Vu, enregistrée à son secrétariat le 13 mai 2024, l'expédition du jugement du 9 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. A... B... d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Chambéry à lui verser la somme de 4839 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de sa demande, en réparation de ses préjudices et à la résiliation de la convention conclue avec la commune ayant pour objet la réalisation d'une œuvre apposée sur du mobilier urbain, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence, s'agissant des conclusions indemnitaires ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. B... et à la commune de Chambéry qui, bien qu'informés de l'obligation de ministère d'avocat, n'ont pas produit de mémoire par avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle de Silva, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Chambéry a décidé, afin d'embellir son espace public, de lancer un appel à création artistique permettant à neuf de ses administrés de réaliser, au mois de septembre 2018, une œuvre décorative sur neuf bancs publics situés boulevard de la Colonne, dans le cadre des journées européennes du Patrimoine. La commune allouait une somme forfaitaire à chaque candidat présélectionné afin de lui permettre d'acquérir le matériel nécessaire à la réalisation du projet. Le public était ensuite appelé à choisir un lauréat, qui remportait un prix d'une valeur de 500 euros. M. A... B..., retraité et artiste amateur, a été sélectionné dans le cadre de cette opération. M. B... a formé une action indemnitaire devant le tribunal judiciaire de Chambéry tendant à la condamnation de la commune de Chambéry à l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait des dégradations subies par le banc qu'il avait décoré, lequel, après avoir été exposé quelques jours, aurait été dégradé après avoir été entreposé en extérieur puis repeint par erreur par les services municipaux. M. B... se plaignait également de ce que le banc en cause n'aurait pas été exposé au public pendant une durée suffisante. Par un jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Chambéry s'est déclaré incompétent pour connaître de cette action. Par un jugement du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a, après avoir rejeté les conclusions de M. B... tendant à la résiliation de la convention qui aurait été conclue avec la commune pour la réalisation d'une œuvre apposée sur du mobilier urbain, renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence s'agissant de la demande indemnitaire de M. B... portant sur les préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la dégradation alléguée du banc qu'il avait décoré et de l'absence d'exposition durable de ce dernier sur la voirie communale, en tant qu'elle est fondée sur la méconnaissance du droit de la propriété littéraire et artistique.
2. Si la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative, il en va autrement si la loi, par une disposition expresse, a dérogé à ces principes. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, " Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire. (...) ". Conformément à ce texte, et par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, la recherche d'une responsabilité fondée sur la méconnaissance par ces dernières de droits en matière de propriété littéraire et artistique relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
3. Il résulte de ce qui précède que les demandes indemnitaires de M. B... tendant à la recherche de la responsabilité de la commune de Chambéry fondées sur la méconnaissance de ses droits d'auteur sur l'œuvre créée sur un banc public de la commune relèvent de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des demandes indemnitaires formées par M. B....
Article 2 : Est déclaré nul et non avenu le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry du 24 novembre 2020 statuant sur la demande de M. B....
Article 3 : L'affaire est, dans la limite rappelée à l'article 1er, renvoyée devant le tribunal judiciaire de Chambéry.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune de Chambéry.