TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
28C
Minute n° 24/
N° RG 24/00352 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YWGN
5 copies
EXPERTISE
GROSSE délivrée
le 26/08/2024
à l’AARPI ROUSSEAU-BLANC
Me Lucie ROZENBERG
COPIE délivrée
le 26/08/2024
à
2 copies au service expertise
Rendue le VINGT SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 8 juillet 2024,
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière lors des débats et de David PENICHON, Greffier lors du prononcé.
DEMANDEUR
Monsieur [T] [H] [Z]
né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 15] (DORDOGNE)
[Adresse 16]
[Localité 5]
Représenté par Maître Lucie ROZENBERG, avocat au barreau de BERGERAC
DÉFENDERESSES
La SCI [17]
dont le siège social est :
[Adresse 3]
[Localité 9]
prise en la personne de ses cogérantes, Madame [O] [Z] épouse [U] et Madame [M] [Z]
Madame [O] [Z] Épouse [U]
née le [Date naissance 7] 1967 à [Localité 15] (DORDOGNE)
[Adresse 8]
[Localité 12]
Madame [M] [Z]
née le [Date naissance 6] 1975 à [Localité 15] (DORDOGNE)
[Adresse 13]
[Localité 4]
Tous représentés par Maître Benjamin BLANC de la SAS DELTA AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, Maître Olivier PERNET, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
Par actes des 29 et 30 janvier 2024, Monsieur [T] [Z] a fait assigner Mesdames [M] [Z] et [O] [Z] épouse [U] et la SCI [17] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin de voir, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, ordonner une expertise pour examiner la comptabilité de la SCI [17], déterminer le montant de son compte courant, et condamner la SCI [17] aux dépens.
Le demandeur expose qu’il a créé la SCI [17] le 22 décembre 1999 avec son épouse [F] [D] et ses deux filles [O] et [M] ; qu’il a été désigné gérant statutaire de la SCI, ayant pour objet social l’acquisition, la location, la gestion et l’entretien de tout immeuble ; que suite à une donation partage en date du 12 février 2000, ses filles possèdent chacune une part en pleine propriété et 49 parts en nue-propriété ; que depuis le décès de son épouse [F] [D] le [Date décès 1] 2007, il est détenteur de 98 parts en usufruit ; que les relations avec ses filles s’étant progressivement dégradées après son remariage, conduisant les défenderesses à refuser d’approuver les comptes lors de l’assemblée générale du 08 mars 2022 et à contester l’existence de son compte courant, il a démissionné de la gérance ; que les défenderesses sont co-gérantes de la SCI depuis le 08 septembre 2022 ; que la comptabilité de la SCI étant contestée, comme le principe même de l’existence de son compte courant pour les sommes qu’il a avancées pendant 21 ans dans l’intérêt de la société, il est fondé à solliciter une expertise.
L’affaire, appelée à l’audience du 29 avril 2024, a fait l’objet de plusieurs renvois pour échange des conclusions entre les parties avant d’être retenue à l’audience du 08 juillet 2024.
Les parties ont conclu pour la dernière fois :
- le demandeur, le 03 juin 2024, par des écritures dans lesquelles il maintient ses demandes et s’oppose à celles des défenderesses ;
- les défenderesses, le 05 juillet 2024, par des écritures aux termes desquelles elles sollicitent :
- à titre principal, le débouté de M.[Z] de toutes ses demandes ;
- à titre subsidiaire, que le tribunal se déclare incompétent compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse ;
- en tout état de cause, la condamnation du demandeur à leur verser à chacune :
- la somme de 1 000 euros au titre de procédure abusive ;
- la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir que pendant les 23 années de sa gérance, le demandeur n’a jamais tenu la moindre comptabilité ; que les documents produits ne sont pas des bilans de la SCI mais de mauvais brouillons, ce qui commande le rejet de la demande d’expertise qui n’a pas de quoi s’exercer ; que compte tenu de la prescription, la seule comptabilité qui puisse éventuellement être examinée pourrait être celle des cinq dernières années ; que le but du demandeur est de se voir attribuer des sommes au titre d’un compte courant d’associé imaginaire, qui ne peut ressortir que d’un bilan et d’une comptabilité ; qu’il ne produit aucun élément de preuve au soutien de sa demande ; que le tribunal ne peut pallier sa carence probatoire ; qu’en tout état de cause la demande se heurte à une contestation sérieuse qui ne relève pas du pouvoir du juge des référés ; que cette procédure fantaisiste leur a causé un préjudice.
La présente décision se réfère à ces écritures pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
II - MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’expertise :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge des référés peut ordonner toute mesure d’instruction légalement admissible.
Aucune contestation sérieuse ne peut être opposée à la mise en oeuvre de cet article, qui pose pour seule condition l’existence d’un litige potentiel susceptible d’opposer les parties. Il n’appartient pas pour autant au juge des référés de se prononcer sur le fond sur les conditions de mise en oeuvre de cette action potentielle, mais seulement de s’assurer que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement vouée à l’échec.
En l’espèce, le demandeur expose que sa demande s’inscrit dans le cadre de l’action en remboursement de son compte courant qu’il envisage d’engager. Cette demande n’apparaît pas manifestement vouée à l’échec alors qu’il produit des documents comptables émanant d’un cabinet comptable (ses pièces 7 à 28) qui attestent de l’existence de bilans entre 2000 et 2021 qui sont de nature à fonder cette demande.
Monsieur [Z] justifiant en conséquence d’un motif légitime à voir ordonner une mesure d’expertise comptable, il y a lieu de faire droit à sa demande, et d’ordonner une expertise, dans les termes précisés au dispositif, à ses frais avancés.
Sur les autres demandes :
La procédure ne revêtant aucun caractère abusif, les défenderesses seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts.
Il n’apparaît pas inéquitable par ailleurs de laisser à leur charge les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elles dans le cadre de l’instance. Leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Les dépens seront mis provisoirement à la charge du demandeur.
III - DECISION
Le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, de manière contradictoire et à charge d’appel,
Vu l'article 145 du code de procédure civile, ordonne une mesure d'expertise et désigne pour y procéder :
Monsieur [Y] [B], [14],
[Adresse 11],
[Localité 10] ;
Dit que l’expert répondra à la mission suivante :
- après avoir convoqué et entendu les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueilli leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise, s’être fait remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
- vérifier les comptes de la SCI [17] établis par Mme [I] [N], expert comptable, pour les exercices 2000 à 2021 ;
- décrire les opérations réalisées sur les comptes ; en préciser l’origine ou le destinataire ;
- déterminer le bien fondé et le montant du compte courant d’associé de Monsieur [T] [Z] d’une part depuis la création de la société jusqu’au [Date décès 1] 2007 (date du décès de mme [D] épouse [Z]) puis de cette date au jour des opérations d’expertise ;
- préciser si ces comptes comportent des anomalies ; dans l’affirmative, les détailler ;
- plus généralement, faire toutes observations utiles
DIT que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du code de procédure civile ;
DIT que l’expert devra déposer un pré-rapport, le soumettre aux parties à qui il impartira un délai pour présenter leurs dires et qu’il devra répondre aux dires reçus dans le délai imparti ;
DIT que l’expert déposera son rapport au Greffe de ce Tribunal dans un délai de CINQ mois à compter de sa saisine et qu’il en fera parvenir une copie aux parties ou à leurs conseils ;
DESIGNE le juge chargé du contrôle des expertises pour suivre le déroulement de la présente expertise ;
FIXE à la somme de 2 000 euros la provision que Monsieur [T] [Z] devra consigner par virement sur le compte de la Régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (Cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente ordonnance) dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,
DECLARE la présente ordonnance exécutoire au seul vu de la minute.
Déboute Mmes [O] [Z] épouse [U] et [M] [Z] et la SCI [17] de leurs demandes.
DIT que Monsieur [Z] conservera provisoirement la charge des dépens.
La présente décision a été signée par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente, et par David PENICHON, Greffier.
Le Greffier, Le Président,