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22/11/1989 | FRANCE | N°CETATEXT000007609442

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 22 novembre 1989, CETATEXT000007609442


Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la communication en date du 1er juillet 1987, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes informe le parquet de la décision prise le 3 mars 1987 par ladite Cour de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités constatées dans la gestion de la sociétÃ

© anonyme "La Signalisation" ;

Sur la compétence de la Cour :
Considéran...

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la communication en date du 1er juillet 1987, enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes informe le parquet de la décision prise le 3 mars 1987 par ladite Cour de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités constatées dans la gestion de la société anonyme "La Signalisation" ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant que la "Compagnie générale de constructions téléphoniques" (C.G.C.T.), dont l'Etat détient, depuis le 21 octobre 1982, 99,97 % du capital, possède elle-même 99,25 % du capital de la société anonyme "La Signalisation" (L.S.) ; que la Cour des comptes peut donc assurer la vérification des comptes et de la gestion de ces deux sociétés en application respectivement des articles 6 bis A et 6 bis B de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée ; qu'en conséquence tout représentant, administrateur ou agent de l'une ou l'autre de ces deux sociétés est justiciable, aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée, de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur les conditions de passation des marchés :
Considérant que le 19 janvier 1983, deux marchés n° 81-20 et 81-21 d'un montant global d'environ 450 millions de francs ont été conclus avec le Koweit par La Signalisation pour la réalisation des lots n° 1 et 2 d'un réseau téléphonique ;
Que les contrats sur lesquels ont été apposées les signatures étaient rédigés en langue arabe et qu'il n'avait pas été établi auparavant de traduction, même libre ; que ce n'est donc que postérieurement et en particulier à l'occasion d'examens effectués par la direction de l'audit interne de la Compagnie générale de constructions téléphoniques qu'est apparu le caractère abusif ou lacunaire de certaines dispositions contractuelles ;
Que, notamment, ne figurait pas sur ces documents la date de conclusion du contrat qui ouvrait cependant le délai d'exécution et aurait dû permettre en conséquence de déterminer le point de départ d'éventuelles pénalités de retard ; que si le montant de ces dernières était plafonné dans l'un des deux contrats, il ne l'était pas dans l'autre ; que l'appel des cautions était laissé à l'entière discrétion du client ; qu'en soumettant ces conventions au droit en vigueur au Koweit, l'article 16 de celles-ci attribuait juridiction en la matière aux tribunaux de cet Etat et écartait donc tout recours à l'arbitrage international ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que les procédures prévues au sein de La Signalisation pour la conclusion des marchés ont été formellement respectées ;
Qu'en revanche les dispositions précitées des contrats étaient contraires aux intérêts de La Signalisation ; qu'il appartient aux représentants d'une société de veiler à la sauvegarde des intérêts matériels de l'organisme dont ils assurent la gestion, ce principe constituant une règle d'exécution des recettes et des dépenses de la société dont la violation tombe sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Qu'au surplus M. Chiganne, président de La Signalisation, en signant lesdits contrats dans une langue étrangère et sans traduction préalable, s'est privé, en l'espèce, des moyens d'assumer pleinement et en toute connaissance la mission de "direction générale de la société" que lui confère l'article 113 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et l'article 13 des statuts de La Signalisation ; qu'une telle méconnaissance des règles de gestion de la société établies dans les statuts constitue une violation des règles d'exécution de la dépense tombant sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que, si l'exécution des marchés s'est traduite en fin de compte pour L.S. par une lourde perte évaluée à 671 millions de francs devant l'assemblée générale de la société du 19 septembre 1988, cette perte résulte essentiellement de l'incapacité dont elle a fait preuve, dans un contexte il est vrai difficile, à remplir de manière rentable pour elle ses obligations contractuelles ;
Qu'il n'est pas établi que le jeu des clauses exorbitantes ait, compte tenu des conditions défectueuses dans lesquelles les contrats ont été exécutés, procuré au contractant de L.S. un avantage injustifié correspondant pour la société à un préjudice que l'on puisse distinguer des pertes globales de l'opération et qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, de faire application de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur l'encaissement irrégulier de recettes :
Considérant qu'en contrepartie d'une obligation de passer, pour les transports aériens à destination ou en provenance du Koweit, par les services d'une compagnie aérienne, cette dernière avait consenti à La Signalisation une ristourne de 10 % sur les billets au tarif normal et de 7 % sur les billets à tarif réduit ; que cet avantage devait rester confidentiel ;
Considérant que les versements effectués à ce titre par la compagnie aérienne pour un montant de 125.000 francs correspondant à 1,3 million de francs de billetterie ont cessé en juin 1983 ;
Que l'enquête a permis d'établir qu'à partir de cette date, pour des motifs apparemment liés à la confidentialité, les sommes dues par la compagnie aérienne ont été réglées à M. Z... à son compte personnel et que l'intéressé reconnaît avoir reçu à ce titre entre 14.000 et 16.000 dinars, soit environ 375.000 francs ;
Que ces remises constituant des recettes dues à La Signalisation, M. Z... aurait dû les reverser intégralement à cette dernière ;
Considérant, cependant, que seule une somme légèrement supérieure à 4.850 dinars, soit environ 120.000 francs, a été restituée par ce dernier en février 1984 ;
Que M. Z... expose que le surplus a été utilisé par lui soit en reversement à des membres des services commerciaux de la compagnie aérienne, soit en règlement de ses frais de représentation ; qu'aucun document produit n'établit que ces emplois aient été autorisés par L.S. ;
Considérant qu'en conservant une part des remises consenties à La Signalisation par la compagnie aérienne et en les utilisant soit à son profit personnel soit à celui d'autres personnes sans autorisation expresse de ses supérieurs hiérarchiques, M. Z... a enfreint les règles d'exécution des recettes de la société au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, et procuré à autrui, en méconnaissance de ses obligations, un avantage injustifié entraînant un préjudice financier pour La Signalisation, au sens de l'article 6 de la même loi ;

Sur les irrégularités dans le paiement d'un sous-traitant ;
Considérant que, par deux lettres du 30 novembre 1982, M. E..., à l'époque président de La Signalisation, a fait connaître à M. Majid X..., qui était, par ailleurs, un agent de M. Y..., lui-même "sponsor" de la société au Koweit, l'intention de L.S. de lui confier la sous-traitance d'une partie des opérations réalisées au Koweit (ingénierie, études de réseaux, plans, assistance dans les relations avec l'administration ...) pour un montant global de 600.000 dinars, étant expressément précisé qu'un contrat serait établi dans les deux cas ; que M. Majid X... a donné son accord par deux lettres du 10 décembre 1982 ;
Que M. Majid X... a perçu, en trois versements intervenus les 17 mars 1983, 20 avril 1983 et 5 octobre 1983, la somme de 600.000 dinars ;
Considérant que lesdits paiements sont intervenus sans qu'aucun contrat n'ait prévu ni les obligations de M. Majid X... ni les conditions dans lesquelles une rémunération lui serait versée ; que les lettres d'intention, en admettant même qu'elles puissent, devant les tribunaux, constituer une présomption de lien juridique entre les parties, ne contiennent aucun des éléments sus-indiqués qui pourraient les faire considérer comme un contrat ;
Qu'au surplus les paiements précités n'ont été appuyés d'aucune facture retraçant le détail des travaux réellement exécutés par M. Majid X... ni d'aucun décompte même succinct produit par l'intéressé ; que les divers documents recueillis lors de l'instruction font ressortir, de manière contradictoire, que les versements en cause constituaient soit des commissions, soit la rémunération d'une sous-traitance ;
Que ces règlements, quel qu'en ait été l'objet, ont donc été effectués en violation des règles d'exécution des dépenses de la société et sont donc constitutifs de l'infraction prévue par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que, dans la mesure où, à l'appui de la rémunération versée à M. Majid X... ne figure aucune preuve ni service rendu ni même de la nature du service attendu de lui, il a été procuré à celui-ci un avantage injustifié au détriment des finances de La Signalisation ; qu'en conséquence, même en tenant compte très largement des données de fait liées aux usages locaux, ces règlements tombent sous le coup de l'article 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les irrégularités dans le règlement de transactions :
Considérant que, par un marché en date du 28 avril 1983, d'un montant de 1.700.000 dinars La Signalisation a confié à l'entreprise Munawar la sous-traitance de travaux de génie civil, alors même que les soumissions qu'elle avait présentées stipulaient qu'elle réaliserait elle-même ces opérations ;
Que la mauvaise qualité des prestations fournies ayant notamment entraîné des protestations de la part du client Koweitien, La Signalisation a décidé de mettre un terme à la collaboration de l'entreprise Munawar ;
Que, toutefois, en raison des difficultés locales qui auraient pu résulter d'une résiliation du marché, La Signalisation préféra rechercher les voies d'une transaction avec son sous-traitant : que cette procédure conduisit L.S. à verser à l'entreprise Munawar la somme de 200.000 dinars soit environ 5 millions de francs en avril 1984 ;
Considérant qu'au mois de février 1985, cette entreprise ayant assigné La Signalisation devant les tribunaux pour rupture abusive de contrat, il apparut à ce moment qu'une deuxième convention, donnant compétence aux tribunaux koweitiens et portant le montant des travaux sous-traités à plus de 2,2 millions de dinars, aurait été signée par M. Z..., le 15 août 1983; que des factures étagées entre septembre 1983 et août 1984 et portant sur plus de 1,7 millions de dinars n'avaient été ni enregistrées en comptabilité ni au service d'administration des contrats ;
Qu'il fallut recourir à une deuxième transaction pour un montant de près de 300.000 dinars ;
Considérant que, si les transactions précitées ne peuvent être considérées comme constitutives d'infraction tombant sous le coup de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, il n'en va pas de même du contrat ayant conduit à la deuxième d'entre elles ; qu'aucun document social ne fait référence à ce contrat et que son existence n'a été découverte qu'à l'occasion du contentieux soulevé en 1985 par l'entreprise Munawar ; que ledit contrat aurait été ainsi conclu en contravention des règles d'exécution des dépenses de la société ; que cependant un doute subsistant sur la véracité de la signature apposée sur ce contrat au nom de L.S., l'infraction prévue à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ne peut être établie ;

Sur les irrégularités dans la location d'immeubles :
Considérant que M. A... a signé, le 15 décembre 1983, trois contrats pour la location d'immeubles sis à Koweit-City et appartenant à M. Y..., sponsor de La Signalisation ;
Que, si M. A... avait reçu de M. Z..., le 9 septembre 1983, un délégation de pouvoirs suffisamment large pour lui permettre de signer éventuellement de tels contrats, il n'en allait plus de même au moment des faits en raison des modifications intervenues à compter du 2 novembre 1983 dans l'organisation du service dont dépendait M. A... ;
Qu'en effet, le successeur de M. Z..., M. C..., n'avait pas bénéficié d'une délégation générale de la part du président, M. Chiganne ; qu'il n'avait, au demeurant, donné aucune délégation à M. A... ; que ce dernier ne pouvait donc plus de prévaloir de la délégation donnée par le prédécesseur de M. C..., d'autant qu'il n'exerçait plus auprès de ce dernier les mêmes responsabilités ;
Qu'en conséquence s'il pouvait être chargé de négocier les baux en cause, il n'avait plus compétence pour les signer ; qu'il a donc engagé des dépenses sans en avoir reçu délégation et tombe donc sous le coup de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Considérant que les conventions en cause ont été conclues pour une période de cinq ans, alors que le délai contractuel de réalisation des travaux confiés à La Signalisation expirait huit mois plus tard ;
Que, toutefois, au moment de la signature les intéressés ignoraient que les dirigeants de La Signalisation avaient renoncé à réaliser les travaux des lots 4 et 5 de l'opération pour lesquels ceux-ci avaient soumissionné et dont l'exécution aurait prolongé la présence au Koweit d'agents de La Signalisation ;
Que, si d'autres possibilités d'hébergement avaient été étudiées par ailleurs, une attention plus grande aurait dû néanmoins être portée au caractère onéreux du contrat qui impliquait une charge pluriannuelle et susceptible de procurer au propriétaire un avantage par la revente d'immeubles loués à moyen terme ; que l'instruction n'a toutefois pas permis de démontrer que la durée des baux était constitutive de violation des règles d'exécution de la dépense et qu'elle avait effectivement procuré au cocontractant un avantage injustifié ; que les articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ne sont donc pas applicables sur ce point ;

Sur les irrégularités dans le versement de commissions :
Considérant que confrontées à des relations difficiles avec son client, La Signalisation a eu recours à plusieurs intermédiaires dont elle attendait une amélioration de ses rapports avec l'Etat du Koweit ;
Considérant que le 6 mars 1985, elle a ainsi conclu une convention avec la société Egecena en vue d'obtenir du ministère koweitien un accroissement du prix du marché ; qu'après plusieurs modifications intervenues par voie d'avenants, le contrat n'a finalement reçu aucune application et n'a, notamment, donné lieu à aucun règlement à Egecena ;
Considérant que le 29 mai 1985, un contrat a été conclu avec la société "Quick-Diffusion" chargée par L.S. de lui fournir une assistance dans la recherche, la négociation et la mise en place de nouveaux moyens de financement pour la réalisation des contrats au Koweit ; qu'en contrepartie la société devait recevoir des honoraires d'un montant forfaitaire de 417.220 francs à régler sur facture ;
Que ce contrat était assorti de trois conditions résolutoires ; que tout d'abord il devait être notifié à L.S. avant le 27 juin 1985 qu'une banque du Koweit mettait à sa disposition 3 millions de dinars ; qu'en outre ce nouveau concours ne devait pas remettre en cause ceux dont disposait déjà La Signalisation au Koweit ; qu'enfin cette dernière société devait obtenir l'accord préalable de la Banque de France ;
Que l'opération de recherche de financement, qui n'avait pas abouti au 27 juin 1985, a cependant obtenu en octobre 1985 des résultats, même si ceux-ci n'ont pas eu de suite concrète en raison des nouvelles modalités de financement adoptées par la C.G.C.T., actionnaire de L.S. et par l'Etat ; que la poursuite des recherches de financement au-delà du 27 juin 1985 a motivé les versements effectués à Quick Diffusion après cette date, ce qui évalait à une prorogation tacite du contrat ;

Considérant que, par un contrat du 30 octobre 1985, La Signalisation a confié à Quick-Diffusion la tâche de faire aboutir auprès du ministère koweitien des réclamations moyennant des honoraires de 600.000 francs hors taxe, les honoraires déjà versés devant être remboursés si le dossier de réclamations n'aboutissait pas ;
Que la société Quick-Diffusion a perçu au titre de cette convention une première tranche d'honoraires de 355.800 F ; que la seconde tranche n'a pas été versée ;
Considérant que, sur la base d'un mémorandum du 4 décembre 1985, l'assistance relative au dossier de réclamation a été confiée à un nouvel intermédiaire, M. G..., chargé également d'obtenir du client une avance de trésorerie ; qu'une somme de 1,3 million de francs a été versée à M. G... par L.S. dès le 11 décembre 1985, avant que le contrat qui aurait dû préciser les missions de l'intermédiaire et son mode de rémunération ait pu être conclu ; que le recours aux services de M. G... n'a pas été ultérieurement poursuivi et que le solde des honoraires envisagés dans le mémorandum n'a pas été versé ;
Considérant que, si la mise en oeuvre de ces interventions d'intermédiaires a été assurée par M. Mollaret, président de L.S., les décisions de principe ont été prises en accord avec M. Vincent, président de la C.G.C.T., compte-tenu de l'état de crise qui affectait l'opération Koweit et qui avait motivé la constitution en juillet 1984 d'un comité exécutif placé sous la direction de M. Vincent ;
Considérant que les intéressés ont agi dans le souci d'éviter, grâce à des négociations et à l'intervention des tiers, des pertes plus importantes et que l'intervention des intermédiaires n'est sans doute pas étrangère à une certaine amélioration du climat entre L.S. et son client qui a permis, par la suite, d'achever la réalisation du contrat et de limiter les pertes ;
Considérant qu'en raison de la gravité de la situation où se trouvait L.S., il n'est pas établi que le recours aux moyens exceptionnels qui ont été utilisés constitue une infraction relevant des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les responsabilités :
En ce qui concerne M. Chiganne :
Considérant que M. Chiganne peut faire valoir qu'il a été nommé président-directeur général de La Signalisation, le 3 décembre 1982, soit à peine plus d'un mois avant la date de la signature des marchés et que ceux-ci avaient donc, pour l'essentiel, été négociés par son prédécesseur ; qu'à la suite de la nationalisation, les pouvoirs publics étaient très désireux que l'affaire avec le Koweit soit effectivement conclue et exerçaient une certaine pression en ce sens ; qu'il ressort de l'instruction que la négociation avec le Koweit s'était poursuivie durant plusieurs années et qu'une rupture aurait pu entraîner la perte de cautions déjà versées ; que, si ces circonstances, de même que l'inexactitude des renseignements que lui auraient fournis ses subordonnés, sont de nature à atténuer sa responsabilité, elles ne peuvesnt l'en exonérer ; qu'en effet M. Chiganne, alors qu'il avait juridiquement la possibilité de refuser de le faire, a signé les marchés sans se mettre en mesure, notamment par une traduction en langue française, d'en relever les anomalies, gravement contraires aux intérêts de la société ;
Considérant par ailleurs que M. Chiganne a fait preuve de négligence en n'exerçant pas une surveillance suffisante sur les sous-traitances, pour lesquelles il avait pourtant prévu l'établissement de procédures particulières, alors que les versements importants à M. Majid X... apparaissant dans les comptes sociaux auraient justifié une attention particulière ;
Que, toutefois, les opérations irrégulières en cause ont été initiées par M. E..., signataire des lettres d'intention, dont il n'a pas été établi que M. Chiganne ait été informé par son précédesseur ; que cette circonstance, ainsi que l'existence en la matière, d'habitudes locales, sont de nature à atténuer sur ce point la responsabilité de M. Chiganne lequel, au surplus, n'avait aucune expérience dans l'exécution d'un marché en territoire étranger ;

En ce qui concerne M. Z... :
Considérant que les ristournes de la compagnie aérienne ont été négociées par M. Z... et que, mis à part un faible reversement, il en a été le gestionnaire de fait ou le bénéficiaire ; qu'il ne peut invoquer valablement l'ignorance de la loi pour se décharger de la responsabilité d'avoir encaissé à son compte personnel des recettes sociales, sans justifier d'y avoir été autorisé, et d'avoir ainsi commis les infractions précitées ;
Considérant que M. Z..., qui avait participé aux négociations avec M. Majid X... et cosigné les chèques litigieux après avoir certifié l'existence de prestations non déterminées de manière précise, a pleinement engagé sa responsabilité dans les infractions commises ;
Considérant, en revanche, que, faute d'une production de l'original du contrat du 15 août 1983 avec l'entreprise Munawar, il n'est pas possible de retenir sur ce point la responsabilité de M. Z... ;

En ce qui concerne M. B... :
Considérant que M. B... a certes été informé par une note de M. Z... du 26 janvier 1983 de l'avantage consenti par la compagnie aérienne et qu'en sa qualité de directeur financier il lui appartenait d'une manière générale de s'assurer de l'encaissement régulier des recettes de la société ;
Qu'en revanche, la modification du mode de versement des ristournes postérieurement à juin 1983, faute d'une information appropriée fournie par M. Z..., a pu lui échapper, notamment en raison du changement intervenu dans ses fonctions, M. B... n'étant plus Directeur financier à compter de décembre 1983, mais Directeur général adjoint ; qu'il ne peut, dans ces conditions, être considéré comme ayant participé aux infractions commises à titre principal par M. Z... ;
Considérant en revanche que M. B... en cosignant l'un des chèques au profit de M. Majid X... et par son inaction contraire à ses missions de directeur financier, alors même qu'il était informé des faits, a engagé sa responsabilité dans les infractions précitées ;

En ce qui concerne M. A... :
Considérant que M. A... tombe sous le coup de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée pour avoir, à la date du 15 décembre 1983, signé les baux litigieux alors qu'il n'en avait pas juridiquement le pouvoir ;
Considérant, cependant, que, dans le contexte de la modification, alors récente, de l'organigramme des services de L.S. au Koweit, M. A... a pu se méprendre sur l'étendue de ses pouvoirs et croire qu'il agissait, compte tenu de l'urgence du moment, dans l'intérêt de la société et avec l'accord tacite de ses supérieurs ; que ces circonstances sont de nature à atténuer sa responsabilité ;
En ce qui concerne MM. F... et D... :
Considérant qu'aucune charge n'est retenue contre MM. F... et D... et qu'en conséquence, il y a lieu de les relaxer de toute poursuite ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. Chiganne à une amende de 35.000 francs, M. Z... à une amende de 50.000 francs, M. B... à une amende de 5.000 francs et M. A... à une amende de 2.500 francs.
Article 1er - MM. F... et D... sont relaxés des fins de la poursuite.
Article 3 - M. Chiganne est condamné à une amende de trente cinq mille francs (35.000 francs).
Article 3 - M. Z... est condamné à une amende de cinquante mille francs (50.000 F).
Article 4 - M. B... est condamné à une amende de cinq mille francs (5.000 F).
Article 5 - M. A... est condamné à une amende de deux mille francs (2.000 F).
Article 6 - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609442
Date de la décision : 22/11/1989
Sens de l'arrêt : Amendes, relaxe
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'une entreprise publique - Engagement de dépenses sans en avoir le pouvoir - Infractions aux règles d'exécution des recettes et des dépenses d'une entreprise publique - Avantages injustifiés procurés à autrui.

18-01-05-01 Conclusion de marchés comportant des clauses contraires aux intérêts de l'entreprise. Président se privant des moyens d'assumer pleinement la direction générale de la société. Remises accordées à l'entreprise par un transporteur conservées à son profit personnel par un agent de la société. Règlements effectués sans contrat préalable, ni facture, ni preuve du service fait. Responsabilité d'un des présidents-directeurs généraux successifs de la société, du directeur financier, d'un directeur de projet et de son adjoint, relaxe de deux présidents-directeurs généraux : amendes de 35.000 F, 50.000 F, 5.000 F et 2.500 F.


Références :

Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 1, art. 5, art. 6, art. 4
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 113
Loi 67-483 du 22 juin 1967 art. 6 bis A, art. 6 bis B


Composition du Tribunal
Président : M. Chandernagor
Rapporteur ?: M. Lescure

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1989:CETATEXT000007609442
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