Vu, enregistrée à son secrétariat le 9 mai 2003, l'expédition du jugement en date du 25 avril 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi d'une demande du CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION, de la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE - CGT et de Mme X tendant à l'annulation de la délibération du conseil d'administration d'Electricité de France en date du 31 mai 2001 décidant de prendre, au nom du service Réseau de transport d'électricité, une participation dans la société HGRT, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt en date du 3 octobre 2001 par lequel la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé rendue le 17 août 2001 par le président du tribunal de grande instance de Paris qui, saisi en référé d'une demande de suspension de la délibération mentionnée ci-dessus, a estimé que la juridiction de l'ordre judiciaire n'était pas compétente pour connaître de ce litige ;
Vu, enregistrées le 21 octobre 2003, les observations présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre fait valoir que la prise de participation de Réseau de transport d'électricité dans la société HGRT elle-même actionnaire de Powernext S.A. constitue pour ce service une garantie essentielle au bon accomplissement de ses missions de service public ;
Vu, enregistré le 3 décembre 2003, le mémoire présenté pour Electricité de France qui tend à ce que le tribunal déclare la juridiction de l'ordre administratif compétente pour connaître du litige, par les motifs que la délibération contestée constitue une décision administrative relative à l'organisation et au fonctionnement du service public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lasserre, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de Mme Commaret, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : Selon les principes et conditions énoncés à l'article 1er, le service public de l'électricité assure le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport... d'électricité... ; que cette dernière mission est notamment confiée, en vertu du même article, à Electricité de France, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport ; que, parmi les obligations imposées au service gestionnaire de ce réseau dénommé Réseau de transport d'électricité (R.T.E.), qui est un service d'Electricité de France indépendant sur le plan de la gestion des autres activités de l'établissement public, figure celle, énoncée à l'article 15 de la loi, d'assurer à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci ;
Considérant que par une délibération en date du 31 mai 2001, le conseil d'administration d'Electricité de France a décidé de prendre, au nom de Réseau de transport d'électricité qui, comme il a été dit ci-dessus, constitue un service autonome de cet établissement public industriel et commercial sans être, pour autant, doté de la personnalité morale, une participation majoritaire au sein d'un holding à créer, dénommé Société HGRT, destiné lui-même à devenir l'un des actionnaires de la société Powernext dont l'activité projetée était la gestion et le développement d'un marché organisé de l'électricité où se confronteraient des offres et des demandes d'énergie la veille pour le lendemain (marché spot) ;
Considérant qu'au-delà d'une simple autorisation de prise de participation dans une société commerciale, la délibération mentionnée ci-dessus a eu pour objet, comme le confirme le procès-verbal des débats qui l'ont précédée, d'associer le gestionnaire du réseau de transport d'électricité à la mise en place et au fonctionnement du marché décrit ci-dessus afin qu'il garantisse, dans le respect de son obligation, rappelée plus haut, d'assurer à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, que les transactions financières échangées chaque jour sur ce marché donneront lieu à des livraisons physiques de volumes d'électricité sur le réseau dans des conditions compatibles avec les règles de sûreté du fonctionnement du système électrique ; qu'une telle décision de principe est donc relative à l'organisation et aux conditions d'exploitation du service public du transport de l'électricité, composante du service public de l'électricité dont le contenu et les missions sont précisés par les dispositions précitées de la loi du 10 février 2000 ; qu'alors même que la délibération litigieuse, prise en application de l'article 44 de la loi du 10 février 2000 qui permet à Electricité de France de prendre des participations... dans des sociétés pour exercer les activités concourant directement ou indirectement à son objet, ne traduit l'exercice d'aucune prérogative de puissance publique, le litige né de la contestation, par le CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION, la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE - CGT et Mme X, de la légalité de cette décision relève, par suite, de la compétence de la juridiction administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant le CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION et autres à Electricité de France.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 25 avril 2003 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.