toutes les personnes concernées par l'enquête n'ont pu être interpellées à ce stade ;
- mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que M. [P] a déjà été condamné à cinq reprises, notamment pour meurtre ;
- empêcher les pressions sur les témoins et les victimes, en ce que le mode opératoire mis en oeuvre (actes de torture et séquestration) par une équipe qui n'a pas été entièrement appréhendée rend plausible la commission d'actes d'intimidation sur la victime et les témoins ;
- assurer la représentation en justice de l'intéressé, en ce que ce dernier est de nationalité algérienne et a été interpellé en Allemagne en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
13. Afin d'assurer ces objectifs, M. [P] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.
14. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 20 mars 2025 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONSTATE que M. [P] est détenu sans titre depuis le 20 mars 2025 dans la présente procédure ;
ORDONNE la mise en liberté de M. [P] s'il n'est détenu pour autre cause ;
ORDONNE le placement le placement sous contrôle judiciaire de M. [P] ;
DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :
- Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : la commune de [Localité 3], sauf pour répondre aux convocations de l'autorité judiciaire ou des enquêteurs, ou en cas d'urgence médicale dûment justifiée ;
- Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer chez M. [F] [I], [Adresse 2], qu'aux conditions et pour les motifs suivants : entre 10 heures et 13 heures, sauf pour répondre aux convocations de l'autorité judiciaire ou des enquêteurs, ou en cas d'urgence médicale dûment justifiée ;
- Se présenter avant le 13 juin 2025 à 18 heures et ensuite chaque jour avant 12 heures au commissariat de police de [Localité 3], [Adresse 1] ;
- Remettre, avant le 13 juin 2025 à 18 heures, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, au commissariat de police désigné ci-dessus, les documents justificatifs de l'identité suivants : passeport, titre de séjour ;
- S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : M. [G] [B], Mme [Z] [A], M. [V] [C], Mme [L] [O], M. [E] [J], M. [H] et Mme [S] [M], MM. [Y] [P] et [N] [D] ;
- Ne pas détenir ou porter une arme ;
- Verser, avant le 14 juin 2025, à la régie du tribunal judiciaire de Nîmes, la somme de 10 000 euros à titre de cautionnement, affectés :
- à hauteur de 9 000 euros à la garantie de représentation de l'intéressé ;
- à hauteur de 1 000 euros à la garantie du paiement des éventuels amendes et dommages-intérêts ;
DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;
RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;
DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-cinq.