T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
3ème chambre 3ème section
No RG :
06/12899
No MINUTE :
Assignation du :
18 Juillet 2006
JUGEMENT
rendu le 05 Mars 2008
DEMANDERESSE
FONDATION Brigitte BARDOT, représentée par sa Directrice, Madame Ghyslaine X...
...
75116 PARIS
représentée par Me Francois Xavier KELIDJIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T.02
DÉFENDERESSES
Société ETABLISSEMENTS TRUFFAUT
21 rue des Pépinières "Les Noëls"
41350 VINEUIL
représentée par Me Xavier Jacques BACQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E.1529
Société FBtoC intervenante volontaire
7 rue Lacuée
75012 PARIS
représentée par Me Jean-Christophe TRISTANT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T09
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision
Agnès THAUNAT, Vice-Président
Michèle PICARD, Vice-Président,
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l'audience du 04 Décembre 2007
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La Fondation Brigitte Bardot est une fondation reconnue d'utilité publique dont l'objet est de promouvoir et d'organiser la défense ainsi que la protection de l'animal sauvage et domestique tant en France qu'à l'étranger.
La Fondation Brigitte Bardot est titulaire de différentes marques françaises, communautaire et internationale comportant son logo à savoir l'esquisse stylisée d'un chat, d'un chien, d'un cheval et d'un phoque vus de dos.
S'étant aperçue que la société Etablissements horticoles Georges Truffaut (ci-après dénommée société Truffaut) avait utilisé son logo sur un prospectus diffusé aux professionnels de l'animalerie à l'occasion du salon animalier dénommé PARADISIO qui devait se tenir du 7 au 10 septembre 2006 , la Fondation Brigitte Bardot a fait dresser procès-verbal par un huissier pour constater ces faits et a assigné, par acte du 18 juillet 2006, la société Georges Truffaut en contrefaçon de marques et parasitisme.
Par des écritures du 5 mars 2007, la société FbtoC est intervenue à l'instance en qualité de mandataire de la société TRUFFAUT pour l'organisation tant matérielle que logistique du salon "PARADISIO".
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 22 juin 2007, la Fondation Brigitte Bardot demande au tribunal, au visa des articles L 713-2, L 713-3, L 716-1 , L 713-5 du Code de Propriété Intellectuelle et 1382 du code civil de :
- dire qu'en diffusant sans autorisation, pour la campagne promotionnelle du salon de l'animalerie dit "PARADISIO" sur de nombreux supports publicitaire , un reproduction quasi-servile de son logo, les sociétés TRUFFAUT et FbtoC ont porté atteinte à ses droits antérieurs sur les marques française no 02 3 196 658 et communautaire no 00 29 75 647,
- interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte,
- ordonner la confiscation et la remise du matériel utilisé pour la réalisation des reproductions illicites et détenu par les défenderesses ou par des tiers pour leur compte et ce, sous astreinte,
- ordonner le retrait et la destruction devant huissier de l'intégralité de leurs stocks de documents publicitaires sur tout support contrefaisant et ce, sous astreinte,
- condamner solidairement ces défenderesses à lui payer la somme de 300.000 euros sauf à parfaire en réparation de l'atteinte portée à leurs droits incorporels privatifs,
- pour parfaire l'évaluation de leur préjudice ordonner aux défenderesses la communication du plan média, d'un état certifié comptable du coût de la campagne publicitaire du salon en cause, d'un état certifié du nombre de reproductions du logo sur tous types de support publicitaire et de l'état des parution dans la presse reproduisant la publicité litigieuse ;
- tirer toute conséquence du défaut de communication de ces pièces et le cas échéant condamner solidairement les défenderesses à lui payer une indemnité supplémentaire de 50.000 euros;
- dire que les défenderesses ont commis des actes de parasitisme et les condamner solidairement à lui payer une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi à raison de ces agissements parasitaires ;
- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
le tout, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et de l'autorisation de publication de la décision à intervenir.
La société TRUFFAUT rappelle que :
- elle est une société qui possède des magasins de vente d'articles floraux et de jardinerie à travers toute la France ;
- elle possède une filiale ANIMALIS spécialisée dans le commerce du vivant ;
- en raison de ses activités, elle est le partenaire officiel du salon animalier PARADISIO qui s'est tenu du 9 au 10 septembre 2006 à l'Espace Champerret à Paris ;
- elle a confié l'organisation matérielle de ce salon à la société FbtoC (convention du 5 mai 2006) ;
- la société FBtoC a notamment réalisé la campagne de communication de ce salon ; cette société lui a transmis les éléments nécessaires à la promotion du salon qu'elle réalise sur son site internet et dans son magazine distribué dans ses magasins ;
- dès la mise en demeure reçue de la Fondation Brigitte Bardot le 8 juin 2006, elle a demandé à la société FBtoC de prendre toutes dispositions pour remédier à une éventuelle action en contrefaçon ;
- par courrier du 27 juin 2006, la société FBtoC lui a indiqué qu'elle la garantirait intégralement ;
- les pièces produites démontrent que toutes les actions nécessaires ont été entreprises pour faire cesser la reproduction du logo de la demanderesse ;
- aucun article de presse ni diffusion au public des supports comportant le logo n'est intervenue après la mise en oeuvre des mesures prises par la société FBtoC .
Sur le fond, la société TRUFFAUT conteste la contrefaçon, estimant que le logo du salon "Paradisio" ne reproduit pas les marques de la demanderesse et qu'aucun risque de confusion n'est établi. La Fondation Brigitte Bardot ne démontre pas la notoriété de ses marques ni en quoi elle se serait mise dans son sillage, cette assertion n'ayant aucun sens commercialement. Le préjudice est inexistant compte-tenu des mesures correctrices intervenues. Aussi, la société TRUFFAUT conclut au débuté des demandes et réclame la condamnation de la Fondation demanderesse à lui payer une indemnité de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
La société FBtoC dans ses dernières écritures signifiées le 24 septembre 2007, expose que :
- elle a fait appel à un créatif indépendant, M. Nicolas B... pour la création du logo du salon "Paradisio";
- courant avril 2006, ce logo a été utilisé sur le site internet de Truffaut, sur le mailing adressé à certains porteurs de la carte Animalis ou Truffaut, dans le dossier de presse adressé à 298 journalistes et dans le magazine "Truffaut" no 30 disponible dans les magasins ;
- dès sa connaissance de la mise en demeure de la société TRUFFAUT par la Fondation Brigitte Bardot, elle a pris des mesures conservatoires: arrêt de l'envoi du mailing, suppression du logo sur le site internet, retrait dans les magasins et destruction du magazine no 30 de Truffaut, modification du logo sur les autres supports de communication et envoi au 298 journalistes d'un nouveau dossier de presse.
La société FBtoC qui ne comprend pas pourquoi la Fondation Brigitte Bardot a assigné alors que la diffusion du logo contrefaisant avait cessé, conteste également la contrefaçon estimant que les différences entre les logos écartent tout risque de confusion.
La société FBtoC soutient encore que :
- la Fondation demanderesse ne justifie pas du caractère notoire de ses marques ni de l'atteinte portée à leur éventuelle notoriété ;
- faute de grief distinct de ceux fondant l'action en contrefaçon, les demandes en concurrence déloyale sont irrecevables et au surplus mal-fondées, faute de démonstration d'un quelconque risque de confusion ;
-les réparations sollicitées sont "astronomiques", le préjudice subi ne pouvant qu'être très limité compte-tenu des mesures correctrices prises par elle.
Aussi, la société FBtoC sollicite le débouté des demandes et l'allocation d'une indemnité de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à titre subsidiaire, demande à ce que la réparation du préjudice soit limitée à l'euro symbolique.
La clôture est intervenue le 5 novembre 2007.
Par lettre réceptionnée le 16 novembre 2097, la société FBtoC a sollicité le rejet des débats de la pièce no 17 communiquée le 9 novembre 2007 soit postérieurement à la clôture.
Par lettre réceptionnée le 11 décembre 2007, la société TRUFFAUT a demandé que soit écartée des débats une pièce dite no 6 qui était un constat d'huissier dressé le 7 juillet 2006 et qui avait été évoqué par la Fondation Brigitte Bardot lors de l'audience de plaidoiries mais qui n'avait jamais été communiquée, la pièce no 6 figurant au bordereau étant un extrait Kbis de la société TRUFFAUT. La Fondation Brigitte Bardot dans son courrier réceptionné le 10 décembre 2007 ne nie pas que ce constat d'huissier n'a pas été communiqué et demande à ce qu'il soit écarté du dossier de plaidoiries s' il y figure.
SUR CE,
*sur le rejet des pièces:
En application de l'article 783 du Code de Procédure Civile, la pièce no 17 communiquée par la Fondation Brigitte Bardot doit être écartée des débats car elle a été produite postérieurement aux débats.
S'agissant du constat d'huissier dressé le 7 juillet 2006,(pièce no6) il est également écarté des débats dès lors qu'il n'a pas été régulièrement communiqué aux défenderesses.
*sur les droits de la Fondation Brigitte Bardot :
La Fondation Brigitte Bardot justifie par les certificats d'enregistrement correspondants être titulaire d':
-une marque communautaire semi-figurative "Fondation Brigitte Bardot" déposée en couleurs le 29 novembre 2002 et régulièrement enregistrée sous le no 002975647 pour désigner différents produits et services et notamment , en classe 41 de la classification internationale " l'organisation et conduite de manifestations publiques, colloques, conférences, congrès, organisation d'exposition à buts culturels ou éducatifs concernant notamment la défense et la protection des animaux";
- une marque française semi-figurative déposée en couleurs le 28 novembre 2002 et enregistrée sous le no 02 3 196 658 pour désigner notamment les mêmes services que ceux précités .
Ces deux marques déposées en bleu reflex sur fond blanc sont composées de l'esquisse stylisée d'un chat, d'un chien, d'un cheval et d'un phoque vus de dos dont les têtes forment un arc de cercle dans lequel est inscrit Fondation Brigitte Bardot en lettres cursives.
La Fondation Brigitte Bardot justifie exploiter sa marque pour désigner son magazine.
La marque internationale également citée ne visant pas la France, la "Fondation Brigitte Bardot" ne peut en solliciter présentement le bénéfice.
*sur la contrefaçon :
Il ressort du PV de constat du 3 mai 2006 dressé par Maître C... , huissier de justice que sur le site internet de la société TRUFFAUT était annoncée la tenue d'un salon "paradisio" à l'Espace Champerret à Paris avec un cartouche sur fond bleu turquoise comportant l'élément dénominatif suivant en lettres jaunes ou blanches "salon paradisio 9-10 septembre 2006 Paris Espace Champerret", cet élément étant surmonté d'un dessin stylisé en blanc de quatre animaux vus de dos : un chat, un chien, un lapin et un poisson.
Dès lors que les signes en cause sont différents c'est au regard :
- de l'article L 713-3 du Code de Propriété Intellectuelle qui dispose que sont interdits , sauf autorisation du propriétaire s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public ...b)l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée , pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement que doit s'apprécier le grief de contrefaçon de la marque française ;
- de l'article 9 du Règlement du 20 décembre 1993 qui dispose que le titulaire (d'une marque communautaire)est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement faire usage dans la vie des affaires :b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public que doit s'apprécier le grief de contrefaçon de la marque communautaire.
Il est constant que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l'espèce. Cette appréciation globale doit en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.
Il y a lieu de relever que :
- les services désignés par les deux signes sont similaires car il s'agit dans les deux cas d'une manifestation publique en vue de la défense (pour la marque) ou de la présentation (pour le salon paradisio) d'animaux ;
- les éléments figuratifs des signes en cause présentent de fortes ressemblances; dans les deux cas il s'agit du dessin stylisé d'animaux vus de dos disposés en éventail ; sur les quatre animaux deux sont quasiment identiques (le chat et le chien); si le cheval a été remplacé par un lapin, la perception visuelle est très similaire; de même le poisson évoque comme dans les marques ( le phoque) le monde marin et les deux nageoires du bas sont très évocatrices de la queue de cet animal; enfin, dans les marques, le dessin est en bleu sur fond blanc alors que dans le signe argué de contrefaçon, le dessin est en blanc sur fond bleu.
Si les éléments dénominatifs dans les deux signes en cause n'ont rien en commun , il n'en demeure pas moins que dans les marques l'élément figuratif est distinctif à lui seul; le grand public connaît le combat de la Fondation demanderesse pour la défense des animaux et est dès lors particulièrement enclin à mémoriser le dessin stylisé qui illustre parfaitement cette action.
Aussi, ce public n'ayant pas simultanément sous les yeux les deux signes pensera à la vue du signe second dont il aura mémorisé la forme générale et à la nature du salon Paradisio que la Fondation Brigitte Bardot s'est associée à cette manifestation qui présente des animaux de compagnie.
Dans ces conditions, le tribunal considère que le grief de contrefaçon est fondé.
*sur l'atteinte à la marque notoire et le parasitisme :
Dès lors que le grief de contrefaçon a été retenu, les demandes au titre de l'atteinte à la marque notoire sont devenus sans objet, des mêmes faits ne pouvant donner lieu à une double qualification au titre des mêmes marques. Au surplus, le tribunal relève que la Fondation Brigitte Bardot n'apporte aucun élément (sondage, montant des investissements publicitaires ou étendue de la diffusion de ses marques) démontrant la notoriété qu'elle invoque.
Le grief de parasitisme n'étant articulé sur aucun acte distinct de ceux fondant les demandes en contrefaçon, doit être rejeté.
*sur le préjudice :
Les défenderesses justifiant avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser les actes de contrefaçon dès la réception de la lettre recommandée du 8 juin 2006 adressée par la Fondation Brigitte Bardot à la société TRUFFAUT ( arrêt de l'envoi du mailing, suppression du logo sur le site internet, retrait et destruction des magazines reproduisant le logo, envoi d'un nouveau dossier de presse aux journalistes), le tribunal considère que le préjudice subi par la Fondation Brigitte Bardot a été très limité, aucune nouvelle utilisation du logo contrefaisant n'étant intervenu pendant la tenue du salon Paradisio.
Aussi, eu égard au faible durée de la contrefaçon et aux mesures correctrices prises en défense dès réception de la mise en demeure, le tribunal considère que l'atteinte à la marque subi par la Fondation Brigitte Bardot sera justement indemnisée par l'allocation d'un euro symbolique sans qu'il soit besoin de faire droit aux demandes de production de pièces, les sociétés défenderesses n'ayant pas utilisé leur logo pendant la campagne publicitaire réalisée pour le salon postérieurement à juin 2006.
Cette condamnation réparant l'entier dommage, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication de la présente décision.
Les matériels comportant le logo contrefaisant ayant été détruits, les demandes d'interdiction, de confiscation, retrait et destruction sont également rejetées.
Compte-tenu de l'arrêt de la contrefaçon, l'exécution provisoire de la présente décision ne s'impose pas.
En revanche, l'équité commande d'allouer à la Fondation Brigitte Bardot une indemnité de 6000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
Les défenderesses succombant partiellement, leurs demandes au titre de l'application de cet article sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ,
statuant contradictoirement , par décision en premier ressort et remise au greffe,
Ecarte des débats la pièce numérotée 17 dans le bordereau de pièces de la Fondation Brigitte Bardot pour communication postérieure à l'ordonnance de clôture ;
Ecarte du dossier de plaidoiries le Procès-Verbal de constat d'huissier du 7 juillet 2006 non communiqué aux débats ;
Dit que les sociétés TRUFFAUT et FBtoC en diffusant pour la campagne promotionnelle du Salon d'animalerie "Paradisio" sur plusieurs supports une imitation du logo , élément figuratif des marques française no 02 3 196 658 et communautaire no 00 29 75 647 dont est titulaire la Fondation Brigitte Bardot , sans l'autorisation de celle-ci, ont commis des actes de contrefaçon ;
Condamne in solidum les sociétés TRUFFAUT et FBtoC à payer à la Fondation Brigitte Bardot une somme de un euro à titre de dommages et intérêts et celle de 6000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens, qui comprendront les frais du constat d'huissier du 3 mai 2006,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Fait application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Maître Xavier KELIDJIAN, avocat, pour la part des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision,
Fait et Jugé à Paris, le 5 mars 2008,
LE GREFFIER LE PRESIDENT