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13/10/2014 | FRANCE | N°T1403963

France | France, Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, T1403963


N° 3963

Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Melun

SA AXA France IARD

M. Alain Ménéménis Rapporteur

M. Frédéric Desportes Commissaire du gouvernement

Séance du 15 septembre 2014 Lecture du 13 octobre 2014

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition du jugement du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun, saisi d'une demande de la société Axa France IARD faisant suite au renvoi préjudiciel ordonné le 1er juin 2010 par la cour d'appel de Paris et tendant à titre principal à ce qu'il juge que le contrat

conclu le 5 octobre 2005 entre la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinvill...

N° 3963

Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Melun

SA AXA France IARD

M. Alain Ménéménis Rapporteur

M. Frédéric Desportes Commissaire du gouvernement

Séance du 15 septembre 2014 Lecture du 13 octobre 2014

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition du jugement du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun, saisi d'une demande de la société Axa France IARD faisant suite au renvoi préjudiciel ordonné le 1er juin 2010 par la cour d'appel de Paris et tendant à titre principal à ce qu'il juge que le contrat conclu le 5 octobre 2005 entre la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville était un contrat de droit privé, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 1er juin 2010 par lequel la cour d'appel de Paris a dit qu'il appartenait à la société Axa France IARD de saisir la juridiction administrative pour déterminer les responsabilités dans l'incendie qui a détruit le bâtiment objet du contrat conclu entre la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville et a sursis à statuer sur l'action directe engagée par la société Axa France IARD, assureur de la commune, contre la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France, assureur de l'association ;
Vu l'arrêt du 16 mai 2012, par lequel la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Axa France IARD contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juin 2010 visé ci-dessus ;
Vu les observations présentées pour la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France tendant à ce que le juge administratif soit déclaré compétent au motif que le contrat conclu entre la ville et l'association est un contrat administratif ;
Vu les observations présentées par la SCP D. Célice, F. Blancpain, B. Soltner pour la SA AXA France IARD, tendant à ce que le juge judiciaire soit déclaré compétent au motif que le contrat en cause n'est pas un contrat administratif ;
Vu les observations rectificatives présentées par la SCP D. Célice, F. Blancpain, B. Soltner pour la société Axa-France IARD ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Ménéménis, membre du Tribunal, - les observations de la SCP F. Rocheteau, C. Uzan-Sarano pour la SA Mutuelle Assurance des instituteurs de France (MAIF), - les conclusions de M. Frédéric Desportes, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville ont conclu, le 5 octobre 2005, un contrat par lequel la commune a donné à bail à l'association, pour une durée de soixante-dix neuf ans et un loyer d'un euro, un ensemble immobilier destiné à la pratique de l'aviron, dont elle est propriétaire et sur lequel elle s'est engagée à réaliser différents travaux de réhabilitation ; que ce contrat emportait résiliation d'un contrat conclu en 1988, dont l'objet était comparable ; qu'un incendie a détruit, le 25 octobre 2005, le bâtiment objet du contrat ; qu'après avoir versé à la commune une somme de plus de quatre millions d'euros, la société Axa France IARD, assureur de la commune, subrogée dans les droits de celle-ci, a engagé une action directe contre la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France (MAIF), assureur de l'association ; que, par une ordonnance du 9 octobre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la MAIF ; que, par un arrêt du 1er juin 2010, la cour d'appel de Paris, après avoir déclaré la juridiction judiciaire compétente pour statuer sur l'action directe engagée par la société Axa France IARD, a dit qu'il appartenait à cette société de saisir la juridiction administrative pour "faire déterminer les responsabilités dans l'incendie" et a sursis à statuer sur l'action directe ; que le pourvoi formé par la société Axa France IARD contre cet arrêt a été rejeté par une décision de la Cour de cassation du 16 mai 2012 ; que, saisi par la société Axa France IARD, le tribunal administratif de Melun, estimant, contrairement à la cour d'appel de Paris, que le contrat en cause n'était pas un contrat administratif, a, par un jugement du 12 février 2014, renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de compétence ;
Considérant, en premier lieu, que si l'ensemble immobilier donné à bail par la commune de Joinville-le-Pont a été spécialement aménagé pour la pratique d'activités sportives, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'il appartiendrait au domaine public de la commune, une telle appartenance étant en outre subordonnée à la condition que le bien en cause soit affecté à l'usage direct du public ou à un service public ;
Considérant, d'une part, que l'ensemble immobilier en cause, dont l'utilisation est réservée aux membres de l'association Aviron Marne et Joinville, n'est pas affecté à l'usage direct du public ;
Considérant, d'autre part, que si l'association Aviron Marne et Joinville a une activité d'intérêt général, elle ne peut être regardée, eu égard à ses modalités d'organisation et de fonctionnement, notamment à l'absence de tout contrôle de la commune et de toute définition par celle-ci d'obligations particulières auxquelles elle serait soumise, comme chargée d'une mission de service public ; que, par ailleurs, alors même que la pratique de l'aviron revêt une importance particulière à Joinville-le-Pont et que l'association bénéficie, notamment dans le cadre du contrat en cause, d'aides importantes de la part de la commune, celle-ci ne saurait être regardée, en l'absence de tout droit de regard sur l'organisation de l'association, comme ayant entendu reconnaître le caractère de service public de l'activité de l'association ; qu'ainsi l'activité exercée par l'association dans l'ensemble immobilier en cause ne constitue ni une activité de service public qui lui aurait été confiée par la commune ni une activité à laquelle la commune aurait entendu reconnaître un tel caractère ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'ensemble immobilier donné à bail par le contrat litigieux ne peut être regardé comme appartenant au domaine public de la commune ; qu'ainsi, le contrat conclu entre la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville n'a pas pour objet d'autoriser l'occupation du domaine public communal et ne peut être qualifié de contrat administratif par détermination de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Considérant, en deuxième lieu, que le contrat litigieux ne confère aucun droit réel à l'association sur le bien mis à sa disposition ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il n'a pas été conclu en vue de l'accomplissement, pour le compte de la commune, d'une mission de service public ; que l'association se bornant à utiliser le bien mis à sa disposition afin que ses adhérents pratiquent l'aviron et les investissements à réaliser étant exclusivement à la charge de la commune, le contrat ne peut davantage être regardé comme ayant été conclu en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune ; qu'ainsi, ce contrat n'a pas le caractère d'un bail emphytéotique administratif conclu en application des dispositions des articles L. 1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales et n'est pas, par détermination de ces dispositions législatives, un contrat administratif ;
Considérant, en troisième lieu, que le contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le contrat conclu le 5 octobre 2005 par la commune de Joinville-le-Pont et l'association Aviron Marne et Joinville n'est pas un contrat administratif ; que la juridiction judiciaire est dès lors compétente pour déterminer qui doit répondre de l'incendie survenu le 25 octobre 2005 ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour déterminer, dans le litige opposant la société Axa France IARD à la MAIF, qui doit répondre de l'incendie survenu le 25 octobre 2005.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juin 2010 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il a sursis à statuer sur l'action directe engagée par la société Axa France IARD contre la MAIF jusqu'à ce que la juridiction administrative ait déterminé qui devait répondre de l'incendie mentionné ci-dessus.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Melun est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement qu'il a rendu le 12 février 2014.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Axa France IARD, à la MAIF et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : T1403963
Date de la décision : 13/10/2014

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif à un contrat de droit privé - Contrat de droit privé - Caractérisation - Cas - Bail de droit commun sur un bien du domaine privé d'une personne publique - Conditions - Détermination - Portée

Si l'immeuble donné à bail par une commune à une association a été spécialement aménagé pour la pratique d'activités sportives, son utilisation étant réservée aux membres de l'association, il n'est pas affecté à l'usage direct du public. Si l'association a une activité d'intérêt général, elle ne peut être regardée, eu égard notamment à l'absence de tout contrôle de la commune et de toute définition par celle-ci d'obligations particulières, comme chargée d'une mission de service public. Le contrat en cause n'a donc pas pour objet d'autoriser l'occupation du domaine public communal. Par ailleurs, il ne confère aucun droit réel à l'association et ne répond pas à la définition de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, relatif au bail emphytéotique administratif. Enfin, il ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Il s'ensuit que la juridiction judiciaire est compétente pour apprécier, dans le litige opposant les assureurs respectifs de la commune et de l'association, la responsabilité de ces dernières dans la survenance de l'incendie ayant affecté l'immeuble donné à bail


Références :

code général de la propriété des personnes publiques, notamment l'article L. 2331-1
loi des 16-24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III

loi du 24 mai 1872

décret du 26 octobre 1849 modifié

code civil

code général des collectivités territoriales, notamment les articles L. 1311-2 et suivants

Décision attaquée : Tribunal administratif de Melun, 12 février 2014


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Avocat général : M. Desportes (commissaire du gouvernement)
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2014:T1403963
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