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17/06/2013 | FRANCE | N°C3911

France | France, Tribunal des conflits, 17 juin 2013, C3911


Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 février 2013, l'expédition de l'arrêt du 6 février 2013 par lequel la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par M. A...B...contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2011 par la cour d'appel de Chambéry dans le litige l'opposant à la société ERDF Annecy Léman, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré le 14 mars 2013, le mémoire présenté pour M. B...tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée comp

tente, par les motifs que le juge judiciaire est compétent pour ordonner le dép...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 février 2013, l'expédition de l'arrêt du 6 février 2013 par lequel la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par M. A...B...contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2011 par la cour d'appel de Chambéry dans le litige l'opposant à la société ERDF Annecy Léman, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré le 14 mars 2013, le mémoire présenté pour M. B...tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par les motifs que le juge judiciaire est compétent pour ordonner le déplacement d'un poteau électrique implantée sans titre sur une propriété privée, même en l'absence de voie de fait, en application de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, et que, en l'espèce, la société ERDF a commis une voie de fait, aucune prescription acquisitive n'étant applicable et lui-même n'ayant donné aucun accord en bonne et due forme à l'implantation litigieuse ;

Vu, enregistré le 18 mars 2013, le mémoire présenté pour la société ERDF Annecy Léman tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, aucune voie de fait ne pouvant être caractérisée, faute pour les propriétaires successifs du terrain d'implantation d'avoir jamais contesté l'implantation de l'ouvrage public litigieux ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié et, notamment, ses articles 35 et suivants ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 66 ;

Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et, notamment, son article 12 ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Ménéménis, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Gatineau-Fattaccini pour M.B...,

- les observations de la SCP Coutard pour la société ERDF Annecy Léman,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Batut, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. B...est devenu propriétaire le 15 juin 1990 d'une parcelle sur laquelle Electricité de France, aux droits de laquelle vient la société ERDF Annecy Léman, avait implanté un poteau en 1983, sans se conformer à la procédure prévue par le décret du 11 juin 1970 pris pour l'application de l'article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946, ni conclure une convention avec le propriétaire du terrain ; que, par acte du 24 août 2009, il a fait assigner la société ERDF devant le tribunal de grande instance de Bonneville, afin que soit ordonné le déplacement du poteau litigieux, sous astreinte, aux frais de la société ; que, par un jugement du 21 janvier 2011, le tribunal de grande instance a décliné sa compétence ; qu'en appel, la cour d'appel de Chambéry, par un arrêt du 6 octobre 2011, a également jugé que la juridiction judiciaire était incompétente pour connaître du litige engagé par M.B... ; que, saisie par l'intéressé d'un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration ;

Considérant qu'un poteau électrique, qui est directement affecté au service public de la distribution d'électricité dont la société ERDF est chargée, a le caractère d'un ouvrage public ; que des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement ou la suppression d'un tel ouvrage relèvent par nature de la compétence du juge administratif, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ; que l'implantation, même sans titre, d'un tel ouvrage public de distribution d'électricité, qui, ainsi qu'il a été dit, ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose la société chargée du service public, n'aboutit pas, en outre, à l'extinction d'un droit de propriété ; que, dès lors, elle ne saurait être qualifiée de voie de fait ; qu'il suit de là que les conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement du poteau électrique irrégulièrement implanté sur le terrain de M. B...relèvent de la juridiction administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant M. B... à la société ERDF Annecy Léman.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3911
Date de la décision : 17/06/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - VOIE DE FAIT - CRITÈRES DE LA VOIE DE FAIT [RJ1] - A) EXÉCUTION FORCÉE - DANS DES CONDITIONS IRRÉGULIÈRES - D'UNE DÉCISION PORTANT ATTEINTE À LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE OU ABOUTISSANT À L'EXTINCTION D'UN DROIT DE PROPRIÉTÉ - B) DÉCISION AYANT LES MÊMES EFFETS ET MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉE À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION.

17-03-02-08-01-02 Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration :,,,- a) soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété ;,,,- b) soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - PROPRIÉTÉ - EMPRISE IRRÉGULIÈRE - IMPLANTATION SANS TITRE D'UN OUVRAGE PUBLIC SUR UN TERRAIN PRIVÉ - ACTE MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉ À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION - ABSENCE [RJ2].

17-03-02-08-02-01 L'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - PROPRIÉTÉ - VOIE DE FAIT - 1) CRITÈRES DE LA VOIE DE FAIT - A) EXÉCUTION FORCÉE - DANS DES CONDITIONS IRRÉGULIÈRES - D'UNE DÉCISION PORTANT ATTEINTE À LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE OU ABOUTISSANT À L'EXTINCTION D'UN DROIT DE PROPRIÉTÉ [RJ1] - B) DÉCISION AYANT LES MÊMES EFFETS ET MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉE À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION - 2) IMPLANTATION SANS TITRE D'UN OUVRAGE PUBLIC SUR UN TERRAIN PRIVÉ - ACTE MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉ À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION - ABSENCE [RJ2].

17-03-02-08-02-02 1) Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration :,,,- a) soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété ;,,,- b) soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.,,,2) L'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - DROIT DE PROPRIÉTÉ - ACTES DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES CONCERNANT LES BIENS PRIVÉS - VOIE DE FAIT ET EMPRISE IRRÉGULIÈRE - 1) CRITÈRES DE LA VOIE DE FAIT - A) EXÉCUTION FORCÉE - DANS DES CONDITIONS IRRÉGULIÈRES - D'UNE DÉCISION PORTANT ATTEINTE À LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE OU ABOUTISSANT À L'EXTINCTION D'UN DROIT DE PROPRIÉTÉ [RJ1] - B) DÉCISION AYANT LES MÊMES EFFETS ET MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉE À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION - 2) IMPLANTATION SANS TITRE D'UN OUVRAGE PUBLIC SUR UN TERRAIN PRIVÉ - ACTE MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉ À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION - ABSENCE [RJ2].

26-04-04-01 1) Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration :,,,- a) soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété ;,,,- b) soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.,,,2) L'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration.

ENERGIE - LIGNES ÉLECTRIQUES - POTEAU ÉLECTRIQUE AYANT LE CARACTÈRE D'OUVRAGE PUBLIC DE DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ - IMPLANTATION SANS TITRE SUR UN TERRAIN PRIVÉ - ACTE MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉ À UN POUVOIR DONT DISPOSE ERDF - ABSENCE [RJ2] - ACTE ABOUTISSANT À L'EXTINCTION D'UN DROIT DE PROPRIÉTÉ - ABSENCE - VOIE DE FAIT - ABSENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR CONNAÎTRE DES CONCLUSIONS TENDANT AU DÉPLACEMENT DE L'OUVRAGE - EXISTENCE.

29-04 Un poteau électrique, qui est directement affecté au service public de la distribution d'électricité dont la société Electricité réseau distribution France (ERDF) est chargée, a le caractère d'un ouvrage public. Des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement ou la suppression d'un tel ouvrage relèvent par nature de la compétence du juge administratif, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie. L'implantation, même sans titre, d'un tel ouvrage public de distribution d'électricité, qui ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose EDRF et n'aboutit pas, en outre, à l'extinction d'un droit de propriété, ne saurait, dès lors, être qualifiée de voie de fait. Compétence du juge administratif pour connaître des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement du poteau électrique irrégulièrement implanté.

TRAVAUX PUBLICS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - COMPÉTENCE - OUVRAGE PUBLIC - IMPLANTATION SANS TITRE - ACTE MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE D'ÊTRE RATTACHÉ À UN POUVOIR DE L'ADMINISTRATION - ABSENCE - CONSÉQUENCE - VOIE DE FAIT - ABSENCE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DES CONCLUSIONS TENDANT À CE QUE SOIT ORDONNÉ SON DÉPLACEMENT - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF [RJ2].

67-05-005 L'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration. Dès lors, une telle implantation, qui n'aboutit en outre pas à l'extinction d'un droit de propriété, ne saurait être qualifiée de voie de fait. Les conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement de l'ouvrage irrégulièrement implanté relèvent de la juridiction administrative.


Références :

[RJ1]

Ab. jur. TC, 8 avril 1935, Action française, p. 1226 ;

également, en tant qu'elle pose une condition soit d'atteinte grave au droit de propriété (et non d'extinction de ce droit) soit d'atteinte grave à une liberté fondamentale (et non d'atteinte à la liberté individuelle), TC, 23 octobre 2000,,c/ Ministre des affaires étrangères, n° 3227, p. 775 ;

TC, 21 juin 2010,,c/ commune de Nevers, n° 3751, p. 584.,,

[RJ2]

Ab. jur. TC, 5 juin 2002, M. et Mme,c/ Electricité de France, n° 3287, p. 544 ;

TC, 21 juin 2010,,c/ commune de Nevers, n° 3751, p. 584.


Composition du Tribunal
Président : M. Gallet
Rapporteur ?: M. Alain Ménéménis
Rapporteur public ?: Mme Batut

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2013:C3911
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