TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 3 cab 03 D
N° RG 21/02646 - N° Portalis DB2H-W-B7F-VZPL
Notifiée le :
Grosse et copie à :
Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT - 42
Maître Maxime BURRUS de la SELARL C/M AVOCATS - 446
Maître Richard DE LAMBERT de la SELARL DE LAMBERT AVOCAT ASSOCIE (ERDEEL AVOCATS) - 2673
Me Thierry DUMOULIN - 261
Maître Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS - 855
Me Laurent PRUDON - 533
Maître Jacques BOURBONNEUX de la SELARL QUADRANCE - 1020
Maître Corinne BENOIT-REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS - 812
Maître Frédéric VACHERON de la SELARL RIVA & ASSOCIES - 737
Me Isabelle VEILLARD - 940
ORDONNANCE
Le 22 Juillet 2024
ENTREÂ :
DEMANDERESSE
Madame [H] [M]
née le 14 Janvier 1962 à [Localité 10], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON
ETÂ :
DEFENDERESSES
S.A. QBE EUROPE SA/NV, venant aux droits de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 11]
représentée par Maître Isabelle VEILLARD, avocat au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Xavier LEBRASSEUR de la SELARL ALCHIMIE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS (avocat plaidant)
S.A. AXA FRANCE IARD, ès qualités d’assureur de la société DECOR FACADES,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Maître Jacques BOURBONNEUX de la SELARL QUADRANCE, avocats au barreau de LYON
Société d’assurance mutuelle à cotisations variables MMA IARD ASSSURANCES MUTUELLES, ès qualités d’assureur des sociétés VIRICEL, ITINERAIRES BOIS et DECOR’FACADES,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Maxime BURRUS de la SELARL C/M AVOCATS, avocats au barreau de LYON
Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Ferouze MEGHERBI, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)
S.A.R.L. ITINERAIRES BOIS,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 6]
défaillante
S.A.R.L. ITINERAIRES D’ARCHITECTURE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Maître Laurent PRUDON, avocat au barreau de LYON
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES, prise en la personne de Maître [R] [S], ès qualités de liquidatrice judiciaire de la société MAE ETANCHEITE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 8]
défaillante
S.A. AXA FRANCE IARD, ès qualités d’assureur de la SARL MAE ETANCHEITE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Maître Jacques BOURBONNEUX de la SELARL QUADRANCE, avocats au barreau de LYON
S.A. AXA FRANCE IARD, ès qualités d’assureur de la société VIRICEL,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Maître Frédéric VACHERON de la SELARL RIVA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
S.A. MMA IARD, ès qualités d’assureur des sociétés VIRICEL, ITINERAIRES BOIS et DECOR’FACADES,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Maxime BURRUS de la SELARL C/M AVOCATS, avocats au barreau de LYON
S.A.S. VIRICEL,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 9]
représentée par Maître Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocats au barreau de LYON
S.A.R.L. AFC,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Maître Richard DE LAMBERT de la SELARL DE LAMBERT AVOCAT ASSOCIE (ERDEEL AVOCATS), avocats au barreau de LYON
S.A. GENERALI IARD, ès qualités d’assureur de la société AFC, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Corinne BENOIT-REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
Vu l'assignation signifiée les 14, 15, 16 et 20 avril 2021, par laquelle Madame [H] [M] a fait citer la SARL ITINERAIRES D'ARCHITECTURE, la SARL HABITAT BOIS CONCEPT, leur assureur la société d'assurance mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), Monsieur [F] [I], la SELARL MJ ALPES, prise en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la SARL MAE ETANCHEITE, l’assureur de cette dernière la SA AXA FRANCE IARD, la SARL AFC, son assureur la SA GENERALI ASSURANCES IARD, la SAS VIRICEL et la SARL ITINERAIRES BOIS ainsi que leur assureur la société d'assurance mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de condamnation à l’indemnisation de désordres de construction ;
Vu l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 24 janvier 2022, déclarant irrecevables les prétentions dirigées contre Monsieur [I] et la société HABITAT BOIS CONCEPT, accueillant l’intervention volontaire de la société MMA IARD, ès qualités d’assureur des sociétés VIRICEL, ITINERAIRES BOIS et DECOR FACADES et sursoyant à statuer dans l’attente d’une expertise en cours ;
Vu l’assignation signifiée le 11 octobre 2022 par laquelle les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ont fait citer la société AXA France IARD, assureur de la société DECOR FACADES, aux fins d’appel en garantie et la jonction avec la première procédure ordonnée 28 novembre 2022 ;
Vu l’assignation signifiée le 25 octobre 2022 par laquelle la société VIRICEL a fait citer son nouvel assureur, la société AXA France IARD, aux fins d’appel en garantie et la jonction avec la procédure ordonnée le 12 décembre 2022 ;
Vu l’assignation signifiée le 12 décembre 2022 par laquelle la société AFC a fait citer ses autres assureurs, les sociétés QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED et la société MMA IARD, aux fins d’appel en garantie et la jonction avec la procédure ordonnée le 23 janvier 2023 ;
Vu les conclusions d’incident notifiées les 26 juillet 2023 et 23 avril 2024 par Madame [M] tendant au paiement in solidum par les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, ITINERAIRES BOIS, VIRICEL, AFC, GENERALI, MAF et MMA d’une provision sur coût de reprise des désordres de 100.471,46€ HT avec indexation sur l’indice BT 01, sur indemnité de logement de 5000€ par mois, sur préjudice moral de 10.000€, sur préjudice de jouissance de 20.000€ et sur l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile de 15.000€, outre rejet des prétentions adverses ;
Vu les conclusions sur incident notifiées le 22 décembre 2023 par la société VIRICEL tendant au rejet de la demande, subsidiairement à la garantie par ses assureurs MMA IARD et AXA, ainsi qu’à la condamnation de Madame [M] au paiement de la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions d’incident notifiées le 14 février 2024 et signifiées à la société ITINERAIRES BOIS le 15 février 2024 par la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE sollicitant le rejet des demandes, subsidiairement une condamnation à la somme de 87.477,71€ avec indexation au titre des travaux de reprise, avec garantie des sociétés DECOR FACADES, MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et AXA pour les désordres 1 et 2, VIRICEL, MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES pour le désordre 1, AFC et QBE pour le désordre 2, ITINERAIRES BOIS, MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ainsi que AXA, assureur de la société MAE ETANCHEITE, pour l’ensemble des désordres et préjudices ;
Vu les conclusions notifiées le 14 février 2024 par lesquelles la société AXA, ès qualités d’assureur de DECOR FACADES, sollicite le rejet des demandes, subsidiairement la condamnation dans les limites des montants retenus par l’expert et application de la franchise, avec condamnation des sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF, VIRICEL, MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES, AFC, QBE, GENERALI et ITINERAIRES BOIS à la garantir et la condamnation de toute partie perdante à lui payer 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions notifiées le 14 février 2024 par lesquelles la société AXA, ès qualités d’assureur de MAE ETANCHEITE, sollicite le rejet des demandes et la condamnation de tout perdant à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions sur incident notifiées le 15 février 2024 par la société QBE, tendant au rejet des demandes formées contre elle, subsidiairement à sa condamnation à la somme correspondant à la reprise du désordre 2, la condamnation des sociétés AXA, DECOR FACADE, MAE ETANCHEITE, MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, VIRICEL, ITINERAIRES BOIS, ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF et GENERALI à la garantie des sommes mises à sa charge, à la condamnation de son assurée AFC à lui payer la franchise de 400€ et à la condamnation de Madame [M] à lui verser la provision de 3000€ sur article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions sur incident notifiées le 16 février 2024 par lesquelles la MAF sollicite le rejet de la demande, subsidiairement sa condamnation au préjudice matériel tel que retenu par l’expert, à la condamnation des sociétés VIRICEL, ITINERAIRES BOIS, AFC, MMA, AXA, GENERALI, QBE à la garantir des sommes mises à sa charge et au paiement de 4000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions sur incident notifiées le 19 février 2024 par lesquelles la société GENERALI IARD sollicite le rejet des demandes, la condamnation de Madame [M] à l’indemnité de 8000€ pour procédure abusive et sa condamnation in solidum avec les sociétés MAF, AXA et QBE au paiement de la somme de 8000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions d’incident notifiées le 15 mai 2024 et signifiées le 24 mai 2024 à la société ITINERAIRES BOIS par les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES tendant au rejet des demandes, subsidiairement à leur condamnation au titre des travaux de reprise de la structure bois avec application de la franchise et garantie in solidum par les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF, QBE, AXA et DECOR FACADES ;
Vu les conclusions d’incident notifiées le 24 mai 2024 par lesquelles la société AXA, ès qualités d’assureur de la société VIRICEL, sollicite le rejet des demandes formées contre elle, subsidiairement la déduction de sa franchise de 1850€, la garantie in solidum des sociétés MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, MAF, ITINERAIRES BOIS, ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MJ ALPES, AFC et GENERALI et leur condamnation, in solidum avec la société VIRICEL et Madame [M], à la somme de 2000€ au titre de l’article 700 précité;
En l’absence de conclusions d’incident de la société AFC ;
En l’absence de constitution des sociétés ITINERAIRES BOIS et MAE ETANCHEITE ;
Les parties ayant été entendues lors de l’audience du 27 mai 2024,
Vu l’article 789 du code de procédure civile,
Le rapport d’expertise de Monsieur [W] en date du 28 mars 2022 a relevé, sous l’effet de la pénétration d’eau de pluie, le pourrissement des panneaux de façade et de la structure d’une maison à ossature bois dont la construction avait donné lieu à réception le 11 mai 2011. Il incrimine la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, défaillante dans la conception (absence de rejet d’eau à la jonction de l’enduit de façade avec les habillages de tableaux, réalisation des espaces verts sans distance suffisante), la définition des prestations et leur suivi, et la société VIRICEL, qui a mis en œuvre à l’envers un profilé en L à la base des panneaux.
L’expert a noté également un pourrissement des encadrements de menuiseries extérieures et un décollement de l’enduit, imputables à un manque d’étanchéité de ces éléments. Il met en cause la société AFC, qui a réalisé une pose défectueuse des bavettes en aluminium, non relevées aux extrémités, ainsi que le maître d’œuvre pour la conception (absence de bavette au dessus des menuiseries extérieures) et la société DECOR FACADES qui a posé les bardages et les encadrements de menuiserie extérieure sans système d’étanchéité.
Il note enfin un pourrissement des lambourdes de la terrasse de l’étage, sans infiltrations constatées néanmoins. Il met en cause la société ITINERAIRES BOIS, qui a fourni des lambourdes dont le bois n’a pas été correctement traité. Il relève d’autres anomalies de l’étanchéité de la terrasse qui faisait partie du marché de la société MAE sans retenir pour autant de lien avec le désordre.
L’expert conclut pour les trois désordres à l’atteinte à la solidité de l’ouvrage. Il a chiffré le coût de remise en état de la structure bois à 73.258€ HT et le coût de reprise des bavettes, du cadre de bois et de l’enduit à 14.219,71€ HT, la durée des travaux à deux mois, occasionnant un préjudice de jouissance, mais pas de nécessité d’un relogement.
Sur le fondement de la garantie décennale, Madame [M] demande réparation globale aux constructeurs suivants : le maître d’œuvre ITINERAIRES D’ARCHITECTURE et son assureur MAF, la société VIRICEL chargée de la mise en place de l’ossature bois et des panneaux et ses assureurs MMA IARD et AXA, la société ITINERAIRES BOIS, fabricant des différents éléments, la société AFC chargée des menuiseries extérieures et son assureur GENERALI, mais non QBE, l’assureur MMA du façadier DECOR FACADES, mais non AXA, et pas l’entreprise d’étanchéité MAE ni son assureur AXA. Elle réclame les sommes correspondant aux devis actualisés aux 25 et 12 mai 2023 respectivement à hauteur de 83.837 € HT et de 16.634,46 € HT. Elle justifie son relogement par le fait qu’elle exerce son activité d’agent immobilier à domicile et le montant demandé par les offres de location de meublés transmis à l’expert avec une moyenne de 3891 € par mois. Elle justifie le préjudice moral par le décalage entre l’idée précise qu’elle avait de sa maison et le résultat obtenu et le préjudice de jouissance par les malfaçons apparues dès octobre 2011 et encore d’actualité. Elle estime que la clause de non-garantie figurant au contrat d’architecte ne concerne pas la garantie décennale.
La société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE souhaite que soit limitée la somme allouée à Madame [M] au titre des travaux de reprise à la somme déterminée par l’expert. Elle qualifie de non justifiées les demandes d’indemnisation du préjudice immatériel, le préjudice de jouissance dont elle est redevable pour sa part n’étant constitué qu’à compter de son assignation en référé et jusqu’au dépôt du rapport d’expertise. Elle estime infondées les demandes dirigées contre elle devant le juge de la mise en état, tenu à une simple obligation de moyen dont l’appréciation du manquement relève du fond. Elle rappelle que l’expert ne l’a pas mise en cause pour le pourrissement des lambourdes de l’étage. Elle défend que les plans du permis de construire ne sont pas des plans d’exécution qui étaient du ressort de la société VIRICEL, seule responsable du pourrissement des panneaux de façade, que le pourrissement des menuiseries est dû à des fautes d’exécution difficilement détectables par l’architecte, à la charge des sociétés DECOR FACADES, MAE ETANCHEITE et AFC. Elle invoque la clause d’exclusion de solidarité de son contrat comme un motif de limitation de toute condamnation au prorata de sa faute et de sa quote-part finale de responsabilité pour chacun des désordres.
La société MAF voit une contestation sérieuse relativement à l’investissement de la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE dans la maîtrise d’œuvre en raison de l’intervention de Monsieur [I] dans cette tâche. Elle oppose une position de non-garantie pour défaut d’extension sollicitée par son assurée en raison de la violation de l’exigence déontologique d’indépendance et de l’aggravation du risque encouru, la société ayant, par l’intermédiaire de Monsieur [I], gérant de HABITAT BOIS CONCEPT, participé à la réalisation des travaux et la société ITINERAIRES BOIS étant gérée par deux anciens gérants d’ITINERAIRES D’ARCHITECTURE. Elle se range au montant de la reprise tel qu’il a été évalué par l’expert et à ses conclusions d’absence de nécessité de relogement.
La société VIRICEL fait valoir que le défaut de montage localisé d’un profilé en L qui lui est reproché ne saurait être la cause principale du pourrissement des panneaux de façade et de la structure de bois et qu’elle est étrangère au pourrissement des lambourdes de la terrasse de l’étage et des encadrement de menuiserie extérieure et au décollement de l’enduit. Elle considère comme non justifié le supplément demandé par rapport au chiffrage par l’expert, non établie l’obligation de relogement pour raison professionnelle et infondés les préjudices de nature morale et de jouissance. Elle désigne MMA comme son assureur décennal pour le chantier et AXA comme son assureur en responsabilité civile en base réclamation, à compter de la date du 2 février 2021 antérieure à l’assignation au fond, pour les dommages immatériels.
La société AXA estime que c’est la société MMA IARD qui était l’assureur décennal de la société VIRICEL le 1er juillet 2010, date de la déclaration d’ouverture de chantier. Elle estime l’indemnité de relogement démesurée et les préjudices de nature morale et de jouissance non justifiés. Elle considère que l’expert n’impute aucun désordre à la société MAE ETANCHEITE. L’absence de profilé goutte d’eau imputée à la société DECOR FACADES, qu’elle n’assure qu’au titre de la garantie obligatoire et non au titre des préjudices immatériels pris en charge en base réclamation par ses successeurs, les compagnies MMA, ne constitue pas un désordre dès lors que cet équipement n’a pas été prescrit au moment des travaux. Le pourrissement des panneaux de façade n’est imputable qu’aux sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE et VIRICEL comme l’a indiqué l’expert. Elle indique enfin que le pourrissement des encadrements de menuiseries extérieures ressortit principalement à la responsabilité de la société AFC comme l’a relevé l’expert.
La société GENERALI IARD fait valoir qu’elle ne peut assurer sa couverture comme assureur de la société AFC dès lors que la police a été souscrite après la déclaration d’ouverture de chantier, époque à laquelle cette dernière était assurée par la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED aux droits de laquelle vient la société QBE EUROPE SA/NV, et qu’elle a été résiliée avant la réclamation, à la date de laquelle elle était désormais assurée par les sociétés MMA.
La société QBE juge que son assurée la société AFC n’est pas du tout concernée par le principal désordre qu’est le pourrissement des panneaux de façade et de la structure bois fournis par la société ITINERAIRES BOIS, dû à l’absence de rejet d’eau à la jonction de l’enduit et des plaques d’habillage, imputable à la société DECO PIERRE, à la mise en œuvre à l’envers d’un profilé en L à la base des panneaux, imputable à la société VIRICEL, et à la réalisation des espaces verts sans respect de la distance de 20 cm entre le terrain et la base des panneaux, imputable à la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE. Quant au pourrissement des menuiseries extérieures, il a pour cause des bavettes d’appui sur les pièces d’appui sans relevé aux extrémités, imputable à la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, et la mauvaise étanchéité de la jonction de l’enduit de façade avec les habillages de tableaux, imputable à la société DECOR FACADES, la faute de la société AFC, à laquelle il est simplement reproché une absence de bavettes sur les pièces d’appui, restant à déterminer dès lors qu’elle a réalisé des prestations de menuiserie aluminium conformément à son marché. S’agissant des dommages immatériels, la société QBE désigne la société GENERALI IARD comme étant l’assureur en base réclamation de la société AFC pour avoir notamment géré l’instruction du dossier en phase amiable. Subsidiairement elle invoque sa franchise de 1000€.
Les sociétés MMA IARD et MMAS IARD ASSURANCES MUTUELLES estiment que le caractère décennal du désordre n’est pas démontré par la demanderesse, que la société ITINERAIRES BOIS était fabricant vendeur de « kit bois » sans exigence spécifique et que sa responsabilité ne saurait être retenue comme constructeur, qu’il importe alors peu dans ses conditions que son gérant soit également gérant d’ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, que le sinistre provient avant tout de l’absence de bavette métallique qui ne lui est pas imputable, que le contrat d’assurance exclut les dommages subis par les biens fournis par l’assuré dans le cadre d’un même marché, qu’elles ne couvrent que la garantie décennale de la société VIRICEL, qu’elles n’étaient pas l’assureur des sociétés DECOR FACADES et AFC à la date de la déclaration d’ouverture de chantier, que la reprise de la structure bois ne saurait dépasser le montant arrêté par l’expert et qu’elles ne sauraient supporter la reprise de l’enduit, que la nécessité d’un relogement n’est pas démontrée, que l’expert a retenu les solutions préconisées durant la phase amiable qui n’a pu aboutir qu’en raison du choix de Madame [M] pour la voie judiciaire, que ne sauraient jouer des conditions particulières du contrat non signées et datées de 2009, que les préjudices de nature morale et de jouissance ne répondent pas à la définition contractuelle du préjudice immatériel.
Sur ce :
Madame [M] ne peut demander de provision à la société ITINERAIRES BOIS à laquelle elle n’a pas signifié ses conclusions d’incident. Son assureur les MMA conteste sur le plan décennal la responsabilité de cette société qui a fabriqué les lambourdes insuffisamment traitées. En présence d’une contestation, sérieuse, la reprise de celles-ci ne sera pas accordée à titre de provision.
Le pourrissement des éléments en bois de la façade et de la structure d’une maison à ossature bois sous l’effet progressif des intempéries constitue une atteinte à la solidité de l’ensemble de la maison et relève donc de la responsabilité décennale des constructeurs ayant participé à leur construction. C’est le cas de la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE qui a fait la conception, la définition des prestations et le suivi, ainsi que de la société VIRICEL qui a mis en place ces éléments.
Les compagnies MMA ne contestent pas leur couverture de la société VIRICEL. Il a été jugé par ordonnance du juge de la mise en état en date du 24 janvier 2022 que Monsieur [I] et la société HABITAT BOIS CONCEPT étaient intervenus au nom et pour le compte de la société ITINERAIRES D’ARCHITECTURE. Par ailleurs il n’est pas établi que les dirigeants de la société ITINERAIRES BOIS, chargé de la fourniture des kits en bois, aient conservé des intérêts dans la société précédente pendant la phase de conception ou de réalisation du projet. Il s’en infère que la garantie de la MAF, assureur du maître d’oeuvre, n’est pas sérieusement contestable.
Le coût de « reprise de la structure » chiffré par l’expert à la somme de 73.258€ HT sur la base d’un devis de l’entreprise GONCALVES dans le rapport du 28 mars 2022, avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction, apparaît correspondre à la reprise de ce désordre. Ne peut être retenu en l’état le devis de la même entreprise en date du 17 février 2022 fourni par la demanderesse pour un montant de 80.142€ HT qui inclut des prestations de lambourdes qui apparaissent étrangères au désordre. Il en est de même du devis du 25 mai 2023, censé constituer une actualisation, qui énumère trois postes déjà chiffrés à l’identique dans le devis précédent. La somme de 73.258€ sera donc mise à la charge in solidum des sociétés précédentes, la clause d’exclusion de solidarité du contrat d’architecture ne jouant pas en matière décennale.
La répartition des responsabilités au prorata de leurs fautes entre les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE et la MAF, d’une part, et les sociétés VIRICEL et MMA, d’autre part, relève du fond si bien qu’il ne sera pas fait droit à leurs demandes de recours mutuelles. En revanche, la société VIRICEL est fondée à exercer son recours contre les MMA, sous réserve de la franchise.
Le pourrissement des encadrements de menuiseries extérieures et le décollement de l’enduit sous l’effet progressif des intempéries apparaissent comme rendant la maison impropre à destination dans la mesure où ils nuisent à sa clôture vis-à -vis du froid et de l’humidité. Ils relèvent donc de la responsabilité décennale des constructeurs ayant participé à leur construction. C’est le cas des sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE au titre de la conception et des sociétés AFC, en charge de la bavette de protection des menuiseries, et DECOR FACADES, en charge de l’encadrement, au titre de l’exécution. Le rôle de la société MAE ETANCHEITE, qui n’est pas précisément défini par l’expert, ne sera pas retenu.
La MAF, seul assureur en garantie décennale dont la responsabilité est recherchée par Madame [M] dans le dispositif de ses conclusions, ne conteste pas sa garantie. La société DECOR FACADES n’est pas partie à la procédure. Seules seront donc redevables vis-à -vis de Madame [M] les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF et AFC.
Le coût de la « reprise de l’enduit », chiffré par l’expert au montant de 13.262,99€ HT sur la base d’un devis sans date de l’entreprise BEP sera retenu, avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction, comme correspondant directement à la reprise du désordre. Le fait que ces travaux soient également nécessaires à la totale reprise du désordre précédent d’éléments en bois de façade et de structure est compensé par la prise en compte des encadrements en bois des menuiseries extérieures dans le devis de la société GONCALVES qui est partiellement relatif aux bavettes. Les devis de l’entreprise BEP en date des 17 février 2022 et 12 mai 2023, établis globalement à hauteur de 15.260,96€ et 16.634,46€ HT, comprennent une rubrique « décaissé de sol » qui n’apparaît pas en rapport avec le désordre, ce qui empêche de les retenir en l’état.
La répartition des fautes à retenir est discutée par les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, AXA, assureur décennal de la société DECOR FACADES, et QBE, assureur décennal de la société AFC, de telle sorte que les recours entre co-obligés font l’objet de contestations sérieuses et ne pourront prospérer au stade de la mise en état.
Le préjudice de relogement susceptible de résulter des travaux de reprise de la structure, voire de reprise des encadrements de menuiseries extérieures, n’est pas retenu par l’expert qui estime ainsi que les travaux qui ne concernent que l’extérieur de la maison n’auront pas d’incidence sur la vie à l’intérieur. Il est rejeté par l’ensemble des défendeurs. L’exercice par Madame [M] d’une activité à domicile implique éventuellement un transfert temporaire d’activité, mais pas un relogement. La demande de provision sera rejetée à ce titre.
Le préjudice moral généré par la procédure n’est pas spécifié et sera rejeté.
Un préjudice de jouissance est retenu par l’expert pour la gêne et les nuisances occasionnés par les travaux. La demande porte également sur le préjudice de jouissance subi depuis l’apparition des désordres. Le préjudice de jouissance n’étant susceptible d’être complètement apprécié qu’à l’issue des travaux à venir, la demande de provision sera rejetée de ce chef.
Les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF, VIRICEL, MMA, AFC qui succombent seront condamnées in solidum à payer à Madame [M] la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les sociétés MMA seront condamnées à garantir la société VIRICEL du paiement de cette somme. Les autres demandes du même chef seront rejetées.
Les dépens générés par l'incident suivront le sort de ce qui sera statué en la matière par jugement sur le fond.
PAR CES MOTIFS
Nous, Marc-Emmanuel GOUNOT, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire prononcée en premier ressort,
CONDAMNONS in solidum les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF, VIRICEL, MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à Madame [H] [M] la provision de 73.258€ HT avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du 28 mars 2022 pour la reprise de la structure bois,
CONDAMNONS les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à garantir la société VIRICEL du paiement de cette somme sous réserve de la franchise applicable,
CONDAMNONS les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF et AFC à payer à Madame [H] [M] la provision de 13.262,99€ HT, avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du 28 mars 2022, pour la reprise de l’enduit extérieur,
CONDAMNONS in solidum les sociétés ITINERAIRES D’ARCHITECTURE, MAF, VIRICEL, MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et AFC à payer à Madame [M] la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETONS toute autre demande,
DISONS que les dépens générés par l'incident suivront le sort de ce qui sera statué en la matière par jugement sur le fond
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 16 décembre 2024 pour nouvelles conclusions au fond de Madame [M] notifiées au plus tard le 11 décembre 2024 ;
DISONS que tous les messages et conclusions notifiés par RPVA devront l’être au plus tard le 11 décembre 2024 à minuit et ce à peine de rejet.
Le greffier le Juge de la mise en état
A. BIZOT M. - E. GOUNOT