Vu, l'expédition du jugement du 17 septembre 1992 par lequel le tribunal de grande instance de Limoges, saisi d'une action en responsabilité et en paiement de dommages-intérêts de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de la Haute-Vienne et des époux Y..., contre l'Etat (ministre de la Justice), pris en la personne de l'agent judiciaire du Trésor, et contre le département du Val-de-Marne, à raison du préjudice résultant de l'incendie, le 7 décembre 1986, par le mineur X..., du château d'Eylias, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;
Vu le jugement du 27 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Limoges s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu les articles 375-2 et 375-4 du Code civil ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, le 25 septembre 1986, le juge des enfants de Créteil a pris, au titre de l'assistance éducative, à l'égard du mineur X..., alors âgé de 14 ans, une mesure d'observation en milieu ouvert à exercer par la consultation d'orientation éducative de Nogentsur-Marne, dépendant du ministère de la Justice ;
Considérant que le 5 décembre 1986, les éducateurs de cette consultation conduisaient le jeune X... chez les époux X... au Château d'Eylias, " structure d'accueil non traditionnelle " recevant notamment des mineurs confiés par le service d'Aide sociale à l'Enfance du Val-de-Marne en vertu d'une convention comportant une assurance de responsabilité civile ; que le 7 décembre 1986 au matin, le jeune X... mettait le feu à son matelas et provoquait un incendie qui détruisait une partie du château ;
Sur la régularité de la saisine :
Considérant que le tribunal administratif ayant mis hors de cause le service d'Aide sociale à l'Enfance du département du Val-de-Marne comme n'ayant pris aucune part dans la survenance des événements et, notamment, dans la décision de placer le mineur chez les époux X..., il n'existait pas de risque de conflit négatif de compétence en ce qui concerne l'action dirigée contre le département ; qu'il en résulte qu'à la date à laquelle le tribunal de grande instance a statué, les conditions fixées par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 n'étaient pas remplies sur ce point ;
Sur la compétence à l'égard de l'Etat :
Considérant qu'au moment de l'incendie, X... se trouvait, en l'absence de décision prise sur sa garde, placé à l'amiable chez les époux X... par les techniciens de la consultation d'orientation éducative ; que ceux-ci, agents de l'Education surveillée, soumis, dans l'exercice de la mesure d'observation en milieu ouvert, au seul contrôle du juge des enfants, conformément aux dispositions de l'article 375-2 du Code civil, agissaient dans le cadre du fonctionnement du service public judiciaire ; que, dès lors, l'action tendant à mettre en cause la responsabilité de l'Etat en raison des fautes qui auraient été commises dans l'exécution de cette mission relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal de grande instance de Limoges en date du 17 septembre 1992 est déclaré nul et non avenu en ce qu'il renvoie au Tribunal des conflits le soin de se prononcer sur la question de compétence posée par l'action des demandeurs à l'égard du département du Val-de-Marne, et en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur leur action envers l'Etat ;
Article 2 : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de la Haute-Vienne et les époux X... à l'Etat ;
Article 3 : La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal de grande instance de Limoges.