N° 3965
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Montpellier
Chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées Orientales c/ M. Moïse X...
M. Rémy Schwartz Rapporteur
M. Michel Girard Commissaire du gouvernement
Séance du 13 octobre 2014 Lecture du 17 novembre 2014
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 6 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, saisi d'une demande de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales tendant à la condamnation de M. X... au paiement d'une créance envers celle-ci pour service rendu en sa qualité de concessionnaire de l'exploitation de l'outillage public du port, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 13 juillet 2012 par lequel le tribunal de grande instance de Perpignan a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, à M. X... et au ministre de l'économie et des finances, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques, notamment l'article L. 2331-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémy Schwartz, membre du Tribunal, - les conclusions de M. Michel Girard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... a conclu le 30 octobre 2008 une convention avec la chambre de commerce et de l'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, gestionnaire du port de plaisance de Port Vendres, afin de placer son navire de plaisance en cale sèche dans la zone de carénage de ce port à la suite d'une avarie ; que le tribunal de grande instance de Perpignan, par jugement du 13 juillet 2012, a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie tendant à ce que M. X... soit condamné à lui payer les sommes dues au titre des prestations facturées et non réglées, à ce que la convention soit résiliée à ses torts et à ce que M. X... soit condamné sous astreinte à enlever son navire à ses frais ; que saisi par la chambre de commerce et de l'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales de conclusions tendant à ce que M. X... soit condamné à lui régler les sommes dues au titre des prestations de stationnement en zone de carénage et de calage du bateau, le tribunal administratif de Montpellier a, par jugement du 6 juin 2014, estimé que le litige ressortissait à la compétence des seuls tribunaux judiciaires et, compte tenu du jugement devenu définitif du tribunal de grande instance de Perpignan, sursis à statuer et saisi le Tribunal en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Considérant que les litiges relatifs à la passation et à l'exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de la compétence du juge administratif ; qu'il en va de même des litiges nés des contrats conclus entre un délégataire de service public et un tiers et comportant occupation du domaine public ; que, cependant, les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale ; qu'il en va notamment ainsi des litiges entre une chambre de commerce et d'industrie concessionnaire de l'outillage public portuaire, service public industriel et commercial, et un usager de ce service ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si les litiges entre la chambre de commerce et de l'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, gestionnaire délégué du port de plaisance de Port Vendres, et les usagers du port au titre de l'occupation du domaine public relèvent de la compétence du juge administratif, en revanche, le litige entre cette chambre et M. X..., né de la convention conclue pour la mise en carénage de son navire de plaisance dans le cadre de l'exploitation de l'outillage public du port, relève de la compétence des juridictions judicaires ; que, par suite, les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales tendant à ce que M. X... soit condamné à lui payer les prestations d'outillage public dont il a bénéficié relèvent de la compétence du juge judiciaire ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales tendant à ce que M. X... soit condamné à lui payer les prestations d'outillage public dont il a bénéficié.
Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan du 13 juillet 2012 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il a statué sur les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales mentionnées à l'article 1er. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Montpellier est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 6 juin 2014.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, à M. X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.