N° RG 23/05670 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YAKO
7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 04 Septembre 2024
54G
N° RG 23/05670
N° Portalis DBX6-W-B7H-YAKO
Minute n° 2024/
AFFAIRE :
SA MESOLIA HABITAT
C/
S.A.R.L. PCS,
[G] [U]
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Marie-Julie DINGUIRARD-PARENT
la SCP HARFANG AVOCATS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente
statuant en Juge Unique.
Lors des débats et du prononcé :
Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier
DEBATS :
à l’audience publique du 12 Juin 2024
JUGEMENT :
Réputé contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDERESSE
SA MESOLIA HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Me Marie-Julie DINGUIRARD-PARENT, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
DEFENDEURS
S.A.R.L. PCS (société en liquidation judiciaire)
[Adresse 2]
[Localité 4]
défaillant
N° RG 23/05670 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YAKO
Maître [G] [U] agissant en sa qualité de liquidateur de la SARL PCS
[Adresse 6]
[Localité 3]
défaillant
*****************************
La SA MESOLIA HABITAT, bailleur social, a fait édifier un ensemble immobilier dénommé « CANOPEE » à [Localité 7] et a confié la réalisation du lot « chauffage VMC plomberie » à la SARL PCS suivant marché de travaux du 28 juin 2020 pour un montant de 688 313, 05 euros HT.
Par courrier du 19 avril 2021, la SARL PCS a informé la SA MESOLIA HABITAT que suite à des retards de règlement qu'elle reprochait à cette dernière, elle cesserait le chantier à compter du 30 avril 2021. Le 27 avril 2021, la SA MESOLIA HABITAT lui a répondu qu'à défaut de reprise du chantier le 3 mai 2021, elle procéderait à la résiliation du marché aux torts de la SARL PCS. Par courrier du 28 avril 2021, la SARL PCS a maintenu sa volonté de cesser le chantier.
La SA MESOLIA HABITAT a fait procéder à un constat d'huissier le 25 mai 2021.
Le 9 novembre 2021, la SARL PCS a adressé à la SA MESOLIA HABITAT un projet de décompte général définitif.
La SARL PCS a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de redressement judiciaire le 14 avril 2022.
Le 15 juin 2022, la SA MESOLIA HABITAT a adressé à la SARL PCS un décompte général définitif corrigé par le maître d'œuvre. Elle a déclaré une créance correspondant à ce décompte général le 20 juin 2022 auprès du mandataire judiciaire, la SELARL [G] [U].
Le mandataire judiciaire a contesté la créance.
Par jugement du 13 mars 2023, la liquidation judiciaire de la SARL PCS a été prononcée et la SELARL [G] [U] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par une ordonnance en date du 25 mai 2023, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et invité la SA MESOLIA HABITAT à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois. L'ordonnance a été notifiée à la SA MESOLIA HABITAT le 30 mai 2023.
Suivant acte signifié le 29 juin 2023, la SA MESOLIA HABITAT a fait assigner au fond devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux la SARL PCS, et Maitre [G] [U], es qualité de liquidateur de la SARL PCS, et demande au Tribunal de :
Vu l’article R624-5 du Code de Commerce, Vu l’article 1103 du Code civil, Vu l’article 1792 du Code civil,
N° RG 23/05670 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YAKO
Fixer la créance de la société MESOLIA HABITAT au passif de liquidation judiciaire de la société PCS à la somme de 189 339,16€
Statuer ce que droit quant aux dépens
Maitre [G] [U], es qualité de liquidateur de la SARL PCS, régulièrement assigné, et la SARL PCS, en liquidation judiciaire, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS :
Conformément à l'article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, la juridiction peut néanmoins statuer sur le fond mais elle ne fait droit à la demande que si elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la recevabilité :
En application de l'article L.622-21 du code de commerce auxquelles renvoient les dispositions de l'article L 641-3 du même code concernant la procédure de liquidation judiciaire :
I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Aux termes de l'article L 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d' Etat. ( … ). La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation.
L'article L 624-2 du code de commerce prévoit qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
Ainsi, si la procédure collective a été ouverte avant l'instance judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification au passif.
En l'espèce, l'ouverture de la procédure collective est antérieure à l'assignation. La SA MESOLIA HABITAT a déclaré sa créance et une ordonnance du juge commissaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et invité la SA MESOLIA HABITAT à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois, l'ordonnance lui ayant été notifiée le 30 mai 2023.
En outre, le CCAP auquel renvoie l'acte d'engagement prévoit que les litiges qui n'auraient pu être réglés par arbitrage sont portés devant le « tribunal de grande instance de Bordeaux » et la SA MESOLIA HABITAT a refusé de soumettre le litige à l'arbitrage suivant courrier du 28 juin 2023.
En conséquence, les demandes de la SA MESOLIA HABITAT sont recevables et le Tribunal judiciaire de Bordeaux est compétent pour les examiner.
Sur le fond :
L’article 1103 du Code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L’article 1231-1 du Code civil dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
En outre, en application de l'article 1353 du même code “celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”
Il résulte de l'acte d'engagement que la SARL PCS a accepté les clauses du CCAP. Or celui-ci prévoit en son article 3.1.2 que la norme NFP 03-001 fait partie des pièces du marché, norme selon laquelle le règlement du marché de travaux est subordonné au respect de la procédure d'établissement du décompte général définitif.
La norme NFP 03-001 indique que l'entrepreneur remet au maître d'œuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché et que le maître d'œuvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché. Il remet ce décompte au maître de l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'œuvre (… ). L'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d'œuvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif. Le maître de l'ouvrage dispose de 30 jours pour faire connaître par écrit s'il accepte ou non les observations de l'entrepreneur. Passe ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations.
En l'espèce, la SA MESOLIA HABITAT a adressé le 15 juin 2022 le décompte définitif établi par le maître d'œuvre à la SARL PCS ainsi qu'à l'administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire.
Par courrier improprement daté du 19 juin 2023 mais en réalité du 19 juin 2022 tel que le reconnaît la SA MESOLIA HABITAT et tel que cela est corroboré par le fait qu'elle y a répondu le 5 juillet 2022, la SARL PCS a contesté la proposition de décompte général définitif.
Dans son courrier de réponse du 5 juillet 2022, la SA MESOLIA HABITAT n'a pas accepté les observations de la SARL PCS.
Il en résulte que la SARL PCS a contesté dans le délai le décompte définitif et qu'il ne peut donc être réputé avoir été accepté. De son côté, la SA MESOLIA HABITAT a également contesté les observations de l'entrepreneur et ne peut donc être réputée les avoir acceptées.
En conséquence, le décompte général établi ne revêt pas un caractère définitif conformément à la norme NFP 03-001 et il appartient à la SA MESOLIA HABITAT d'apporter la preuve que les sommes réclamée sont dues et au Tribunal de trancher quant à leur bien fondé.
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Il ressort du projet de décompte général définitif adressé par la SARL PCS à la SA MESOLIA HABITAT le 9 novembre 2021 que sur un total dû de 39 098, 04 euros (après déduction de la somme due au compte prorata et de la retenue de garantie), la SA MESOLIA HABITAT a réglé un montant de 29 419,39 euros et reste redevable de 9669, 65 euros.
La proposition de décompte général définitif établie par le maître d'œuvre reprend le total dû de 39 716,15 euros et indique un montant total payé de 30 967,77 euros, soit de même un solde restant dû au titre des travaux de 9669,65 euros.
Le décompte fait ensuite apparaître en négatif :
- une somme de 541,94 euros au titre de retenue de garantie ;
- une somme de 31 500 euros au titre de pénalités de retard ;
- des sommes pour des montants de 2148 euros, 6696 euros, 2670,60 euros, 77 717,57 euros, 8946,02 euros et 69 957,73 euros, au titre d' « autres retenus diverses » qui concernent des « reprises » et travaux,
pour parvenir à un résultat négatif de 189 339, 16 euros.
S'agissant des pénalités de retard, le CCAP prévoit de telles pénalités en son article 8.1 à hauteur de 100 euros TTC par jour de retard sur le délai contractuel d'exécution, prévoit que le montant de ces pénalités est plafonné à 33% du montant TTC du marché et qu'il sera « déduit au fur et à mesure des états de situation d'avancement des travaux neufs du montant de la dernière demande d'acompte de l'entreprise figurant au décompte définitif établi par le maître d'œuvre ».
Il résulte de l'acte d'engagement que le délai d'exécution des travaux (… ) prévu était d'une durée maximum de 19 mois à compter de l'ordre de service de démarrage. Aucun autre planning contractuel de délai d'exécution n'est produit. L'ordre de service concernant le démarrage des travaux de la SARL PCS est en date du 10 août 2020. Les travaux auraient donc dû être terminés le 17 mars 2021.
La SA MESOLIA HABITAT produit avec la proposition de décompte général du maître d 'œuvre une « fiche d'application de pénalités » tamponnée de la société OTCE Organisation et signée « OPC » (ordonnancement, pilotage et coordination). Dans ce document, l' « OPC » écrit que l'abandon de chantier par la SARL PCS a impacté le planning de l'opération et l'organisation des travaux, ce qui implique l'application de pénalités de retard. Il est indiqué que la SARL PCS a abandonné le chantier le 8 mai 2021, qu'un nouvel appel d'offre a été lancé le 7 juillet 2021 pour trouver un remplaçant et qu'une nouvelle société a repris le chantier le 30 août 2021. Le document ajoute qu'a ensuite été effectué « un gros travail de synthèse pour tenter de reprendre toutes vos malfaçons (…) » et que les travaux de reprise n'ont pu débuter qu'à partir du 3 mai 2022, qu'un nouveau planning a été transmis le 24 mai 2022 avec une nouvelle date de réception au 28 mars 2023 et qu' « à ce jour , le retard constaté des travaux s'élève à : réception 30 juin 2022 date du présent état 10 juin 2022 et nouvelle fin programmée des travaux (…) 28 mars 2023, soit 45 semaines calendaires ou 315 jours calendaires », et qu'en conséquence, il est demandé l'application de pénalités à hauteur de 31 500 euros (100 x 315 jours).
Cependant, alors qu'il n'est pas contesté que la SARL PCS a quitté le chantier le 8 mai 2021, ce courrier est insuffisant à établir que les retards constatés ensuite lui sont imputables, tant dans la recherche d'une nouvelle société que pour la continuité des travaux.
Si la SA MESOLIA HABITAT avait écrit à la SARL PCS les 29 janvier, 16 mars et 8 avril 2021 pour réclamer à la seconde des plans « EXE » dont elle affirmait qu'ils ne lui avaient pas « été transmis dans les délais, aucun autre éléments ne vient corroborer ces retards alors qu'elle ne peut se constituer une preuve à elle-même et alors que la SARL PCS se plaignait dans un courrier du 19 avril 2021 de retards de règlements et que des pénalités particulières sont prévues au CCAP pour non communication des documents.
Il en résulte que la SA MESOLIA HABITAT n'apporte pas la preuve d'un retard fautif de la SARL PCS au delà de la date d'abandon de chantier non contestée le 8 mai 2021, les seuls éléments établis avec certitude étant que la SARL PCS n'a pas terminé le chantier comme contractuellement prévu le 17 mars 2021 alors que ne sont inversement produits aucun éléments justifiant de ce retard.
Ainsi, le retard fautif est de 52 jours et des pénalité de retard sont justifiées à hauteur de 5200 euros (52 x 100), somme inférieure au solde dû à la SARL PCS.
S'agissant des sommes déduites pour des reprises et travaux, ces sommes sont justifiées par des devis d'entreprises pour « coulage socle béton », « reprise des réservations (… ) suite erreur d'implantation de la société PCS » (pour quatre devis) et « plâtrerie-plafonds ».
Dans son courrier du 19 juin 2023 (2022), la SARL PCS a contesté devoir ces sommes en exposant que si les devis faisaient état de réservations mal positionnées, aucun détail ne venait étayer cette hypothèse de sorte quelle ne pouvait le contrôler. Elle a fait valoir en outre que l'entreprise ayant repris le marché avait fait le choix d'un mode opératoire différent du sien dont elle n'avait pas à supporter le coût. S'agissant du devis pour « plâtrerie-plafonds », la SARL PCS a indiqué qu'aucune précision ne lui permettait de savoir si ce devis était lié à son intervention et à une responsabilité lui incombant.
Dans les courriers adressés à la SARL PCS en cours de chantier par la SA MESOLIA HABITAT, cette dernière se plaint de retards mais n'évoque pas de malfaçons.
Le procès-verbal d'huissier du 25 mai 2021 constate dans les différents bâtiments des « soulèvements de gaines au niveau des dalles du sol ». Ces soulèvements sont évoqués dans le courrier de la SA MESOLIA HABITAT du 21 juin 2021. Dans un courrier du 20 octobre 2021, elle indique découvrir « régulièrement de nouvelles malfaçons » et convie la SARL PCS à un constat d'huissier le 25 octobre 2021, constat qui n'est pas produit.
En l'absence de plus d'éléments et notamment de toute expertise, en présence d'un seul constat d'huissier et de simples devis, et alors que ceux-ci sont contestés par la SARL PCS, il n'est pas établi, d'une part que les sommes demandées ont été exposées par la SA MESOLIA HABITAT et, d'autre part, que le coût réclamé de ces travaux est du à des malfaçons imputables à la SARL PCS.
Ainsi, la SA MESOLIA HABITAT n'apporte pas la preuve que la SARL PCS lui est redevable d'une quelconque somme d'argent et elle sera déboutée de sa demande.
Partie perdante, elle sera tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
DEBOUTE la SA MESOLIA HABITAT de sa demande.
CONDAMNE la SA MESOLIA HABITAT aux dépens.
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.
La présente décision est signée par Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, la Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,