Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 juillet 2024, l'expédition du jugement du 8 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de la Martinique, saisi par Mme B... A... d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser à titre provisionnel la somme de 102 502,50 euros sur le fondement de la solidarité nationale en réparation des préjudices résultant des accidents médicaux non fautifs dont elle a été victime, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence, s'agissant du litige né de l'action indemnitaire de Mme A... ;
Vu le mémoire, enregistré au secrétariat du Tribunal des conflits le 16 septembre 2024, présenté par la ministre du travail, de la santé et des solidarités. La ministre indique qu'elle s'en remet à la décision du Tribunal des conflits ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à Mme A... et à l'ONIAM, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de la santé publique ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle de Silva, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., a subi, le 14 novembre 2017, une hystérectomie totale avec annexectomie gauche par laparotomie, réalisée à la clinique Saint-Paul, établissement privé. A la suite de cette intervention, l'intéressée a subi d'importantes douleurs abdominales et des fuites urinaires conduisant, en décembre 2017, au diagnostic d'une fistule vésico-vaginale. Faute de cicatrisation, une nouvelle intervention a été nécessaire pour réaliser, le 10 avril 2018, une cure de cette fistule vésico-vaginale par laparotomie au centre hospitalier universitaire de Martinique. Mme A... a toutefois souffert, à la suite de cette seconde intervention, de troubles d'hyperactivité vésicale et de pollakiurie douloureuse, révélant un syndrome de la douleur vésicale. L'intéressée a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Martinique d'une demande d'indemnisation de ces accidents médicaux. L'expertise médicale ordonnée par la commission a conclu que la fistule apparue à la suite de la première intervention constituait un accident médical non fautif, et que le syndrome de la douleur vésicale apparu à la suite de sa prise en charge par le CHU de Martinique constituait un second aléa thérapeutique, qui n'était pas davantage lié à une faute médicale. Le 20 mars 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), estimant que les conditions d'une prise en charge de ces accidents médicaux au titre du régime de solidarité nationale étaient réunies, a formulé une offre d'indemnisation transactionnelle de 19 898,77 euros. Mme A... a toutefois refusé cette offre d'indemnisation et a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser à titre provisionnel la somme de 102 502,50 euros sur le fondement de la solidarité nationale, en réparation des préjudices résultant des accidents médicaux non fautifs dont elle a été victime et, d'autre part, à ce que le tribunal ordonne une expertise psychiatrique. Par un jugement du 8 juillet 2024, le tribunal administratif de la Martinique a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence s'agissant de la demande indemnitaire de Mme A... relative à la réparation des préjudices résultant des accidents médicaux non fautifs qu'elle avait subis.
2. Conformément à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les victimes de dommages résultant d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins peuvent, en cas de faute, rechercher la responsabilité des professionnels de santé ainsi que des établissements de santé. Une telle action doit être portée devant la juridiction judiciaire, lorsque les soins ont été prodigués par un médecin exerçant à titre libéral ou dans un établissement de santé privé, et devant la juridiction administrative, lorsque les soins l'ont été dans le cadre du service public hospitalier.
3. Par ailleurs, en vertu du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de soins n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient lorsqu'il est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, qu'il a eu pour le patient des conséquences anormales et présente un caractère de gravité fixé par décret. En vertu des articles L. 1142-4 et suivants du même code, une procédure de règlement amiable en cas d'accidents médicaux est applicable, et permet à la commission de conciliation et d'indemnisation d'examiner les saisines de toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins. La commission émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable, et, pour ce faire, diligente une expertise. Lorsque la commission estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, l'ONIAM adresse à la victime, en application de l'article L. 1142-17, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Enfin, l'article L. 1142-20 du même code dispose que : " La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d'action en justice contre l'office si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. / L'action en indemnisation est intentée devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage ".
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-20 citées ci-dessus que l'action en indemnisation formée par la victime contre l'ONIAM au titre d'un dommage relevant du régime de solidarité nationale rappelé au point 3 est intentée devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage. Toutefois, lorsque le dommage trouve sa cause dans plusieurs accidents médicaux ou aléas thérapeutiques successifs résultant d'actes de soin réalisés, d'une part, par un médecin exerçant à titre libéral ou dans un établissement de santé privé et, d'autre part, dans le cadre du service public hospitalier et que la commission de conciliation et d'indemnisation a été saisie d'une demande globale portant sur l'ensemble de ces accidents médicaux ou aléas thérapeutiques, puis que l'ONIAM s'est prononcé sur celle-ci, la victime peut, si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite, rechercher la réparation de son entier dommage soit devant le juge administratif, soit devant le juge judiciaire. Le juge saisi statue alors sur l'entier dommage.
5. Mme A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de la Martinique d'une demande d'indemnisation portant sur l'ensemble des accidents médicaux non fautifs survenus à la suite de l'hystérectomie réalisée à la clinique privée Saint-Paul puis de la prise en charge réalisée par le centre hospitalier universitaire de Martinique. L'ONIAM s'est ensuite prononcé sur cette demande et a présenté à Mme A... une offre d'indemnisation. Mme A... a choisi, comme il lui était loisible de le faire ainsi qu'il a été dit au point 4, de saisir le tribunal administratif de la Martinique d'une demande indemnitaire dirigée contre l'ONIAM portant sur l'ensemble des conséquences dommageables de ces accidents. Il appartient, dans ces conditions, au tribunal administratif de se prononcer sur l'entier litige dont il est saisi.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour statuer sur la demande de Mme A... tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser, sur le fondement de la solidarité nationale des préjudices résultants des accidents médicaux non fautifs dont elle a été victime à l'occasion de l'intervention et de la prise en charge réalisées successivement à la clinique Saint-Paul et au CHU de la Martinique.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A..., à l'ONIAM et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.