La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/08/2024 | FRANCE | N°23/08648

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Loyers commerciaux, 01 août 2024, 23/08648


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX


LOYERS COMMERCIAUX



30C
N° RG 23/08648 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMIM
Minute n° 24/00055










EXPERTISE













Grosse délivrée
le :
à

















JUGEMENT RENDU LE PREMIER AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée

de Céline DONET, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 05 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 01 Août 2024, et...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX

LOYERS COMMERCIAUX

30C
N° RG 23/08648 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMIM
Minute n° 24/00055

EXPERTISE

Grosse délivrée
le :
à

JUGEMENT RENDU LE PREMIER AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Céline DONET, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 05 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 01 Août 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

SAS GROUPE NOCIBE prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Aymeric ANTONIUTTI de l’AARPI ENIXIM, avocats au barreau de LILLE, plaidant et Maître Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, postulant

ET :

Madame [P] [N], demeurant [Adresse 1]

Madame [O] [N], demeurant [Adresse 2]

représentées par Maître Patrick MAUBARET de la SCP D’AVOCATS INTER-BARREAUX MAUBARET, avocats au barreau de BORDEAUX,

Qualification du jugement : contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 272 du code de procédure civile
EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par contrat du 18 avril 2011, madame [R] [N] et madame [O] [N] ont donné à bail commercial à la SAS PARFUMERIE DOUGLAS, pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2011, un local situé [Adresse 4] à [Localité 6], moyennant un loyer annuel initial de 66.000 euros hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’un fonds de commerce parfumerie et institut de beauté.

Le 20 décembre 2021, la SAS NOCIBE FRANCE DISTRIBUTION, venant aux droits de la SAS PARFUMERIE DOUGLAS suite à une opération de fusion absorption, a notifié au bailleur une demande de renouvellement du bail commercial à compter du 1er janvier 2022.

Le bailleur n’a pas répondu à cette demande dans le délai de trois mois.

Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception d’un mémoire préalable le 02 décembre 2022, la SAS GROUPE NOCIBE, venant aux droits de la SAS NOCIBE FRANCE DISTRIBUTION, a, par acte du 16 octobre 2023, fait assigner madame [R] [N] et madame [O] [N] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’audience, la SAS GROUPE NOCIBE, soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 10 mai 2024 et déposé au greffe le 06 mai 2024, sollicite du juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit, de :

à titre principal :fixer le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2022 à la somme annuelle de 44.887 euros hors taxes et hors charges,condamner solidairement madame [R] [N] et madame [O] [N] à lui rembourser les loyers trop-perçus par elles à compter du 1er janvier 2022 avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance,ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’une année, condamner solidairement madame [R] [N] et madame [O] [N] au paiement des dépens de l’instance, et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire :ordonner une mesure d’expertise avec pour objet la détermination de la valeur locative du loyer du bail renouvelé,fixer le montant du loyer provisionnel à la somme de 44.887 euros par an,
La SAS GROUPE NOCIBE soutient, en application des articles L145-33 et L145-34 du code de commerce que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative laquelle est inférieure au montant du loyer en cours au jour du renouvellement, sans qu’il ne puisse lui être opposé de mécanisme de plancher, ni l’obligation de démontrer l’existence d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° du premier texte. Elle expose qu’il appartient au juge de rechercher même d’office cette valeur locative, et qu’il ne peut dès lors lui être reproché une carence dans l’administration de la preuve, justifiant ainsi sa demande subsidiaire d’expertise.
Pour déterminer la valeur locative, elle prétend qu’il convient de retenir une surface pondérée de 171,60m2 sur la base d’une surface réelle de 320,80m2, et qu’au regard des caractéristiques du local, de l’évolution défavorable des facteurs locaux de commercialité compte tenu de l’impact de la crise sanitaire au moment du renouvellement du bail, de la destination non essentielle du bail dans le cadre de cette crise, des éléments de comparaison, il convient de retenir une valeur locative de 300 euros/m2 pondéré. Elle réclame par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article R145-8 du code de commerce, l’application d’un abattement en raison de la présence dans le bail d’une charge exorbitante de droit commun au titre du transfert au preneur de l’impôt foncier représentant un montant annuel de 2.593 euros en 2021.

A l’audience, madame [R] [N] et madame [O] [N], soutenant leur mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 mai 2024 et déposé au greffe le 24 mai 2024, demandent au juge des loyers commerciaux de :

débouter la société GROUPE NOCIBE de ses demandes,à titre subsidiaire, si la mesure d’expertise est ordonnée, débouter la société GROUPE NOCIBE de sa demande de fixation d’un loyer provisionnel inférieur au loyer actuellement réglé,en toutes hypothèses, condamner la société GROUPE NOCIBE au paiement des dépens et à leur payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
[R] et [O] [N] soutiennent que s’il est constant que la fixation du loyer d’un bail commercial renouvelé à la valeur locative est de droit lorsque cette dernière est inférieure au loyer plafonné, la société GROUPE NOCIBE se contente de simples allégations sans apporter le moindre commencement de preuve de la valeur locative qu’elle revendique, dont le montant varie au gré de l’évolution de la procédure, sans précision concernant les éléments de comparaison évoqués. Elles prétendent que la mesure d’expertise n’a pas pour vocation de suppléer la carence de la partie demanderesse dans l’administration de la preuve qui lui incombe. Elles font valoir que le montant de la valeur locative, évaluée à 77.000 euros n’est pas inférieure à la valeur du montant réglé lequel s’élève à la somme de 75.960 euros.

MOTIVATION

Sur la demande de fixation du montant du loyer du bail commercial

En application de l’article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et, à défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Le principe du plafonnement du montant du loyer du bail renouvelé prévu par l’article L145-34 du code de commerce est exclu lorsque la valeur locative du local est inférieure au montant du loyer contractuel.

En vertu de l’article R145-30 du code de commerce, lorsque le juge s'estime insuffisamment éclairé sur des points qui peuvent être élucidés par une visite des lieux ou s’il lui apparaît que les prétentions des parties divergent sur de tels points, il se rend sur les lieux aux jour et heure décidé par lui le cas échéant en présence d’un consultant.
Toutefois, s’il estime que des constatations purement matérielles sont insuffisantes, il peut commettre toute personne de son choix pour y procéder.
Si les divergences portent sur des points de fait qui ne peuvent être tranchés sans recourir à une expertise, le juge désigne un expert dont la mission porte sur les éléments de fait permettant l’appréciation des critères définis, selon le cas, aux articles R145-3 à R145-7, L145-34, R145-9, R145-10 ou R145-11, et sur les questions complémentaires qui lui sont soumises par le juge.
Toutefois, si le juge estime devoir limiter la mission de l’expert à la recherche de l’incidence de certains éléments seulement, il indique ceux sur lesquels elle porte.

En l’espèce, la société GROUPE NOCIBE produit à l’appui de sa demande un rapport d’expertise non judiciaire qui retient une valeur locative de 300 euros/m2 appliquée à une surface de 233 m2, aboutissant à une valeur de 69.900 euros, laquelle est donc inférieure au montant du loyer actuel de 75.959,76 euros.
Les bailleresses produisent également un rapport d’expertise amiable qui retient une valeur locative de 350 euros /m2, mais appliquée à une surface de 219m2, soit la somme totale de 76.650 euros, laquelle est donc très légèrement supérieure à la valeur du loyer actuel.

Aucun élément probatoire ne permet de statuer en l’état sur la demande formée par la société GROUPE NOCIBE qui ne démontre pas le montant de la valeur locative de 44.887 euros dont elle réclame l’application.

En revanche, au regard de cette divergence sur des éléments de fait, le juge ayant l’obligation de rechercher le montant de la valeur locative lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens par le preneur qui, en tout état de cause produit un élément permettant de démontrer l’existence d’un intérêt légitime à cette mesure, il convient d’ordonner une expertise judiciaire selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Durant le cours de l’expertise judiciaire, il convient de fixer un loyer provisionnel égal au montant du loyer en cours, aucun élément de preuve ne justifiant de le modifier, l’expertise amiable produite par le preneur ne chiffrant pas la valeur locative conformément à sa demande, et n’étant pas corroborée par d’autres éléments de preuve.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

- dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la procédure n’étant pas parvenue à son terme, les dépens seront réservés dans l’attente de la suite de la procédure.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. [...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

Les dépens étant réservés, il convient également de réserver l’examen de la demande formée au titre des frais irrépétibles.

- Exécution provisoire

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux,

Avant dire droit, sur la demande de fixation du prix du bail renouvelé le 1er janvier 2022 entre madame [R] [N] et madame [O] [N] et la SAS GROUPE NOCIBE portant sur le local situé [Adresse 4] à [Localité 6], ordonne une mesure d’expertise confiée à monsieur [D] [S], demeurant [Adresse 5], pour y procéder, avec mission de:

- se rendre sur les lieux et les décrire, entendre toutes parties et sachant dont la technicité s’avérerait utile à la solution du litige, se faire remettre tous documents nécessaires par les parties ou par des tiers conformément à l’article 243 du code de procédure civile, recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes selon les modalités de l’article 242 du code de procédure civile,

- donner tous éléments de nature à évaluer la valeur locative des locaux à la date du renouvellement en conformité avec les dispositions de l’article L 145-33 du code de commerce, et évaluer ladite valeur,

- de manière générale, donner tout avis utile à la solution du litige,

Dit que l’expert devra établir un pré-rapport en communiquant ses premières conclusions écrites aux parties, en les invitant à présenter leurs observations, dans le délai de trois mois suivant l’avis de consignation ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport définitif en double exemplaire dans le délai de six mois à compter de l’avis de consignation ;

Fixe à la somme de 3.000 euros la provision que le demandeur, la SAS GROUPE NOCIBE, devra consigner par virement sur le compte de la régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente décision) dans le délai de deux mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque, et ce à moins que cette partie ne soit dispensée du versement d’une consignation par application de la loi sur l’aide juridictionnelle, auquel cas les frais seront avancés par le Trésor ;

Dit que le juge des loyers commerciaux suivra les opérations d’expertise et statuera sur les incidents procédant, le cas échéant, sur simple requête, au remplacement de l’expert empêché ;

Dit que le preneur durant l’instance sera tenu au paiement du loyer contractuel en cours à la date du renouvellement ;

Rappelle, en application du troisième alinéa de l’article R 145-31 du code de commerce, qu’en cas de conciliation intervenue au cours d’une mesure d’instruction, l’expert commis constate que sa mission est devenue sans objet et en fait rapport au juge, mention en étant faite au dossier de l’affaire et celle-ci étant retirée du rôle, les parties pouvant demander au juge de donner force exécutoire à l’acte exprimant leur accord ;

Réserve l’examen des demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne le sursis à statuer sur le surplus des chefs de demande jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;

Dit que dès le dépôt du rapport définitif, le greffe avisera les parties ou les avocats si elles sont représentées, de la date à laquelle l’affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l’exécution de la mesure d’instruction devront être échangés, en application de l’article R 145-31 du code de commerce ;

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;

La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Céline DONET, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/08648
Date de la décision : 01/08/2024
Sens de l'arrêt : Mee - expertise

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-01;23.08648 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award