Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant la société d'exploitation agricole Coutin à la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso) devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Vu le déclinatoire, présenté le 13 décembre 1993 par le préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que le litige, mettant en cause la mission de service public confiée à la Sepanso, relève de la compétence de la juridiction administrative ;
Vu le jugement du 17 décembre 1993 par lequel le tribunal d'instance de Lesparre a retenu sa compétence et ordonné une expertise ;
Vu l'arrêté en date du 29 décembre 1993 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu le nouveau déclinatoire de compétence en date du 14 février 1994 ;
Vu l'arrêt en date du 11 juillet 1994 de la cour d'appel de Bordeaux ;
Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Environnement, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le jugement du tribunal d'instance de Lesparre doit être annulé pour n'avoir pas spécialement statué sur la compétence ; que ni l'article L. 226-1 du Code rural ni la loi du 24 juillet 1937 ne peuvent fonder la compétence judiciaire en matière de dommages causés aux cultures par des animaux vivants dans une réserve naturelle ;
Vu le mémoire présenté pour la Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso) tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les moyens que l'arrêté de conflit a été pris régulièrement ; que le jugement du tribunal d'instance de Lesparre doit être annulé ; que l'article L. 226-1 du Code rural et la loi du 24 juillet 1937 ne peuvent être invoqués en l'espèce ; que l'action est dirigée contre une association de la loi de 1901 chargée par convention de gérer une réserve naturelle ; que l'association collabore à une mission de service public de protection de l'environnement conformément à la loi du 10 juillet 1976 ; que la juridiction compétente ne peut dès lors qu'être la juridiction administrative ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le Code rural ;
Vu la loi du 10 juillet 1976 ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'il résulte de l'article 8 de l'ordonnance précitée du 1er juin 1828 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence doit surseoir à statuer pendant le délai laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit ; qu'il s'ensuit que le jugement en date du 17 décembre 1993 du tribunal d'instance de Lesparre, qui se prononce sur le litige par la même décision que celle qui écarte le déclinatoire de compétence, doit être déclaré dans cette mesure nul et non avenu ;
Sur la compétence :
Considérant que la SCEA Coutin a demandé à l'association Sepanso (Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest) réparation des dommages causés à ses cultures par des sangliers provenant selon elle de la réserve naturelle de l'étang du Cousseau, créée par décret du 20 août 1976 sur le territoire de la commune de Lacanau ;
Considérant que si l'association Sepanso, à qui la gestion de la réserve naturelle de l'étang du Cousseau a été confiée par convention en date du 25 avril 1978, est ainsi chargée d'une mission de service public, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle dispose par elle-même de prérogatives de puissance publique pour assurer la sauvegarde de la faune et de la flore de ladite réserve ; que, dès lors, la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître d'une action mettant en cause la responsabilité de l'association à l'occasion de cette sauvegarde ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 29 décembre 1993 par le préfet de la Gironde est annulé ;
Article 2 : Le jugement du tribunal d'instance de Lesparre en date du 17 décembre 1993 est annulé en tant qu'il a statué sur le litige en même temps que sur la compétence ;
Article 3 : La cause et les parties sont renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux.