LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° V 24-82.753 F-D
N° 00831
SL2
17 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JUIN 2025
M. [P] [M] et la société Entreprise [M] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 11 avril 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 21 février 2023, pourvoi n° 22-81.903), pour recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé aggravé, a condamné, le premier, à 30 000 euros d'amende, la seconde, à 50 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [P] [M] et de la société Entreprise [M], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Alsace venant aux droits de l'URSSAF du Bas-Rhin, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Lors d'une opération de contrôle d'un chantier, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a constaté la présence de trois ouvriers bulgares qui avaient été embauchés par l'entreprise de travail temporaire bulgare [2], puis mis à disposition de l'entreprise [M] par l'intermédiaire de la société [1], spécialisée dans la recherche et le placement de main-d'oeuvre européenne.
3. Au terme de l'enquête, la société [2] et ses deux gérantes ont été citées devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et par dissimulation d'activité. La société [M] et son gérant, M. [P] [M], ont été cités du chef de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé.
4. L'URSSAF du Bas-Rhin s'est constituée partie civile.
5. Par jugement du 13 décembre 2019, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables, a prononcé sur les peines et les intérêts civils.
6. M. [M] et la société [M] ont interjeté appel. Le ministère public et l'URSSAF ont interjeté appel incident.
7. Par arrêt du 3 mars 2022, la cour d'appel, infirmant la décision entreprise, a relaxé la société [M] et M. [M], et débouté l'URSSAF du Bas-Rhin de l'intégralité de ses demandes.
8. Par arrêt du 21 février 2023, sur le seul pourvoi de l'URSSAF d'Alsace venant aux droits de l'URSSAF du Bas-Rhin, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupables M. [M] et la société [M] du chef de travail dissimulé et a prononcé sur la peine, alors « que la cassation, sur le seul pourvoi de la partie civile, en toutes ses dispositions, de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 3 mars 2022, est nécessairement intervenue dans les limites de ce pourvoi qui ne concernait que les seuls intérêts civils, la relaxe de M. [M] et la société [M] ayant acquis l'autorité de chose jugée ; qu'en retenant leur culpabilité et en statuant sur la peine, la cour d'appel, qui n'était saisie que des seuls intérêts civils, a excédé ses pouvoirs et méconnu les articles 609 et 567 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 567 et 609 du code de procédure pénale :
10. Si, selon ces textes, le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir.
11. Après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.
12. En l'espèce, les juges du second degré, après avoir caractérisé en tous leurs éléments les faits poursuivis, ont déclaré les prévenus coupables du délit qui leur était reproché, et ont prononcé sur les peines.
12. En statuant ainsi, alors que l'effet dévolutif du pourvoi formé par la partie civile était nécessairement limité aux seuls intérêts civils, et que la cassation ne pouvait donc concerner que les dispositions civiles, seules déférées à la censure de la Cour de cassation, la cour d'appel, qui n'était plus saisie de l'action publique, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquence de la cassation
14. La cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé sur l'action publique entraîne la cassation de l'arrêt en ce qu'il a statué sur la caractérisation de l'infraction et sur les peines.
15. Cette même cassation de l'arrêt en ce qu'il a prononcé sur l'action publique entraîne également la cassation de l'arrêt sur l'action civile, la cour d'appel ayant déduit de la déclaration de culpabilité de M.[M] et de la société [M] l'existence d'une faute civile.
16. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les autres moyens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 avril 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt-cinq.