Vu, enregistrée à son secrétariat le 10 octobre 2022, l'expédition du jugement n° 2200003 en date du 29 septembre 2022, par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, saisi des demandes de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française tendant, à titre principal, à le voir décliner sa compétence et, à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions du 10 octobre 2014, par lesquelles l'administration générale des finances publiques a notamment rejeté les oppositions à poursuites formées par elle, et à la décharge des sommes poursuivies par l'État à son encontre, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 3 juin 2021, par lequel la Cour de cassation (pourvoi n° 19-23.724) a déclaré les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître des demandes de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française aux fins, notamment, d'annulation des commandements de payer qui lui avaient été notifiés pour le paiement de créances non fiscales et de décharge des sommes en cause, et a invité la Caisse à mieux se pourvoir ;
Vu, enregistré le 24 novembre 2022, le mémoire de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française tendant à voir déclarer le juge judiciaire compétent pour connaître de son opposition à poursuites ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et des comptes publics qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Mollard, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maitre pour la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie Française (CPS) ;
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
1. Entre janvier 2012 et novembre 2013, la direction du commissariat d'outre-mer en Polynésie française a établi dix-neuf factures au titre des transports sanitaires urgents (Evasan) assurés par des personnels de l'armée entre novembre 2010 et novembre 2012. Sur la base de ces factures, la direction générale des finances publiques a notifié à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (CPS) dix-neuf titres de perception. Le 27 mars 2014, le comptable public de la direction des finances publiques de Polynésie française a adressé à la CPS dix-neuf commandements de payer, pour un montant total de 78 997 571 FCP, majorations et frais inclus. Après rejet de ses contestations, la CPS a saisi la juridiction judiciaire en contestation de la validité des titres de perception et de la régularité des actes de poursuites. Par arrêt du 3 juin 2021 (pourvoi n° 19-23.724), la Cour de cassation a déclaré les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître des demandes de la CPS aux fins d'annulation des titres exécutoires et commandements de payer et de décharge des sommes litigieuses, et a invité les parties à mieux se pourvoir.
2. Saisi des mêmes demandes par la CPS, le tribunal administratif de la Polynésie française a retenu sa compétence pour connaître de la demande d'annulation des titres exécutoires. Considérant, en revanche, que la demande d'annulation des commandements de payer était fondée sur des moyens se rattachant à la contestation en la forme de ces actes de poursuites, il a, en application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, sursis à statuer sur ce chef de demande et renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence.
3. Une demande d'annulation d'un commandement fondée tant sur l'absence d'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception qui, selon l'article LP 715-6 du code des impôts de la Polynésie française, doit précéder le premier acte de poursuites, que sur le défaut de publication de la nomination du comptable public qui l'a émis se rattache à la régularité en la forme de cet acte de poursuites et non à l'exigibilité de l'impôt. Dès lors, elle ressortit, comme le prévoit l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, à la compétence du juge de l'exécution et, par voie de conséquence, à celle de la juridiction de l'ordre judiciaire.
4. Il résulte de ce qui précède que le litige qui oppose la CPS au Haut-commissariat de la République en Polynésie française au sujet de la contestation des actes de poursuites émis à l'encontre de l'intéressée aux motifs qu'ils n'ont pas été précédés de la lettre de mise en demeure prévue par l'article LP 715-6 du code des impôts de la Polynésie française et que la nomination des comptables publics les ayant émis n'a pas été publiée, relève de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige relatif à la régularité en la forme des commandements de payer émis le 27 mars 2014 par le comptable public de la direction des finances publiques de Polynésie française à l'encontre de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.
Article 2 : L'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2021 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il déclare les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de la demande de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française tendant à l'annulation de ces commandements de payer. La cause et les parties sont renvoyées devant la Cour de cassation.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de la Polynésie française est déclarée non avenue en tant qu'elle est relative à ladite demande, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 29 septembre 2022.
Article 4 : La présente décision est notifiée à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, au Haut-commissariat de la République en Polynésie française, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et des comptes publics.