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12/08/2024 | FRANCE | N°24/00069

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Tprox contentieux général, 12 août 2024, 24/00069


TRIBUNAL de PROXIMITE d’ARCACHON
[Adresse 22]
[Localité 9]





MINUTE :


N° RG 24/00069 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y4UN







[V] [N], [X] [N]

C/

[Z] [T], [G] [T], [C] [R], [L] [A], [B] [A]



- Expéditions délivrées à Maître Fernando SILVA

LE


- FE délivrée

à
[Z] et [G] [T]
[C] [R]
[L] et [B] [A]

Le

JUGEMENT EN DATE DU 12 août 2024



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Sonia DESAGES, Vice-Présidenteau Tribunal de pr

oximité d’ARCACHON

GREFFIER : Marie-Laure Courtalhac, Greffier


DEMANDEURS :

Monsieur [V] [N]
né le 19 Juillet 1952 à [Localité 20] (PORTUGAL)
[Adresse 2]
[Localité 12]

Représenté par Maître Fernando ...

TRIBUNAL de PROXIMITE d’ARCACHON
[Adresse 22]
[Localité 9]

MINUTE :

N° RG 24/00069 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y4UN

[V] [N], [X] [N]

C/

[Z] [T], [G] [T], [C] [R], [L] [A], [B] [A]

- Expéditions délivrées à Maître Fernando SILVA

LE

- FE délivrée

à
[Z] et [G] [T]
[C] [R]
[L] et [B] [A]

Le

JUGEMENT EN DATE DU 12 août 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Sonia DESAGES, Vice-Présidenteau Tribunal de proximité d’ARCACHON

GREFFIER : Marie-Laure Courtalhac, Greffier

DEMANDEURS :

Monsieur [V] [N]
né le 19 Juillet 1952 à [Localité 20] (PORTUGAL)
[Adresse 2]
[Localité 12]

Représenté par Maître Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS

Madame [X] [N]
née le 25 Août 1954 à [Localité 21] (PORTUGAL)
[Adresse 2]
[Localité 12]

Représentée par Maître Fernando SILVA de la SAS DELTA AVOCATS

DEFENDEURS :

Madame [Z] [T]
[Adresse 19]
[Localité 10]
présente, assistée de Monsieur [S] [P]

Madame [G] [T]
[Adresse 19]
[Localité 10]
Présente, assistée de Monsieur [S] [P]

Madame [C] [R]
[Adresse 19]
[Localité 10]
Présente

Monsieur [L] [A]
[Adresse 14]
[Localité 11]
Représentée par sa fille [M] [A]

Madame [B] [A]
[Adresse 14]
[Localité 11]
Représentée par sa fille [M] [A]

DÉBATS :

Audience publique en date du 07 Juin 2024
PRESIDENTE : Sonia DESAGES
GREFFIER : Betty BRETON

PROCÉDURE :

Articles 480 et suivants du code de procédure civile.

QUALIFICATION DU JUGEMENT :

Contradictoire

EXPOSÉ DU LITIGE :

EXPOSE DU LITIGE

M [V] [N] et Mme [X] [N], Mme [C] [R], M [L] [A] et Mme [B] [A], Mme [O], Mesdames [Z] et [G] [T] sont respectivement propriétaires sur la commune d’[Adresse 19], des parcelles cadastrées comme suit :
M et Mme [N] : Section AL [Cadastre 18], Mme [R] : Section AL [Cadastre 4],M et Mme [A] : Section AL [Cadastre 5] et [Cadastre 6] Mme [O] : Section AL [Cadastre 7] et [Cadastre 8]Mesdames [T] : Section AL [Cadastre 1].Toutes ces parcelles longent un chemin permettant à leurs propriétaires d’accéder au [Adresse 19] sur lequel donne la propriété des époux [N].

Courant octobre 2021, M et Mme [N] ont effectué des travaux sur la partie du chemin située devant leur immeuble consistant en la réalisation d’un enrobé noir à chaud pour un montant de 7900,73 €.

Par courrier du 28 octobre 2021, M et Mme [N] ont demandé à leurs quatre voisins de participer, à hauteur d’un cinquième, au paiement de la facture de travaux, soit 1580,15 € chacun.
Seule Mme [O] s’est acquittée de cette somme.

Par actes des 16 et 17 novembre 2023, M et Mme [N] ont assigné devant le tribunal de proximité d’Arcachon Mme [C] [R], M [L] [A] et Mme [B] [A] ainsi que Mesdames [Z] et [G] [T] aux fins de les entendre condamner, sur le fondement des articles 697 et 698 du code civil, à leur régler la somme de 1580,15 € chacun.
Par jugement en date du 10 mai 2024, le tribunal a constaté le désistement d’instance des demandeurs.

Par acte du 05 mars 2024, M et Mme [N] ont de nouveau assigné Mme [C] [R], M et Mme [A] ainsi que Mesdames [T] devant ce tribunal aux mêmes fins.

A l’audience du 07 juin 2024, M et Mme [N], représentés par leur conseil, sollicitent :
La condamnation de Mesdames [T] in solidum à leur verser la somme de 1580,15 € au titre de leur participation aux travaux ; La condamnation de Mme [C] [R] à leur verser la somme de 1580,15 € au titre de sa participation aux travaux ; La condamnation de M et Mme [A] in solidum à leur verser la somme de 1580,15 € au titre de leur participation aux travaux ;La condamnation in solidum de Mme [R], des consorts [A] et des consorts [T] à leur verser la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts ; Le rejet de l’ensemble des prétentions des défendeurs ; La condamnation in solidum de Mme [R], des consorts [A] et des consorts [T] à leur verser la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; outre les entiers dépens.
M et Mme [N] fondent leurs demandes sur les dispositions des articles 697 et 698 du code civil ainsi que sur leur acte authentique d’achat (achat du lot C cadastré Section A [Cadastre 17] devenu Section AL [Cadastre 18]) conclu avec Mme [O] le 03 février 1998 stipulant que les frais d’entretien de l’assiette de la servitude de passage longeant les 3 lots créés (A B C) seront répartis par moitié entre les propriétaires du lot A cadastré Section A n° [Cadastre 15] (conservé par Mme [O] puis devenu Section AL [Cadastre 1] propriété des consorts [T]) et du lot B cadastré Section A n° [Cadastre 16] (conservé par Mme [O] puis divisé en AL [Cadastre 4], propriété de Mme [R] et AL [Cadastre 3] elle-même divisée et devenue Section AL [Cadastre 5] et [Cadastre 6] propriété des consorts [A] et AL [Cadastre 7] et [Cadastre 8] propriété des époux [O] ). Ils en déduisent que les frais qu’ils ont engagés pour la

réfection du chemin dont chaque voisin profite doivent être supportés par chacun d’entre eux à parts égales ; cette répartition des frais étant également mentionnés dans les actes authentiques d’achat des défendeurs.

M et Mme [N] s’opposent à l’enlèvement de l’enrobé réclamé par l’ensemble des défendeurs aux motifs qu’il n’est pas justifié en quoi un chemin en grave et gravats serait un meilleur choix et que cela reviendrait à procéder inutilement à une nouvelle réfection du chemin.

Ils estiment que la demande des défendeurs tendant à faire établir chez un notaire un nouvel acte pour actualiser et préciser les modalités d’entretien de l’assiette de la servitude est dénuée de tout fondement.

Ils refusent de prendre en charge la somme de 985 € exposée par Mme [R] pour réparer une fuite des canalisations de sa propriété dès lors que les frais d’entretien de la servitude de passage de canalisations dont elle bénéficie sont à sa charge en vertu de son acte d’achat.

M et Mme [N] fondent enfin leur demande en dommages et intérêts sur le préjudice moral subi du fait de la résistance de leurs voisins à prendre en charge la quote- part des frais qui leur incombe.

Mesdames [Z] et [G] [T], représentées par M [S] [P], demandent au Tribunal de débouter M et Mme [N] de l’intégralité de leurs demandes et de les condamner à :
Faire retirer l’enrobé à leurs frais et remettre le chemin en terre sous astreinte de 100 € par semaine de retard passé un délai de 15 jour suivant la signification de la décision à intervenir ; Faire établir à leur frais chez un notaire une « nouvelle annexe servitude » à l’acte de vente stipulant le nouveau partage cadastral et les charges incombant à chaque propriétaire sur l’entretien du chemin et indiquant clairement que celui-ci doit rester en grave et gravier ; Leur payer la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts ; Leur payer la somme de 600 e sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; outre les entiers dépens.
Mesdames [T] considèrent que le coût des travaux exposé par les consorts [N] doit rester à leur entière charge dès lors :
 Qu’ils sont les propriétaires du fond dominant et que le partage des frais par moitié prévu dans leur acte d’achat n’est pas applicable au vu de la nouvelle division cadastrale en 5 fonds ; Qu’il s’agit, non pas de travaux d’entretien de la servitude mais d’amélioration qui n’ont en outre fait l’objet d’aucune concertation entre les différents propriétaires qui ont été mis devant le fait accompli ; Que ces travaux ont été rendus nécessaires par le seul fait des locataires de M et Mme [N] qui, pour accéder à leur place de stationnement ou en sortir, sont contraints avec leur véhicule de braquer sur place à 90° ; ce qui occasionne des ornières et endommage ainsi le passage ; Que les travaux n’ont été effectués que devant la parcelle des époux [N].
Au soutien de leur demande reconventionnelle en remise en état du chemin, Mesdames [T] indiquent que leur acte authentique d’achat mentionne un chemin en terre qui doit donc être maintenu en l’état.
Elles font par ailleurs valoir que l’enrobé complexifie l’accès aux réseaux souterrains en ce qu’il rend nécessaire le creusement d’une tranchée puis son rebouchage et le regoudronnage et n’est pas adapté à la configuration des lieux au vu des manœuvres que doivent accomplir les locataires pour accéder à leur place de stationnement.

Leur demande d’acte à passer devant notaire est fondée sur l’inadéquation de l’acte d’achat des époux [N] à la configuration actuelle des lieux puisqu’il existe désormais 5 fonds au lieu de 3 et que celui des demandeurs a été modifié puisqu’une partie de leur immeuble donne désormais sur le chemin et non plus sur le seul [Adresse 19].

Enfin, pour justifier leur demande en dommages et intérêts, Mesdames [T] allèguent un préjudice à la fois moral, constitué par les nuisances et tourments qu’ont occasionnés cette affaire, et financier puisque Mme [G] [T] a dû poser 5 jours de congés pour se rendre aux différentes audiences depuis la première assignation du mois de novembre 2023.

Mme [C] [R], comparante en personne, demande au Tribunal de débouter M et Mme [N] de l’intégralité de leurs demandes et de les condamner à :
Faire retirer l’enrobé à leurs frais et remettre le chemin en terre sous astreinte de 200 € par semaine de retard passé un délai de 15 jour suivant la signification de la décision à intervenir ; Faire établir à leur frais chez un notaire une « nouvelle annexe servitude » à l’acte de vente stipulant le nouveau partage cadastral et les charges incombant à chaque propriétaire sur l’entretien du chemin et indiquant clairement que celui-ci doit rester en grave et gravier ; Lui payer la somme de 985 € au titre des frais exposés suite à une fuite d’eau détectée sur les canalisations situées sous l’enrobé ; Lui payer la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts ;
Mme [C] [R] développe les mêmes moyens de droit et de fait que Mesdames [T].

Au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 985 €,, Mme [R] indique avoir engagé des frais à hauteur de 1293 € en avril 2023 pour détecter puis réparer une fuite d’eau sur les canalisations de sa propriété. Si elle estime que le montant de la réparation, soit 308 €, lui incombe, elle considère que les 600 € exposés pour la recherche de fuite et les 385 € correspondant aux frais de décapage et rebouchage doivent être supportés par les demandeurs dès lors que ces frais ont été rendus nécessaires par l’existence de l’enrobé.

M [L] [A] et Mme [B] [A], représentés par leur fille [M] [A], demandent au Tribunal de débouter M et Mme [N] de l’intégralité de leurs demandes et de les condamner à :
Faire retirer l’enrobé à leurs frais et remettre le chemin en terre sous astreinte de 100 € par semaine de retard passé un délai de 15 jour suivant la signification de la décision à intervenir ; Faire établir à leur frais chez un notaire une « nouvelle annexe servitude » à l’acte de vente stipulant le nouveau partage cadastral et les charges incombant à chaque propriétaire sur l’entretien du chemin et indiquant clairement que celui-ci doit rester en grave et gravier ; Leur payer la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts ; Leur payer la somme de 350 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; outre les entiers dépens.
M et Mme [A] fondent leurs demandes sur les mêmes moyens de droit et de fait que Mesdames [T] à l’exception de leur demande en dommages et intérêts fondée uniquement sur un préjudice moral lié à la présente procédure.

SUR CE

Sur la demande en partage du coût des travaux

Aux termes des articles 697 et 698 du code civil, celui auquel est due une servitude, a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver. Ces ouvrages sont à ses frais, et non à ceux du propriétaire du fonds assujetti, à moins que le titre d’établissement de la servitude ne dise le contraire.
Il en résulte ainsi un droit, pour le propriétaire du fonds dominant, de faire à ses frais, sauf dispositions conventionnelles contraires, des travaux nécessaires à l’exercice de la servitude dont il jouit.

En l’espèce, la servitude conventionnelle dont se prévalent les demandeurs a été instituée par l’acte du 03 février 1998 afin de permettre, suite à la division de la parcelle A [Cadastre 13] en 3 lots, l’accès à la voie publique ([Adresse 19]) des lots A et B conservés à l’époque par la venderesse Mme [O] et aujourd’hui propriété des consorts [T] (lot A devenu section AL [Cadastre 1]), de Mme [R] (Partie du lot B ; parcelle AL [Cadastre 4]) , des consorts [A] (partie du lot B ; parcelles AL [Cadastre 5] et [Cadastre 6]) et de Mme [O] (partie du lot B ; parcelles AL [Cadastre 7] et [Cadastre 8]).
Cet acte prévoit que l’accès se fera par une bande de terrain de quatre mètres de largeur environ prise par le vendeur sur la parcelle A [Cadastre 16] (le lot B) et [Cadastre 17] (lot C acquis par les consorts [N] et devenu parcelle AL [Cadastre 18]).
Le fonds des époux [N] est donc le fonds servant ; l’ensemble des autres fonds les fonds dominants.

L’acte constitutif de la servitude, opposable à tous dès lors qu’il a fait l’objet d’une publication, prévoit que les « les frais d’entretien de l’assiette de ce droit de passage seront à la charge des propriétaires des lots A cadastré Section A n° [Cadastre 15] et lot B cadastré Section A n° [Cadastre 16] par moitié chacun » c’est-à-dire à la charge des fonds dominants, aujourd’hui propriété des défendeurs.

Cependant, les frais d’entretien doivent s’entendre comme des frais nécessaires à l’exercice de la servitude ; frais que peuvent engager les propriétaires des fonds dominants mais auxquels ne peuvent les contraindre les propriétaires du fonds servant. En effet, le titulaire d’une servitude est libre d’en user ou pas et c’est un droit que lui confère l’article 697 du code civil, non une obligation.
Dès lors, les époux [N] ne sauraient imposer aux défendeurs la prise en charge, même partielle, du goudronnage de l’assiette de la servitude, qui dépasse le simple entretien courant et qu’ils ont effectué de leur propre initiative, non pas dans l’intérêt des fonds dominants pour leur permettre un exercice effectif de la servitude mais de leur propre fonds et de ses locataires.

En conséquence, les époux [N] seront déboutés de leur demande.

Sur la demande d’enlèvement de l’enrobé

Aux termes de l’article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou à la rendre plus incommode.
Ainsi, il ne peut changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

De son côté, selon les termes de l’article 702 de ce code, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition de ce dernier.

Il résulte de ces textes un principe de fixité de la servitude qui doit rester conforme au titre mais peut être adaptée à l’évolution des besoins. Des modifications, non proscrites par le titre, sont possibles dès lors qu’elles sont conformes à l’utilité de la servitude et n’aggravent pas la condition du fonds servant.

Il convient par ailleurs de rappeler que l'existence de la servitude ne prive pas le propriétaire du fonds servant de ses prérogatives. Ce dernier doit pouvoir continuer d'user librement de son fonds du moment que l'utilité de la servitude n'est pas diminuée.

En l’espèce, l’acte constitutif de la servitude mentionne qu’elle s’exercera « sur une bande de terrain de quatre mètres environ de largeur » sans autre précision sur la nature du revêtement de cette bande de terrain. Il est toutefois précisé que le droit de passage pourra être exercé en tout temps et à toute heure « par les propriétaires successifs des fonds enclavés pour se rendre à ceux-ci et en revenir avec tous véhicules ».
L’acte n’interdit donc pas une modification de la consistance du chemin dès lors qu’elle respecte l’objet de la servitude, à savoir permettre un accès aux parcelles enclavées en véhicule ; ce que permet parfaitement l’enrobé réalisé sur le fonds servant.
Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, leur acte de propriété, dont ils ne versent que des extraits aux débats, ne prévoient pas que le chemin doive demeurer en gravats. S’agissant du fonds de Mme [R], la mention « ce passage est en nature de chemin de terre » ne concerne pas la servitude objet du litige mais celle consentie sur la parcelle AL [Cadastre 4] au profit des parcelles AL [Cadastre 6] et [Cadastre 8].

La modification apportée par les époux [N] n’est donc pas contraire au titre.

Elle ne rend pas non plus l’exercice de la servitude de passage moins commode puisqu’au contraire, elle l’améliore.
La seule mention, sur la facture de la société BMG Goudronnage, selon laquelle les braquages de roues sur place lors des manœuvres doivent être évités, ne permet pas de conclure qu’un revêtement en dur porte atteinte à l’exercice de la servitude qui s’exerçait jusque-là sur un chemin en gravats, également soumis à un endommagement sous l’effet des manœuvres des véhicules.

Enfin, s’il est certain que l’enrobé rend moins commode l’accès aux réseaux souterrains, ordonner une démolition de cet enrobé serait disproportionné au regard du droit de propriété des consorts [N] et inopportun au vu de l’utilisation massive du chemin par l’ensemble des riverains alors que le besoin d’accéder aux réseaux souterrains demeure ponctuel.

En conséquence, la demande des défendeurs tendant à restituer au chemin son aspect initial sera rejetée.

Sur la demande d’établissement d’un nouvel acte devant notaire

Il résulte des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et si le Tribunal peut, en application des articles 1188 et suivants, procéder à une interprétation des contrats dans le cadre de la résolution d’un litige, il ne lui appartient pas d’enjoindre aux parties de le modifier.

En conséquence, les défendeurs seront déboutés de cette demande.

Sur la demande en paiement de Mme [R]

La demande en paiement formée par Mme [R], qui ne prétend ni ne justifie bénéficier d’une servitude de passage de réseaux sur le fonds des époux [N], s’analyse en une demande en dommages et intérêts formée contre ces derniers qu’elle estime responsable d’un préjudice financier de par la réalisation de l’enrobé qui a engendré un surcoût des réparations de la fuite d’eau qu’elle a subie.
L’accueil de cette demande nécessite donc la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

En vertu de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

En application des dispositions de l’article 651 du code civil, ce droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

En l’espèce, il a été indiqué ci-avant que les époux [N] n’avaient pas l’interdiction de goudronner leur chemin et les travaux ainsi réalisés ne constituent pas un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage compte tenu de la configuration des lieux et du caractère ponctuel de la nécessité d’accéder aux réseaux souterrains.

En conséquence, Mme [R] sera déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes en dommages et intérêts

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
1/ La demande de M et Mme [N]

Il résulte des développements qui précèdent que le refus des défendeurs de payer une quote-part du coût des travaux de goudronnage n’était pas abusif.

Dès lors, la demande indemnitaire des époux [N] sera rejetée.

2/ Les demandes des défendeurs

Il résulte des échanges de correspondances entre les parties versées aux débats par les consorts [T] et Mme [R] que M et Mme [N] ont accepté le devis de l’entreprise BMG Goudronnage le 16 mars 2021 sans que ces derniers justifient en avoir informé préalablement les défendeurs qui ont simplement reçu ce devis signé au mois de mai 2021.
A réception de ce courrier, les consorts [T], par courrier du 05 juin 2021, ont sollicité que les travaux soient mis en suspens le temps de trouver une solution concertée considérant notamment que l’enrobé présentait des inconvénients.

Les consorts [N] n’ont pas accédé à cette demande mais ont notifié aux défendeurs, par courrier du 10 octobre 2021, le début des travaux à compter du 20 octobre puis, par courrier recommandé du 28 octobre, ont réclamé paiement d’un cinquième de la facture à chacun des défendeurs ; demande en paiement réitérée par leur conseil le 11 avril 2022.

En réponse à cette seconde injonction, les consorts [T] ainsi que Mme [R] faisaient de nouveau part de leurs multiples interrogations en cherchant une solution amiable au litige.

Malgré ce, les consorts [N] ont décidé d’assigner l’ensemble des défendeurs devant le tribunal en novembre 2023. Après que le tribunal ait soulevé d’office l’irrecevabilité de la demande faute de conciliation préalable en application de l’article 750-1 du code de procédure civile, M et Mme [N] se sont désistés de leur instance et ont délivré une nouvelle assignation au mois de mars 2024 en ajoutant à leur demande initiale en paiement la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts afin de ne pas être soumis à la tentative obligatoire de résolution amiable du litige.

Ainsi, la demande en paiement initialement brutale puis répétée sans autre explication, dans un contexte de voisinage justifiant des relations apaisées et au vu d’actes de propriété pas toujours clairement rédigés, associée à un refus assumé de tentative préalable de résolution amiable du litige s’analyse en un comportement abusif générateur d’un préjudice moral pour les défendeurs qui ont multiplié les démarches pour comprendre leurs droits et en assurer la défense.

En conséquence, les époux [N] seront condamnés de ce chef à verser à chacun des défendeurs la somme de 400 € à titre de dommages et intérêts.

La demande formée par les consorts [T] du chef de la perte de jours de congés sera examinée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les frais de procédure

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il résulte par ailleurs de l’article 700 de ce code que la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès est condamnée à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, M et Mme [N], parties perdantes au principal, seront condamnés à supporter les dépens et à verser la somme de 120 € aux consorts [A] et celle de 200 € aux consorts [T] étant précisé qu’une partie des frais exposés par les défendeurs a déjà été indemnisée aux termes du jugement rendu le 10 mai 2024.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe ;

DEBOUTE les époux [N] de leurs demandes en paiement de la somme de 1580,15 euros ;

DEBOUTE les défendeurs de leur demande d’enlèvement de l’enrobé ;

DEBOUTE les défendeurs de leur demande d’établissement d’un acte devant notaire ;

DEBOUTE Mme [C] [R] de sa demande en paiement de la somme de 985 euros ;

DEBOUTE les époux [N] de leur demande en dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum M [V] [N] et Mme [X] [N] à verser à Mesdames [Z] et [G] [T] ensemble les sommes suivantes :
400 € à titre de dommages et intérêts200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum M [V] [N] et Mme [X] [N] à verser à M [L] [A] et Mme [B] [A] ensemble les sommes suivantes :
400 € à titre de dommages et intérêts120 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum M [V] [N] et Mme [X] [N] à verser à Mme [C] [R] la somme de 400 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum M [V] [N] et Mme [X] [N] aux dépens.

AINSI jugé et prononcé par mise à disposition de la décision au greffe du tribunal de proximité, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, la minute étant signée par la Présidente et le greffier.

Le greffier, La Présidente,

Ainsi jugé et mis à disposition, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Tprox contentieux général
Numéro d'arrêt : 24/00069
Date de la décision : 12/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-12;24.00069 ?
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