Vu la décision du 21 février 1983, enregistrée au parquet le 10 juin 1983 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de l'Université de PARIS IV Paris - Sorbonne et qui ont affecté l'opération immobilière de rénovation du château de MORIGNY légué à l'Université par sa propriétaire décédée le 7 février 1978 ;
Sur l'engagement et le paiement de dépenses en l'absence de crédits : Considérant qu'aux termes des articles 29 et 168 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique et de l'article 41 du décret n° 69-612 du 14 juin 1969 relatif au budget et au régime financier des universités, les engagements de dépenses sont limités au montant des crédits inscrits au budget ; que, pour la rénovation du Château de Morigny, un marché d'ingénierie et plusieurs marchés de travaux ont été signés en 1979 et en 1980 pour des montants très largement supérieurs aux crédits disponibles à la date de ces engagements ; Que ces engagements en l'absence de crédits ont entraîné des retards dans le règlement de décomptes ; que les fournisseurs de l'Université ayant nanti leurs marchés auprès de la Caisse nationale des marchés de l'Etat CNME , devenue le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, sur la promesse signée le 1er décembre 1980 par le président de l'Université de prendre en charge les intérêts moratoires correspondants, ces retards ont provoqué le versement par l'Université à la CNME, qui avait payé les fournisseurs, d'intérêts moratoires d'un montant de 456541,14 F en 1981 et 1494298,29 F en 1982, une somme évaluée à 1206217,40 F lui restant due à ce titre à la fin de 1982 ;
Considérant qu'aux termes des articles 12, 37 et 172 du décret précité du 29 décembre 1962, le comptable public est notamment tenu de contrôler la disponibilité des crédits et, en cas de manque de fonds disponibles, de suspendre les paiements et d'en informer l'ordonnateur ; qu'au cours des exercices 1979, 1980 et 1981 les dépenses payées sur le compte 834 correspondant à la rénovation du château de Morigny excédaient très largement les crédits disponibles, l'ouverture des crédits nécessaires n'ayant été faite qu'après la clôture de chaque exercice ; Que les engagements et les paiements de dépenses au-delà des crédits budgétaires disponibles constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses des universités tombant, ainsi que leurs auteurs, sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; Considérant en revanche que l'instruction n'a pas démontré que l'imputation en 1980 de dépenses afférentes à l'opération de Morigny sur le compte 900 "Services communs de l'Université" avait pour objet de dissimuler un dépassement de crédit ; qu'il n'est donc pas prouvé qu'une irrégularité prévue par l'article 3 de la loi précitée de 1948 a été commise ;
Sur les irrégularités dans l'exécution des dépenses : Considérant que le marché d'ingénierie conclu, en vue de la rénovation du château de Morigny, par l'Université avec M. A... et daté du 12 mars 1979, après que celui-ci eut procédé à un relevé de l'état des lieux à la demande de l'établissement public, n'a été précédé d'aucun recensement des personnes qualifiées pour procéder aux études nécessaires et d'aucune mise en compétition contrairement aux prescriptions de l'article 108 du code des marchés publics et sans qu'eut été vérifié si M. A... avait la qualité d'architecte ou d'agréé en architecture ; qu'il n'est pas prouvé que ce marché a été antidaté bien que plusieurs indices fassent douter qu'il ait été signé dès le 12 mars 1979 ; que ce document ne comporte pas la clause obligatoire d'incitation au respect du coût d'objectif ni le taux de tolérance dont celui-ci devrait être affecté, prescrits par les articles 4 et 6 du décret n° 73-207 du 28 février 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé ; que le barème d'honoraires figurant au marché est plus élevé que celui que fixe le décret précité ;
Considérant que des irrégularités ont été relevées également dans l'exécution du marché d'ingénierie ; qu'en contradiction avec les dispositions du décret précité du 29 décembre 1962 et notamment de ses articles 13 et 170, l'Université a réglé à Monsieur A... les honoraires afférents à l'avant-projet détaillé APD sans que le service fait eût été en totalité justifié ; que les honoraires du maître lui ont été payés, sans ordonnancement préalable, par chèques sur le Trésor et non par virement, comme le prévoit pour des montants importants le décret n° 65-97 du 4 février 1965 relatif aux modes et aux procédures de règlement des dépenses des organismes publics ; que cette procédure était contraire à l'article 44 du décret précité du 14 juin 1969 et à l'arrêté interministériel pris pour son application qui énumère limitativement les catégories de dépenses pouvant être payées sans ordonnancement préalable ;
Que ces irrégularités constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses des universités tombant, ainsi que leurs auteurs, sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; que, s'il n'est pas démontré que le taux d'honoraires contractuellement accordé à Monsieur A... en contradiction avec le décret précité de 1973 lui a procuré un avantage injustifié au sens de l'article 6 de la loi de 1948, le règlement sans ordonnancement préalable des honoraires correspondant à une mission APD alors que celle-ci était incomplètement justifiée tombe en revanche sous le coup dudit article ; Considérant que des formalités prévues par la réglementation, telles que l'obtention d'un permis de construire et d'un avis de l'administration des monuments historiques ainsi que la saisine du maire de la commune et de la commission de sécurité, n'ont pas été accomplies par l'Université, propriétaire du château, préalablement aux travaux ; que ces omissions ont été à l'origine de charges supplémentaires importantes, les demandes de la commission de sécurité ayant dû être satisfaites alors que la rénovation était commencée ;
Considérant que les marchés de travaux signés le 29 mai 1979 par l'Université avec diverses entreprises font référence à l'article 104-2° du code des marchés publics aux termes duquel il peut être passé des marchés négociés sans mise en concurrence préalable "lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation qui, à cause de nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir faire, ne peut être confiée qu'à un entrepreneur ou un fournisseur déterminé" ; que ces conditions n'étaient pas remplies, non plus que celles posées par l'article 103 du même code qui vise les marchés négociés après mise en concurrence préalable ; que dès lors, l'Université aurait dû recourir à la procédure normale de l'appel d'offres prévue aux articles 93 à 102 dudit code ; Considérant que si, nonobstant le fait que les marchés précités ont visé l'article 104-2° du code des marchés publics qui n'était pas applicable en l'espèce, une consultation sommaire assimilable à celle mentionnée à l'article 103 est néanmoins intervenue, cette consultation n'était pas conforme à la procédure prévue pour les appels d'offres ; que cette procédure impose notamment une commission de dépouillement des offres qui n'a pas été réunie, l'examen des offres n'ayant même pas fait l'objet d'un procès-verbal ; que les procédures réglementaires de passation des marchés n'ont donc pas été appliquées ;
Considérant que d'autres marchés ont été conclus ultérieurement, en particulier pour les équipements intérieurs du château, sans aucune mise en concurrence ; Que ces irrégularités constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses des universités tombant, ainsi que leurs auteurs, sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les irrégularités dans le recouvrement de certaines recettes : Considérant que l'Université a vendu des objets mobiliers du château de Morigny en violation de l'article L 70 du code du domaine de l'Etat qui lui est applicable et qui dispose que les objets mobiliers ne peuvent être vendus que par le service des domaines dès lors que la vente excède 750 F ; que, d'une part, elle a fait procéder à des ventes à l'hôtel Drouot par le ministère d'un commissaire priseur pour un montant total de 549228,72 F ; que, d'autre part, elle a cédé directement un piano à un marchand d'Etampes au prix estimé par le commissaire-priseur et vendu directement à deux antiquaires parisiens, pour la somme de 75000 F à chacun, des meubles non décrits dans les pièces justifiant les recettes ; Que ces ventes sont entachées d'irrégularités ; qu'il peut cependant être noté que la plus grande part du mobilier a fait l'objet de ventes publiques ;
Considérant que l'article 40 du décret du 14 juin 1969 précité dispose que l'Université ne peut emprunter qu'en vertu d'une délibération de son conseil et sur autorisation du ministre de l'Education nationale et du ministre de l'Economie et des Finances ; que, sans que ces autorisations eussent été sollicitées, le président de l'Université de Paris IV a signé le 12 décembre 1980 avec l'Association des anciens élèves des facultés des lettres et sciences humaines de l'Université de Paris une convention par laquelle celle-ci consentait à l'Université de Paris IV une avance d'un million de francs "pour lui permettre de régler aux entreprises titulaires des marchés passés pour l'aménagement et la mise en conformité avec les règlements de sécurité du Centre de recherche de Morigny les sommes qui leur sont dues sans avoir à payer les intéressés moratoires prévus au code des marchés de l'Etat" ; que cette avance, il est vrai, ne portait pas intérêt ;
Que ces irrégularités constituent des infractions aux règles d'exécution des recettes des universités tombant, ainsi que leurs auteurs, sous le coup de l'article 5 de la loi de 1948 précitée ;
Sur les responsabilités : Considérant que Monsieur B... a été président de l'Université de Paris IV de février 1976 à février 1981 et à ce titre ordonnateur principal du budget ; que, s'agissant des engagements de dépenses en l'absence de crédits, il a signé lui-même tous les marchés d'ingénierie et de travaux conclus en 1979 pour la rénovation du château de Morigny ; qu'il a affirmé toutefois n'avoir pas été informé par le secrétaire général de l'Université, Monsieur Y..., auquel il avait consenti le 12 mars 1976 une très large délégation de signature, de l'absence de crédits au moment où il a engagé les dépenses de travaux et n'avoir pris conscience qu'en novembre 1980 de l'ampleur du déficit entre les recettes tirées de la vente d'une partie des biens donnés par Madame de SAINT PERIER et les dépenses de rénovation ; qu'il a signé le 1er décembre 1980 une lettre au directeur général de la Caisse Nationale des marchés de l'Etat par laquelle il s'engageait à payer aux entreprises titulaires des marchés les intérêts moratoires qui pourraient être dus en cas de retard dans les mandatements ;
Que, s'agissant des irrégularités commises dans certaines dépenses, Monsieur B... a déclaré qu'il ignorait que M. A..., auquel il avait confié des travaux d'ingénierie, et qui avait antérieurement travaillé pour le Centre d'études littéraires et scientifiques appliquées CELSA au sein de l'Université, n'était pas architecte ; qu'il croyait que le taux des honoraires prévu contractuellement était conforme à la réglementation ; qu'il n'était pas au courant de la nécessité des formalités préalables aux travaux de rénovation du château ou des manquements dans leur exécution ; Que, s'agissant des irrégularités commises dans certaines recettes, Monsieur B... a signé le 12 décembre 1980 la convention par laquelle l'Association des anciens élèves des facultés des lettres et sciences humaines de l'Université de Paris, en la personne de Monsieur Z..., son président, par ailleurs directeur du CELSA, unité d'enseignement et de recherches de l'Université Paris IV, accordait une avance d'un million de francs à l'Université ; qu'il a déclaré n'avoir été informé par Monsieur Y... ni de la nécessité d'obtenir une délibération du conseil d'administration et des autorisations ministérielles ni, par ailleurs, des conditions irrégulières dans lesquelles avait eu lieu la vente du mobilier du château ;
Que l'ensemble de ce comportement révèle que l'intéressé n'a pas manifesté l'attention et la vigilance qu'impliquait la fonction qu'il remplissait ainsi que les engagements juridiques que cette fonction l'a conduit à prendre et qui engagent sa responsabilité au titre de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ; Considérant que Monsieur Y... a été secrétaire général de l'Université de Paris IV de mai 1971 à septembre 1982 ; qu'il a signé, par délégation du président, tous les mandats de paiement de dépenses non couvertes par des crédits ; que, s'agissant des irrégularités commises dans diverses dépenses, il a signé les lettres adressées à Monsieur A... avant la passation du marché d'ingénierie ; qu'il a justifié l'absence de consultation d'architectes par l'urgence et le fait que l'intéressé avait déjà travaillé pour l'Université ; qu'il reconnait s'être trompé dans le taux d'honoraires retenu dans le marché et avoir considéré à tort les documents remis par Monsieur A... à la fin de 1978 comme constituant l'avant-projet détaillé au sens de la réglementation ; qu'il déclare avoir fait confiance à Monsieur A... pour l'accomplissement des formalités préalables aux travaux ;
Que, s'agissant des irrégularités commises dans certaines recettes Monsieur Y..., qui avait signé les ordres de recette correspondant aux différentes ventes de mobilier a invoqué, pour justifier le non-respect de la procédure réglementaire, l'urgence de certains paiements et le retard pris dans la cession de biens immobiliers provenant de la donation de Madame de SAINT PERIER ; que l'urgence expliquerait aussi, selon lui, qu'aucune autorisation n'a été demandée en vue de l'obtention d'une avance auprès de l'Association des anciens élèves des facultés de lettres et des sciences humaines ;
Que s'il est vrai que la donation du château de Morigny à l'Université de Paris IV et la transformation de celui-ci en centre de recherche résultent en partie des initiatives et de l'activité de Monsieur Y..., ni la nature des financements projetés pour la rénovation, à savoir la vente d'une partie des biens légués par Madame de SAINT PERIER, ni les délais fixés pour la réalisation des travaux ne justifient que l'opération ait été lancée "hors budget" ; que la législation prévoit expressément que le budget de l'Université doit regrouper toutes les dépenses y compris celles provenant de dons et legs ; qu'un budget est un acte de prévision et d'autorisation et non un simple document de régularisation a posteriori ; que Monsieur Y... ne pouvait ignorer que la notion d'opération hors budget et les conséquences qu'il en tirait sur les diverses procédures utilisables dans le financement et l'exécution des travaux n'avaient pas de fondement juridique ;
Considérant que Monsieur X..., agent comptable de l'Université de Paris IV de mai 1971 à novembre 1984, exerçait simultanément, en application de l'article 28 du décret précité du 14 juin 1969, les fonctions de chef du service financier de l'Université ; qu'en méconnaissance des obligations que lui impose le règlement général sur la comptabilité publique du 29 décembre 1962, il n'a pas suspendu le paiement des importantes dépenses mandatées sans crédit par l'ordonnateur de l'Université en 1979, 1980 et 1981 pour la rénovation du château de Morigny ; Que, s'agissant des irrégularités commises dans diverses dépenses, Monsieur X... a reconnu avoir donné, en sa qualité de chef des services financiers, le conseil d'appliquer des procédures simplifiées de passation des marchés pour respecter les délais fixés ; qu'il a affirmé avoir ignoré le décret de 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architectures ; qu'il a expliqué que le paiement des honoraires de Monsieur A... sans ordonnancement préalable répondait à une demande de l'intéressé qui affirmait pouvoir être ainsi réglé plus vite et que ce n'est qu'en 1981 qu'il a appris, à la suite de l'enquête de l'Inspection générale de l'Education nationale, que le maître d'oeuvre était en liquidation judiciaire et que cette situation était sans doute le vrai motif de sa demande ; qu'enfin Monsieur X... a payé des honoraires au profit de Monsieur A... pour une mission APD insuffisamment justifiée ;
Que, s'agissant des irrégularités commises dans certaines recettes, c'est à Monsieur X... que les deux antiquaires qui ont acquis une partie du mobilier du château ont adressé leurs offres ; que l'argument invoqué par Monsieur X... selon lequel le recours au Service des domaines n'était pas nécessaire s'agissant de biens propres de l'Université, ne saurait être retenu ; Que Monsieur X... considère à tort, comme Monsieur Y..., que la nature de l'opération et l'urgence, pour l'Université, de se procurer les ressources destinées à la financer justifient qu'elle a été lancée hors budget et selon une procédure exceptionnelle ; que, comme lui, il ne pouvait ignorer qu'il violait ainsi les règles d'exécution des recettes et des dépenses de l'Université ;
Considérant qu'en raison des faits ci-dessus relatés, la responsabilité de Messieurs Y... et X... se trouve engagée au regard des dispositions des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'ils ont dû, l'un et l'autre, quitter l'Université de Paris IV à la suite de cette affaire, pour recevoir d'autres affectations ; que Monsieur X... rappelle en outre que la Cour des comptes a déjà mis en jeu sa responsabilité pécuniaire en le déclarant à titre définitif, par arrêt du 17 octobre 1984, débiteur des sommes de 61719,66 F et 124983,94 F à l'égard de l'Université de Paris IV ; Considérant que si la bonne foi de Messieurs B..., Y... et X... n'est pas mise en doute et si leur souci a été avant tout le bien de l'Université, sans qu'ils aient retiré, dans cette affaire, pour eux-mêmes, aucun avantage particulier, les intéressés ont fait preuve d'imprudence dans la conduite de l'opération ;
Que s'agissant d'une importante opération de rénovation d'un bâtiment classé monument historique, il était à l'évidence nécessaire de procéder à une étude préalable approfondie tant de la consistance et du coût des travaux que des conditions de leur réalisation ; qu'il n'apparaît pas que Messieurs Y... et X... aient suffisamment, et en temps utile, attiré l'attention du Conseil d'administration et du président de l'Université sur cette nécessité et sur les règles administratives et financières applicables, même en cas d'urgence ; que cette urgence, au demeurant, n'est pas établie ; Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en condamnant Monsieur B... à une amende de 5000 francs et Messieurs Y... et X... à une amende de 15000 francs chacun ;
Article 1er : Monsieur B... est condamné à une amende de cinq mille francs 5000 francs . Article 2 : Monsieur Y... est condamné à une amende de quinze mille francs 15000 francs . Article 3 : Monsieur X... est condamné à une amende de quinze mille francs 15000 francs . Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française