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01/08/2024 | FRANCE | N°22/06686

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Loyers commerciaux, 01 août 2024, 22/06686


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX


LOYERS COMMERCIAUX



30C
N° RG 22/06686 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XAKE
Minute n° 24/00052
























Grosse délivrée
le :
à

















JUGEMENT RENDU LE PREMIER AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Célin

e DONET, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 05 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 01 Août 2024, et le jugem...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX

LOYERS COMMERCIAUX

30C
N° RG 22/06686 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XAKE
Minute n° 24/00052

Grosse délivrée
le :
à

JUGEMENT RENDU LE PREMIER AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Céline DONET, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 05 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 01 Août 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

Monsieur [Y] [J]
né le 13 Décembre 1951 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX,

ET :

S.A.R.L. LORANGE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Elodie VITAL-MAREILLE, avocat au barreau de BORDEAUX,

Qualification du jugement : contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE 
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte notarié du 30 juillet 2012, madame [Z] [V] [K], usufruitière, et monsieur [Y] [J], nu-propriétaire, ont donné à bail commercial à la SARL LE 136, pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 2012, un immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 6] (33), moyennant un loyer annuel initial de 29.510 euros hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’un fonds de commerce de bar/restaurant/brasserie/traiteur.
Madame [Z] [V] [K] est décédée le 29 octobre 2013.
Par acte notarié du 15 mai 2019, la SARL LE 136 a cédé son fonds de commerce incluant le droit au bail à la SARL LORANGE.
Le 19 janvier 2021, monsieur [Y] [J] a fait signifier au preneur, la SARL LORANGE, un congé avec offre de renouvellement du bail commercial à compter du 1er août 2021, contenant une proposition de loyer renouvelé annuel de 42.000 euros à compter du 1er août 2021, 52.400 euros à compter du 1er août 2022, et 62.400 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er août 2023.
Le 1er février 2021, la SARL LORANGE a fait signifier au bailleur son accord pour le renouvellement du bail mais a refusé le nouveau loyer proposé.
Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 02 juillet 2022 d’un mémoire préalable, monsieur [Y] [J] a, par acte du 26 août 2022, fait assigner la SARL LORANGE devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 1er août 2021.
Par jugement du 3 mai 2023, le juge de loyers commerciaux a constaté que le bail a été renouvelé à compter du 1er août 2021 et avant dire droit, ordonné une mesure d’expertise confiée à monsieur [W].
L’expert a déposé son rapport le 5 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l’audience du 5 juin 2024, monsieur [Y] [J], soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 30 mai 2024 et déposé au greffe le 29 mai 2024, sollicitant du juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit, de :
fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er août 2021 à un montant annuel de 63.504 euros en principal hors charges et hors taxes,juger que les compléments de loyers dus par le locataire porteront intérêt au taux légal, conformément aux dispositions de l’article 1155 du Code civil, de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer et que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts, en application des dispositions de l’article 1154 du Code civil,débouter la société LORANGE de l’ensemble de ses demandes,condamner la société LORANGE au paiement des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et à lui payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Monsieur [Y] [J] soutient, en application des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, que l’évolution des facteurs locaux de commercialité, depuis la signature du bail, commande de fixer le loyer à la valeur locative, en ce que l’augmentation notable de la population et du nombre de logements, notamment de résidences principales, aaccru le potentiel de clientèle pour le preneur, tout comme la création de commerces, l’augmentation de la fréquentation touristique et la réalisation de nouveaux aménagements urbains. Il ajoute que le local est situé au niveau d’une voie très passante de l’agglomération d’[Localité 6], et qu’il bénéficie d’une bonne visibilité et accessibilité.
Pour la détermination de la valeur locative à la somme annuelle de 63.504 euros hors taxes et hors charges, il prétend qu’il convient de déterminer une surface pondérée de 300 m2 et non de 273,43m2 comme proposé par l’expert, en appliquant un coefficient de 0,80 et non 0,70 à la salle de restaurant « en fond » dès lors qu’elle constitue une zone de placement de la clientèle de premier choix compte tenu de ses caractéristiques conviviales et chaleureuses, et de son caractère agréable en toute saison. De même il soutient qu’il convient de retenir un coefficient de 0,25 et non 0,20 pour la terrasse dédiée à la clientèle celle-ci étant entourée de plantations rendant l’extérieur particulièrement agréable, et donnant sur une terrasse couverte ce qui permet au preneur d’augmenter significativement sa capacité d’accueil.
Selon lui, au regard des éléments de comparaison des commerces situés en bordure du boulevard qui varient entre 230 et 450 euros/m2, il convient, tenant compte du fait que le local est d’une superficie importante, mais qu’il s’agit par conséquent d’un bien rare, de fixer la valeur locative unitaire à la somme de 240 euros/m2 pondéré l’an.
Monsieur [J] conteste la possibilité d’appliquer un abattement au titre d’un supposé problème d’isolation thermique lequel n’est pas démontré par le preneur, et expose que la preuve des difficultés économiques alléguées par celui-ci pour échapper à la fixation du loyer à la valeur locative ne sont pas démontrées.
Il indique que l’abattement appliqué au titre des travaux réalisés par le preneur il y a plus de dix années, dont le coût demeure inconnu, et qui constituent de simples travaux d’embellissement ou d’aménagement peu couteux, ne saurait excéder 10%. Il propose enfin d’appliquer un abattement de 2% au titre du transfert de la charge de la taxe foncière.

À l’audience, la SARL LORANGE soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 25 mai 2024 et déposé au greffe le 17 mai 2024, demande au juge des loyers commerciaux de :
fixer le loyer du bail renouvelé au 1er août 2021 à un montant de 29.415,98 euros principal hors charges et hors taxes, débouter monsieur [Y] [J] de l’ensemble de ses demandes,condamner monsieur [Y] [J] au paiement des dépens et d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La SARL LORANGE soutient, au visa des articles L145-33, L145-34 et R145-6 du code de commerce, qu’il n’y a pas eu d’évolution notable des facteurs locaux de commercialité depuis la signature du bail commercial. Selon elle, l’augmentation de la population locale et des logements constitue des éléments très généraux du fait de l’augmentation de la population en général, ne traduisant pas une évolution naturelle des éléments de commercialité. Elle ajoute que son restaurant est retiré du centre-ville d’[Localité 6], qu’il n’a aucun autre commerce qu’un locataire de vélo et une coopérative maritime à proximité, et se trouve écarté de toutes les manifestations qui ont lieu sur la ville. Elle en conclut qu’il convient de fixer le loyer du bail renouvelé à son montant plafonné.
En réponse au bailleur sur la détermination de la valeur locative, elle fait valoir que la salle de restauration doit être considérée comme une deuxième zone de vente dès lors qu’elle n’est pas située en vitrine et reste moins attractive pour la clientèle, et qu’il convient de retenir le coefficient de 0,70 proposé par l’expert en l’absence d’argument sérieux du bailleur pour le contester. S’agissant de la terrasse, elle prétend que monsieur [J] ne justifie d’aucun argument sérieux pour contester le coefficient de 0,20 proposé par l’expert.
Concernant la valeur unitaire, elle fait valoir que l’expert n’a pas tenu compte d’un terme de comparaison relatif à un local similaire au sien, ni appliqué d’abattement au titre du diagnostic de performance énergétique qui classe le local en lettre G alors que ce caractère énergivore du local est peu compatible avec le bon état général relevé par l’expert.
Elle en conclut que le montant de la valeur locative ne peut excéder le montant du loyer indexé, et ajoute que toute augmentation de loyer entraînerait de graves conséquences pour la survie de l’entreprise.

MOTIVATION
Sur la fixation du montant du loyer du bail commercial
En application de l’article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et, à défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
En vertu de l’article L. 145-34 du Code de commerce, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. À défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Sur l’existence de motifs de déplafonnement
La fixation du loyer renouvelé à la valeur locative n’est possible, en application et dans les conditions de l’alinéa 1 de l’article L 145-34, qu’en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L 145-33 précité. La modification d’un des quatre éléments suffit à obtenir le déplafonnement, s’il est démontré le caractère notable de la modification intervenue au cours du bail expiré, ayant un intérêt pour le commerce considéré.
Il convient donc d’examiner le critère soutenu aux fins de déplafonnement : l’évolution des facteurs locaux de commercialité.
En vertu de l’article R. 145-6 du Code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
En l’espèce, il résulte de l’expertise judiciaire que le local est situé aux abords du centre-ville d’[Localité 6] (600 mètres du plein centre), sur le [Adresse 9], axe très passant qui constitue la route départementale qui fait le tour du bassin d’[Localité 7]. Cet axe a vu, pendant la période du bail expiré, la création de nouveaux logements d’habitation et de nouveaux commerces à proximité immédiate du local commercial occupé par la SARL LORANGE.
Bien que certains éléments de référence, comme les aménagements de voiries, sont généraux, et d’autres éloignés du commerce, comme le carrefour express qui a ouvert au [Adresse 1] soit à plus d’une centaine de numéros du local loué, d’autres éléments sont à proximité du local. Ainsi, les résidences créées au 142, 144, [Adresse 3] apportent plus d’une vingtaine de nouveaux logements à proximité immédiate du local. Ces logements, combinés à ceux plus éloignés, apportent de nouveaux résidents à la commune, comme le démontre l’augmentation de population de la ville de 8% sur 8 ans, ce qui offre de nouveaux potentiels clients au restaurant.
Par ailleurs, l’expertise permet de relever un développement important des commerces sur ce même [Adresse 9], avec notamment la création à proximité du local litigieux d’un magasin de prêt-à-porter (au n°154 de ce même boulevard), de deux salons de coiffure (aux n°165 et 169), de deux assureurs (aux n°101 et 165) ou encore d’un centre chiropratique (au n°169).
Enfin, la commune d’[Localité 6] a connu durant cette période une augmentation de sa fréquentation touristique, profitant du dynamisme du bassin d’[Localité 7], permettant d’accroître le flux de chalands.
L’ensemble de ces éléments permet de caractériser l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité qui est favorable pour le commerce de restauration, susceptible d’accueillir une nouvelle clientèle, exploité dans le local loué.
Il est donc justifié de l’existence d’un motif de déplafonnement permettant de fixer le loyer à la valeur locative.
Sur la valeur locative du local
- les caractéristiques des lieux loués
En vertu de l’article R145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres du local s'apprécient en considération :
1°) de sa situation dans l’immeuble dans lequel il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2 ) de l’importance des surfaces respectives affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui dont exercées dans les lieux ;
3 ) de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4 ) de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5 ) de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.
En l’espèce, l’expertise permet de démontrer que les locaux sont en bon état général d’entretien et disposent d’une bonne présentation. Le preneur démontre toutefois, par la production d’un diagnostic de performance énergétique que le bâtiment abritant le commerce est énergivore, ce dont il est tenu compte dans le montant de la valeur locative sans que cela ne constitue un motif d’abattement supplémentaire.
L’expertise permet également de retenir que ces locaux ont fait l’objet de travaux d’amélioration lors de la prise à bail en 2012, qui feront accession au bailleur en fin de jouissance. Ces travaux justifient de retenir un abattement de 15%, sur la valeur locative. En effet, monsieur [J], qui n’en a pas assumé la charge directement ou indirectement, ne justifie d’aucun élément permettant de contredire cette proposition, tandis que la SARL LORANGE, actuel preneur, ne peut pour sa part pas justifier du coût de travaux qui n’ont pas été réalisés par ses soins avant son acquisition du fonds en 2019.
La configuration du local, d’une vaste superficie de 336 m2, qui dispose d’une grande terrasse et d’un parking de 10 places, constitue un élément favorable à l’accueil de la clientèle. Ainsi le local peut compter jusqu’à 80 convives en intérieur et 60 supplémentaires en terrasse. Il résulte en revanche de l’expertise que les locaux bénéficient d’une visibilité restreinte du fait de leur positionnement en retrait du boulevard.
Afin de déterminer la surface pondérée, les parties s’accordent sur les valeurs retenues par l’expert judiciaire, à l’exception de la salle de restaurant en fond et du jardin avec terrasse.
Concernant la vaste salle de restaurant en fond, il résulte de l’expertise judiciaire qu’elle est d’une profondeur d’environ 8 mètres, ce qui la positionne dans la charte de l’expertise à la fois en 2ème et en 3ème zone. S’il n’est pas contestable que cette salle permet un accueil de la clientèle dans des conditions agréables, sa taille permet de retenir l’appréciation globale réalisée de manière pertinente par l’expert pour retenir un coefficient de pondération de 0,7, aucun élément justificatif produit par les parties, ne permettant de le contester valablement.
S’agissant du jardin avec vaste terrasse, l’expertise intègre la superficie du jardin, qui est un espace non-bâti, et qui ne permet pas à lui seul d’accroitre le nombre de clients. S’il n’est pas contestable que la présence d’un jardin arboré à proximité immédiate de la terrasse permet un accueil de la clientèle dans des conditions agréables, le coefficient de 0,20 retenu par l’expert judiciaire est satisfaisant et pertinent car le jardin, qui n’augmente pas la capacité d’accueil des clients, représente une grande partie de la surface retenue (de 255 m² pour l’espace total jardin + terrasse alors que l’expert amiable avait retenu une surface de 90 m² pour la terrasse seule).
Dès lors, la surface pondérée totale retenue est de 273,43 m².
- la destination des lieux
En vertu de l’article R145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L145-47 à L145-55 et L642-7.
En l’espèce, ce critère ne fait pas débat entre les parties, la destination du local commercial étant conforme à celle, restrictive, contractuellement prévue.
- les obligations respectives des parties
En vertu de l’article R145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages.
En l’espèce, ce critère ne fait pas débat entre les parties, lesquelles s’entendent pour appliquer un abattement de 2% compte tenu de la clause du bail exorbitante du droit commun transférant la charge de la taxe foncière sur le preneur.
- les facteurs locaux de commercialité
En vertu de l’article R 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
En l’espèce, il résulte des éléments développés précédemment que le local est situé dans une commune ayant connu depuis plusieurs années un fort dynamisme caractérisé par l’installation de nouveaux habitants et de nouveaux commerces à proximité immédiate du local objet de la présente procédure, et bénéficiant d’un attrait touristique important.
Ces éléments sont donc favorables pour le commerce de restauration exercé dans le local qui bénéficie ainsi d’un potentiel de clientèle accru.
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage
En vertu de l’article R145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R145-3 à R145-5. A défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d’autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.
En l’espèce, il résulte de l’expertise judiciaire que les éléments de comparaison concernant les locaux situés sur le [Adresse 9] permettent de retenir des valeurs locatives comprises entre 200 et 443 euros par m2.
Cependant, aucun des locaux n’est strictement comparable avec celui loué à la SARL LORANGE, compte tenu de leur superficie très inférieure. Il convient notamment de relever dans les différents éléments retenus par l’expert, le local voisin du restaurant dont la surface pondérée de 120 m² est la plus grande de tous les locaux à proximité et dont le loyer est de 213,50 euros/m² au vu des justificatifs communiqués à l’expert judiciaire. Toutefois, la superficie reste plus faible que le restaurant et le local a un état d’entretien passable sur certains abords comparé à l’état du restaurant de la SARL LORANGE.
Si, le preneur invoque, à titre de comparaison, un restaurant situé à 400 mètres du local qui aurait un loyer mensuel de 1 800 euros hors taxes, il ne produit au débat ou devant l’expert, auquel il n’appartient pas de palier la carence des parties, aucune information sur la surface de ce local pour pouvoir effectuer une réelle comparaison.

Au regard de l’ensemble de ces éléments la fixation de la valeur locative unitaire à la somme de 220 euros/m² l’an apparaît pertinente et sera retenue, les conséquences économiques éventuelles d’une hausse du loyer, au demeurant non démontrées, ne constituant pas l’un des critères de l’article susvisé, soit en retenant une surface pondérée de 273,43m2 la somme de 60.155 euros.
Par conséquent, la valeur locative sera fixée, après déduction d’un abattement de 15% au titre des travaux supportés par le preneur et de 2% au titre du transfert de la charge de la taxe foncière sur le preneur, à la somme annuelle de 50.000 euros hors charges et hors taxes par an.
Les parties établiront les comptes entre elles, au regard de la somme versée, étant rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 26 août 2022, la procédure ayant été engagée par le bailleur
Par ailleurs, et en vertu de l’article 1343-2 du Code civil, il convient de rappeler que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

- Dépens

En vertu de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, l’expertise ayant été ordonnée dans l’intérêt commun des parties de voir fixer la valeur locative du local, la demande initiale du bailleur contenue dans son assignation à hauteur de 63.504 euros étant largement supérieure à l’évaluation finalement retenue, il convient de dire que les dépens, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés par moitié entre elles.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
En l’espèce, chacune des parties étant par moitié tenue aux dépens, elles seront déboutées de leurs prétentions respectives formulées au titre des frais irrépétibles.
- Exécution provisoire

Conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS
Le juge des loyers commerciaux,
Fixe le prix du loyer concernant le local situé au [Adresse 2] à [Localité 6] (33) au titre du bail conclu entre monsieur [Y] [J] et la SARL LORANGE à compter du 1er août 2021 à la valeur locative, soit la somme annuelle de 50.000 euros hors charges et hors taxes par an ;
Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal, à compter du 26 août 2022, sur la somme due au titre de la différence entre le loyer judiciairement fixé et le loyer réglé,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année au moins
Ordonne un partage par moitié des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et condamne Monsieur [Y] [J] à en payer la moitié, et la SARL LORANGE à en payer la moitié ;
Déboute Monsieur [Y] [J] et la SARL LORANGE de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire
La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Céline DONET, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 22/06686
Date de la décision : 01/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-01;22.06686 ?
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